inter-ViOUS ET MURAT- n°28 : BERTRAND LOUIS chez Verlaine et Baudelaire
Publié le 17 Octobre 2022
@Agnès Dherbeys
Bonjour,
Plus de 20 ans de carrière pour Bertrand Louis, ponctués de Prix Félix Leclerc, de "Coup de cœur" de l'académie Charles Cros, et de succès critique... sans parler de ses interviews pour le blog de Pierrot : en 2013 sur son premier essai, très réussi, de mise en musique de Philippe Muray, (ce qui était un temps un projet de Murat), puis en 2015 quand il était venu participer à une soirée "Livre Unplugged" sur le chanteur auvergnat. Pour son dernier opus, il a choisi un recueil tardif de Verlaine, Chansons pour elle, 25 poèmes amoureux et érotiques, où, dans une langue à la fois triviale et lyrique, se dévoile l’intimité d’un couple, avec ses vicissitudes, mais surtout la tendresse, le désir toujours vivace, et la joie des corps…
C'est un album très pop, avec un vrai groove sur certains titres ("Chemise de femme") et facile d'accès, brillamment orchestré par Laurent Bardainne (Pony Hoax...), avec la participation de Mareva Galanter, dont la voix parlée fait des merveilles sur "Que ton âme soit blanche ou noire". C'est aussi un Bertrand Louis plus tourné vers le soleil et qui affirme clairement que l'amour et le couple restent une valeur "refuge" pour celui qui porte un regard pessimiste sur le monde. Mais avant de lui causer de ce dernier disque, on en a profité pour revenir sur son album autour des Fleurs du mal, qui le glissait encore aux côtés de Murat.
Bertrand Louis sera en concert à PARIS les 7 novembre et 5 décembre prochains. Il faut aller le découvrir sur la petite scène de la Manufacture CHANSON. Dans ce cadre intimiste, où comme dans le désordre d'un boudoir traînent des voiles blancs et des chaussures de femmes, avec le recueil des poèmes, le chanteur au piano, accompagné de programmations très soignées, fait résonner les mots de Verlaine, et tour à tour joue de toute la sensualité de sa voix pour dévoiler d'autres poèmes érotiques, ou scande un appel à l'abandon au plaisir. Billetterie
Interview menée par Pierrot et Florence (d.)
- Avant de passer à l'actualité, on va quand même revenir un peu à l'épisode précédent. En 2013, vous nous parliez d'un désir secret de mettre en musique Baudelaire, en faisant le lien avec Muray, mis en musique à ce moment-là, sur l'opposition aux valeurs modernes. Du désir secret à la réalisation, vous avez mis 5 ans. C'était plus difficile d'(y) arriver après Ferré-Murat ?
B. Louis : Cela m’a pris du temps effectivement pour plusieurs raisons. Déjà, le spectacle sur Muray me plaisait beaucoup et j’ai eu du mal à en sortir. Ensuite j’ai beaucoup lu et je me suis beaucoup documenté sur Baudelaire avant de me lancer. Puis il y a eu les éternelles questions d’argent. Et enfin, je me suis un peu perdu dans mes arrangements car je voulais tout faire tout seul. Je n’ai pas eu de problèmes particuliers avec Ferré-Murat puisque j’avais dès le début l’intention de faire autrement (électrique, vampirique…).
« Electrique et vampirique » : en effet, les premiers titres notamment donnent la couleur de l’album, et une atmosphère inquiétante. La photo de la pochette elle-même est hantée… Mais pourtant, l'album offre des nuances (invitations à partir, morceaux plus apaisés), alors que pour Verlaine, vous avez peut-être plus construit un récit dans votre sélection de poèmes. Parmi tous les poèmes des Fleurs du mal, comment avez-vous choisi ces dix ?
B. Louis : Oui je me suis fait happer par quelques grands classiques baudelairiens. Il y a évidemment ce côté apaisé chez Baudelaire aussi. J’aime beaucoup « La Mort des Pauvres » qui est quasi-religieux. Je ne choisis pas vraiment les poèmes que je mets en musique, je les lis et des musiques me viennent, ou pas. J’avoue que j’ai eu la tentation de tout faire et il reste quelques inédits… Je regrette de n’avoir pas réussi à faire quelque chose qui me convienne sur « À celle qui est trop gaie», que j’aime beaucoup, peut-être trop… Et c’est vrai que pour Verlaine, j’avais envie « d’unité ».
- Sur votre site, vous faites part de lectures. Comment nourrissent-elles votre travail ? Est-ce qu’elles ont orienté vos choix ou modifié vos intentions de départ?
B. Louis : Oui surtout pour Baudelaire j’ai énormément lu. J’avais envie d’immersion, d’approcher au plus près de son personnage, même si je savais que c’était impossible. J’ai lu par exemple chez Walter Benjamin que Baudelaire était une juxtaposition de l’antique et du moderne, ce qui m’a donné l’idée de mélanger la harpe (la lyre antique) avec un groupe de post-punk. J’ai réussi à glaner également quelques indications sur le son de sa voix: "...il nous récitait d'une voix précieuse, douce, flûtée, onctueuse, et cependant mordante, une énormité quelconque, le Vin de l'assassin ou la Charogne". Le contraste était réellement saisissant entre la violence des images et la placidité affectée, l'accentuation suave et pointue du débit.
Pour Verlaine, j’ai pris le contre-pied et je n’ai quasiment rien lu. Je viens de me rendre compte que le mardi 20 août 2013, j’avais écrit dans le journal de la genèse du Baudelaire « Chansons pour elle de Verlaine »… L’idée devait me trotter dans la tête depuis un moment donc !
- Encore une question sur Baudelaire pour ré-inciter les muratiens à écouter : je trouve qu'il y a une dimension supplémentaire pour eux dans la comparaison avec Charles et Léo, et évidemment avec les titres communs, très différents, comme « L’héautontimorouménos ». Vous êtes-vous frotté à « L'examen de minuit » (un de mes meilleurs souvenirs de concerts, pour le coup électrifié) ? Et est-ce que ce n'était pas une contrainte compliquée de vous priver du piano, votre instrument de prédilection... et de composition ?
B. Louis : Non cela ne m’a pas trop gêné de ne pas jouer de piano (peut-être un peu pour l’enregistrement où je me suis senti un peu « dépossédé ») …d’ailleurs pas mal de titres sont composés au piano et ensuite retranscrits pour la harpe. Et pour « L’Héautontimorouménos » je me suis inspiré d’un morceau de métal (je ne sais plus lequel). Et non je n’ai rien fait sur « L’examen de minuit » que je viens de relire et d’écouter par Murat. Belle version ! Toujours cette dualité perverse dans le poème «… Insulté ce que nous aimons/ Et flatté ce qui nous rebute… » et l’on sent bien les classiques descentes harmonico-mélancoliques de Ferré dans la musique… Bizarrement je n’ai jamais trop ressenti de mélancolie chez Baudelaire… à part peut-être dans « Harmonie du soir »… il doit y en avoir d’autres mais cela ne me revient pas.
-"Harmonie du soir" est sans doute le poème parmi ceux que vous avez choisis en effet le plus mélancolique, et lyrique y compris dans sa musicalité tellement travaillée, avec ces effets de boucle un peu enivrants. Mais c'est aussi celui pour lequel vous composez un morceau uniquement instrumental. Pour quelle raison ? Et qu'en était-il dans le spectacle, entendait-on le texte ?
B. Louis : Pour « Harmonie du soir », j’ai eu l’envie de composer la musique à partir du texte, et uniquement du texte. C’est-à-dire que j’ai établi une grille de correspondances entre les syllabes et des notes (ou des sons), entre les consonnes et des percussions… etc., avec aussi l’alexandrin qui implique un mouvement ternaire (valse mélancolique). C’est un peu comme si c’était Baudelaire qui avait composé la musique. À la fin du travail, ajouter la voix parlée par-dessus devenait complètement inutile. Et pareil pour les concerts.
J’avais fait une vidéo pour décrire cela :
- Passons à Verlaine : vous vous demandiez dans votre journal de bord sur Baudelaire pourquoi "Chanson d'après-midi" était intitulée "Chanson". Ça semble plus clair avec les Chansons pour elle de Verlaine. Est-ce que c'est d'abord cette forme qui vous a donné envie de travailler sur ce recueil ? Ou son caractère très ramassé, son unité thématique ?
B. Louis : J’ai remarqué que lorsqu’un un poète utilise le terme « chanson » dans un titre, c’est toujours louche, enfin cela veut dire que pour lui, il rentre dans un registre plus léger. Sauf pour Baudelaire évidemment. Comme j’ai tendance à toujours changer radicalement à chaque album (je ne capitalise (!) pas assez, qu’on m’a dit), j’ai eu envie de plus de simplicité cette fois-là. Mais c’est surtout le fond (l’amour qui dure) et la forme (la variation) qui m’ont séduit dans le recueil de Verlaine.
- A l'écoute, par rapport à Baudelaire, je n'aurais pas vraiment remarqué que les textes sont du 19e, même s'il fantasme sur une chemise de nuit. C'est plus contemporain. La langue est poétique mais aussi triviale (ce qui n'est pas sans évoquer Murat… Et pour le clin d'œil, Verlaine dans le recueil cite Béranger (cf 1829)... mais c'était la star de l'époque). C'était une façon de remonter un peu dans le temps et "à la surface" (après les abîmes baudelairiennes)?
B. Louis : Oui c’est tout à fait ça ! Il y a une sorte de fluidité pop dans ce recueil et je l’ai vraiment utilisé comme des textes de chansons bien écrits. Effectivement, il y a quelques décalages… la chemise par exemple…mais j’ai essayé d’imaginer autre chose… une élégante et longue chemise avec une large ceinture… enfin, chacun son fétichisme… Il y a aussi des mots qui ont changé de sens comme « baise » par exemple « Viens ça, chère, que je te baise… ». Je me suis aussi permis de remplacer « zut » par « merde » à un moment… « Et merde au monde qui jasait… »
- Puisqu'on évoquait « Chemise de femme », dans le clip, on aperçoit nettement un recueil de Jérôme Leroy Sauf dans les chansons. Pouvez-vous nous en parler ?
B. Louis : J’ai beaucoup aimé le roman Vivonne de Jérôme Leroy, qui parle d’un poète que l’on ne voit jamais et qui a le pouvoir de transformer le monde. Science-fiction, effondrement, critique de notre monde, tout y est. Cela m’a donc intéressé de lire sa poésie et le titre « Sauf dans les chansons » m’a interpelé. Il apparaît dans le clip car je le lisais à ce moment-là, c’était une manière ironique de signifier que je chantais de la poésie…
- Vous nous parliez pour Sans Moi de la nécessité de trouver tout de suite un style, des arrangements pour coller vraiment à l’univers poétique, c'était aussi le cas pour Baudelaire... Mais là, vous avez laissé travailler Laurent Bardainne. Est-ce que le cheminement artistique a été différent ?
B. Louis : À vrai dire, je suis sorti du Baudelaire complètement lessivé. Je m’étais dit que j’allais arrêter de mettre des poètes en musique, et puis il y a eu quelques accords, quelques mélodies qui sont venues, tout s’est passé très vite et j’ai composé la quasi-totalité des chansons en deux ou trois semaines. Je me disais que ces chansons étaient des parenthèses mais elles se sont imposées petit à petit. J’ai commencé à essayer de les maquetter comme d’habitude et à trouver des arrangements mais vraiment, j’étais fatigué de moi-même. Alors j’ai enregistré des maquettes piano, basse et batterie programmés et je suis allé voir Laurent Bardainne, un musicien que j’aime beaucoup (je suis très fan de Poni Hoax et j’aime aussi sa formation jazz Tigre d’Eau Douce). On a tout de suite été en phase et je lui ai laissé quartier libre pour les arrangements et le choix des musiciens. C’est une autre manière de faire mais ça m’a fait beaucoup de bien. Je ne suis pas sûr que cela vienne du sens du texte mais plutôt encore une fois de prendre le contre-pied de l’album précédent.
- Philippe Barbot dans son texte promo parle des compositions toutes en ré mineur (citant les Variations Goldberg de Bach, le mineur censé être plus sombre et triste) . On est nul au solfège, mais on va tenter une question : C’est venu naturellement ou c’était une contrainte (pour l’unité du disque) ?
B. Louis : En lisant le recueil de Verlaine, on remarque tout de suite qu’il dit quasiment tout le temps la même chose mais de manière différente. Cela peut se rapprocher de la technique de variation en musique. Je suis un grand fan des Variations Goldberg de Bach (que je joue un peu) et j’ai eu l’envie de faire un peu pareil, en moins strict toutefois. Des accords, des motifs mélodiques reviennent tout au long du disque et toutes les chansons sont donc en Ré mineur, tonalité un peu triste effectivement, mais ceci est tempéré par l’emploi de septièmes et de neuvièmes qui donne un caractère plus mélancolique. Toute la variation se fait donc par les tempi, le rythme et la façon de chanter.
Est-ce venu naturellement ou était-ce une contrainte ? Je ne saurais dire…
- Est-ce que vous connaissiez les autres « mises en musique » de Verlaine (finalement assez nombreuses, Ferré encore par exemple) ou vous y êtes- vous intéressé ? On vous sait aussi fan de Gainsbourg, est-ce que le « Comme dit si bien Verlaine » vous a emmené vers cet auteur?
B. Louis : Non, contrairement à mon travail sur Baudelaire où j’avais voulu tout écouter, je ne connais aucune mise en musique de Verlaine. Il faudra que je m’y mette. Et non je ne pense pas que ça vienne de Gainsbourg, mais je me suis rappelé plusieurs fois pendant l’enregistrement du « Comme dit si bien Verlaine ».
- Pour Sans Moi encore, vous disiez : "Il est évident aussi que cet album s’inscrit dans la continuité de mon travail, ce n’est pas pour rien que j’ai choisi Muray. Un esprit critique, une forme de détournement mais dans un sens créatif, pas forcément « révolutionnaire »". On comprend aussi le lien avec Baudelaire... Verlaine, c'est un petit pas de côté ? Ou : vous changez, Bertrand Louis ? (Je me prends pour Laure Adler)
B. Louis : Je dirais : ni l’un ni l’autre…mais j’avais vraiment besoin d’air après mes 3 derniers albums. Je me suis juste concentré sur un seul thème, un peu comme je l’avais fait pour mon album Tel quel. Et j’ai mis de côté les guitares, mais ce n’est pas définitif.
- En fait, je voulais peut-être vous amener à parler d'amour... La relation amoureuse, l'intime, parcourt votre travail, mais toujours ou presque tissée avec d'autres fils, et notamment le regard critique, sarcastique. Dans ce disque en revanche, vous avez par le choix des poèmes représenté la force, la joie de cet amour, en écartant ceux par exemple qui faisaient référence de façon assez triviale à l'âge des deux amants (elle avec sa beauté un peu fanée, lui qu'on soupçonne de n'être plus si vigoureux), à l'alcoolisme, aux disputes violentes, gifles et autres mornifles… Et par ailleurs, contrairement à Baudelaire (et à d'autres recueils de Verlaine), il y a dans ce recueil une acceptation entière et sereine, sans tension, de l'appel de la chair, d'une existence sensuelle, affirmée, revendiquée même dans la comparaison avec les animaux et les plantes - et formulée très nettement dans le poème dit par Mareva Galanter. Et c'est effectivement ce que je trouve beau dans cet album, l'affirmation de la valeur refuge de l'amour et du couple.
B. Louis : Oui sur ce disque je me suis concentré sur ce sentiment et uniquement sur lui. Dans le recueil de Verlaine, il écrit aussi sur les revers, les disputes, l’alcool, la violence etc… Au départ je voulais mettre en musique également ces poèmes-là et j’avais commencé mais ça m’a dégoûté (ça fera quelques inédits…). C’est encore une fois un album concept et je l’ai voulu comme un refuge. Il y a une sorte d’humilité, de simplicité, de total lâcher prise envers l’être aimé dans ces poèmes et c’est ce qui m’a séduit. Finalement je lui trouve un côté confiné… J’avais composé les chansons avant mais il a été réalisé pendant le confinement…
- Le choix sur la guitare était une option dès le départ ou a été décidé avec l’arrangeur ?
B. Louis : Je n’avais pas mis de guitares sur les démos pour laisser de la place à l’imaginaire du réalisateur et il a trouvé que c’était une bonne direction pour les arrangements. Pour le côté tendre. Même si les guitares peuvent être tendres.
- Est-ce que, en confiant les arrangements à un autre, vous avez été étonné du résultat sur certains titres par rapport aux démos ?
B. Louis : Avec Laurent Bardainne, on était en phase depuis le début donc je n’ai pas eu de grosses surprises. En revanche, je pense que sur pas mal de titres, je n’aurais pas fait comme lui et c’est tant mieux ! J’ai pris un immense plaisir à voir les titres évoluer, surtout au moment de l’enregistrement avec le batteur David Aknin et le bassiste Marcello Giuliani qui ont planté le décor, c’était magique. Il y a eu aussi une belle journée de synthés et d’orgues Hammond où Laurent a quasiment tout improvisé. Je me souviens aussi de l’enregistrement du piano où il a beaucoup insisté pour que je joue moins fort ; du solo de saxophone sur « Compagne savoureuse » qui m’a fait douter un peu (je pense que c’est un traumatisme du solo de sax années 80) mais que je trouve vraiment très beau ; et pour finir, de ce titre « Je ne suis plus de ces esprits philosophiques » qui s’est révélé à la toute fin du travail…
- Est-ce que vous avez conçu le spectacle de manière particulière ? Des guests sont annoncés en décembre... C'est un secret?
B. Louis : Pour l’instant, je fais des concerts en piano/voix solo avec quelques programmations…C’est la première fois. J’ajouterai peut-être un ou plusieurs musiciens plus tard. Oui en décembre je vais essayer d’inviter quelques personnes qui ont participé à l’album, ou pas. Je n’en dis pas plus car je n’ai pas confirmation.
- Est-ce que le fait de monter sur scène pour chanter un auteur vous conduit à travailler davantage la mise en scène, un peu comme au théâtre ?
B. Louis : Oui, le fait d’interpréter les textes d’un poète implique une sorte de théâtralité qui me plaît bien. Il y a aussi ce problème du piano qui oblige à être de biais. Et aussi je pense ma personnalité, ma manière de communiquer, qui préfèrent les liens secrets plutôt que le rapport frontal (enfin pas toujours…).
- Est-ce que vous avez cette envie d’être plus direct ?
B. Louis : Je suis en train d’écrire mes propres textes à nouveau et l’envie d’être plus direct me travaille, comme quoi il doit y avoir un lien.
- Concernant les programmations (je pense notamment à Eicher, un des pionniers du seul en scène avec machines), est-ce que ce n’est pas un cadre qui contraint énormément l’interprétation ?
B. Louis : J’essaie justement de varier les plaisirs pendant le concert. Le piano/voix me lasse sur la longueur ainsi que les programmations, donc j’alterne. Mais je ne trouve pas forcément que les machines limitent l’interprétation quand les chansons sont écrites d’une manière plutôt rythmée.
- On lit souvent des remarques sur Murat concernant le fait qu’il ne parle pas au public (parfois). C’est toujours votre cas ?
B. Louis : OUI !! Mais, comment dire, cela va bien avec le côté mise en scène (et avec ma personnalité).
- Je vous propose d’élargir un peu la discussion. D’abord, sur le paysage musical français, est-ce qu’il y a des disques, des chanteurs qui vous ont interpellé depuis disons 10 ans ?
B. Louis : J’avoue que je n’écoute pas beaucoup de musique depuis quelque temps. Je joue Bach, Debussy, John Cage… tous les jours au piano et en plus de mon travail sur mes propres chansons, cela me suffit. J’ai acquis récemment une platine vinyle, donc ce sont les « classiques » qui y passent en premier : Songs for Drella de Lou Reed et John Cale, les vieux Gainsbourg… J’écoute aussi du rap US avec mon fils (Pop Smoke, Juice World…). J’ai bien aimé le dernier Feu Chatterton, surtout les premiers titres où ils parlent d’écrans, de Bluetooth… J’ai beaucoup aimé le dernier Bertrand Burgalat Rêve Capital.
- Murat expliquait qu’il faisait des reprises pour « comprendre » ( "J’ai fait une reprise de la Ballade de Melody Nelson de Gainsbourg en chantant exactement comme lui, juste pour comprendre – du boulot pour moi, quelque chose que je ne sors pas. Dès qu’il y a un artiste que j’aime vraiment, je ne reste pas ébahi devant son œuvre et je le reprends, pour voir de l’intérieur.")
Est-ce que le « livre unplugged » lors duquel vous avez chanté Murat a été enrichissant peut-être à ce titre ? Et par extension, ces trois derniers albums avec les mots des autres, a-t-il fait évoluer votre art/artisanat ?
B. Louis : C’est très intéressant ce que dit Murat par rapport à la reprise, je vais lui piquer l’idée (pour voir de l’intérieur). Le travail que j’avais fait pour le live unplugged de Murat m’a beaucoup apporté je pense, même si c’était un sacré challenge (une dizaine de reprises !). Il y a des arpèges et des rythmiques que j’avais trouvés en le reprenant que j’ai utilisés sur le Verlaine. Je ne sais pas encore si mon travail avec les mots des autres m’a fait évoluer. Comme je compte écrire à nouveau pour le prochain, on verra… En tout cas, je ne compte pas être « poétique »…
- J’ai été frappé par ce que vous disiez en 2015 : « Effectivement ce qui est particulier avec Murat, c'est que le texte, le groove et la voix sont très intimement liés et que parfois, enlever un ingrédient fait chanceler l'ensemble ». Au milieu des critiques positives, c’est une remarque qu'on a eue pour le disque Aura aime Murat. J’ai tendance à dire : on voit une grande chanson par sa capacité à vivre sans son auteur… mais je pense que vous ne serez peut-être pas d’accord (à la lumière de votre top 10 des chansons que vous avez voulu écrire – dans le livre de Vignol-). Je me trompe ?
B. Louis : Je ne me souviens plus des titres de ce top 10… mais je confirme ce que je disais sur Murat. Il est intègre. Et je pense qu’il a aussi écrit quelques grandes chansons qui pourraient (pourront) vivre sans lui.
- Est-ce que vous avez continué à suivre Murat et ses productions récentes ?
B. Louis : Non j’avoue malheureusement (j’ai honte…). Mais cette interview m’en redonne l’envie, je vais m’y atteler. Je reste tout de même un fan inconditionnel de Mustango.
Merci Bertrand!
Interview réalisée par mails par Pierre et Florence (d.) du 13/09 au 28/09/2022
PS: Laurent BARDAINNE et tigre d'eau douce chez nos amis des Abattoirs de Bourgoin-Jallieu ce jeudi 20/10!