LA TOURNEE DES REFUGES 2015 à la LAVEY (Oisans)
Publié le 11 Août 2015
J'ai en mémoire de belles randonnées suivi d'un bon concert de Murat : Cluses en 2007, un Koloko de 2013 où j'avais testé mon aérodynamisme sur le Sancy, puis l'année dernière du côté de Chamrousse et d'Uriage, mais il s'agissait de faire un peu un grand écart, de "redescendre dans la vallée", dans la plaine... et se faire côtoyer deux mondes peu comparables (même si Murat les rapproche un peu: sa musique comme le pas du randonneur). C'est pourquoi je n'imaginais pas un jour faire un article de photos de montagne avec un compte-rendu de concert...
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Et pourtant, un musicien isérois, franco-russe, a eu l'idée il y a trois ans de réaliser une "tournée des refuges"... expérience qui a si bien réussie qu'elle s'est étoffée jusqu'à 37 dates cette année, jusqu'aux refuges les plus hauts : dont le Goûter... dernière escale pour le Mont-Blanc! Il est même espéré l'année prochaine une traversée sur 100 dates...
"Les uns se couchent à l'heure où les autres se lèvent, les premiers sortent peu des villes et les seconds ne descendent que rarement des montagnes. Et pourtant les musiciens et les montagnards risquent de nouveau de se croiser cet été...
Si vous rencontrez, au passage d'un col, sur un glacier, sur les chemins, de drôles d'alpinistes avec d'étranges sacs à dos, chantonnant russe, sicilien ou brésilien alors faites demi-tour et suivez-les. Le soir venu, ils s'arrêteront au refuge, se resserreront sous la lumière ou près du poêle et joueront pour vous leur musique, si riche, si émouvante".
Oui, sur un glacier, car l'idée est que la petite troupe réalise le parcours à pied (souvent hors-sentier)... en portant les instruments, dont une contrebasse ce jour-là... et ce vendredi, nous les avons vu arrivés, assez peu alertes il faut le dire : ils venaient de passer la Brèche de l'OLAN à près de 3000 mètres, parcours particulièrement délicat et glaciaire du côté du Vénéon, où le refuge de La Lavey les attendait. Certes, le groupe est à géométrie variable, c'est un collectif (9 musiciens sur cette année) et chacun ne fait pas l'ensemble du parcours semble-t-il, sauf, à deux dates prêtes, le créateur du projet, le petit lutin bouclé Gaspard Panfiloff (Gaspard, un nom d'alpiniste célèbre dans le secteur)... mais cela reste tout-à-fait étonnant. Je regardais la semaine dernière sur arte un petit feuilleton sur un groupe de randonneurs faisant le tour du Cervin, et je me dis qu'une émission au long cours sur cette aventure serait plus intéressante...
Mais revenons en arrière dans la journée en photos:
Après Saint-Christophe en Oisans, le parking de champfhorent était plein comme un oeuf, et les voitures se garent au bord de la route, malgré l'interdiction qui me semble justifiée: on se trouve en plein couloir d'éboulement débutant deux milles mètres plus haut, impressionnant vu d'en face.
La vallée est étroite et il faut débuter par une descente pour rejoindre le torrent et son magnifique pont datant du moyen-âge. On apprécie alors la brumisation naturelle de la cascade toute proche.
Puis, c'est une courte montée qui nous permet d'accéder au long vallon du Lavey.
Le flot des randonneurs étant passé, la marmotte est sortie de son repère.
Nous rejoignons la rivière (2e pont de pierres)... et le vallon se fait plus bucolique, bien que très minéral.
Encore une petite ascension d'un verrou, et nous trouvons le refuge... au milieu de blocs de pierres... dont un dernier immense qui s'est décroché il y a 4 ans dans un gros éboulement. La marque sur la falaise surplombant le refuge est impressionnante.
Un petit ruisseau coule sur la terrasse, les enfants y pèchent des têtards et y trempent leurs pieds. Un gros bloc à escalader cache même un toboggan qui y est accroché. Alors que les grands contemplent les sommets dont les aiguilles de l'Olan, et les nombreux glaciers subsistant encore...
Je pose mon gros sac et fais le plus gros de la montée vers le lac des bêches, mais je renonce 20 à 30 minutes avant destination, car je ne veux pas rater le repas du soir. Et aussi, car je suis crevé... oui, aussi. Dans la descente, une mère et son petit me précédent sur le chemin, mais vu que c'est des chamois, ils coupent hors-sentier... en se rapprochant de moi. Je mitraille.
Il est 18h30 et tout le monde est en tee-shirt. On prendra le repas dehors! Et on continue toujours par des surprises: on nous propose un apéritif, et ensuite, un plat népalais: un Dal bhat (riz avec une soupe de lentilles, accompagné de légumes pimentées dont des blettes du potager du refuge) et un boeuf bien épicé... Deux assiettes pleines me remplissent, mais le choux au praliné trouve tout de même une place. Je mange, dans la grande tablée en face du contrebassiste Jean Russel, le plus présent sur la tournée avec Gaspard, et j'essaye d'en savoir plus, incognito.
Le collectif, en plus de tournée montagnarde, est bourlingueur: l'amérique latine, et cette automne, une bonne partie de l'Europe de l'est... Chacun a plusieurs projets et vit de la musique et de l'intermittence. Comme quoi, pour reprendre des expressions de Murat: il n'y a pas que des "jobs à côté"... mais faut voir "à quoi on en est rendu" (mais Murat ne parlait lui que de devoir vendre ses disques à la fin de ses concerts... ça ne donne pas d'ampoules).
Même si la règle indiquée dans le refuge est de cesser tout bruit à 21 heures, les musiciens prennent le temps de s'installer, micro d'enregistrement compris (tous les concerts sont enregistrés et un CD live est réalisé pour chaque tournée). La set liste a été faite en 3 minutes sur la table du repas, en fonction des musiciens présents et des envies du soir.
Le tout petit réfectoire a été vidé de ses 5 tables. Et éclairés à la bougie, les musiciens entament le concert... D'abord, violon solo, par la talentueuse Coline Rigot (présente que 6 jours)... puis entrée en action des deux guitares, de la contrebasse sur un air swing pas méconnu, qui m'évoque Stéphane Grapelli... bien que ce soit peut-être du Django. Les deux guitaristes (Gaspard et le québecois Damien Levasseur) sont scotchants. Les morceaux s'étirent au gré des improvisations guitaristiques parfaitement maitrisées.
La tonalité sera donc souvent swing, tsigane, mais le répertoire puise dans le folklore roumain, puis dans l'amérique latine, et le folk américain, le bluegrass... résolument donc sur le thème du voyage, collant parfaitement à l'ambiance du lieu, une carte des montagnes en toile de fond... Et également, un passage par la Russie : on est là dans le répertoire de Gaspard, qui change alors d'instrument : "avez-vous déjà vu une balalaïka? Mais avez-vous déjà vu une balalaïka dans un refuge?". La guitare à 3 cordes est récalcitrante à l'altitude et nécessite un accordage de dernière minute... puis Gaspard se lance dans un morceau tout en virtuosité où se succède douceur et énergie. Les filles de 7 ans devant moi dansent sur leur banc. Une autre chanson russe, plus classique, c'est-à-dire triste, est ensuite interprétée. Certains concerts de la tournée, comme la première édition en 2013, étaient sans doute plus axés vers ce répertoire (vu la présence d'une balalaïka contrebasse)... pas coton à transporter non plus:
Sur plusieurs titres, les 4 musiciens chantent ensemble, et c'est parfait: très jolies harmonies. Je jette de temps en temps un regard par la fenêtre pour regarder les derniers instants du jour sur l'Olan.
Des petits propos humoristiques ponctuent le concert, notamment le très drôle et sincère appel aux dons (chapeau), ainsi que la présentation des musiciens. S'y distingue Jean Russel, du groupe Poissons Voyageurs, qui lui est d'origine anglo-saxonne et qui a vécu en Arkansas. Il a chanté plusieurs titres, de sa voix bourrue... Il a également raconté une histoire faisant participer la foule (si on considère que le concert réunissait toutes les personnes présentes vivantes à 5 kilomètres à la ronde), en leur demandant de faire le bruitage : vent, mer, animaux... Ambiance assurée.... avant d'enchainer sur une fin tragique et la chanson l'accompagnant...
Je ne suis pas particulièrement friand de ces styles musicaux habituellement, mais il faut s'incliner devant la qualité, et le swing insufflé toute la soirée... J'aime toujours donner un petit regret: alors, ça serait peut-être que ne nous soit pas joué une chanson en français sur le thème de la montagne...
Fin du concert, le chapeau se remplit, les CD s'achètent... et c'est la cohue pour se coucher, et accéder aux deux lavabos... mais en 30 minutes, le silence régnera sur les 3 dortoirs. On se couche tard, mais l'heure du petit déjeuner n'est pas changé: de 7 à 8 heures...
Le lendemain, nous partons direction le lac des fétoules, un sentier en balcon sur le vallon. (point culminant 2320 m). Les discussions encore souvent tournées sur la prestation musicale et le parcours sportif des musiciens quand on découvre par où ils sont passés la veille.
LIENS:
SITE INTERNET DE LA TOURNEE DES REFUGES
Les musiciens nous ont parlé souvent au cours de la soirée de vidéos (tournées en amérique latine, ou d'un morceau joué sur une arête escarpée...) mais introuvables! Dommage!