CANADA 3: petite interview et divers liens
Publié le 9 Juin 2010
Rue FRONTENAC: Article de Philippe Rezzonico, avec un "phoner" (interview par téléphone)
http://www.ruefrontenac.com/spectacles/francofolies/23784-francos-murat
EXTRAITS:
L’expatrié volontaire
«Ce sont souvent un ensemble de circonstances, assure Murat. Par exemple, Le cours ordinaire des choses est probablement mon disque aux influences les plus américaines depuis Mustango, qui remonte à la dernière fois où je suis passé chez vous. Un hasard.
«J’ai réalisé cinq ou six disques en expatrié, comme celui-là, qui a été enregistré à Nashville. Mais il n’y a pas de logique préétablie. Plutôt de l’instinct. Je n’allais pas à Nashville par devoir d’exotisme. Ce n’était pas un «Spécial Nashville». J’allais là-bas pour faire du Murat.»
Son instinct, finalement, l’aura bien servi. Sa kyrielle d’albums parus dans les années 2000 n’aurait probablement pu voir le jour dans la nouvelle décennie, qui s’est amorcée il y a quelques mois.
«J’ai l’impression que j’ai vu venir la crise du disque de loin. Présentement, j’ai des tas de projets qui sont en panne. Je présume que je vais prendre le rythme commun des collègues ou ne rien sortir du tout.»
- Pourquoi? À l’ère de l’internet, on peut tout sortir à son rythme, non?
«Au tout début, j’ai pensé que internet pourrait mener à beaucoup de bonnes choses. Plus maintenant. C’est devenu un robinet à bêtises, internet.»
Discothèque et bibliothèque
Quand on demande à Murat quels sont les éléments qui influencent sa démarche artistique quand vient le temps de composer les chansons d’un nouvel album, il a cette réplique savoureuse.
«J’essaie de faire un disque qui me permet de marier ma discothèque à ma bibliothèque. D’un côté, j’ai des tas de vinyles provenant de toutes les époques, de l’autre, une bibliothèque remplie de classiques français. J’essaie donc de me situer entre les deux. C’est une façon culturelle de mélanger le passé littéraire et musical. Je recherche une forme d’équilibre.»
Même s’il n’est pas du genre à déclarer qu’il peut faire du rock en français s’il le désire, avec la disparition de Bashung, Murat figure parmi une toute petite poignée d’artistes de sa génération – plus de 50 ans – qui peut faire des chansons charpentées sur du solide. Ce qui n’est pas le cas chez les plus jeunes, hormis – M –, qui fait figure de fer de lance de sa génération.
«Il y a une forme de désarroi, d’abdication et de résignation de société en France et en Europe. Il n’y a pas grand-chose qui se dessine. Les plus de 60 ans écoutent du Ferrat et tous les jeunes consomment de la musique anglo-saxonne. Il faut voir tous ces jeunes groupes français chanter en anglais.»
- Est-ce, selon vous, un phénomène éphémère?
«La France a un rapport tellement masochiste avec sa langue et son identité. Moi-même, je le paie cher.»
- C’est-à-dire?
«Quand j’ai fait le disque Charles et Léo, je me suis fait traiter de passéiste et de réactionnaire (éclat de rire du journaliste). C’est vrai. Il y a un désintéressement en France au plan de l’identité. Une fuite en avant.»
- Marrant. Chez nous, quand un collectif d’artistes a mis en musique les mots du poète Gaston Miron (Douze hommes rapaillés) il y a quelques années, le succès fut foudroyant, même chez la jeune génération qui ne connaissait pas ce poète.
«Chez vous (au Québec), le danger crée la prévoyance. Pas chez nous.»
Murat sera donc à L’Astral en compagnie de trois musiciens pour autant de soirs. Une belle boîte à surprises en perspective, donc, avec cet artiste qui a l’habitude de ne jamais refaire deux fois le même spectacle.
«C’est imprévisible, même pour moi, admet Murat. Mais je suis parfois contradictoire. Je suis capable de faire trois fois le même spectacle si ça me chante», conclut-il en riant.