Interview dans SUD-OUEST

Publié le 22 Octobre 2014

Ce n'est pas tout-à-fait dans le journal SUD-OUEST.... mais publié dans le blog du journaliste musical du journal Stéphane Jonathan (mais l'article parle de jeudi: publication de journal à attendre donc demain?). On y apprend que Murat a travaillé avec Pie les chansons, puis avec le bassiste, avant la session studio, et que deux titres ont été enregistrés en "une fois"... dont "dans la direction du Crest".

A lire en suivant le lien:

http://musique.blogs.sudouest.fr/archive/2014/10/17/jl-murat-je-deteste-la-chanson-realiste-1027959.html

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"je déteste la chanson réaliste"

Dix-huit mois après l'excellent "Toboggan", à l'occasion duquel il avait donné une interview étonnante ("Le Rock ne sert qu'à enculer le peuple en musique !", à retrouver en suivant ce lien), revoici Jean-Louis Murat avec un double album de 20 chansons: "Babel", enregistré avec The Delano Orchestra, est un sommet. Sidérant: toujours très classe et élégant, jamais chiant, toujours aventurier et jamais paresseux. C'est un rock doux, un panorama des grands espaces.

Jeudi, nouveau rendez-vous avec l'Auvergnat, en grande forme. Interview.

Je sais que vous avez rencontré le Delano Orchestra lors d’un concert spécial pour France-Inter, mais j’aimerais que vous me parliez de la méthode de travail que vous avez employée pour l’enregistrement de « Babel ».


Et bien, dans un premier temps, j’ai travaillé avec le batteur, chez moi pour mettre en place les tempo, les structures… Un jour ou deux, puis idem avec le bassiste pour jouer les morceaux en trio. J’étais à la guitare acoustique. Une fois que j’avais la certitude que les chansons fonctionnaient comme ça, je savais que je pouvais aller en studio. Donc on a pu enregistrer cette base rapidement, puisqu’on l’avait déjà travaillée. Et progressivement, guitare, trompette et violoncelle se sont ajoutés et ont trouvé leur place.
Les choses avançaient très vite. On mettait environ 4 heures par chanson, et c’est ainsi qu’on a pu en enregistrer deux par jour. C’est un processus assez simple, très naturel et finalement assez commun. En tout cas, dans mon idée, c’est comme ça qu’il faut travailler.

Quand on s’était parlé pour « Toboggan », vous m’aviez dit ne jamais faire de maquettes. Ca a été le cas encore cette fois-ci ?

Oui tout à fait.

Le disque sonne très live...


Ca a été joué un peu comme ça. Certains titres ont été joué entièrement en direct, comme en concert. « Partir dans la direction » / « Plus rien n’a changé », on ne l’a joué qu’une seule fois.

Entrer directement en studio, ça demande que vous sachiez exactement ce que vous voulez entendre. Vous aviez déjà en tête toutes les couleurs et tous les arrangements ?
En tout cas, j’ai toujours une idée très précise de ce que je ne veux pas. Il faut être capable de dire « non » très vite. Je sais au bout d’une mesure si ce qui sort va me convenir ou pas. Et là, on arrête. Dès que sort quelque chose que j’ai l’impression d’avoir déjà entendu, ou que je ne trouve pas assez senti par les musiciens, trop cliché, trop flemmard ou trop commun ou désincarné. Il faut que les musiciens amènent la chanson dans un endroit où elle peut profiter.

Travailler comme ça, ça vous oblige à trouver une façon de parler le même langage.


C’est un langage sans paroles, pas de bla-bla. En studio, on est pas là pour discuter ou théoriser. Si ça ne me plait pas, je secoue un peu les musiciens. « Qu’est-ce qui se passe ? Tu te fais pas chier ? Tu veux boire un coup ou quoi ? ». Je les secoue à ma façon pour les amener à être complètement dans ce qu’ils font. Ca, je l’ai appris beaucoup en travaillant avec les Anglais ou les Américains. Il faut tout oublier pendant quelques minutes et être totalement dans la chanson. Je l’ai pratiquement tellement de fois avec des grands pros, qu’à Clermont, je n’étais pas gêné.

Parler le même langage, cela rejoint l’idée des bâtisseurs de la tour de Babel, qui parlaient tous la même langue avant d’être éparpillés sur la surface de la terre


… et que chacun se mette à baragouiner dans son coin ! (Rires) Oui, la structure de la musique, c’est un langage, qui s’exprime de façons différentes. Et celui qui doit mettre de l’ordre là dedans, c’est le chanteur, je suppose. Derrière l’idée de « Babel », Il y a cette idée d’un langage commun qui serait en l’occurrence la musique de Murat. C’est moi qui pose le genre et tout le monde se met au diapason de ce que je fais. C’est un triomphe contre la désunion. Mélanger les choses différemment. Au moins deux membres du Delano Orchestra viennent du conservatoire et jouer plusieurs instruments, plus quelques autodidactes. Mais c’était bien d’amener tout le monde à parler la même langue, « le murat ».

Plus que jamais, ces chansons sont ancrées dans une géographie très intime. Vous citez de nombreux noms de lieux, des endroits que moi par exemple, je ne connais pas du tout. Et pourtant, ces chansons ont un côté universel…


Ah, ça me fait très plaisir d’entendre ça. Vraiment. Ce qui est intéressant dans l’expression artistique, c’est justement que le local devient universel. Chez Faulkner, ça se passe dans un canton ; chez Rabelais, dans une commune… Que l’aventure personnelle devienne universelle, c’est la fonction numéro 1 de l’expression artistique. Si j’y suis arrivé un tant soit peu, ça ne peut que me faire plaisir de l’entendre.
Ca parle des gens, autant que d’un pays. Leur quotidien, avec leur côté moche, leur beauté aussi. Comme partout sur terre, il y a des gens biens et des connards, c’est un mélange subtil. Et parfois les gens biens sont de vrais connards pendant une heure… et vice-versa.

Vous chantez des histoires, mais aussi des images, des émotions un peu brutes. Comme dans le blues, en fait.


Oh ben c’est ma fête aujourd’hui ! (rires). Merci, merci beaucoup. C’est un peu ce que je cherche quand j’écris des chansons. Parler de la vie, sans faire de la chanson naturaliste ou réaliste. Il faut quand même garder tout ça à une certaine distance et faire des incursions dans le réel.
Je déteste la chanson réaliste. J’aime le réalisme s’il a une dimension poétique, comme chez Prévert. La chanson réaliste est apoétique, elle passe à côté de tout. Je trouve que les sociologues font mieux le travail aujourd'hui. A l’époque de la chanson réaliste triomphante, n’existaient pas les journalistes de faits-divers ni les sociologues du quotidien. Aujourd’hui, tout le monde a pris possession du réel pour en faire ce qu’il veut. La télévision, la radio, les comiques, le cinéma… La chanson réaliste fonctionnait quand rien de tout ça n’existait.
Maintenant la chanson réaliste est dépossédée de l’essentiel, et il ne reste même plus la dimension poétique qu’elle pouvait avoir dans les films de Marcel Carné par exemple.

Est-ce que c’était un disque difficile à écrire ?


Non, au contraire. Très facile. Il suffisait de laisser filer. Sans doute parce que j’avais pris l’option du prosaïque, ça prend beaucoup moins de temps que le poétique, en terme d’écriture. C’est sorti facilement.

Qu’avez-vous appris sur vous-même en faisant ce disque ?


Je crois que j’ai appris que j’avais vieilli. Dans le bon sens de la chose. Déjà, les Delano pourraient tous être mes fils. Et je me suis rendu compte que si le langage plus prosaïque et moins poétique me faisait un peu peur, j’ai pris assez d’assurance et je connais suffisamment l’animal Murat pour basculer dans un langage prosaïque. Il me semblait jusque là que le poétique était une écriture obligée pour moi. Je me suis rendu compte que non. Ce doit être un bénéfice de l’âge. L’effet principal et bénéfique. En terme d’état civil, je fais bien mon âge, mais en terme de vivacité… Souvent, les Delano, je les trouvais plus vieux que moi ! Je me suis arrangé pour que ce ne soit pas trop le stress. (rires). J’avais pris l’habitude de les appeler « les vieux ».

Est-ce le disque qui vous rapproche le plus de Bergheaud et vous éloigne un peu Murat ?


Oui, beaucoup plus. Je raconte des trucs précis de mon enfance. Je n’avais jamais fait un truc pareil. Je ne dirai pas lesquels, ils sont disséminés dans le disque ; c’est à vous de les retrouver. J’ai lâché quelques situations ou événements qui ont un rapport direct.

Marciac, ce sera la dernière date avec le Delano Orchestra, c’est ça ?


Oui. On va jouer chez le frère d’Alex, le leader du Delano. Mais c’est le dernier concert.

Vous allez donc devoir tout réarranger pour la tournée prochaine ? Avec qui allez vous jouer ?


Je ne sais pas avec ni comment. Je me donne novembre et décembre pour réfléchir à ça. Mais je pense que ce sera soit tout seul soit en duo. Je n’ai pas envie de toute une équipe. La vie communautaire, ça va 5 minutes, hein ? [rires]. Ce n’est pas mon truc, le tour-bus. J’en ai bien bouffé et là, j’en ai un peu marre...

Interview dans SUD-OUEST

Rédigé par Pierrot

Publié dans #Actu-promo sept 2012 à...

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