Interview télérama

Publié le 6 Octobre 2014

Interview intéressante... où certaines du premier rang se reconnaitront, on repérera peut-être Calogero également (à confirmer)....

A lire sur la page:

http://www.telerama.fr/musique/jean-louis-murat-je-ne-suis-pas-un-chevalier-blanc-je-vois-juste-la-pourriture-du-systeme,117546.php

Jean-Louis Murat : “Je ne suis pas un chevalier blanc, je vois juste la pourriture du système” Musiques |

A l'occasion de la sortie de “Babel”, le chanteur revient entre autres sur ses relations avec les médias, sur l'évolution du métier de chanteur et sur le rôle de la chanson. Le 01/10/2014 à 17h56- Mis à jour le 06/10/2014 à 12h32 Propos recueillis par Valérie Lehoux

Comme tous les ans ou presque, Jean-Louis Murat sort un nouveau disque. Le cru 2014 est exceptionnel : Babel, double album de vingt titres, est la plus belle production française de cette rentrée. Il l'a écrit, composé, arrangé lui-même, et y a convié le Delano Orchestra, groupe originaire d'Auvergne – comme lui –, aux cuivres et aux cordes chaleureux. Quelques jours avant la sortie de Babel (le 13 octobre, chez Pias), nous avons rencontré le chanteur lors de l'un de ses passages à Paris. Murat, à la réputation de taciturne infréquentable, auteur récidiviste de déclarations provocatrices, revient longuement sur sa vision du métier, et des médias. Nous voici face à face pour une interview.

Vous n'aimez pas trop ça…

Non. Parler de soi, faire la vedette, donner son avis, dire « j'ai pensé qu'il fallait faire ceci ou cela »… C'est dégoûtant. Ça m'intoxique. Il devrait être suffisant de chanter, sans bla-bla autour. Les cuisiniers ne prononcent pas de discours avant que les gens se mettent à table. La promo, c'est la mise en avant, le paraître. Il faut « paraître » chanteur… Vivement que ça s'arrête : plus de disques, plus de journaux, plus de promo. On serait débarrassés ! De toute façon, le système craque de tous les côtés, il va se recomposer et nous devrons travailler différemment. En attendant, nous nous trimbalons les oripeaux d'un vieux monde. En tout cas, si je reste un artiste marginal, c'est parce que je n'ai jamais pu digérer physiquement le phénomène promotionnel.

Il vous rend malade ? Malade, oui. Cette nuit, je n'ai presque pas dormi. Ce n'est pas naturel de réfléchir sur soi et sur son travail. Ou alors, il faudrait se mettre sur rails, en pilote automatique, et je n'y arrive pas. Je fais des chansons d'incertitude, je ne suis sûr de rien. Si on essaye de coller sur moi un carcan de certitudes, ça ne tient pas, ça déborde dans tous les sens. Tout un fond un peu parano en moi ressort sous forme d'arrogance. Ça me pose même des problèmes relationnels. Je vois bien les dégâts que ça provoque.

Vous faites tout pour, en tenant régulièrement des propos provocateurs, misogynes, misanthropes, homophobes… Quand je suis face à un journaliste, je suis un peu comme un gamin qui n'est pas en confiance, et qui dit n'importe quoi. Je n'ai toujours pas réussi à contourner cet écueil-là. En ce sens, je ne suis pas pro pour deux ronds.

Paradoxalement, vous êtes devenu un très « bon client » pour les médias : le sale mec qui dit des horreurs… Peut-être. Je viens d'un milieu où on ne fait pas le malin ; or, faire de la promo, c'est faire le malin, presque au sens étymologique du terme. Laisser le malin prendre possession de soi. Moi, j'ai un côté auvergnat, paysan, taiseux. Je me sens à cheval entre ces deux mondes. Quand je donne des interviews, je me demande souvent : « Pourquoi fais-tu ce métier-là ? » Pourquoi, alors ? Parce que j'aime écrire des chansons, enregistrer des disques, monter sur scène, et que pour cela, j'ai signé un contrat dans lequel je m'engage à faire de la promo. C'est curieux… J'ai toujours bien aimé lire les interviews de Proust, même de Céline. Leurs réponses étaient réfléchies ; ils avaient les questions quinze jours à l'avance. Maintenant, vous, les journalistes, ne vous intéressez qu'au débraillé de la personnalité… Et dire que c'est le rock qui nous a en partie menés là, c'est dingue. Aujourd'hui, une sous-musique, qui nourrit la mondialisation, tue le meilleur de ce qu'étaient nos vies. Moi, je suis un sous-produit de la culture américaine : quand j'étais adolescent, à La Bourboule, le salut, c'était Dylan ; comme il existait, tout n'était pas fini, il y avait un avenir. Mais cet avenir est devenu un enfer, un bruit de fond qui accompagne une avalanche continue d'images ; toute cette merde qui nous entoure… On n'arrive plus à respirer. “La musique n'ouvre plus de perspective, tout comme le cinéma : le petit ressassement des drames bourgeois, on s'en fout.” Vous continuez pourtant à aimer la musique américaine… Et j'assume. En France, avant 1914, les plus gros cachets dans les cabarets allaient aux pétomanes. Puis sont arrivés des orchestres de la Nouvelle Orléans, qui nous ont montré qu'on pouvait faire autre chose. La musique américaine nous a sauvés. D'ailleurs Brassens ou Trenet en ont été fans, voilà pourquoi je n'ai jamais été gêné de l'aimer moi aussi ! Malheureusement, nous n'avons pas su inventer ensuite une musique européenne, ni même française. Autour de moi, j'entends trop de petits singes sous-doués, qui chantonnent dans un anglais de cuisine qui fait rigoler la Terre entière…

Vous avez tendance à noircir le tableau, non ? C'est un constat d'échec de nous tous. La musique n'ouvre plus de perspective, tout comme le cinéma : le petit ressassement des drames bourgeois, on s'en fout. Il faut malgré tout macérer dans ce chaudron, faire comme si de rien n'était, et tenter d'accrocher le chaland… Pour ma part, je sais que je n'ai pas de nouveaux auditeurs à gagner. C'est cuit avec les nouvelles générations. Il me reste juste à essayer de convaincre quelques cinquantenaires amateurs de chanson française que chez ce pauvre Murat, il y a des trucs pas mal. Même s'il est insupportable et qu'il a une réputation de sale con.

Vous avez un public certes restreint, mais très fidèle… Pour quelques centaines de personnes, ce que je fais est en effet important. Mes disques les remettent en selle. C'est le versant positif de l'histoire. Les gens du premier rang, je les connais. Je les reconnais. Je sais leur histoire personnelle. Une dame me suit depuis vingt ans, elle a perdu une petite fille, je lui envoie des messages. C'est une amitié en chanson, où chacune fonctionne comme une sorte d'encouragement. Je rencontre aussi des gens qui me disent que je fais la B.O. de leur vie. Ou qui sont tombés amoureux sur une chanson… D'un seul coup, des choses se tricotent entre mon imaginaire chanté, et, souvent, leur déshérence.

N'est-ce pas cela, la grande vertu de la chanson par rapport à d'autres formes d'expression ? Bien sûr, et c'est à peu près la seule chose qui me tient. Vous dites que la chanson n'ouvre pas de perspective. Mais doit-elle à tout prix le faire, ou juste consoler de vivre, ce qui est énorme ? Je suis d'accord avec vous, elle peut consoler, et c'est beaucoup. Mais si la seule fonction de la chanson est consolatrice, c'est que nous sommes dans une société malade. Dans l'absolu, le rôle de la chanson devrait être de créer ou d'accompagner des mouvements collectifs de confiance en soi. Comme nous sommes dans une société de défiance, il est devenu très difficile de chanter. Je me sens en divorce avec l'époque. C'est un peu bêbête mais je me demande si Hollande ne pense pas la même chose ! Dans une défiance généralisée, les personnalités fonctionnent à l'envers, créent de l'amertume. Peut-être que le dernier grand moment où on pouvait être chanteur en France, c'était pendant le Front Populaire. Ou à l'époque des yé-yé.

Parce qu'il y avait des espérances collectives ? Oui. C'est pour ça que les gens aiment tant les yé-yé et Johnny Hallyday. Quand Johnny est apparu, le PIB français progressait comme aujourd'hui celui des Chinois. La chanson, c'est lié aussi un peu à l'économie : quand on est complètement amorphe, c'est comme si on était aphone. D'ailleurs beaucoup de jeunes sont tellement aphones qu'ils se sentent obligés de changer de langue. La défiance est si colossale qu'ils ne chantent plus dans la langue de leur mère, qui a forgé leur cerveau et leurs pensées. C'est terrifiant.

Et quid des explications plus prosaïques : l'anglais sert de cache-misère pour dissimuler de mauvais textes en français, et c'est un outil pour qui rêve de carrière internationale… Mais ça n'existe pas, les Français qui font des carrières internationales ! A New York, les Daft Punk ne représentent pas grand-chose. Charles Trenet ou Yves Montand, au moins, représentaient quelque chose car ils incarnaient une France qui avait confiance en elle. Moi, j'essaye d'utiliser la langue comme si elle était encore intacte, et qu'on pouvait faire des choses avec. C'est aussi pour cela que je vis à la campagne : je n'ai pas de portable, pas d'ordinateur, je ne regarde pas la télé… Je ne suis à peu près au courant de rien ; sinon, je n'écrirais pas de chansons. Quand je me retrouve à Paris, entouré d'écrans et de presse, l'anachronisme de ce que je suis me saute à la gueule. Vous fustigez la défiance des autres, mais ce repli sur soi, on le sent aussi dans vos propos… Très juste, je n'y échappe pas. Je ne m'exonère d'aucun des défauts de l'époque. Je m'isole un peu géographiquement mais je suis aussi pourri que les autres. La seule chose, c'est que j'ai commencé avec Suicidez vous le peuple est mort (premier 45 tours, en 1981, NDLR), qui reste sans doute ce que j'ai fait de mieux. A l'époque, mes 30 ans approchaient, et je voyais déjà que ça n'allait pas le faire. C'était au tout début des années Mitterrand… Je sortais des groupes punk. Dope, overdose, j'étais pris là-dedans. J'étais déjà une sorte de rescapé. Les séjours à l'hosto, les trucs extrêmes, j'ai donné. Théoriquement, je n'aurais pas dû m'en sortir… Et je m'en suis sorti avec ce Suicidez-vous le peuple est mort, qui était une façon de dire : à quoi bon chanter, le public n'existe plus. Il n'y a plus d'oreilles pour toi. Trente ans après, c'est encore pire.

Vous parlez avec fougue de l'importance de la langue maternelle, et sur votre dernier disque, vous travaillez avec le Delano Orchestra, qui chante en anglais… Je n'arrête pas de les emmerder avec ça. Eux, comme les Cocoon and co, trouvent complètement tocard de chanter en français – à Clermont, je ne connais guère que Mustang qui le fasse. Et puis il y a tous ceux qui chantent en français… mais en déplaçant l'accent tonique, sous prétexte que ça sonne mieux. Dans les années 60, on a fait beaucoup de copies de chansons américaines, et on a trafiqué la langue. Moi, j'aime la poésie du XIXe siècle, qui a une puissance incroyable. Le reste du monde a longtemps été à genoux devant. Puis petit à petit, nous sommes devenus des colonisés. Les harkis des Américains en quelque sorte. Et on a décalé rythmiquement notre langue. Je n'ai pas fait d'études, je n'ai pas les outils pour l'analyser, mais je sens bien que c'est extrêmement grave, cette défiance de la langue maternelle… Qu'est-ce qui vous a poussé alors à travailler avec le Delano Orchestra ? France Inter, et plus précisément Didier Varrod, son directeur de la musique. En décembre 2013, ils fêtaient les 50 ans d'Inter et ils ont organisé un concert à Clermont-Ferrand. Didier m'a suggéré de jouer avec un groupe de la région puis il a essayé de nous aider à trouver d'autres dates. De mon côté, j'ai recommencé à écrire des chansons. En avril, nous sommes entrés en studio. Nous avons enregistré vingt titres. C'était simple. Une histoire heureuse. Que vous ont apporté les musiciens du Delano ? Leur savoir-faire et leur technique. Plusieurs d'entre eux savent lire et écrire la musique, ils ont fait le conservatoire. Moi qui ne défends que la musique non écrite, en grande partie improvisée, j'ai vu qu'ils parvenaient à maîtriser cela. Ils amènent aussi de la chaleur au disque… Sans doute, par la nature même des instruments, la trompette, le violoncelle. Et puis humainement, ça s'est vraiment bien passé. Vous vous êtes donc rencontrés aux 50 ans de France Inter. Vous avez joué le mois dernier aux 60 ans du Monde… C'est amusant, de la part de quelqu'un qui se sent si mal face aux médias ! J'avais aussi fait les 30 ans de Libération. Si j'y vais, c'est qu'on me le demande. Pias, ma maison de disques depuis Toboggan (2013), a été bien sympa de me recueillir. Tous les deux ans, je me retrouve sans contrat parce que je ne vends pas assez de disques… Mais la marginalité ne m'a jamais intéressé. J'ai toujours trouvé qu'elle était un échec. Je ne suis pas un pur esprit. Je ne veux pas être l'idéaliste de la chanson qui fait des cassettes autoproduites que tout le monde trouve géniales, et qui se vendent à quatre exemplaires. Non, je n'ai pas envie de vivre comme un con. Comment vivez-vous votre statut ? Je n'en ai pas. Bien sûr que si… Je chante dans des villes où des tocards remplissent le Zénith du coin, tandis que moi, j'ai beaucoup de mal à attirer 250 personnes.

Vous referiez, par exemple, un duo avec Mylène Farmer comme vous l'avez fait en 1991, pour mettre du beurre dans les épinards ? Non, ça me ferait honte. Je connais un chanteur qui cartonne en ce moment, et qui m'avait demandé un texte. Sauf qu'il a voulu changer un mot, et j'ai refusé. J'aurais pu aussi écrire pour Johnny et prendre la caillasse, mais je ne fais pas ma carrière en fonction de mon compte en banque… Il paraît que les choses vont mieux pour Miossec ou Dominique A depuis qu'ils écrivent pour de gros vendeurs. Je ne vois pas les choses ainsi. Pour moi, il y a même une certaine noblesse à faire les choses simplement. Je pars en tournée avec un seul musicien, je fais le chauffeur, je m'occupe d'un tas de trucs, je me sens très paysan dans ce sens-là. Mais si j'étais fidèle à ma logique, je ne devrais même pas en parler. Depuis les années 60, on associe souvent le chanteur à une vedette, qui gagne beaucoup d'argent, ce qui est très récent au regard de l'histoire des musiques populaires… Le chanteur n'a pas spécialement à être miséreux, la question n'est pas là ; mais il n'a pas à revendiquer un statut social particulier. Si demain ma bagnole tombe en panne et que je ne peux pas la réparer, ce ne sera pas la fin du monde. Bon, je ne veux pas non plus faire le supervertueux, je ne le suis pas. Je suis dans un entre-deux : je veux me sentir bien, en travaillant convenablement. D'ailleurs la chanson me permet quand même une sorte de vie de luxe : je passe des heures à lire, à peindre, à dessiner, à écrire, à faire de la musique…

Dans votre dernier disque, le thème de la mort, et même du meurtre, revient plusieurs fois. Cela vous intrigue, voire vous fascine ? Quand je vois des scènes de décapitation, je suis à la fois horrifié et fasciné. C'est un sujet de chanson. J'aime beaucoup les murder songs que peuvent faire des gens comme Nick Cave. Des chansons de meurtre. La guerre de 1870 est très présente chez Rimbaud… Alors oui, j'ai écrit quelques textes là-dessus. J'ai aussi esquissé des choses sur la maltraitance des enfants, ou sur l'Alzheimer de mon père (c'est intéressant, cette décomposition de la mémoire, qui fait écho à un pays qui semble lui aussi atteint par un Alzheimer). La chanson n'est pas seulement faite pour accompagner nos émois amoureux. Nous connaissons tous des gens capables de couper la tête à quelqu'un. Si nous étions dans une société vigoureuse, la chanson pourrait porter cela, au lieu de servir de bande-son à des publicités ! Car aujourd'hui, c'est devenu un but pour beaucoup : placer des chansons sur des pubs télé. C'est une façon de gagner de l'argent avec ce métier… Nous sommes devenus les esclaves de la consommation. Les petits groupes français fournissent, fournissent, fournissent des musiques pour la pub. Dans les années 60, Ford avait acheté Light my Fire aux Doors. Jim Morrison était à Paris. Quand il est rentré de Los Angeles, il a fait rendre le pognon et a interdit l'utilisation de la chanson. Je suis très admiratif de ça. Maintenant, même les Stones vendent Satisfaction pour faire la pub d'une bagnole ou d'un parfum ou d'une crème solaire. C'est la fin des haricots. Mais encore une fois, attention à ne pas se méprendre : je ne suis pas un chevalier blanc. Je vois juste – et vous aussi, j'en suis sûr –, la pourriture du système. On est bien obligé de le dire ! Après, on me traite d'emmerdeur… Mais c'est important de savoir où on se situe. Pour revenir à la discussion du début, je sais que je peux dire parfois n'importe quoi, mais pas quand ça touche à l'évolution du métier. Sur ces sujets-là, je suis même plutôt content d'être énervant.

Interview télérama

Rédigé par Pierrot

Publié dans #Actu-promo sept 2012 à...

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
L
Il y a une très bonne émission "La prochaine fois, je vous le chanterai" de Philippe Meyer tous les samedi midi sur France Inter. Une pensée aussi pour Jean-Louis Foulquier !!!
Répondre
L
Quelle rigolade, JLM est un vrai punk !!! "Punk un jour, punk toujours" me disait souvent un ami...
Répondre
P
merci Muse de ces éléments pour répondre à Murat sur un discours dont il a pourtant l'habitude.
Répondre
M
Hello Rhia, j'écoute encore ces chansons régulièrement. Et je suis capable d'en chanter à ma fille une bonne tripotée, y compris des chansons d'opérettes. Faut dire qu'entre ma mémé qui chantait énormément tout ça (elle avait même des partitions achetées aux chanteurs et chanteuses de rue et avait conservé celles achetées par sa maman) et le fait d'avoir fait partie toute mon adolescence d'une chorale de village avec un chef de choeur passionné des vieilles chansons, d'avoir monté avec lui des opérettes (l'auberge du cheval blanc, la route fleurie, Véronique, Phiphi, la fille de Mme Angot, Mamzelle Nitouche), ça aide! Et d'avoir un cousin qui a été auteur de chansons pour Berthe Sylva, Gabin et Fernandel , ça aide aussi. Si quand j'étais môme, je vivais cette culture musicale ancienne comme si c'était normal, je mesure depuis que je suis adulte, la chance que j'ai eue d'avoir cette ouverture culturelle, tellement ma génération (et les suivantes) ignore voire au mieux dédaigne complètement ce patrimoine musical pourtant populaire et beaucoup plus accessible que la musique classique. A la limite, la culture musicale classique est plus connue aujourd'hui que les vieilles chansons. C'est là que tu vois aussi que la culture quand les gens en ont un peu, repose essentiellement sur un certain snobisme.
M
Ce qu'il dit sur la société du repli est exact. Sauf qu'il ne s'agit pas de défiance, il s'agit de résignation passive face à l'aggravation économique, à la précarité. Les gens subissent sans se révolter. Et ça c'est grave. Il y a des alternatives et des perspectives, mais la majorité des citoyens est devenue tellement individualiste qu'il n'y a quasiment plus d'élan collectif pour travailler sur un projet commun.<br /> Les jeunes ne voient pas l'utilité de parler français ou de chanter français parce qu'ils considèrent que le franglais est leur vraie culture. La culture française, ils ne la connaissent pas parce qu'il n'y a plus de transmission dans les familles ni de lecture, ni grands auteurs, ni de compositeurs. La télé avec les séries américaines, les films américains, les pubs à produits américains a remplacé les discussions et l'ouverture familiale. Les US sont leur seule référence culturelle (et pas dans ce qu'il y a de meilleur) et ça leur paraît tout à fait normal et formidable. J'en parlais encore avec une classe ado cet après-midi en atelier peinture et ils reconnaissaient que leurs principales références (fringues, nourriture, loisirs) sont américaines et qu'ils ne voient pas où est le problème.<br /> Ils ne réfléchissent absolument pas à la signification, à la perte des repères, à l'ignorance que cela engendre en terme de culture et environnement proche. Ils sont consommateurs, absolument pas citoyens. Mais c'est assez le reflet aussi des adultes qui les entourent et les élèvent. La citoyenneté aujourd'hui comme le syndicalisme, comme la notion de partage, de solidarité passent pour être des vieilleries inutiles. Merci l'ultra libéralisme et la tout privatisation. Et merci les transformations de mots: remarquez qu'on ne dit plus gardiens de la paix, on dit forces de l'ordre. On ne dit plus passagers, on dit clients. On ne dit plus femme de ménage ni même technicienne de surface, on dit agent de propreté. Et on pourrait trouver combien d'exemples du même style. Ce glissement de langage (façon langue de bois) et réalisé par des cabinets de conseil depuis près de 30 ans, c'est un truc qui déshumanise progressivement aussi nos rapports humains et qui nous abrutit progressivement, nous rend passifs. C'est d'autant plus insidieux que c'est amené progressivement. Si le sujet vous intéresse, il y a des conférences sur cette langue de bois et comment se désintoxiquer et donc sortir de la résignation:<br /> <br /> http://www.youtube.com/watch?v=qYfx99MU3I8
F
Bon ok, d'accord mais ne devons nous retenir que ceci de l'article ? Et ce qu'il dit sur la société actuelle ça vous interpelle?............
R
Muse heureusement que tu es là...je me souviens que ma Grand mère écoutait souvent Berthe Sylva ,Jean Sablon ,Gabin , Yvonne printemps, Arletty...Lucienne Boyer et Fernandel, Bourvil....qu'il m'arrive encore d'écouter ...ma mère aimait les opérettes de Francis Lopez...(Luis Mariano) ,c'est bon de se rappeler qu'ils ont fait la gloire de la chanson française....
M
De rien, Pierrot. Je peux pas laisser passer ce discours que j'ai déjà lu de sa part sur d'autres supports et qui trompe les gens. Il ne parle pas des chanteurs et chanteuses des rues qui faisaient les villages, les villes et vendaient les chansons en partitions pour 2 sous. Ce qui fait que même avant la TSF, les gens chantaient toutes sortes de chansons en allant travailler, lors des veillées, lors des fêtes. Tu avais toujours dans les mariages quelqu'un qui chantait ces refrains et ça faisait la joie de tous.<br /> Ca et les chansons traditionnelles, c'était le patrimoine musical français.<br /> <br /> J'en profite pour mettre un bel album de chansons traditionnelles auvergnates qui ont été reprises par André Ricros et qui ont aussi beaucoup de parenté avec celles de JLM:<br /> <br /> http://www.deezer.com/album/6222575<br /> <br /> Aujourd'hui, le système américain qui a soit disant sauvé la chanson française selon JLM, a tellement pollué la chanson française que qui est capable de chanter à capella une chanson française moderne? Plus personne depuis au moins les années 80. Parce que les mélodies et les paroles qu'on retient et qu'on peut fredonner sont devenues une denrée rare. <br /> Personnellement, je préfère chanter les vieilles chansons dont je parle plus haut sur les chemins de rando, en donnant le bain à ma fille ou le soir avant qu'elle s'endorme plutôt que les chansons modernes. Parce qu'au moins, c'est rigolo, poétique parfois, ça se retient facilement et ça met le coeur en joie.<br /> J'ai même une chanson de 1897 qui sert de berceuse chaque soir: la chanson du ver luisant de Léon Xanrof (artiste multiple, juriste et inventeur de la valise à roulettes). Cette chanson était chantée par mon arrière-grand-mère à ses filles.Elle est ensuite passée à ma grand-mère, puis à ma maman. Et maintenant, je la transmets à ma fille. Ca me paraît un patrimoine plus important qu'une bonne partie des tubes commerciaux qu'on entend aujourd'hui.
M
Bon...mon cher JLM, si la chanson française avant 1914 se résumait aux succès d'un pétomane, ça se saurait.<br /> Dites donc, vous faites quoi de Botrel, de Bérard, de Mayol, de Dranem, de Charlus, de Polin, de Christiné, de Willemetz, de Turcy, de Fred Gouin, de Reda Caire, Fragson, Damia et tant d'autres? Vous les balayez comme de vulgaires détritus? Saperlipopette, faudrait voir à réviser un peu vot' gramophone. D'accord, beaucoup de chansons françaises après la première guerre mondiale vont prendre &quot;le rythme américain&quot;. Et c'est Maurice Yvain qui va un peu ouvrir le bal et Georges Milton avec lui et ils auront comme relais quelques années plus tard Joséphine Baker qui va populariser la musique de la Nouvelle Orléans. Mais il y a eu persistance quand même de chanson française fur sucre: les Arletty, les Gabin, les Lys Gauty, les Frehel, les Berthe Sylva, les Lucienne Boyer, les Lucienne Delyle, les Jean Sablon, Maurice Chevalier, Fernandel, Bourvil, Armand Mestral, Rina Ketty, Yvonne Printemps...y a de quoi faire quand même dans le répertoire chanson française. Faut arrêter de faire croire que c'était le désert. Et je ne parle même pas des opérettes de Vincent Scotto, de Messager, de Charles Lecoq, de Benatsky, de Francis Lopez qui font encore recette aujourd'hui...Et les frères Jacques, Andrex et Jeanne Aubert, Léo Marjane et Georgette Plana (que vous avez pastiché un tant soit peu avec j'ai fréquenté la beauté)...Bon, vous me ferez une révision de tout ça d'ici samedi pour ne plus raconter de bêtises dans les interviews. Et puis comme ça, vous pourrez chanter aux journalistes et à vos enfants aussi bien &quot;le trou de mon quai&quot;, que &quot;raymonde&quot;, que &quot;prenez mes mandarines&quot; ou &quot;la chanson des blés d'or&quot; et &quot;le cul sur la commode&quot;, je suis sûre que ça les fera rire et ça les instruira sur celles et ceux qui vous ont précédé en matière de chanson dans notre beau pays.<br /> <br /> Allez, je vous laisse un petit florilège des titres à succès en France avant 1914:<br /> <br /> http://www.youtube.com/watch?v=Pm1OtKXH0Hk
Répondre