FLORENT MARCHET 2 : Chronique "COURCHEVEL"
Publié le 17 Octobre 2010
Bon, j' vais pas faire original cette semaine puisque je vais parler de Florent Marchet... Vous connaissez mon goût pour sa musique, et vous connaissez son goût pour la musique de Murat... mais là n'est pas la question... d'autant plus qu'on ne fera guère appel à Murat lors de la chronique de "courchevel" : du côté de la presse, c'est Alain Souchon et Dominique A qui servent de chiens de berger aux moutons apeurés par cette pochette étrange qui met en avant deux espèces en voie de disparition : l'ours blanc et le chanteur rural à moustache... ouf... Florent Marchet évoque lui beaucoup les influences électro-pop de De Roubaix à Phoenix (qui a servi de modèle au mixage réalisé avec Stéphane Prin). La particularité de ce nouvel album se trouve bien là : des orchestrations sautillantes et pop, avec des connotations synthétiques... mais sans qu'on y perde le Florent que l'on a aimé : avec sa guitare, son piano et les cordes... Il y a même des interventions du grand musicien africain Mamadou Prince Koné qui pour un peu (sans casque) passeraient presque inaperçues. Et puisque j'en suis à faire du "nom droppinge", comment ne pas parler des musiciens qui ont popmentés les orchestrations d'épices "Syd Matterrienne"... Rémi et Jean-Yves du groupe du même nom (je les ai vu jeudi, c'est excellent!)*... et bien sûr d'Erik Arnaud à la prise de sons et à la voix sincère... Florent Marchet voulait travailler seul, dans son studio à lui, Nodiva, sans qu'on lui dise quoi faire... et finalement, j'ai l'impression qu'il n'y a jamais eu autant de monde autour de lui... mise à part une maison de disque... Il a fait Courchevel sans cette pression-là... même si, au bout du compte, elles étaient finalement plusieurs à vouloir défendre le disque (tout cela est raconté par Longueur d'ondes, le mag qu'on n'achète pas, sauf quand on est une maison de disque?...)
C'est parti pour une écoute:
Ca débute par "Courchevel"... et ses choeurs magnifiques... qu'il est difficile de ne pas garder en tête... J'ai quelques doutes sur quelques vers adulescents ("l'hôtel du néant', on dirait du Raphaël)... mais on est bien chez Marchet : outre l'évocation de l'enfance ou de l'adolescence, on parle de "classes sociales" : ceux d'en bas, ceux de peu, parlent de ceux qui sont CSP+ ou qui veulent travailler plus (cf "le cadre" de Frère animal ou sur le même album : la famille Kinder )... Et derrière, un drâme... Encore une fois l'évocation d'un suicide... Au casque, on entend nettement les tambours de Koné, mais je suis sceptique sur l'effet...
Ensuite, c'est l'idole... Un titre souvent chanté en live auparavant, souvent en solo, et je regrettais qu'elle fasse partie de l'album (apparemment, il ne faisait pas non plus l'unanimité en cours d'élaboration de l'album)... et pourtant, l'orchestration en fait un titre qui m'accroche... notamment sur le refrain( son idole, son idole, son idole, avec un peu de cuivre du plus bel effet...). Je le percevais comme un titre un peu plus léger, mais il est bien question de crime... Peut-être une chanson destinée à éloigner les groupies, comme la moustache ?
La légèreté, on l'a retrouve sur le single Benjamin... Espèce de Tanguy qui refuse de grandir... Là, encore, ce n'était pas mon titre préféré, mais le rythme impose une course accélérée contre le temps, joli contrepoint au refus d'avancer de Benjamin. Le synthé est excellent.
L'eau de rose... le titre que nous avait recommandé Erik Arnaud : " refrain et mélodie imparables...un poil dérangeante dans le texte, mais contrebalancée par une musique plus positive. Un merveille d'équilibre". Un titre où Florent Marchet interprète une femme de 30 ans. Ce qui me parait intéressant, c'est qu'elle garde un peu de mystère : le texte ouvre plusieurs pistes. J'ai entendu que c'était une femme au prise avec le silence de son mari... Je ne sais pas, mais en tout cas, la chanson commence par une phrase clef qui aurait pû être le titre de l'album si Florent ne prenait pas toujours un lieu géographique : "le bonheur me tracasse". Interviewé par Libé, Florent Marchet disait avoir "des angoisses de la perte"... Ceci explique cela.. mais ce qui est curieux, par rapport à Murat qui va écrire "la prière" (pour ses enfants)... Florent, lui, écrit "Narbonne plage" et la perte d'un enfant... On peut ainsi comprendre la critique (par ailleurs assez élogieuse) de V. LEHOUX de Télérama : "Un exutoire d'angoisses, donc, qui peut, à force, s'avérer oppressant". Sur "l'eau de rose", pas de grand drame... à moins que ce soit celui le plus grand? Celui du quotidien, désamour, et doutes du couple, "portes closes" et "vie en dent de scie". Oui, Erik, c'est une belle chanson...
Mais que dire de "Roissy" ?
Encore le temps qui file.... avec ce glockenspiel qui marque les secondes... Ce couple ne rattrapera pas le temps perdu... On peut penser au duo BB/Cherhal sur "Brandt rhapsodie" : la chanson évoque aussi la communication des couples au 21e siècle mais ici, le fil est rompu : la chanson est inspirée des coups de téléphone émis par les passagers des avions abattus le 11/09. Sujet béni pour un mélodrame réussie, pour peu qu'on est tous les ingrédients: le texte est une lente progression vers l’inéluctable, la fragilité de Jeanne Birkin fait bien sûr merveille, et les orchestrations de corde, et le cor qui sonne une veillée funèbre... Très émouvant.
"La famille Kinder", c'est la chanson où l'on entend le plus la calebasse de Prince Koné mais aussi celle la plus "électro" (j'ai aussi pensé fugacement à Tommy des who -à 1'38). Pas ma préférée à vrai dire....mais plaisante du fait de la richesse de l'orchestration (Florent Marchet est crédité de 12 instruments sur cette chanson, plus de « claps »!). Est-ce qu'elle me plait moins car 'il n'y a pas de mort dans cette chanson? Là, avant que le drame se noue, le personnage acte son objection de conscience : il ne veut pas de carrière, pas de pavillon avec gazon... Sans doute, une réponse au "se lever tôt pour gagner plus" (directement cité dans la dernière chanson)...
"Pourquoi êtes-vous si triste?" : on en revient à une chanson plus classique pour Marchet… Parce qu'il interprète un enfant de 12 ans au prise avec les secrets et les non-dits... La musique est fortement anxiogène (orgue et claviers), ainsi que le questionnement de l'enfant... Là, encore, j'aime que tout ne soit pas révélé. V. Lehoux écrit : "L'écriture est même assez maligne pour insuffler parfois le doute sur l'exacte gravité du propos (la chanson Pourquoi êtes-vous si triste, par exemple, nous parle-t-elle d'un deuil ou juste d'un malaise familial ?". Florent Marchet chante superbement, et le texte est magnifique de simplicité.
Comme "l'idole", je craignais "la charrette".... mais l'orchestration là encore change tout... clappement de mains, guitares estivales (presque un son à la steel drum), guiro (tenu par Seb Martel) et chœurs, illustrent bien la façon dont Florent aborde le thème du licenciement. C'est joyeux, mais sans que ce soit un hymne à l'assedic.. Bonne humeur de façade pour ne pas la perdre complètement ( "je ne suis plus rien")?
Après la charrette, on file en vacance... "Narbonne Plage".... avec lequel je me suis familiarisé ces derniers jours par vidéos (et qui fonctionne très bien en version épurée).. J'y voyais une chanson à la Jonasz... les vacances au bord de la mer tout ça (la fin de la chanson m'évoque aussi la chanson "la plage" de Lalanne). Florent Marchet dit que ses chansons sont une carte postale... et c'est vrai que le décors est excellemment bien planté, jusqu'à ce que l'orage... et "les parents qui oublient les enfants"... Que dire?... Je pense que certains ne supporteront pas et n'auront pas envie de réécouter ce titre... mais c'est beau, non?
Chaque album de Marchet a un instrumental. J’adorais « le belvédère » introductif de Rio Baril inspiré par Morricone… hélas, déjà trop court… comme ce « hors-piste ». 1 minute 50. Il me parait moins cinéphilique que « le belvédère » et plus 70’s. Il m’évoque le générique du « film du dimanche soir » de V. Kosma, du fait des cuivres qui tempèrent nettement l’angoisse délivré par la course du piano. J'ai écouté quelques musiques de De Roubaix sur youtube... la référence semble évidente.
« Qui je suis ? » est une chanson idéale pour clore l’album, avec sa lente introduction, la simplicité de l’orchestration et son texte introspectif reprenant certaines thématiques de l’album. La guitare sèche est très belle et que dire de l’interprétation… bravo, bravo.
Ce dernier questionnement sonne un peu comme un clin d’œil à ceux qui voudraient avoir levé tous les secrets de Florent avec cet album « intrigant »… Et pourtant, il me semble qu’il se dévoile beaucoup (même s’il tente d’inventer un personnage sur scène), reprenant le fil de « Gargilesse », son premier album, mais cette fois, en quittant le Berry et ses interrogations « provinciales ».
On aurait peut-être aimé un peu plus long… 11 titres certes, mais certains de moins de 3 minutes. Florent excelle bien sûr dans ce format –carte postale « ciselée »- mais on aimerait le voir se confronter à un peu d’héroïsme : un « seul alone » à la JP Nataf, un « nu dans la crevasse » ou un titre à la Manset tirant vers les 7 minutes. Par contre, il a oublié le « talk over »… et même s’il maitrise l’exercice, on est content qu’il chante comme il le fait sur tous les titres. Un album que j’aime beaucoup et que je ne me lasse pas d’écouter pour le moment où l’on retrouve le Florent Marchet que l’on connait en matière d’inspiration et de composition, mais avec une encore plus grande richesse d’orchestration que sur Rio Baril. On espère qu'il pourra toucher le grand public, même si les textes et les ambiances en rebuteront certains... et pourtant! Ne doit-on pas louer un chanteur qui met un peu de côté le thème des relations amoureuses pour explorer des horizons moins rebattues ?
Je serai à Lyon le 2/12 au kao pour le voir, mais je pense que j’irai sur d’autres dates en Rhône-Alpes, puisque le « Courchevel Tour » s’annonce riche… On pouvait regretter que Rémi de Syd Matters n’ait pas pu finalement se joindre à cette tournée, mais Sébastien Collinet, un de ses amis, auteur de musiques de film, a l’air excellent.
M...T , MURAT, MANSET, MARCHET.... je vais avoir du mal à donner le tiercé dans le bon ordre désormais...
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- Encore un live (mais ne vous y fiez pas trop non plus... sauf pour voir l'humour du Monsieur!) :
http://www.telerama.fr/musique/florent-marchet-live-1-3,61413.php
dans le parking de TELERAMA...
http://www.telerama.fr/musique/florent-marchet-live-2-3,61414.php
http://www.telerama.fr/musique/florent-marchet-live-3-3,61415.php
-Les sites officiels:
www.myspace.com/florentmarchetmusic
(Florent Marchet nous adresse une photo carte postale à chaque concert)
- L'histoire au long cours de Courchevel est sur LONGUEUR D'ONDES:
http://www.longueurdondes.com/2010/09/20/10-fois-florent-marchet-n%C2%B03/