Alain Delon / Jean-Louis Murat (le guépard et le jaguar?)

Publié le 3 Septembre 2024

 

Je n'ai pas suivi de très près mais j'ai peu vu de référence à Alain Delon sur les réseaux muratiens à l'occasion du décès de ce dernier. C'est vrai que le lien n'est pas le plus évident (on est loin des occurrences : Neil Young, John Ford, Dylan...) mais par acquit de conscience et parce que l'article nécrophage est un de mes jeux favoris, j'ai quand même décidé de jeter un œil (comme je l'ai fait pour Daniel Darc, Gainsbourg....). 

Et on ne va pas le jeter très loin... et s'arrêter à BABY LOVE... où l'on va trouver certains journalistes incluant DELON dans le "panthéon de Jean-Louis Murat" à côté de Tony Joe White (plus évident).

Et oui, en effet, dans "Réparer la maison", il est question d'Alain.

Comment faire ? Indigène
Faut réparer la maison
Comment dire cimetière
Faut réparer la chanson
Surtout si de ton père
Tu connais même plus le nom
Pour moi l'amant d'ma mère
Fut le jeune Alain Delon

Il faut réparer la maison
Il faut réparer la maison

Comment dire ? Comment faire ?
Faut réparer le chagrin
Croix de bois croix de fer
Faut réparer dès demain
Par le chant phacochère
File arracher le chardon
Le Guépard et ses frères
Tiens j'pense à Alain Delon

Comme le temps nous prépare de sale façon...

 

 

 

Ce n'est pas comme je l'avais pensé une référence à une idole de sa mère, il en fait un père fantasmé, qui l'aurait rattaché, rien que ça, à l'Olympe, comme il le disait dans les inrocks: 

"Dans le disque, tout est grec, même Alain Delon. Je pense que Delon est une création de la culture grecque, un demi Dieu. Ce mec ne s'appartient pas à lui-même. D'ailleurs, il parle de lui-même à la 3e personne. A mon avis, c'est Hermés et Dionysos qui jettent un oeil sur ce qui se passe chez nous, de temps en temps. J'aurais aimé être un fils Delon, j'aurais eu une filiation avec l'Olympe".

Et dans cette chanson où il faut réparer une maison, un couple, un monde qui se délitent, il cite deux films de Visconti, le Guépard et Rocco et ses frères où des univers, des valeurs, des traditions se perdent et se meurent. 

Ainsi, même si Murat n'a à ma connaissance jamais cité de films de Delon dans ses goûts, il n'était donc pas insensible à ce personnage.

Amusons-nous avec quelques rapprochements:

- La beauté : Si l'un a incarné  la beauté masculine dans le monde entier, en assumant ce rôle, Jean-Louis a aussi eu l'image du ténébreux séducteur, mais il a affiché sa timidité et sa sensibilité, et rapidement fuit cette image médiatique.  Séducteurs, mais qui tous les deux savaient garder l'amitié et l'amour de leur ex. S'ils étaient tous les deux un fauve, Jean-Louis en jaguar s'imagine avoir du mal à attraper un coq ou à garder des oies. 

- La relation à la modernité:  On en parlait plus haut avec l'explication de la chanson.  "Je hais cette époque, je la vomis"  a dit Delon,  on fera le lien facilement avec Murat, mais ce dernier était sans doute plus "séculier" (son ouverture vers toutes les musiques dont le rap). Cette détestation de l'époque était un marqueur de l'homme de droite Delon, mais la comparaison s'arrête là avec Murat: malgré certains propos (à contextualiser), certains goûts littéraires (Bloy...) de l'auvergnat, tout rattachement à l'extrême-droite n'est que pure récupération. Il faudra un jour faire un article à ce sujet, je le note.   Le vrai lien sur ce thème tient sans doute aux blessures d'enfance, même si Murat porte un regard nostalgique sur cette période.

- Delon a commis quelques disques dont un duo avec Shirley Bassey, ce qui n'aurait sans doute pas déplu à Jean-Louis.... et même chanté avec F. Hardy pour laquelle ce dernier a écrit "memory divine".  Dans ce monde, d'autres partenaires auraient pu permettre une rencontre : Carla Bruni (Delon a fait partie d'un voyage officiel du président en Chine, où il a côtoyé Carla), et Patricia Kass dont l'acteur a été proche après une rencontre sur le plateau de Drucker (Murat lui a proposé des chansons via je pense son ami éditeur Luigi - sous réserve).

A noter que Delon a chanté "comme au cinéma" (en 1987) avant que Murat ne sorte une chanson éponyme en 93.  En , il connaissait un succès international avec Dalida avec "paroles paroles". Ce n'était pas pour le coup une référence pour Murat: 

Qu'as-tu pensé de la campagne européenne de Cohn-Bendit ?

(Il réfléchit longuement)... Un peu faux cul, non ? C'est comme si tu avais un grand frère que tu vénérais en pensant qu'il n'écoute que Jimi Hendrix et les Sex Pistols et puis qu'un jour, profitant de son absence, tu vas fouiller dans sa discothèque et tu trouves un disque de Dalida, Parole parole, en duo avec Delon (rires)... C'est bizarre, mais c'est l'effet que ça m'a fait, comme une espèce de trahison. Une trahison de discothèque, la pire de toutes !  (murat en amérique, 1999)

- Pour rester dans le domaine de la musique, deux petits clin d'œil : 

Delon est sur la pochette d'un des grands disque du rock "The queen is dead" des Smiths. C'est raconté par les Inrocks. Et Jean-Louis apprécie the Moz: 

« Lui, je l’aime beaucoup, et depuis très longtemps. Et autour de moi, tout le monde le détestait. Pour moi, c’est l’un des artistes essentiels. Et puis, j’aime bien ce goût de la mortification. Je l’ai un peu ça, j’aime bien me mortifier. Ca me plaît assez … Je déteste qu’on dise du mal de MORISSEY  ! C’est l’Anglais le plus intéressant au niveau des textes. Et puis cette façon de chanter inimitable. Ces deux dernières années personne n’est arrivé à le détrôner, et ce n’est pas  faute d’avoir essayé ». (…) « C’est le roi« . (…) « Il sera là encore dans vingt ans » (jv 92)

Une photo célèbre incarne l'effet Delon, avec Marianne Faithfull et Jagger.   On peut penser qu'assis sur le canapé, Jean-Louis se serait lui intéressé à Mick, même si c'est au groupe entier des Rolling Stones qu'allait son affection il me semble. 

 

 

-  Murat, héros de cinéma, il en a peut-être rêvé avant de voir que ce n'était pas pour lui.  Aurait-il rêvé de jouer dans une adaptation d'un livre de Proust?  Delon lui en tout cas s'y est risqué: en 84, il joue le baron de Charlus dans Un amour de Swann (Volker Schlöndorff).  C'est moins marquant que sa période italienne... qui a dû plus intéresser Jean-Louis, citant Visconti par exemple:

 L’Italie, c’est aussi l’émoi adolescent en voyant Silvana Mangano au Ciné Vox de son village. Ce qui a donné les chansons « Ciné Vox » et « Silvana » : « Elle était splendide dans tous ses films. Avec Pasolini, Visconti, De Sica... Elle était toujours admirable. C’était une Romaine mais dans L’or de Naples, elle était sensationnelle. On a beaucoup parlé de l’âge d’or du cinéma italien mais on devrait dire européen. Les historiens, s’ils veulent une définition de l’Europe, devraient se pencher sur ces comédies sociales des années 50, notamment italiennes. »

 

Voici quelques idées trouvés vite fait... Je vous invite à m'en donner d'autres en commentaires! Et grande pensée à Baptiste Vignol, grand muratien, et grand spécialiste et amoureux de Delon (biographe, créateur du site "dans les yeux d'Alain Delon" pour lequel Jeanne Cherhal avait écrit une chanson dédiée à l'acteur).

Rédigé par Pierrot

Publié dans #divers- liens-autres

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H
Comme toujours, c'est brillant et intelligent. Merci.
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