Murat parle le lundi (Figaro et Inter)
Publié le 4 Décembre 2017
1) Y parle d'abord, le Jean-Louis, à M. Olivier NUC... Et il s'amuse peut-être à le taquiner en taclant Neil Young (c'est déjà arrivé)... et même Bob Dylan (c'est peut-être un cas unique)... Et en tout cas, il garde le sens de la formule.
Jean Louis Murat : « Bob Dylan ou Neil Young ne sont plus les chefs »
INTERVIEW Le chanteur revient avec « Travaux sur la N89 », un album pour lequel il a mis en chantier sa méthode de travail. Occasion d’égratigner quelques idoles.
OLIVIER NUC
« On ne va pas passer notre temps à geindre. Si je n’avais pas fait ce disque, j’aurais arrêté la musique », explique Jean-Louis Murat. JEAN-LOUIS MURAT/PIAS
En quarante ans de carrière, Jean-Louis Murat a eu plusieurs occasions de se réinventer. Mais il ne l’avait jamais fait aussi radicalement que sur son excellent nouvel album qui divise déjà ses admirateurs.
LE FIGARO. - Quel a été le déclencheur de cet album ?
Jean-Louis MURAT. - Je suis entré en studio les mains dans les poches, sans rien. Pas un mot, pas une mélodie. C’était intéressant. J’avais contacté mon collaborateur Denis Clavaizolle pour lui proposer de travailler deux ou trois jours. Le premier jour, on avait la chanson titre. Très vite, je n’arrivais plus à m’arrêter. Nous aurions fait un triple album si Denis ne m’avait pas stoppé. Il y avait au moins 120 pistes par titre. Le principe était que chaque ligne mélodique soit accompagnée de deux lignes de substitution afin que j’ai le choix au moment du mixage. Et les textes ont été écrits à la toute fin. Sur ce disque, tout a été fait scrupuleusement à l’envers.
En avez-vous tiré un plaisir particulier ?
C’est un des disques pendant la conception duquel je me suis senti le mieux. Avant, j’avais enchaîné une quinzaine d’albums enregistrés en une semaine. Là, on a passé 52 jours à faire des prises. Je n’avais pas pris autant de temps sur un disque depuis Cheyenne Autumn. La manière dont on fait de la musique aujourd’hui n’a rien à voir avec les méthodes des années 1980-90. Je me suis rendu compte de l’accélération du temps. Jamais des humains n’en ont vécu une aussi forte. On est obligé de tout revoir, ce qui est une chance. Certains s’en plaignent, moi je trouve ça sensass en termes de créativité. On ne va pas passer notre temps à geindre. Si je n’avais pas fait ce disque, j’aurais arrêté la musique.
Vous aviez le sentiment d’être arrivé au bout de quelque chose ?
Je n’étais plus en adéquation avec la pulsion de l’époque. Tous mes derniers disques sont complètement absurdes en termes de conception. C’est en faisant Morituri que je l’ai réalisé. L’attentat du Bataclan a suscité ça chez moi. Je me suis dit : « Ce n’est plus possible. On ne peut plus monter des scènes comme ça, faire de la musique comme au siècle dernier. » J’avais décidé de vendre toutes mes guitares. J’ai fait un sevrage volontaire d’à peu près une année pendant laquelle je n’ai pas écrit une chanson ni touché un instrument. C’est le bricolage (électricité, plâtre, peinture, menuiserie) qui a compensé.
C’est la première fois que vous avez ressenti cela ?
Avant cette pause, j’avais l’impression d’être un homme de Néandertal, je me sentais en décalage. J’ai longtemps donné le change en allant travailler à Nashville ou à New York, mais j’en ai eu assez de ce comportement de parfait vassal de la musique américaine. Aujourd’hui, Bob Dylan ou Neil Young ne sont plus les chefs. Je me suis découvert un amour sans fin pour Frank Ocean ou Kendrick Lamar. J’en ai eu ras le bol du côté Lagarde et Michard de Dylan.
Quelle a été la conséquence de ce ras-le-bol ?
J’ai débouché sur un territoire vierge qui m’a fait bousculer l’ordre habituel des choses et aborder le processus à l’envers. Il me fallait ne pas avoir d’idée, ne pas être sentimental ni romantique. Revenir à quelque chose d’instinctif. Je sauverais quelques intros des Stones, dernier endroit dans notre culture où il y a encore Éros et Dionysos. Moi qui ai toujours été très grand fan d’Oasis, j’ai été sidéré par le disque de Liam Gallagher, qui est resté bloqué aux années Tony Blair. En lisant un peu Derrida, j’ai adopté ce processus de déconstruction : on démonte tout, on nettoie tout et on rebâtit un truc.
Comment est revenu votre appétit de musique ?
C’est l’écoute à haute dose de nouveaux artistes qui m’a redonné envie. Kendrick Lamar en particulier. J’ai commencé un petit ouvrage intitulé Kendrick et moi. À 14 ans, ma vie a changé avec la découverte d’Otis Redding. Aujourd’hui, ma vie redémarre grâce à Kendrick Lamar. Il est mon sauveur : il est intègre, intelligent, sensuel, il a tout compris. Il est admirable.
Vous avez l’impression d’assister à la fin d’un monde ?
On ressent cela en lisant Vernon Subutex, de Virginie Despentes. La disparition d’un monde est souvent un phénomène très rapide. Écouter Dylan ou Neil Young à notre époque, c’est comme écouter un Te Deum. Hors de question quand on a des enfants à élever. Comme me le disent les miens, je pète le feu. On n’a pas le choix : soit on se laisse prendre par le monde qui penche et qui vacille, soit on se barre en disant « ça ne m’intéresse pas ». Je suis très content d’avoir fait ce disque-là. Lamar et le bricolage m’ont ramené à la musique. ■ SUR LE SITE DU FIGARO
(merci à Cao)
2) Murat était également ce lundi en fin du journal de 8 heures sur France inter. Une ou deux phrases d'interview, avec l'info donnée par le journaliste... que c'est les amis de Murat qui l'auraient incité à sortir le disque.
https://www.franceinter.fr/emissions/le-journal-de-8h (4/12)
Si vous êtes gentil, je mettrai ça en ligne ce soir...
LE LIEN EN PLUS
Je ne sais pas si vous le connaissez, mais un petit coup de chapeau à ce blog qui a fêté ses 8 ans hier, beaucoup de copier/coller mais quand même un peu de recherche et d'analyse, des interviews et des archives inédites, et tout cela dans une bonne humeur...
http://www.surjeanlouismurat.com/