Alcaline et interview maroquino-québecoise entre autres
Publié le 18 Mai 2016
Allez, on épuise les stocks de news! Et que les bienheureux et sages qui ont profité de Pentecôte loin de tout ordinateur n'oublient pas de rattraper leur retard: deux articles sont parus ces derniers jours!
1) Alcaline L'instant, une petite minute diffusée le 16 mai, avec des propos dont la teneur n'est pas inédite mais énoncés avec vigueur et entrain. "Je ne suis jamais dans la lune, je suis pile poil ici".
http://pluzz.francetv.fr/videos/alcaline_l_instant_,139995969.html
2) Du côté Canada, on attendait les commentaires des Deux Alain: Alain de Repentigny et Alain Brunet, qui ne manquent jamais un "Murat"... Priorité à l'un:
- Alain de R. a traversé le ruisseau atlantique pour assister au concert de la Maroquinerie et réaliser une interview le lendemain. Après quelques propos autour des polémiques, ça part sur des sujets plus intéressants. Murat accepte par exemple la comparaison avec Luchini.
Quant à son propos sur les rappels: "S'il n'a pas donné le rappel que lui réclamaient bruyamment les spectateurs la veille, c'est, dit-il, « parce qu'ils savent que plus ils réclament et moins [il vient] ». Il serait revenu sur la scène de La Maroquinerie que ses fans de toujours auraient été déçus, ajoute-t-il avec un large sourire", je dois dire que personnellement, même si on sait qu'il ne reviendra pas certains soirs, c'est toujours une déception.
A part ça, jolie titre:
"Jean-Louis Murat: ni slogans ni bons sentiments
(Paris) La semaine dernière, Jean-Louis Murat a donné à Paris ce qui pourrait être le seul et unique concert associé à son nouvel album, Morituri. Notre journaliste l'a rencontré à Paris au lendemain de sa performance.
Avant de quitter la scène de La Maroquinerie, visiblement agacé par les éclairages « de salle d'opération, voire de morgue » d'ARTE, qui diffusait le concert en direct sur le web, Jean-Louis Murat a chanté sans trop de conviction sa très belle chanson Le cafard en se moquant des journalistes qu'il « déteste tous ».
Rien de personnel, nous a dit le lendemain, dans le salon d'un hôtel où il a ses habitudes, l'artiste qui a généralement bonne presse. Ça se voulait plutôt une suite de la brève interview donnée à ARTE avant le concert, dans laquelle il s'est lancé dans une attaque en règle contre les médias : « J'ai dit : "J'espère que Trump va être président parce que Trump, c'est le fils des médias. Vous l'avez créé." »
Assez serrée, la vis
Quelques jours plus tôt, il avait dénoncé dans les médias français l'économie actuelle du spectacle en traitant Renaud et Michel Polnareff de « gros cons » que les salles préfèrent programmer en temps de crise. Il faut savoir que, depuis 25 ans, Murat poursuit une tournée sans fin à la Dylan, mais qu'il ne pourra pas défendre son nouvel album sur scène cette fois-ci.
Les tourneurs n'en ont que pour les célébrités en fin de carrière dont les tournées sont assimilables à des parachutes dorés, affirme-t-il, et, en plus, on lui demande de diminuer d'environ le tiers le salaire de son équipe.
« Dans le business des tournées, il faut de plus en plus serrer la vis. Or, moi, sans vouloir être plus vertueux que la normale, je ne travaille pas avec des gens qui sont sous-payés. Je n'ai pas une culture marxiste, mais il est bon de dire les choses aussi », explique Jean-Louis Murat.
S'il n'a pas donné le rappel que lui réclamaient bruyamment les spectateurs la veille, c'est, dit-il, « parce qu'ils savent que plus ils réclament et moins [il vient] ».
Il serait revenu sur la scène de La Maroquinerie que ses fans de toujours auraient été déçus, ajoute-t-il avec un large sourire.
Murat a toujours voulu conserver une certaine distance avec son public, dont il apprécie pourtant l'enthousiasme et la connivence.
« J'ai toujours peur de me prendre pour un artiste, lance ce fils de paysans qui vit en Auvergne. C'est pas du tout une histoire de vouloir se fondre dans la masse, mais moi, je viens d'un milieu extrêmement populaire et il est hors de question que je me coupe de mes racines populaires. »
La France en dépression
Artiste, Jean-Louis Murat l'est à coup sûr, lui qui nous arrive, bon an, mal an, avec un nouvel album qui se démarque par la qualité de ses musiques et surtout par les textes poétiques finement ciselés d'un auteur qui se méfie tout autant des slogans que des bons sentiments.
Morituri - « ceux qui vont mourir » en latin - parle d'une France « en dépression », notamment dans l'ironique Tous mourus, sur le sort des paysans français victimes de « l'ultralibéralisme et de la dérégulation ».
La France de Murat s'incarne également dans sa Pharmacienne d'Yvetot qui n'en finit plus de chialer dans la cuisine sur fond d'actualité mondiale.
« C'est la dimension internationale de la France qui se croit encore une puissance qui a son mot à dire sur tout et qui, d'un seul coup, est dans une sorte d'état dépressif parce que personne ne l'écoute. Elle n'a comme solution que d'aller chialer dans la cuisine parce que, de toute façon, ce qui passe en Corée du Nord ou au Bangladesh, c'est pas la France qui va y changer grand-chose. »
Il compare son pays à Emma Bovary, l'héroïne de Flaubert qui, dit-il, trouve des subterfuges pour se désendetter. « Elle est quand même assez touchante, Emma ; je ne suis pas sûr que la France soit aussi touchante que ça. »
Le Luchini de la chanson?
Murat connaît ses classiques. Ça s'entend dans l'élégance de ses textes tout autant que dans les albums qu'il a consacrés à Baudelaire et à des auteurs moins connus des XVIIe (Antoinette Deshoulières) et XIXe siècles (Pierre-Jean de Béranger).
Dans la ballade à saveur historique Frankie, c'est davantage de la francité que de la France qu'il est question, explique-t-il.
« C'est ma langue : que n'aurais-je pas fait pour ce qui m'a fait ? Mais c'est aussi que j'ai un drôle de rapport au pays parce qu'on m'a donné le nom d'un grand-oncle mort au front en 1918. Dans mon imagination d'enfant, j'ai toujours eu l'habitude de voir mon nom sur le monument aux morts. Et donc, je pourrais presque me dire : "Je me souviens, j'ai vécu en 800, j'ai vécu en 1257, j'ai vécu au XVIe siècle, puis je suis mort en 14-18." »
« J'ai une idée longue de mon identité qui est essentiellement une identité par le langage, enfin par la langue. »
Plus jeune, Murat a fait quelques tentatives de suicide dont une en Haute-Savoie à laquelle il fait allusion dans sa chanson Le cafard.
« Ce qui m'a sauvé, c'est les livres et la créativité, dit celui qui se considère comme un miraculé. J'ai été élevé dans un monde où il n'y avait pas de bibliothèque, pas de livres. Ma bibliothèque, c'est fondamental : une bibliothèque bien entretenue, bien rangée, à confier à d'autres après, comme si elle allait être ma meilleure création. Je suis fou de livres, il n'y a pas un matin où je n'y pense pas. »
On croirait entendre un Fabrice Luchini qui donnerait dans la chanson. « Il y a de ça, bien sûr », répond Murat en parlant de cette volonté commune qu'ils ont d'aller au plus près de la source en littérature. Murat, le paysan, partage également avec Luchini, fils d'épiciers, des origines modestes et un parcours d'autodidacte.
« C'est peut-être un de mes traits de caractère : des fois, j'ai un peu l'arrogance de l'autodidacte, avoue-t-il. C'est comme si j'étais sur un circuit routier avec des gens qui ont fait l'université et qui maîtrisent le Code de la route. Moi, je veux bien aller sur ce territoire-là, mais je n'ai aucune idée du Code de la route. Des fois, je suis un peu décalé. Je prends les contresens et je me gare n'importe où. » "
- ON PASSE A ALAIN BRUNET :
http://blogues.lapresse.ca/brunet/2016/05/11/jean-louis-murat-morituri/
Très joli petit texte... On pourra se reporter ensuite à la zone commentaires très très active... d'où la tentative d'Alain Brunet de "recentrer les débats"... C'est raté.
"Le long parcours de Jean-Louis Murat est rehaussé d’une nouvelle station : Morituri est un opus gonflé d’airs du temps. Sombres, pluvieux, mortuaires comme la conjoncture française, néanmoins sensuels et délicats.
Fine lame de la parole chansonnière pour ne pas dire un de ses artistes (vivants) les plus aboutis, JLM y cisèle des fables sur l’impuissance humaine généralisée, sur l’incapacité chronique des sociétés à passer à un prochain niveau d’élévation, sur les refuges provisoires dans ce qui nous reste de nature et de campagne.
Même dans les recoins apparemment épargnés, on finit par s’y « baigner nu dans l’eau noire des regrets », ou encore attendre « le prochain Sarajevo pour chialer dans la cuisine ». Comme le titre latin de l’album le suggère, des faits divers exposent la mort d’un boucher pendu derrière la mairie ou d’un paysan noyé dans le purin qu’il devait épandre…
Rien ne va plus dans ce monde dépeint par l’auteur, s’y confondent pessimisme et lucidité. Allongées sur des tempos lents ou moyens, les musiques blusey jazzy folky lounge aménagent ici un nouveau pan de cette facture europamericana dont seul JLM a le secret.
Cet élixir n’est pas exactement un remontant, n’en demeure pas moins un puissant shooter de conscience et de poésie signifiante".
LES CHRONIQUES EN PLUS DANS LE LIEN EN PLUS
- Le journal de POk parle de Morituri: Malgré un avis très positif, deux remarques critiques: quelques chansons "faiblardes" "qui ne tiennent souvent qu'à la sensualité élégante du chant de Murat. On regrettera aussi que l'horreur terroriste de 2015, qui a partiellement inspiré l'album, n'ait pas poussé Murat à sortir de son habituelle licence poétique et à déverser dans au moins un ou deux morceaux un peu du fiel et de la méchanceté qui abreuvent souvent ses déclarations à la presse".
http://www.manitasdeplata.net/archives/2016/05/12/33804940.html
- Sur le site "les méconnus":
http://lesmeconnus.net/trois-albums-a-ecouter-cette-semaine-9-mai-2016/
Extrait: La voix de Murat est particulièrement sobre et zen sur une musique en rien morose, quoiqu’un peu générique. Mais qu’importe, quand le verbe chevauche aussi bien les sonorités dressées. Comme depuis ses débuts 15 albums plus tôt, on succombe encore à sa poésie de toponymie, à ses textes bios suggérés par ce qui roule sur le relief et à ses mots puisés dans l’air du temps. Ça ne tombe pas toujours sous le sens, mais c’est invariablement vachement bien ficelé.