Les INROCKS adorent..
Publié le 18 Novembre 2017
Voici la chronique des INROCKS: par Rémi Boiteux (merci à Dominique et Vianney)
"Jean-Louis Murat - Travaux sur la N89
Déjouant toutes les attentes, l’Auvergnat explose la chanson et arpente un monde en chantier.
Bien malin qui aurait su discerner dans les discrètes audaces du précédent album Morituri les prémices d’un tel ébahissement. Il faudrait, pour dire la sidération que procure la découverte de Travaux sur la N89, tenter ce genre d’analogie : ce disque, c’est Woody Allen qui déciderait de réaliser son Inland Empire. Comme le cinéaste new-yorkais, le barde Murat nous avait habitués à la régularité métronomique de ses sorties annuelles. Une route faite de hauts et de bas de moins en moins marqués : toujours plaisants, rarement renversants.
Et d’un seul coup, aujourd’hui, le monstre sorti de nulle part. Après avoir vaguement joué avec l’idée de se ranger des voitures définitivement, Jean-Louis Murat envoie valdinguer dans le décor son blues-folk terrien et son art consommé de la chanson.
Des “Travaux” réalisés à plusieurs
La chanson, on la retrouve pourtant partout sur cet album qui s’écoute d’une traite. Mais en morceaux éclatés, moins en lambeaux que précisément en travaux. Il ne faudrait pas pour autant croire à une suite d’ébauches brutes : magnifiées par les renforts (Morgane Imbeaud en tête sur plusieurs titres) et les grands huit d’une production folle, ce sont de véritables pépites qui émaillent ce chantier de sons élaborés avec Denis Clavaizolle – leur collaboration atteint des sommets. Garçon, Le Chat, La vie me va, entre autres, regorgent de mélodies aussi traînantes qu’entraînantes qui font la patte de notre homme, donnant lieu à des fulgurances en forme de tubes improbables (Dis-le le).
Mais, cette fois, l’ensemble rivalise avec les sculptures hiératiques de Mendelson, les laboratoires christophiens, voire les collages avant-gardistes siphonnés de Oneohtrix Point Never (en toile de fond des Pensées de Pascal notamment) et les vertiges de Scott Walker. Oui, à ce point. Avec la liberté d’un jazzman qui n’a plus rien à prouver, d’un joueur de belote qui redistribue les cartes aux quatre vents, le maître chanteur s’amuse avec la langue, les machines et les notes, passant du hip-hop à la ritournelle, de la chronique au cut-up, du rêve au trivial et de l’expérimentation à l’évidence.
Après plusieurs décennies de carrière, Murat nous surprend et semble se surprendre lui-même (“Ah bon ? C’est dingue, incroyable…”, susurre-t-il au détour du morceau-titre, parmi les chants d’oiseaux et les nappes synthétiques) avec un album au moins aussi important sur sa route que le désormais classique Dolorès – et la plus belle imprudence de la chanson depuis celle d’Alain Bashung. Sa superbe liberté nous travaille au cœur, et pour longtemps".
Le teaser sur "COLTRANE" paru cette semaine sur le facebook: https://www.facebook.com/jeanlouismurat/?ref=br_rs