L'émission de France 3 est déjà en ligne. On en a parlé avec Richard Beaune ici. Un très joli moment à (re)vivre
plateforme France3 (disponible jusqu'au 28/12!). La diffusion sur les ondes sera le 27/11 (après minuit aux dernières nouvelles).
Je serai heureux d'avoir vos avis en commentaire!
Pour en rester sur cette soirée du 25 mai, on peut voir l'affiche exposée jusqu'au 18/01 au centre camille Claudel à Clermont:
la Montagne
Clermont Ferrand, jeudi 14 novembre 2024
1) Je n'ai pas fait beaucoup de pub à la sortie CD du PARFUM D'ACACIA... après celle en vinyle (épuisé sur la boutique Pias). Et cela n'a pas suscité de chroniques (d'ailleurs, j'ai même oublié de l'acheter en fait). C'est un peu dommage car c'est bien sûr un grand disque.
En première semaine, le CD est quand même apparu dans le top album avec... moins de 300 exemplaires... et a disparu ensuite.
«Avalanche» par Nick Cage ou par Jean-Louis Murat ?
Alexis Bernier
Deux reprises au programme cette semaine, d’après l’original «Avalanche» de Leonard Cohen: Nick Cave and the Bad Seeds et Jean-Louis Murat.
Nick Cave and the Bad Seeds
Deux reprises cette fois, puisque Avalanche est une création de Leonard Cohen dans son troisième album en 1971. La version qu’en donne Nick Cave and the Bad Seeds sur leur premier disque, le très flippant From Her to Eternity, est autrement plus démoniaque que celle du poète yogi canadien. A l’hypnotisant jeu de guitare nue de Cohen, les Bad Seeds, où s’illustrent à l’époque le guitariste «industriel» Blixa Bargeld et le fidèle Mick Harvey aux percussions, opposent un fracas spectral et glaçant que les hurlements funèbres de Nick Cave achèvent de rendre terrifiant. Assagi, Cave en donna plus tard une autre interprétation piano-violon-voix, bien plus fidèle à l’originale. Choisis ton camp, camarade.
Jean-Louis Murat
Amoureusement défendu par ce journal et malheureusement devenu un artiste presque underground à la fin de sa carrière, le montagnard disparu il y a un peu plus d’un an , était un compositeur unique, mais aussi un très grand chanteur. On n’insiste jamais assez sur le niveau vocal de ses interprétations. S’ouvrant sur le souffle du vent et le chant d’un oiseau des volcans qu’il aimait tant, cette version en français fut enregistrée en 1991 pour un magnifique album «tribute» commandité par les Inrocks. A la fois puissante et lasse, l’Avalanche de Murat semble flotter nue dans la brume de l’hiver. Sur cet écrin de nature glacée, la manière dont il fait respirer les mots est totalement déchirante.
3) Interview de Stuart Staples des Tindersticks: Je pensais qu'il connaissait un peu plus Murat (il me semble qu'ils s'étaient rencontrés en coulisse). Par Pierre Andrieu sur concertandco:
Un songwriter français (et auvergnat) disparu en 2023, Jean-Louis Murat, a lui-aussi collaboré avec Claire Denis. Il a aussi travaillé avec des membres des Tindersticks pour ses disques. Connais-tu sa musique et si oui, l'apprécies-tu ?
Je connais un petit peu la musique de Jean-Louis Murat, je ne peux pas dire que j'ai tout écouté mais je me souviens du moment où Dickon (Hinchliffe, nda) bossait avec lui, ça se passait bien. Je sais aussi que Murat habitait dans les montagnes au-dessus de Clermont, mais je n'en sais pas beaucoup plus, j'ai juste écouté quelques-unes des ses chansons.
Murat avait enregistré une version française de "No more affairs", qui était devenu "Plus de liaisons"?
Ah oui, je me souviens.
7) Un point 7 en passant parce que marre de la didacture du chiffre et parce que ce point ne méritait peut-être même pas un lien en plus :
4) On a consacré une chronique au livre d'Armanet il y a quelques temps. Je ne sais pas s'il mérite d'être dans le journal de Claire Chazal, mais en tout cas, c'est Guillaume Durand qui évoque certains propos de Jean-Louis Murat qui sont dans le livre. C'était sur public sénat, 3 muratiens (et je salue bien bas Guillaume qui a parlé de ce modeste au blog à 300 Millions de personnes en 2018 - je n'ai même pas la vidéo, suscitant une... non, rien du tout, mais quand même :
C'est à la 18 minutes (il est encore cité ensuite vers les 20 minutes)... "en d'artagnan, poète absolument formidable" selon Armanet [Grégoire Bouillier parlait de lui en Cyrano la semaine dernière, Murat qui s'est d'ailleurs grimé en ce personnage dans un clip]. Guillaume explique ensuite la ruée vers la musique anglo-saxonne chez les jeunes par le comportement des français pendant la guerre... C'est une analyse un peu audacieuse. Claire Chazal finit l'émission en conseillant la lecture d'une nouvelle revue Aventures dirigée par Y. HAENEL, autre muratien. On a partagé son hommage à Murat paru dans Charlie.
Guillaume en reste à l'important et n'évoque pas la pique sévère à J. PAGE dans l'émission Traffic Music. en 2004 (ça parle d'ailleurs du Parfum d'acacia au jardin, avec B. Molko).
5 si je ne m'abuse) Le nom de Murat ressort cette semaine au côté de Louis Chédid (les échos)... grâce à un nom qui ne me disait rien... Stan Neff.
"il l'a enregistré avec un jeune musicien, Stanislas Neff, avec lequel il s'est immédiatement entendu. Sur le CV de celui-ci, on remarque des collaborations avec Jean-Louis Murat, Camille, Brigitte, Christine and the Queens aussi Lilly Wood & The Pricks - un univers que l'on imaginait à tort bien éloigné du compositeur de succès comme Hold-up [ah oui! ;.)], T'as beau pas être beau, Ainsi soit-il".
6 Et le 6e point, Pierrot se reposa). It's time to lunch surtout.
7) Point Julien DORE
Bon, a priori la critique est plutôt d'accord avec moi sur le disque, même s'il a cartonné en terme de vente.
Sur France Inter: Jean-Louis Murat disait que le but ultime de l'album populaire, c'est quand l'auteur s'efface pour que la chanson appartienne à tout le monde. Julien Doré ajoute : « Comme si elle était désincarnée et qu’elle retrouvait une pulsion de vie, un corps, au travers des souvenirs de ceux qui se la sont appropriés par leur histoire. C'est le moment le plus miraculeux dans une chanson. En tant que chanteur, elle ne vous appartient plus. C’est peut-être dû à l'âme, à la médiatisation, à la célébrité, au succès de l’artiste. On pense souvent que c’est l’auteur de la musique qui mérite le piédestal, or, souvent, c’est la chanson. »
La citation est réelle (figaro 2008) et elle légitime le fait de "reprendre Murat" qui aspirait à être populaire (puisqu'il se disait le "meilleur"!!).
Toujours pas de version en ligne officielle de la reprise et pas d'autres mentions de Murat. Ma vidéo non répertoriée (visible que sur le blog ou en ayant le lien) a été vu 600 fois, c'est énorme. Allez, je mets en public pour voir...
J'ai pu m'organiser pour monter à Paris, même si la Maison de la Poésie a joué un peu avec nos nerfs en ne dévoilant la date du vendredi 15/11 que tardivement... la première date qui est devenue la deuxième, puisque une représentation jeudi a été ajoutée - ne permettant pas néanmoins à tous ceux qui souhaitaient venir de le faire. 160 places, c'est modeste. J'ai ainsi croisé le journaliste Dominique Séverac qui espérait rentrer par exemple.
D'ailleurs, dehors, c'était un peu la cohue dans le passage Molière, puisqu'un immortel vivant chauffait la place du nôtre, l'inacadémique tout aussi vivant d'après ce que nous dira quelques minutes plus tard Grégoire Bouillier. En effet, Dany Laferrière causait de James Baldwin à 19h, un Haïtien en lever de rideau d'un haï des siens (une partie de ses pairs mais je ne veux pas me justifier d'un mauvais jeu de mots)... Et en fait, l'autre frange (qualitative !) est là, bien représentée, sur scène mais aussi dans le public : je parle avec Barbara Carlotti qui m'évoque rapidement l'influence de Murat, ce dernier a aussi sorti CLOU (lui qui en est sorti beaucoup, des clous, d'où les inimitiés sus-évoquées), Barbara cite "Foule romaine" comme sa chanson préférée en story sur instagram le lendemain. L'adjointe de la Mairie de Paris aux anciens combattants est là, mais aucun rapport avec ses fonctions... Enfin, j'espère.
Je retrouve aussi Antonin, l'équipe du Lien défait... et on croise beaucoup de F : F. Vergeade, F. Loriou, F. LO, et la discrète F. du blog de Pierrot qui refuse tout net de se charger du compte-rendu... Ah, c'est dur de trouver du personnel.
Presque plus de personnalités donc qu'au dernier concert parisien de Jean-Louis... Non, ce n'est pas pour faire ma mauvaise tête, non. C'est juste pour parler.
Jolie scène, avec des canapés sur le fond et des tapis, c'est chaleureux.
La soirée débute avec le petit nouveau (dont nos lecteurs fidèles et très attentifs - je ne sais pas s'il y en a - connaissaient déjà l'amour pour Muragostang, l'un de ses trois disques préférés avec un Zappa et un Miles Davis) : l'écrivain Grégoire Bouillier. Exercice un peu difficile de démarrer une telle soirée, d'autant qu'il arrive dans un lourd silence de la salle, qu'il nous fait remarquer... Et il se lance dans une longue intervention, sur un rythme rapide, il a beaucoup à dire, c'est une course, c'est comme ça quand on a décidé de déclarer son amour que l'on avait tu longtemps, CQFD Penny!, faut que ça sorte, même si la pensée va plus vite que les mots qu'on en avale en passant, la sincérité évite toute péroraison pompeuse, et Grégoire de raconter que Murat n'est pas mort, qu'il est là l'accompagnant, qu'il ne peut être ami qu'avec des gens qui aiment également Murat (l'ami Pierre K. disait cela quelques temps auparavant), même dans ses piques de "Cyrano de La Bourboule" (il en cite quelques-unes - j'aime à rappeler moi qu'il a aussi dit du bien des rappeurs et même finalement de PNL mais passons-) pour terminer par un bouquet garni de vers, un cut up Murat très personnel, un best of perso, comme chacun en a un à lui, propre - ou plus sale (Eric Reinhardt fera lui aussi entendre les mots de Murat, dans une lecture émouvante et émue de "Au-dedans de moi" et "Bang Bang" : de la poésie, oui). Comme on le comprend en lisant son dernier livre, Le syndrome de l'Orangerie, chacun aborde une oeuvre avec son vécu, de son enfance comme aux jours précédents, son inconscient... un substrat qui va construire un pathos échappant peut-être à l'auteur - à condition de ne pas avoir la vie intérieure d'un teckel, pour reprendre une expression muratienne citée par Grégoire. Mais me voilà à le singer! C'est que je prends beaucoup de plaisir à lire Le syndrome de l'Orangerie, fasciné que je suis par les artistes, l'inspiration, la flamme -le feu sacré-, la vocation... C'est aussi ce qu'il nous raconte ce soir, et c'est très troublant de voir le narrateur de mon livre de chevet en face de moi, avec tout son aplomb et sa fantaisie (j'aime les deux ensemble).
Un solo de 15 minutes très applaudi, avant que les autres participants le rejoignent sur scène, et y restent : on alterne les solos, les duos, les chansons tous ensemble, mais tout le monde reste sur scène, s'assoit sur les côtés ou derrière, écoute attentivement... Eric Reinhardt contribue même au tambour sur "Nu dans la crevasse", piloté par Jeanne Cherhal qu'il ne quitte pas des yeux tandis qu'elle martèle le rythme à suivre sur sa poitrine. Et finalement Grégoire Bouillier et Eric Reinhardt s'agitent en gogo danseurs sur "Le cri du papillon" au deuxième rappel !
On retrouve beaucoup de titres joués à la soirée du 25 mai à la Coopé : très semblablement "La maladie d'amour" par Jeanne Cherhal, "Le cafard" par Morgane Imbeaud, comme la lecture par Eric Reinhardt, accompagné par Morgane, d'un extrait de son roman Cendrillon. Avec des variations sensibles et bienvenues cependant. Eric Reinhardt introduit sa lecture par le rappel du rôle qu'a joué Taormina dans la composition de son roman, et à une des périodes les plus difficiles de son existence. Il dresse aussi un beau portrait de Jean-Louis, homme et artiste. Florent Marchet a retravaillé l'accompagnement musical du "Monde intérieur", et la chanson prend encore une autre dimension : splendide reprise, suivie de celle de "Fort Alamo", tout aussi enthousiasmante. "Gilet Jaune#4", très dansant en grand orchestre à la Coopé est ici repris plus low fi... par les Red Legs qui nous font la surprise d'une reformation pour l'événement. Les Red legs, c'est la formation avec JP Nataf à la guitare et Jeanne à la basse. Ils sont très drôles tous les deux.
Mais je retiens surtout JP Nataf en solo sur "Le troupeau", une version qui s'éloigne beaucoup de l'original musicalement (plus que la version de Gontard sur Aura Aime Murat qui m'est si chère), qui me fait dire une nouvelle fois oh combien j'aime ce gars et son jeu de guitare. Et également le choix de Morgane Imbeaud de reprendre un titre de Travaux sur la N89, "La vie me va", seule au piano. Très très beau et de quoi peut-être faire réviser à certains leur avis sur cet album.
Je crois que j'ai dit ce qui me tenait à cœur, pour le reste.... ah, oui, c'est en intégralité là: (mais je vous propose de l'inédit ensuite!)
Bravo à Florent Marchet, Jeanne Cherhal, Morgane Imbeaud, JP Nataf, Grégoire et Eric, et Olivier Nuc, chargé de la guitare... et à Arnaud Cathrine, programmateur, pour qui Murat a été si important dans les années 80. Bon c'est peut-être l'occasion de citer quelques extraits que j'ai sous le coude depuis plus de 10 ans pour une interview qui ne s'est pas faite. Arnaud Cathrine :
J’ai eu, disais-je, une vie musicale clandestine, d’autant plus impérieuse pendant les années collège et lycée. Je revois ces garçons férus de Cure qui débarquaient dans la cour les ongles noircis au vernis et les lèvres rouges… Je ne comprenais rien à Cure, pour moi il était entendu que les garçons avaient le droit de pleurer (je n’aurais jamais pensé à aller chercher un quelconque second degré dans une chanson anglaise) et j’avais eu bien assez de leurs soupirs affligés lorsque j’avais brandi le magnifique « Cheyenne Automne » de Murat. « C’est quoi cette voix de tapette ?! » Sans appel. Je repasserai. Et je continuerai à écouter Murat. Je ne suis pas un garçon pop,je crois. Pas pop anglaise, en tout cas. Vous ne m’en voudrez pas ? (Mixte 2008 - disponible sur le site officiel d'Arnaud)
J'écume le répertoire de William Sheller, Véronique Sanson et Jean-Louis Murat. Je bêle dans le dos de mon professeur; je suis univers, je suis "Amoureuse", je suis "Passions privées". "Lorsque je tente de faire entendre la voix de Murat, je constate l'incompréhension crasse que l'Auvergnat aux yeux bleus inspire à mes congénères: sa voix alanguie désarçonne; le féminin qui s'y joue, il faut s'en défendre; quant à cet accent qu'il ne cherche pas le moins du monde à dissimuler, n'en parlons pas. A moi, il indique une voie, celle de la singularité (seul horizon, m'a-t-il toujours semblé). Et puis, il y a de goût pour le français et cette façon d'assumer totalement le sentiment (entre autres); voilà bien ce que je traque en moi-même à l'époque, restant du même coup à la porte des "bandes" qui sont majoritairement occupées non pas par la question du sentiment mais par l'expression brouillonne de la pulsion"
(NRF, de juin 2012, "variétés¨littérature et chanson")
Voilà ce que l’inconscient collectif semble demander à la chanson française. Du divertissement, tout simplement. Et je m’énerve tout seul, encore et toujours. Moi qui considère les textes de Dominique A, de Barbara, de Léo Ferré ou encore de Jean-Louis Murat comme de la pure littérature. Et pourquoi pas ? Moi qui considère que la chanson est un art majeur. Et pourquoi pas ? Mais c’est sans compter le paradis obligatoire et écervelé du divertissement… Sauf que nous parlons à un moment où les maisons de disque ajoutent leur contribution, paniquées Mixte 2009
Une chanson française qui ne va pas forcément aux Victoires de la Musique peut-être parce qu’à l’image du cinéma d’auteur et de la littérature; elle a d’autres ambitions que celle de nous divertir : elle, elle veut nous bouleverser, nous bousculer, nous désarçonner, affronter le pire et le meilleur de nos vies. Elle, elle n’arbore pas ce sourire forcé qu’on a parfois pendant les fêtes où l’on singe la joie comme des épouvantails. Elle n’est pourtant ni sinistre ni ennuyeuse : elle fait juste de l’or avec notre boue, selon la formule du poète. Rappelons-nous : c’est une expérience sacrément remuante de suivre le corbillard de Fernand avec Brel, de sentir le mal de vivre se changer en joie de vivre avec Barbara, d’assister au naufrages nocturnes de Richard avec Ferré, de regarder en face la mécanique terrible des trompettes de la renommée avec Brassens… C’est tout ça que fouillent, avec leur modernité et leur immense talent, Dominique A, Jean-Louis Murat, Florent Marchet, Bertrand Belin, Arman Méliès, Joseph d’Anvers, Valérie Leulliot, Bertrand Betsch, Alain Bashung, Philippe Katerine, Claire Diterzi, Frank Monnet… et Erik Arnaud. Entre autres. C’est ça aussi la chanson française. Une expérience sacrément remuante. Au moins autant que la « fête ». Sauf que ça nous laisse plus vivant. Alors pourquoi d’entre tous ces noms cités y en a-t-il que vous ne connaissez toujours pas ?
Cherchons l’erreur. Chronique écrite pour Envies de voir, TV5, 2007
Il y a de très jolies noms dans cette dernière liste... presque tous des "muratiens"... De quoi imaginer beaucoup d'autres belles soirées hommage... soirées ou week-end... Je dis ça, je dis pas rien, c'est bien l'annonce d'un week-end Murat, yes sir! le 20 et 21 juin, tout pareil, mais pleins de nouveaux participants!
J’ai lu, en duo avec Jeanne Cherhal, et non chanté, parce que Murat était aussi et avant tout un écrivain, un poète, le texte de sa chanson « Bang Bang ».
J’ai aussi lu, accompagné par la voix et les nappes de Morgane Imbeaud, un extrait de mon roman « Cendrillon », le livre qui nous a valu de nous rencontrer, Jean-Louis et moi, à l’automne 2007 et de devenir amis…
J’ai écrit une grande partie de « Cendrillon » en écoutant « Taormina » de façon éperdue, désespérée, comme si je m’étais raccroché à lui et que ma vie en dépendait.
Ma femme avait appris qu’elle était atteinte d’un cancer grave et m’avait fait promettre, comme un pacte entre nous, de terminer mon roman pendant qu’elle se battrait contre la maladie, afin qu’à l’automne, quelques mois plus tard, je le publie, elle soit guérie.
Je n’avais jamais eu autant besoin qu’une force extérieure me secoure, me protège, me donne foi dans la vie et le moment présent, fasse que le temps se dilate et qu’il m’accueille tel un nuage aux cieux — et c’est précisément ce que j’ai trouvé dans « Taormina », qui est la seule musique que j’ai écouté quatre mois durant, y puisant des forces et une ferveur phénoménales. Il y avait une dimension sacrée dans ma fréquentation ritualisée de cet album, ce qu’autorise voire favorise l’art de Jean-Louis Murat, incantatoire, épris d’absolu, d’au-delà, de transcendance.
Qui sait si j’y serais parvenu sans lui, la question pourrait paraître rhétorique mais elle ne l’est pas et c’est précisément, je crois, ce qui lie un grand nombre d’entre nous à sa musique : y trouver la puissance magique et tellurique dont nous avons besoin pour vivre, nous enchanter, nous consoler, endurer nos propres gouffres.
C’est ça, aussi, la musique, dans nos vies, on le sait bien.
On a déjà parlé de ce groupe après que j'ai pu assister à un de leurs concerts à Clermont. Leur album Dummy light in the Chaos vient de sortir le 18/10 chez Only Lovers Records/modulor avec un bel oeuf au plat dessiné sur la pochette. Une invitation au jeu de mots de foireux que je me refuse d'honorer, vous l'imaginez bien! Moi, jamais!
Pour le lien muratien, on notera qu'après ce qui était une petite intérim il me semble, Morgane Imbeaud fait toujours partie de la formation, même si le texte accompagnant le cd promo ne cite pour le noyau du groupe qu'Alexandre Costa, Sonia Lavergne et Pascal Mondaz... Ce dernier a aussi un lien avec Murat : il a enregistré Babel! Et à ce titre, figure dans dans le livre Les jours du jaguar de P. Andrieu avec une interview fort intéressante sur la conception de Babel (dont il a beaucoup appris - il a utilisé les mêmes procédés pour la Maison Tellier ensuite par exemple) et la personnalité de Jean-Louis. A l'époque de Babel, le texte promo nous disait ceci:
Pascal Mondaz
Ingénieur du son et réalisateur, attentif et instinctif, formé à la rude école de la scène, musicien en solo intégral avec Galaktyk Kowboy, Pascal ‘Power’ Mondaz a sans doute tout compris des subtilités du studio. Diplômé de la SAE de Londres, il a travaillé avec Cocoon, The Delano Orchestra, Zak Laughed, The Elderberries, autour de Bashung et avec la plupart des beaux projets clermontois.
Mais venons-en au disque : J'ai été un peu désarçonné au tout premier abord, en n'ayant pas l'impression de retrouver ce qui m'avait plu au concert (une luxuriance musical pop qui ne se prête pas à "une forme d'improvisation" telle qu'évoquée dans le texte promo), mais dès la deuxième écoute, le lien s'est fait, grâce aux rythmes et mélodies accrocheuses : "We'll be bound", "maybe not". Les harmonies vocales entre Alexandre et Sonia font merveille sur "Medusa"(très réussi) et "Weakness of mind"... et pour le coup, je retrouve vraiment sur ces titres ces petits bijoux pop (souvent à peine 2/3 minutes, voire une minute pour la dernière) qu'on a envie d'écouter en faisant défiler les miles... Une pop très 80 et 90s. Sur "whisper of Flames", c'est le petit synthé qui va nous conquérir, et on trouve les titres plus électro/synthétique : "lost cause", "walking away". "Rest my head" nous accroche aussi (C'est l'un des morceaux qui me reste en tête) grâce à sa partie de guitare qui pourrait tourner en boucle... on pense à The Cure, et c'est effectivement une référence citée (comme les Pixies, Slowdive, Girls in Hawai).
Cette galette (complète), c'est court, pas plat, mais au "poêle", percutant, sans coquille, frais mais protéiné, pas d'egg-eux du tout, on ne va pas faire un plat, mais ça fait un effet b-oeuf. Même les blancs sont bons. Un album-mine! Ça serait en français alors là...
En tant que camarade de route de S. EICHER, je veux signaler leur choix de reprendre EISBAR en live (filmé par P.Andrieux ici).
Après quelques dates en octobre sur la France, une seule date à retenir pour l'instant: concert le 8/03/25 à Rouen (les 3 pièces), mais à surveiller là : https://www.facebook.com/Montanitafootballclub
Et la presse apprécie:
"On est immergé dans une pop ouatée (“Maybe Not”) parfois lancinante (“Medusa”), très agréable et planante (“Lost Cause”), mais capable de quelques envolées plus alertes, comme ”Weakness of Mind” sur laquelle plane l’ombre de la new wave. ." ROCK & FOLK
"Le disque est gorgé d’une humanité profonde, naviguant entre noirceur et mélodies entraînantes, pour toujours trouver le chemin le plus clairement pop." INDIEPOPROCK
"On pense à Slowdive ou à Beach House mais ce qui est sûr c’est que ce premier disque est un clean game qui renverse nos quilles émotionnelles." SOUL KITCHEN
"Dummy Light in the Chaos est une régalade. Il sonne 90’s mais date d’aujourd’hui, impeccable de bout en bout" MUZZART
"(...) sublime album à venir, « Dummy Light in the Chaos », qui risque d’agiter la sphère indé en cette fin 2024." INDIE MUSIC
(...) la musique de Montañita s’épanouit tout en douceur et légèreté, les voix sont justes, les arrangements discrets et les mélodies délicieuses" ADDICT CULTURE
"Pour un coup d'essai, c'est un coup de maître pour le groupe clermontois Montañita qui publie mi-octobre 2024 un premier album vraiment canon (...)" CONCERT AND CO
"C’est drôlement bien ficelé et catchy, le coup de projecteur est mérité." BENZINE
EN passant, quelques dates pour Morgane Imbeaud, dont ce soir, avec l'équipe bleue (Matt Low, Alex Delano, Yann C...), et à Chambéry (je devrais y être).
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- On passe à Garciaphone, et son troisième disque Ghost Fire (Microcultures). Sortie le 8/11 (numérique, cd et vinyle)
Je suis condamné à faire la parenthèse muratienne, alors:(rappelons que Jean-Louis a fait figurer Olivier Perez comme une tête couronnée dans Point de vue/images du mondeen 2016, et évoquait l'extrême bon goût de ses ballades, se disant "même épaté". On retrouve aux crédits du disque : Guillaume Bongiraud (Delano-babel) et Mocke (ex-Holden, guitariste pour la Féline, Nesles et Chevalrex -entre autres muratiens). Zacharie Boisseau (Zac Laughed) est toujours présent (peu muratien, au contraire de son papa, mais profitons-en pour signaler sa reprise de MANSET avec Yan C. sur la chaine frenchkiss), et Clément Chevrier (ex Delano). Enfin, notons bien sûr qu'Olivier Perez accompagne à la batterie les Elyzian Fields sur les deux dernières tournées européennes avec Matt Low à la basse).
Ghost douceur?
Alors, je crois avoir dit et redit tout le bien que je pensais du dernier disque Dreameater il y a 7 ans. Depuis, le cd n'est jamais parti au fond des étagères, restant à disposition pour des écoutes régulières. C'est peu dire que j'étais donc curieux de cette nouveauté. De toute évidence, on ne part pas pour une révolution. On retrouve avec plaisir la douce et très juste voix d'Olivier Perez, et les fameuses ballades. Les ambiances se prêtent toujours à se lover au coin d'un feu, dans une longue soirée d'hiver... mais les orchestrations laissent deviner par moment (surtout sur la première partie) des tourments extérieurs, les intempéries qui frappent à la fenêtre... ambiance d'étrangeté peut-être accentuée par des interventions de cithare, bouzouki et saz (luthe), qui marquent un peu la différence avec le précédent disque. (je lis le dernier Grégoire Bouillet sur Monet, ça m'incite à laisser mes interprétations gambader comme une chèvre alpestre au printemps
Au fil du disque:
"Aloha He", est un charmant "bienvenue" avec une belle guitare et voix, après une note de synthé... L'orchestration s'enrichit vite, douce guitare électrique, nappe vibrante et de plus en plus grinçante. Comme sur Dreameater, on retrouve immédiatement ce folk au premier abord simple mais dont les orchestrations nous préservent de tout ennui avec une écoute attentive (surtout que les chansons sont assez brèves, l'album fait 30 minutes).
"Someone Else's Dreams" nous amène sur les mêmes rives, mais là, c'est Guillaume Bongiraud et les cordes qui interviennent, et des jeux de tempo et de rythme, qui viennent finir sur un long pont presque jazzy, conclu par quelques sons surprenants.
Même si une guitare sonne presque espagnole au démarrage, "Conditional love" semble à nouveau sans surprise... et on peut se lover dans la voix très belle, avant un final "expérimental".
Il serait temps de placer un morceau un peu plus enlevé, et justement, "Weathercocks" nous a sorti de devant la cheminée, et on peut avaler les miles sur la Highway... mais en 1 minute 20, la virée tourne un peu au drame au son d'une guitare un rien saturé. C'est Thelma et Louise, les flics sont à nos trousses.
Un coin de soleil nous attend néanmoins avec le bavard "The Human form", qui reste sur un format court (2.3 minutes).
" A House that Speaks", c'est l'arrivée au saloon, un bar à Nashville, avec ce thème très country, même si la voix aigue évoque Paul Simon. L'orchestration est cette fois très sobre... même si un petit piano vient créer un peu la surprise.
"My Genes and Education" nous ramène à des choses plus contemporaines. Je suis moins adepte mais le pont un peu dissonant est intéressant.
"Beyond The Speaker" est dans la simplicité, plus mélodique... le refrain est accrocheur, et le violoncelle de Guillaume intervient joliment.
"Better and Better" est le tube de l'album, avec son petit refrain accrocheur, accompagné du violoncelle, qui vient avec une petite progression tout en douceur. Au 2e passage, on dodeline de la tête, on tape du pied.... Au 3e, encore plus, même si le choix est de rester dans la douceur dans le pont.
"Heard of the Hermit", guitare et voix... c'est naked. Folk pur en stock... avant un peu de violoncelle. Joli pour terminer le disque sur un morceau un peu plus long (comme le premier titre, on ne dépasse par pour autant les 4 minutes).
Il m'avait fallu du temps pour vraiment rentrer dans le dernier disque et c'est sans doute aussi vrai pour celui-là. L'anglais est bien sûr un obstacle pour le bourricot que je suis, je n'ai pas le sens des textes, ce qui m'empêche d'apprécier durablement du folk sans identité forte et mélodies accrocheuses. Mais ce n'est pas le cas avec Garciaphone. Je pense d'un coup à le ranger à côté de Syd Matters pour le talent des mélodies feutrées, mais il me manque peut-être à Ghost fire les harmonies vocales qui étaient présentes sur Dreameater... notamment sur ma préférée "Every Song of Sorrow Is New" qui est un titre que je peux me mettre en boucle pour son final. Pour autant, ce disque reste largement au dessus de panier tissé de cordes nylon (je vous invite à comparer avec le dernier Raoul Vignal).
Ghost Fire Le Monde Culture, mardi 12 novembre 2024:
Quand on pense à l’Auvergne, le nom de Jean-Louis Murat (1952-2023) vient à l’esprit. C’est sans compter sur le talentueux Clermontois Olivier Perez, alias Garciaphone. Depuis 2011, ce multi-instrumentiste et chanteur (aussi batteur de scène pour le duo Elysian Fields) a publié deux délicats disques de pop folk cotonneuse. Ce fin mélodiste, héritier d’Elliott Smith (1969-2003) et de Badly Drawn Boy, affiche une éthique artisanale (avec synthétiseurs de fortune façon Grandaddy) qui contribue à son charme. Sept ans après Dreameater, ce troisième album s’étoffe d’orchestrations subtiles (violoncelle, cithare, saz, bouzouki) avec l’aide des touche-à-tout Zacharie Boissau et Clément Chevrier (The Delano Orchestra) et le guitariste Mocke (Holden, Arlt). Garciaphone nous installe dans sa bulle légère, tour à tour pop feutrée (A House That Speaks, Beyond the Speaker), radieuse (Better and Better, Someone Else’s Dream) voire délicieusement brouillonne (Weathercocks).
Sud Ouest dimanche - Gironde- dimanche 10 novembre 2024 : Interview de J. Doré
Jusqu’aux «Cuitas les bananas» de Philippe Risoli quand même…
Oui. C’est un grand écart dans lequel je me suis construit. D’une enfance où Risoli était à la télé chez mes parents, où on écoutait Dalida à la radio. J’ai grandi aussi avec un amour infini pour Hélène Ségara, et c’est un bonheur d’avoir chanté avec elle «Sarà perché ti amo».
Et puis aussi enregistrer «Un homme heureux», un des plus belles chansons françaises. Et ne pas oublier qu’aux Beaux-Arts, j’écoutais Jean-Louis Murat qui a été très important dans ma façon d’écrire. Alors j’ai enregistré «L’Ange déchu», un des six bonus des versions vinyles (1). Six que je ne voulais pas laisser de côté après avoir choisi 23 chansons dans la centaine au départ!
L'album de reprises de Julien Doré est sorti hier, mais la reprise de Murat qui figure sur l'édition "noire" du vinyle (cf l'article de juillet dernier) n'est pas disponible en ligne.
Voici une petite vidéo à l'arrache pour vous faire une idée:
Je ne suis pas allergique à Doré puisque j'ai plusieurs disques mais une première écoute de l'ensemble me laisse perplexe, même si lui défend le projet sur un champ artistique en citant Duchamp...
Sur la reprise de "l'ange déchu", mon coeur va à Stéphane Pétrier, avec l'émotion inégalable d'avoir été présent avec vous, à applaudir... Stéphane qui lui aussi par moment peut défendre la variété (Michel Delpech...) mais la sincérité doit transpirer... C'est toujours le cas avec Stéphane.
Alors, si vous voulez un vinyle avec un homme nu, je ne saurais trop vous conseiller le premier disque solo de M. Pétrier, "l'homme coupé en deux" chez simplex records
J'ai eu un peu de mal à accrocher avec des écoutes sur mon téléphone, pour des raisons qui tiennent peut-être à mon attachement au Voyage de Noz, mais après deux écoutes du vinyle, c'est définitivement adopté.
Voilà quelques années que nous croisons Richard Beaune ici. Journaliste de France3, à Clermont, c'est un des acteurs médiatiques de la vie musicale en Auvergne. Il était avec son équipe à la soirée "Te garder près de nous" à la Coopérative de mai le 25 mai 2024. Nous attendions donc un petit reportage dans le journal télévisé régional... en vain... et c'est là qu'il nous a appris qu'il préparait une émission plus longue (surprise: nous pensions que c'est Lætitia Masson qui bénéficierait en exclusivité de la captation de la soirée par les équipes de Biscuit Productions).
L'émission est annoncée : mercredi 27/11 à 23 heures sur F3 Auvergne-Rhône-Alpes et france.tv. Et Richard en assure sa promotion lui-même, en activant des réseaux sociaux... et en acceptant de répondre à quelques questions pour Surjeanlouismurat.com. C'est le signe que ce travail lui tient à cœur, et qu'il espère que cette émission rencontrera l'adhésion des "muratiens" même si son objectif est plus ambitieux : présenter Jean-Louis Murat à un public qui peut le méconnaître... à travers des interviews mais en laissant une très bonne place à de la musique live. Il s'agit donc d'un portrait, plus qu'un reportage sur la soirée, les coulisses, les émotions du public.. même si on revisite avec plaisir de nombreux coins de la Coopé. L'émotion est quand même rendez-vous... pour certaines interviews et pour moi, sur une petite séquence du final pendant lequel les artistes chantaient "le lien défait". Une interview un peu promo, promo...mais j'ai fait ce que j'ai pu!
bonjour Richard!
- Quel est votre parcours et votre histoire avec la musique en général ?
R. Beaune :J’ai commencé ma carrière de journaliste à Saint-Etienne dans la télévision locale TL 7. J’ai ensuite rejoint les équipes du réseau France 3 et j’ai travaillé quelques années en tant que « pigiste » dans plusieurs stations de France. J’ai rejoint la rédaction de France 3 Auvergne à la fin de la décennie 2000 et c’est là que je travaille toujours comme journaliste et présentateur.
La musique a toujours fait partie de ma vie, non pas en tant que musicien mais plutôt en tant qu’auditeur boulimique. J’ai une collection de plusieurs milliers de vinyles où se côtoient des artistes français et des groupes de rock psyché, du blues, du folk, de l'électro mais aussi du rap et du RnB. Je suis un passionné de culture en général : gros lecteur, gros amateur d’expos d’art… Très vite, ces passions ont déteint sur mon métier et j’ai bien été obligé de défendre la culture dans nos éditions. Je suis à l’origine d’un agenda culturel à France 3 Auvergne qui est devenu une « petite » institution : chaque vendredi, dans « PILS » (Par Ici Les Sorties), avec ma consœur Valérie Mathieu, on s’amuse comme des petits fous à écumer les grands rendez-vous culturels de la région. Je m’occupe également à Clermont-Ferrand d’un rendez-vous musical régional intitulé « Studio Trois » où nous invitons à se produire en live un artiste ou groupe de la région.
- Est-ce que vous avez ressenti comme Didier Veillault une certaine difficulté à vous intégrer en Auvergne ? *
R. Beaune :C'est drôle cette question parce qu'à la base je suis Auvergnat. Je suis né à Montluçon et j'ai passé mon enfance dans les Combrailles, à Saint-Eloy-Les-Mines. Mais je sais que beaucoup d'Auvergnats ne considèrent pas le Bourbonnais comme faisant partie de l'Auvergne ! Néanmoins, j'ai fait mes études à Clermont-Ferrand avant de migrer vers Saint-Etienne.
Pour autant, lorsque je suis revenu dans la région, je me suis pris la froideur auvergnate de plein fouet. J'ai mis un temps fou à m'intégrer dans la rédaction de France 3 Auvergne. Au début, j'avais le sentiment que mes collègues me jaugeaient et cherchaient à savoir à qui ils avaient affaire. Aujourd'hui, je suis un vrai Auvergnat, peut-être pas très avenant au début mais d'une fidélité à toute épreuve.
*Dans "une histoire du rock à Clermont", il indiquait n'avoir jamais été invité le soir par des relations... et qu'en réunion, dix ans après son arrivée, un collaborateur lui avait sorti au détour d'une conversation : "toi, qui n'est pas d'ici...".
- Sur le parcours, j avais prévu de parler de quelque chose qui se rapproche du "militantisme" ou d’un engagement pour la musique, notamment via le blog Pil's, qui ne me paraît pas une " commande" de votre direction ?
R. Beaune :Il se trouve que le blog de PILS était non pas une commande mais plutôt une proposition de la direction. Quand France 3 a commencé son tournant vers le numérique, ils ont donné la possibilité à certains journalistes désireux de le faire de créer leur propre blog et de laisser le journaliste y exprimer ses idées. J'avais une liberté totale quant au contenu que je publiais.
Et c'est évidemment la culture que j'avais envie de défendre. Alors oui, il y avait une part de militantisme dans l'affaire mais lorsqu'on est journaliste et qu'on souhaite parler de culture, tout particulièrement à la télévision et sur les chaînes généralistes, il faut forcément être un peu militant. Les reportages culturels sont généralement confinés à la fin du "canard" et il faut parfois se battre pour convaincre son rédacteur en chef de l'intérêt du sujet. Même pour réaliser ce magazine en hommage à Jean-Louis, j'ai dû faire face à des inquiétudes. Certains craignaient que Murat soit trop triste, que le personnage soit un peu trop à la marge... Heureusement, quand ils ont vu le résultat, ils ont tous changé d'avis et je soupçonne même certains d'écouter du Murat en boucle à l'heure qu'il est. Pas peu fier... Mais ici, à France 3 Auvergne Rhône-Alpes, tout le monde me fait confiance et me donne la possibilité de mettre en avant beaucoup d’événements culturels.
La culture, que ce soit la musique, l'art ou la littérature, peut être plombante pour celui qui ne fait pas l’effort de s'y intéresser! Et je comprends que certaines personnes, prises dans leur quotidien, n'aient pas le temps de donner un coup de pouce à leur curiosité et attendent qu'on leur dise "ça c'est bien" pour y aller. C'est donc ce que je voulais faire dans ce blog, c'est ce que je fais dans n'importe lequel de mes reportages et ce que je veux faire encore longtemps. Heureusement pour moi, je travaille dans le service public et dans la tête de beaucoup à France 3, parler de culture dans nos journaux fait partie de nos missions.
- La première télé de Murat tend à montrer que France 3 Auvergne a malgré tout toujours joué un rôle... (Plus en Auvergne qu' à Lyon? Je me rappelle plus de la chaîne TLM sur le rock - concerts du Globe...)..
R. Beaune : Je ne pense pas que France 3 ait joué un rôle dans la carrière de Jean-Louis Murat. Moins que Mylène Farmer en tout cas. Mais c'est vrai qu'il a fait ses premiers pas à France 3 Auvergne (l'archive est d'ailleurs présente dans le magazine). Pendant les premiers temps de sa carrière, l'artiste a été régulièrement suivi par France 3 Auvergne. Et puis je ne sais pas ce qui s'est passé mais il a disparu de nos archives. Sans doute plusieurs raisons à cela : il est arrivé un moment où il n'avait plus besoin de venir faire de promo sur les antennes locales pour vendre des disques. Il se peut donc qu'il ait décliné pas mal de nos sollicitations. Et puis je pense que le personnage n'étant pas facile, les journalistes n'ont pas vraiment eu envie de s'y frotter.
Pour ma part, j'ai eu l'opportunité de l'interviewer pour la première fois à l'époque de Babel. Je connaissais bien Alexandre Delano pour avoir déjà fait quelques reportages sur le Delano Orchestra. C'est ce dernier qui m'a proposé une interview à deux, lui-même et Jean-Louis au bord du lac du Guéry. Il faisait froid et les deux avaient en horreur l'exercice. Autant vous dire que cet épisode n'a pas été mémorable. A partir de ce moment-là, je n'ai eu qu'un objectif : réussir une interview de Jean-Louis Murat. C'est-à-dire, l'ennuyer le moins possible. Après néanmoins, il a accepté de refaire des interviews avec moi, j'ose imaginer que ça n'a pas été un si grand calvaire pour lui!
- En fait, sur la question 4, je parlais de Murat pour donner un exemple des artistes locaux qui ont la possibilité d’avoir un peu de visibilité grâce à l’antenne régionale... Depuis longtemps et de plus en plus avec Studio 3... (les camarades comme le Voyage de Noz, Delayre, Stan Mathis... [Même si Aura aime Murat avait été refusé m a t'on dit 😉]). On en profite pour saluer Christian Lamorelle qui vous a précédé et figure dans le "hall of fame" du livre "50 ans de rock à Clermont-Ferrand". Comment se passe la programmation de Studio 3 ?
R. Beaune :Effectivement, France 3 Auvergne a toujours soutenu la scène musicale auvergnate. Bien avant Studio Trois, Christian Lamorelle organisait déjà des sessions d'enregistrements de groupes locaux, on n’a donc rien inventé. A l'époque, l'antenne de France 3 Auvergne proposait beaucoup de programmes en dehors du journal régional. Quant à Studio Trois, ça a d'abord été Backstage, une émission réalisée dans les sous-sols de Lyon. En Auvergne, le studio a été réalisé bien plus tard sous l'impulsion d'Alexandre Jais, un ingénieur du son touche-à-tout de notre équipe. France 3 Alpes a ensuite créé le sien et la direction régionale a décidé de tout réunir sous la même bannière, à savoir Studio Trois. Depuis, je suis davantage force de proposition dans les artistes présentés. Le final cut, c'est Franck Giroud, responsable d’édition culture à France 3 Auvergne-Rhône-Alpes qui le détient, à Lyon.
- Puisqu'on y est, profitons-en aussi pour penser aussi à Pierre Ostian (décédé trop vite), créateur de l’émission « Montagne » et à son "successeur" Laurent Petit-Guillaume (« chroniques d’en haut ») qui ont mis à l’honneur Murat sur les antennes de la 3 (c’est suffisamment rare pour le signaler)...
R. Beaune :C’est vrai ce que vous dites. Honnêtement, j’avais oublié ces émissions. Mais cela prouve comme vous dites que France 3 et le service public ont toujours suivi le chanteur et vice versa. Jean-Louis, malgré tout ce qu’on a pu dire sur son côté un peu rustre, n’a jamais boudé la presse régionale malgré son envergure nationale. Il aurait pu comme beaucoup n’accorder des interviews qu’à Pascale Clark et aux Inrocks! Regardez toutes les longues interviews qu’il a données à Pierre Andrieu et qu’on peut aujourd’hui retrouver dans son magnifique livre “Les jours du Jaguar”...
Pierre Ostian
- Sur la première rencontre (ici), vous écriviez : « Je me dis qu’il a quelque chose d’une bête sauvage, celle qu’on rencontre au détour d’un chemin et dont la présence incroyable pourrait s’évaporer en un clin d’œil si on en fait trop. »
Joli... Pour la deuxième (« Je me situe à égale distance entre le sérieux et la blague, je suis équidistant, appelez-moi Equidistant"), c'est vous qui proposez le terrain, le musée ?
R. Beaune : C'est vrai et c'était vraiment ma première impression du bonhomme. Contrairement aux autres artistes que j'ai pu rencontrer, Jean-Louis Murat, malgré sa dégaine un peu négligée - ce jour-là, il était venu avec un sweat à capuches informe et un jean - m'a semblé insaisissable. Mais encore une fois, c'était l'exercice de l'interview qui le mettait mal à l'aise. D'ailleurs, il me l'a dit juste après : pour lui, exiger de quelqu'un qu'il formule une pensée, une idée, a fortiori quand cette personne a déjà tout exprimé dans son art, c'était vraiment contre-nature.
La fois d'après, nous nous sommes effectivement rejoints au Musée Lecoq au milieu des animaux sauvages justement. Tout un tas de bêtes empaillées l'entouraient. C'était son idée. Je n'aurais pas la prétention d'imaginer qu'il avait retenu ce que j'avais écrit après notre première rencontre. C'était lors de la sortie de Morituri, peu de temps avant le concert humanitaire à la Coopérative de Mai. J'y voyais moi, un clin d'œil au lynx, aux animaux qui peuplent cet album, le coucou, le taureau, l'âne, la brebis ou le renard fou... Et puis l'ambiance cabinet de curiosités du musée, un peu désuet, va très bien à cet album et à Jean-Louis Murat.
- Et puis, il y a ce troisième reportage "mobile", que l'on peut rapprocher de l’émission radio "à la dérive" (sur Nova), avec ce plan magnifique ensoleillé sur fond de feuilles dorées. Quels souvenirs avez-vous de cette promenade?
R. Beaune :Et quel souvenir ! Vous pouvez le rapprocher de l'émission de Nova car c'est en écoutant cette émission que j'ai décidé de le solliciter à nouveau. J'étais persuadé qu'il allait refuser mais non, il est venu. Nous l'avons récupéré seul, sur le bord de la route, à Douharesse ! On a commencé le tournage immédiatement. On l'a armé d'un micro-cravate et d'entrée de jeu, il s'est mis à commenter chaque bout d'arbre, chaque coin de montagne, chaque vue qui défilait sous nos yeux. Il m'a un peu charrié sur ma façon pépère de conduire, raillant qu'à cette allure, on n'arriverait pas à la Bourboule avant la nuit tombée... On a quand même atteint la Bourboule avant le déjeuner et là, il nous a baladés dans les rues et au bord de la Dordogne. Ensuite, nous avons bu un café avec toute l'équipe, éteint nos caméras et, tout en piochant dans mon paquet de cigarette, il nous a raconté toute sa jeunesse dans ce petit coin de paradis. Il avait bien un milliard d'anecdotes à nous raconter. Par moment, je regrettais que la caméra soit en off mais finalement, l'écouter et discuter avec lui était suffisant. Au bout d'une bonne heure, nous l'avons déposé à Douharesse. Il nous a invité à revenir visiter le studio un de ces quatre mais ça ne s'est jamais fait.
Lors de ce reportage, j'ai eu une vision toute autre du bonhomme. Il était généreux avec une énorme envie de partager ses souvenirs. On n’en revenait pas de toutes les histoires qu'il nous racontait sur la Bourboule. Il était tellement drôle qu'on en aurait presque oublié le créateur génial qu'il était !
- Trop tentant de vous demander s’il vous reste quelques souvenirs de ce qu’il vous a raconté pendant ce temps off...
R. Beaune :A vrai dire, très peu... Il nous a raconté un tas d'anecdotes croustillantes sur la jeunesse bourboulienne, sa propre jeunesse à la Bourboule et à Clermont mais je vous assure que je serais bien incapable de vous les restituer !
- On va passer à l'émission. Vous avez raconté que France 3 n'a pas été évidente à convaincre. Est-ce qu’il y a eu d'autres personnes à convaincre ? (Je suis étonné de ne pas voir Scarlett éditions ou le management de Murat au générique... Finalement on ne sait pas bien qui a organisé l'événement... Je mets en parenthèse car ça peut être du off).
R. Beaune :C'est justement là-dessus que je me suis trouvé injuste. Je ne peux pas dire que France 3 ait été difficile à convaincre puisque c'est mon rédacteur en chef, François Privat, qui a décidé de la faire finalement. Au départ, Hervé Deffontis (directeur de la communication de la Coopé de Mai) m'a demandé si France 3 serait intéressé pour faire quelque chose autour de ce concert. J'ai donc proposé la chose à mes supérieurs et pendant quelques semaines, je n'ai pas eu de retour. Et puis finalement, j'ai eu le feu vert. Comme Biscuit réalisait la captation, il a fallu négocier avec eux et j'imagine, avec les artistes. Mais c'est vrai que j'ai fait face à des inquiétudes à France 3 pour réaliser un magazine de 52 minutes entièrement consacré à Jean-Louis. On ne parle pas d'un simple reportage de 3 minutes mais de toute une émission autour de Jean-Louis Murat et je pense que certaines personnes craignaient qu'on s'y ennuie un peu.
Pour ma part, mon but était de pousser les téléspectateurs qui le connaissent peu ou pas encore à s'intéresser à sa musique, en faisant parler ses proches et d'autres musiciens.
Tout le monde a joué le jeu d'ailleurs : que ce soit Laure Desbruères de Scarlett Editions ou Marie Audigier, Denis Clavaizolle et toutes les personnes qui sont intervenues dans l'émission, tous ont été d'une générosité sans borne, avec la même envie de transmettre leur Murat à d'autres. J'aime beaucoup la phrase de Florent Marchet quand il explique qu'il serait profondément blessé si l'œuvre de Murat n'était pas davantage connue ou reconnue. Je crois que je le serai aussi. Alors à petite échelle, j'apporte ma contribution.
- Comme Biscuit faisait la captation, il a fallu négocier avec eux et j'imagine, avec les artistes? Est-ce que ceci vous a donné des contraintes dans votre sélection des morceaux diffusés? On peut ainsi indiquer qu’on ne verra pas Nikola Sirkis "la star indo-américaine" de la soirée...
R. Beaune :Au risque de vous décevoir, je ne suis pas du tout intervenu dans les négociations, donc je n'ai pas d'infos. Ce qui est sûr, c'est qu'il nous était impossible de faire rentrer 2 heures de concert dans 52 minutes. D'autant qu'on avait prévu de mélanger les prestations aux interviews.
- On devine que vous saviez qui vous alliez interroger, puisque les interviews se passent au calme, dans différents endroits de la coopérative (ce que j'ai apprécié). Certains intervenants de la soirée ont refusé ?
R. Beaune :Pour ce qui est de Nicola Sirkis, il n'a pas souhaité être interviewé mais je n'en sais pas plus. Hervé de la Coopé m’a juste dit que Nicola souhaitait être là pour Jean-Louis et ne pas se mettre en avant. En revanche, j'aurais pu faire d'autres interviews mais ça n'aurait pas tenu. J'ai donc fait des choix. Certains m'ont dit, très gentiment, qu'ils ne se sentaient pas de le faire. Je n'ai pas insisté. On s'est courus après avec Morgane Imbeaud tout le week-end car quand l'un était disponible, l'autre ne l'était pas. Une fois de plus, toutes les personnes présentes lors de ce concert ont été bienveillantes et généreuses vis à vis de nous.
- On apprécie en effet la large place à la musique dans le documentaire! Avec un choix dicté par les interviewés... et votre sélection « best of" ? (avec Par.Sek et Jérôme Caillon, Koum - je suis assez d'accord). D'autres prestations vous ont-elles marqué?
R. Beaune :Au risque de paraître un peu langue de bois, je crois avoir apprécié toutes les prestations de la soirée. J'ai trouvé qu'il y avait un réel engagement des artistes, une extraordinaire envie de transmettre leur amour de Murat, leur passion pour son œuvre et puis une telle communion avec le public. Tout le monde ce soir-là, que ce soit d'un côté ou de l'autre de la scène, avait envie de l'écouter à nouveau et pour cause, nous étions en juin, quasiment trois ans après la sortie de Buck John et si le destin n'en avait pas fait qu'à sa tête, nous aurions des nouvelles chansons à découvrir, "ça arriverait là" comme le dit Alex Beaupain dans le magazine.
- Donc si tout vous a plu, est-ce que vous avez eu des choix cornéliens ?
R. Beaune :Pas de choix cornélien. Je pense juste que les chansons choisies offrent un bel aperçu de l'étendue du registre de Murat et donnent envie (je l'espère) aux téléspectateurs d'aller plus loin. Jeanne Cherhal s'empare de façon magistrale de "La maladie d'amour" selon moi, Florent Marchet me souffle chaque fois que je regarde sa prestation du "monde intérieur" et "Fort Alamo" me fait pleurer quoi qu'il arrive. La reprise du "Jaguar" par un Jérôme Caillon tellement "habité" est d'une justesse incroyable. Par.Sek a reconstitué d'une belle manière la fougue du jeune Murat et a rendu à ce titre toute sa modernité. Bref, je ne vais pas tous les citer mais en tout cas, ces reprises s'imposaient.
Ces chansons, il était selon moi important qu’on les écoute, dans la longueur, qu’on puisse entendre le talent de mélodiste de Murat et ses textes si justes. Je partageais cet avis avec notre monteuse Amélie Després dont le sens du récit nous a bien aidé. Et puis je remercie aussi Xavier Blanot, le réalisateur, pour son sens de l'image et Raphaël Duvernay, l'assistant réalisateur, pour ses choix de cadres incroyables, toute l'équipe de tournage a été d'un professionnalisme et d'une inventivité à toute épreuve. Et puis un magazine sur Murat sur France 3, c'est possible grâce à trois autres personnes : Aline Mortamet, déléguée au programmes, Franck Giroud qui s’occupe des cases culturelles sur notre antenne et François Privat, rédacteur en chef de France 3 Auvergne.
- Quels autres souvenirs de la soirée?
R. Beaune :On ne peut pas le nier, il y a eu des couacs et des fausses notes mais le talent de mélodiste et la poésie de Jean-Louis Murat ont toujours pris le dessus. J'ai également été très ému d'entendre sa voix remplir la salle lors du montage de Biscuit sur "Je me souviens"...
- Je pensais un peu plus aux coulisses, au tournage...
R. Beaune :Par respect pour les personnes interrogées, je ne vais rien vous révéler. Ce que je peux vous dire en revanche, c'est qu'ils et elles étaient tous profondément ému.e.s lors du tournage. Au risque de me répéter, les artistes étaient tous très bienveillants les uns envers les autres et on sentait réellement ce besoin de célébrer Jean-Louis. Je tiens d'ailleurs à tous les remercier de m'avoir accordé du temps alors qu'ils avaient deux jours pour répéter tout un set !
- Je crois vous avoir vu interviewer un peu le public avant le concert. C'est peut-être une dimension qui manque (même si le "public" est néanmoins visible par moment - coucou Barbara, ou Mr Five'r, Noël, qu'on aperçoit) même si je comprends bien qu'en 52 minutes, il faut faire des choix. Ça n'a pas trouvé sa place? (On échappe aux plans sur les nombreuses larmes qui ont coulé dans la salle, c'est plutôt bien je pense).
R. Beaune : Je n'ai pas interviewé le public. C'est un choix, contestable certes mais néanmoins assumé. Mon but n'était pas de raconter la soirée mais de profiter de ces prestations pour faire un portrait de Jean-Louis Murat. L'amour que lui voue le public est, je pense, très clair en voyant le nombre de personnes venues célébrer sa mémoire ce soir-là. Je voulais profiter de ces 52 minutes pour faire entendre l'œuvre de Murat, la faire découvrir à ceux qui la connaissent peu et montrer l'influence qu'il a pu avoir sur d'autres artistes. J'ai montré le magazine à de nombreuses personnes qui, de Murat, n'ont en tête que les grands tubes des années 80 et 90 et tous m'ont fait part de leur agréable surprise en redécouvrant ce personnage.
Évidemment, avec Amélie Després, monteuse, et Xavier Blanot, réalisateur, on s'est demandé comme vous si la parole du public ne manquait pas. Mais il fallait aussi raconter une histoire avec ses personnages récurrents, combler l'absence du personnage principal avec la parole de ses proches. Les interviews étaient longues, pendant lesquelles chacun avait le temps de la réflexion. Si j'avais interviewé le public, vu le temps que j'aurais eu pour le faire, en micro-trottoir sur le parvis de la Coopérative de Mai, je n'aurais obtenu des personnes interrogées qu'un ressenti à l'instant T et sans doute pas à la hauteur de l'admiration qu'elles vouent à Jean-Louis Murat et de leur connaissance du personnage.
- Comment sera visible le film?
R. Beaune :La première diffusion est prévue le 27 novembre sur notre antenne. Il est trop tôt pour que je vous donne l’horaire exac]. Il sera en ligne sur France.tv dans la foulée je pense, ce qui permettra aux fans qui ne vivent pas en Auvergne de venir le voir à n’importe quelle heure de la journée, même si aujourd'hui sur toutes les box, on a accès à toutes les antennes régionales de France 3.
- Les questions rituelles enfin: Votre album préféré de Murat? R. Beaune :Chaque fois que j'écoute un album de Murat, je le redécouvre. S'il faut en choisir un seul, ce sera Le cours ordinaire des choses
- 3 chansons de cœur ?
R. Beaune :Il n'y en a pas que trois. « Accueille-moi paysage », « Fort alamo », « Chanter est ma façon d'errer »
Mais j'adore aussi "Que dois-je en penser?", "j'ai fréquenté la beauté", "Dordogne"...
- Et si vous l'avez vu en concert, un souvenir?
R. Beaune :Pas de souvenir précis excepté le fait d'avoir toujours été surpris par sa créativité et de ce qu'il faisait de ses propres chansons. Et un gros regret, celui de ne pas être allé le voir lors de sa dernière tournée. Je le croyais sans doute éternel.
- Enfin, quels sont les autres artistes auvergnats (dans la grande décennie à F3 Auvergne) qui sont pour vous les plus marquants ? Et d’un point de vue personnel, selon votre sensibilité ?
R. Beaune :Chaque fois que Morgane Imbeaud sort un album, elle me touche. Je suis très fan de la période folk de Clermont qui a fait émerger le Delano, Garciaphone ou Pain Noir. En ce moment, j'écoute beaucoup le dernier disque d'Alexandre Delano et celui de Matt Low.
Merci Richard Beaune!
Interview réalisé par mails du 26/09 au 30/09 (pour l'essentiel)
Et tous à vos postes le 27/11! Le numéro de la chaîne France 3 Auvergne sur les différentes box des opérateurs :
ORANGE : 304 - FREE HD : 304 - CANAL SAT : 353 - BOUYGUES BBOX : 473 - NUMERICÂBLE LA BOX : 913 - FRANSAT : 305 - TNT SAT : 304
- Allo, Florence? La tuile! J'ai beau avoir précommandé le livre de Chloé Mons depuis des semaines, on m'annonce une livraison pas avant mi-novembre! Je ne veux pas te forcer la main, et ne te tire aucun coup de C. Mons, mais vu qu'elle est en showcase (avec Yan Péchin!) en bas de chez toi, ... ou presque... tu pourrais te charger de la chronique! C'est vraiment pas du plein gré de mon insu. Et en plus, si j'en crois le ministre, tu es sans doute en arrêt maladie, ça t'occupera! Ah, tu n'es pas malade? En vacances? Ah, c'est soit l'un soit l'autre! Allez, ne râle pas! En plus, tu trouveras le moyen de parler d'Alain Klingler! Bon, non, si tu veux, je te fais l'intro soignée, avec des italiques et des points virgules.
- A Avignon, en juillet dernier, Chloé Mons, croisée au spectacle d'Alain Klingler qui l'a mise en scène à deux occasions (et ce n'est peut-être pas fini), nous parlait de son prochain livre dans lequel il serait question de Jean-Louis Murat (ils chantaient ensemble un duo sur l'album Hôteldel'univers en 2018). Le livre s'appelle Spacing, Date de sortie : 18/10 (éd. Mediapop). Chloé sera le 18/11 à la librairie L'écume des pages, boulevard Saint-Germain à Paris, et exposera ses photos au Séchoir à Mulhouse, du 8/11 au 8/12 (9/11 rencontre dédicace).
A toi, Florence!
Alain Bashung, Daniel Darc, Claude Rich, Jean-Louis Murat… A feuilleter ce livre, ce qui vient d’abord peut être la mélancolie, tant il est peuplé d’absents. Pourtant il y a une façon de les porter en soi, et de les donner à voir, pleinement vivants, vibrants. Dans ce livre tout en mouvement, les images du passé sont définies comme un « point de fuite » : un lieu où retourner, où s’animent ces instants fixés. Chloé Mons, avec de nombreuses photos et de courts textes qui les situent, les prolongent, les déplient, fait surgir, bien présents, des moments denses, pleins, des situations, des êtres aimés. Une anecdote, un bref récit, une simple légende, et nous apparaissent Doudou le garde du corps, ancien du gang des postiches ; les tournées avec Yan Péchin ; Margaret, une ancêtre roumaine morte à 104 ans qui « commençait ses journées avec un tout petit verre d’eau de vie et une cigarette fumée à toute vitesse » ; la tante Betty, sa déclaration dans un livre de bibliothèque à celui qu’elle aimait, les séjours émerveillés de la jeune Chloé avec elle à Paris ; les parents, la maison en Bretagne ; Poppée sa fille, bébé, adolescente, jeune adulte ; et évidemment, Alain Bashung, les tournées, les chambres de l’hôtel Blakes à Chelsea, « les moments amoureux » ou le mariage en Bretagne.
(Portraits, photos de groupe, maisons, paysages, lits défaits dans des chambres d’hôtel, témoins précieux de moments de vie, et ferments de la mémoire. Lisant parallèlement Spacing et Archipels d’Hélène Gaudy, enquête de l’autrice sur son père pour faire resurgir des souvenirs des objets accumulés et des paysages traversés, je suis frappée malgré tout ce qui les sépare - projet, écriture - des échos entre ces deux ouvrages, qui tissent un lien si serré entre la géographie et l’intime, qui ont choisi la forme fragmentaire pour travailler sur la mémoire, des « archipels » d’Hélène Gaudy aux « bulles » de Chloé Mons ; frappée de lire dans Archipels cette réflexion qui me semble résonner avec la géographie de Spacing : « La plupart des lieux traversés disparaissent, mais il y en a qui surnagent. Rien d’extraordinaire. Un album intérieur constitué d’images fixes qui font notre mémoire.
Je crois que ces paysages de passage, de vacances, ces jardins tranchés en deux par la lumière, ces morceaux de mur face au lit où l’on dort ou ce fatras d’objets tout au fond d’un tiroir, profondément nous constituent. Je crois que c’est à cela que tout le reste s’accroche, qu’il n’y a pas de souvenir de l’amour sans celui du drap où la joue repose, rien de l’enfance sans la fenêtre d’où l’on a regardé passer les voitures, aboyer un chien, et rien de ceux qui manquent sans le lieu qu’a marqué leur absence. »)
Bien sûr qu’il est chargé d’émotions ce livre, avec ces instants d’intimité heureuse, ces jalons sur les routes et chemins, photos prises sur le vif, pour, dit Chloé Mons, « ne jamais oublier », « essayer de capturer » un moment, une sensation. Bien sûr qu’il dit, avec une très grande simplicité et beaucoup de pudeur le chagrin des départs et des déchirures. Mais reste de ceux qui sont partis un lien jamais défait, et tout ce dont ils nourrissent les vivants, évoqué avec une infinie tendresse. « J’aime penser à elle » dit Chloé Mons, à propos de l’aïeule roumaine centenaire. Alors, une photo de fête dans le jardin de la maison familiale rappelle le jour où les cendres du grand-père Pop, tant aimé, ont été dispersées au cap Gris-Nez. La photo de la main de Chloé sur celle de son mari qui vient de s’éteindre est suivie du récit amusé des tribulations de sa tombe. Le « dernier voyage » de la tante Betty est l’occasion de la peindre par petites touches, de dire ce qu’elle aimait écouter, le dernier livre qu’elle a lu.
Reste surtout le mouvement de la vie, son élan. « Désirant », s’intitule le dernier chapitre. Dans ce livre qui travaille l’espace plus que le temps et fait fi de la chronologie, il n’y a de fixe que les images photographiques – et encore, tant elles sont aimantées par un ailleurs, un hors-champ. Grands ciels, vastes perspectives, routes et voies ferrées s’étirant au loin. Photos de gares, de tarmacs ; sur des quais, des bords de routes, en voiture. Instantanés d’avant ou après concert, souvenirs de famille, les deux mêlés au cours des deux dernières tournées d’Alain Bashung, dans les bus, les avions, les restaurants, les chambres d’hôtels. En Inde, aux Etats-Unis, Argentine, Italie, en Roumanie sur les traces de ses origines, seule ou en famille, Chloé Mons dit ses rencontres, ses découvertes et ses rituels, glane des détails, camion, pieds d’un vendeur en Inde, magasin de disques près du marché de Mysore. Et tout ceci se dépose, au retour, dans un foyer qui rayonne de cet ailleurs. Chloé montre la maison de ses parents, remplie d’œuvres d’art et d’objets du monde entier, témoins d’une inlassable curiosité, fondatrice pour les enfants qui grandi dans cette « merveilleuse accumulation ». Elle décrit la sienne comme le lieu où se modèle, se façonne, se transforme ce qui s’est vécu au loin.
Partir, dit en effet Chloé Mons, c’est toujours vivre une initiation, pouvoir être tout émotion et sensations, s’ouvrir à l’imprévu. C’est se ressaisir de sa propre existence, et le livre montre comment ce décentrement, cette liberté, ces rencontres nourrissent une quête de soi, et une quête artistique. Mais le voyage est aussi métaphorique, aventure et désir, image de la vie amoureuse, de la vie d’artiste ; image de ce que produit en nous une œuvre.
Ces instantanés autobiographiques, ces portraits éclatés, cet art de vivre et cet art poétique intimement mêlés, sont à la fois très émouvants et toniques : le livre entraîne dans son élan, son allant. A l’image de la dernière photo, Chloé avançant avec sa valise, un inconnu semblant venir à sa rencontre. Ou du dialogue avec l’artiste Myriam Mechita, rencontrée peu de temps avant : « “on part à Vegas et on va dans le pays des Indiens ?” Et on est parties. »
Chloé fait resurgir le souvenir de déambulations - bien moins lointaines :
Pochoir (cliquez pour le voir entièrement) de Miss Tic, rue de Pixérécourt, Paris 20ème, 1999
Et Jean-Louis Murat, alors ?
Il est, dit Chloé Mons, « l’image manquante » de ce livre : ne reste que la trace sonore de la chanson partagée. Alors elle lui écrit une longue lettre. Elle raconte quelques rencontres, sa présence, sa chaleur, et son apparition providentielle au hasard d'une terrasse parisienne : à un moment de doute dans son engagement artistique, Chloé y voit le signe qu'elle attendait... Et comme à chaque fois, elle est repartie « heureuse ». A elle aussi, il manque.
"Cher Jean-Louis,
Il n'y a pas d'image de nous. C'est l'image manquante de ce livre. Pourtant, vous y avez votre place, votre moment, sur cette drôle de route qui est la mienne.
La première fois que nous nous sommes rencontrés, c'était à la sortie d'un festival, sur un parking. J'étais avec Alain et le staff de la tournée et vous aussi vous étiez avec votre staff. Nous avons échangé quelques mots et vous avez été d'emblée chaleureux avec moi...."
La suite à lire dans Spacing... [...]
Mais notre image est ici noir et blanc et le temps d'une chanson, "3 minutes".
Merci Florence!
Petite remarque finale: nous ajoutons donc le livre Spacing au dossier "Murat/Bashung" comme une pièce à conviction, à décharge dans le "petit" procès intenté parfois à Murat concernant Alain B, même s'il devrait y avoir non lieu depuis :
(faut peut-être que j'arrête de lire du Connelly moi).