Interview LE MATIN (Suisse)
Publié le 20 Octobre 2014
On a parfois fustigé ici les titres racoleurs choisis par la presse... mais là... ça m'en bouche un coin... Mais ma foi, on peut s'assoir dessus (faut dire que ce n'est pas un scoop...). J'ai hésité à mettre le titre dans le mien, mais je résiste à l'envie, ce n'était pas un gros besoin, et ce n'est pas le fondement de ce blog d'aller dans le butt.. le buzz pardon. Le journaliste suisse lui avait de toute évidence envie de noircir son papier. Il le cherche... et la phrase n'a même pas été prononcée ainsi!.. Il paraitrait que le sapin de Noël de la place Vendôme aurait dit la même chose.
Merci Pierre Louis pour le lien
http://www.lematin.ch/culture/musique/J-adore-jouer-au-trou-du-cul/story/24832205
«J'adore jouer au trou du cul»
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Avec «Babel», l’Auvergnat sort sans façons le plus bel album de l’année, bichonné avec ses copains de The Delano Orchestra. On en a profité pour tenir le crachoir de ce vrai gentil à grande gueule.
60 ans, l’Auvergnat aux yeux et à la prose transparent s est de retour avec «Babel», son 15e album studio. Un double disque exigeant, mystérieux, lumineux et profondément terrien à la fois. Enregistré à Clermont-Ferrand avec l’excellente fanfare folk The Delano Orchestra. Murat cause comme il compose: sans s’encombrer de limites. Coup de fil franc.
Un double album alors que le disque va mal, c’est de la provocation, non?
C’est vrai que les maisons de disques nous poussent aujourd’hui à faire des disques d’une demi-heure. Moi, je balance une heure et quarante minutes… (Silence.) Quand j’ai demandé, à la fin de l’enregistrement, combien durait la plaisanterie, j’étais surpris.
Personne ne vous a demandé de raccourcir cette «plaisanterie»?
Personne ne m’impose jamais rien.
Qu’est-ce qui vous a plu chez le Delano Orchestra?
Humainement, déjà. Nous sommes Auvergnats, j’ai des amis dans le groupe. Clermont-Ferrand est une petite ville… Tout était réuni pour qu’on bosse un jour ensemble. Avant que la musique décolle, il faut que l’être humain soit d’accord d’accueillir un autre être humain dans un studio.
Ils ont quand même avoué avoir été impressionnés…
(Rire.) Ah, bon?
C’est la preuve que vous êtes un vieux sage de la chanson!
Non! Avec eux, j’ai d’ailleurs rapidement inversé la situation puisque dès le début, c’est moi qui les appelais les vieux.
Pour quelle raison?
Je me sentais beaucoup moins vieux! Je devais les secouer continuellement. C’est fou, les jeunes ont beaucoup plus d’a priori que moi. Souvent, dans le milieu de la musique indépendante, les musiciens ont des jugements bien arrêtés. Ça n’ose pas autant de folie qu’on pourrait le croire.
Jeune, vous étiez pire, avouez…
Peut-être. Mais, avec l’âge, on comprend que les a priori font perdre un temps considérable.
Vous n’avez tellement pas d’a priori que vous collaborez avec des Français qui chantent en anglais. Vous détestez ça.
Oui, c’est pour eux que je dis ça. J’ai des copains américains qui me demandent toujours pourquoi les Français continuent à se ridiculiser dans un anglais qui fait sous-québécois.
Le français est donc un gage de qualité musicale?
Pour un francophone, l’anglais n’a pas beaucoup de sens. Il y a un côté fainéant. L’anglais, ça n’est que du français mal prononcé! On change de sujet?
A vos ordres! Comment sont nées ces chansons?
J’ai fait au plus simple. Trois accords. Facile à accompagner, facile à jouer.
Etrange… Vous aviez peur que le groupe n’assure pas?
Ah, ah, non, j’avais peur qu’on perde trop de temps. Et comme je suis impatient, perdre du temps, c’est assez désagréable.Travailler avec d’autres, je vois ça comme un voyage. J’en ramène une façon différente d’envisager ce que je fais. J’aime bien déléguer des fois.
Plus on vieillit, mieux on apprend à déléguer?
(Il réfléchit longuement.) C’est ce qu’on appelle l’expérience, mon garçon. Depuis toujours, même quand je suis à Nashville je fais en sorte qu’on me fabrique du Murat.
Et c’est quoi «du Murat»?
Du Murat, c’est ce qui me plaît. Un peu con, hein? Du Murat, c’est un certain stade de maturation qui me fait dire «tiens, c’est bon, j’ai fini». Une suite de décisions, quelques centaines, qui donne au final un disque de Murat.
Dans «Babel», la mort rôde.
L’année dernière, j’ai vécu des disparitions, la souffrance, les couloirs d’hôpital, le chagrin des proches, l’incompréhension des enfants. Je suis grand-père. La mort devient quelque chose de normal. Petit à petit, on apprivoise l’idée autrefois saugrenue de sa propre disparition.
Vous en causez avec vos fans?
Bien sûr! Je passe deux heures avec eux après chaque concert. J’ai de la chance, ils sont assez francs. Je déteste quand ils sont transis d’admiration. Des rapports rudes, humains. Ils me racontent leur tracas, leur divorce.
Aujourd’hui, on écoute de la musique pour les mêmes raisons qu’il y a trente ans?
Bien sûr que non! Aujourd’hui, ça me fait chier d’en écouter. Trop de chanteurs, trop de chansons, trop de disques. C’est Dylan qui dit ça. Une surabondance où la qualité se dilue. (Il soupire, agacé.)
Mais vous pensez toujours qu’il n’y a pas de relève en chanson?
En France, zéro! A chaque fois que j’écoute un truc, j’entends la référence et ça me gonfle.
Et, bien sûr, la musique de Murat n’a aucune référence?
Vous êtes un rigolo vous! Je vais vous dire: je ne sais même pas ce que je fais. (Il botte un peu en touche.) Je suis juste un petit mec du centre de la France qui témoigne combien il est difficile de chanter en français. Je passe entre les gouttes, comme un connard d’Américain à guitare.
C’est quand on touche à un sujet sensible que vous dégainez votre grande gueule.
C’est sûrement un défaut de personnalité, aussi. Je n’aime pas être saisissable. Donc, je me débrouille pour être insupportable, au besoin. Les gens ne se savent pas trop à qui ils ont à faire, ça me plaît beaucoup. On n’est jamais que méchant, que gentil.
La franchise, c’est provoc?
Hélas, oui. Le franc-parler est devenu répréhensible. L’insulte, l’exagération, dans un monde aussi pourri, est le seul espace de liberté. C’est une mission de jouer au gougnafier et j’aime me comporter comme un trou du cul. Les artistes sont payés à rien foutre, ils peuvent au moins se permettre le luxe d’être vulgaire. Putain! (Rire.)
Faire des gamins quand son premier 45 tours s’appelle «Suicidez-vous, le peuple est mort»…
Je garde mes coups de gueule pour mes chansons. Je me lève aux aurores pour m’occuper d’eux, en leur donnant le meilleur de ce que j’ai appris parce que mes idées négatives, ils n’en ont rien à foutre. (Silence.) J’aime être père.
(Le Matin)