Deux interviews, deux articles...et une photo inédite...
Publié le 5 Novembre 2011
- C'était cette nuit sur Inter : SOUS LES ETOILES EXACTEMENT...
http://www.franceinter.fr/emission-sous-les-etoiles-exactement-akli-d-et-tsenga-jean-louis-murat
A partir de 85 minutes!
Et ça débute par une citation d'un grand poéte par JLMurat : Topaloff...
On y apprend que Jean-Louis ne connaissait pas "l'amour est dans le près" dont on lui a parlé avec "vendre les près".
Il parle du groupe et sa bonne entente, d'Alex, des amis qu'ils voient chaque semaine... afin de disparaître rapidement... les retraités en prennent pour leur grade...Allez, je continue l'écoute plus tard...
- Dans la CROIX... en deux temps: l'interview et la chronique... avec une photo inédite... sur la route.. de C. EPINETTE!
"Jean-Louis Murat : « Notre actualité, c’est encore 14-18 et 39-45. Et Alzheimer… »
Le chanteur originaire d’Auvergne propose cet automne « Grand Lièvre », magnifique album de chansons à l’écriture poétique rare, engagée, traitant de la perte de sens et de mémoire.
Il sera en concert parisien le 10 novembre – veille des commémorations de la Première Guerre mondiale – au Trianon.
Pourquoi votre album s’appelle-t-il « Grand lièvre » ?
C’est le titre d’une chanson que j’ai voulu enregistrer. Mais je ne sais plus où elle est passée, comme si elle s’était effacée. Je suis resté avec cette idée, devenue le titre provisoire de l’album et que j’ai gardé jusqu’à la fin. Peut-être parce que je vois beaucoup de lièvres autour de chez moi. Et parce qu’il est beaucoup question d’effacement dans ce disque, d’oubli.
En effet, ce grand lièvre, à la fois omniprésent et totalement absent, fait songer à une chimère, un animal que l’on ne pourrait trouver qu’en se laissant errer…
Il y a de ça inconsciemment. En cherchant le grand lièvre, sans doute se cherche-t-on soi-même. En ce sens, le grand lièvre, c’est peut-être moi.
Faire un album autour de ce thème est donc une démarche intentionnelle ?
Non, je ne fais pas de chanson d’idée ni des chansons de narration. La chanson, globalement, est une affaire de feuilles mortes. C’est sa nature d’être ainsi. Je fais des chansons inscrites dans le discontinu qu’éprouve un homme choqué. Sans autre explication.
Le très beau clip de votre chanson « Vendre les prés » ressemble à une photographie de ce que vous chantez plutôt qu’à un film. La chanson elle-même en effet refuse la narration. Pourquoi ?
Parce que la narration est prise en charge par les médias, le cinéma. La chanson en a été exclue. Du reste, la jeune génération préfère chanter en anglais tant le mot en français n’a plus sa place, est exclu du système narratif mais aussi du système mélodique au prétexte que la sonorité anglaise paraît supérieure. Mais la langue anglaise, ce n’est que de la forme. Il n’y a plus de fond. J’espère pour ma part que le discontinu à la Bashung ne mène pas au cul-de-sac. Sans quoi il serait le dernier chanteur de langue française.
Pourquoi lui plutôt que vous ?
Parce qu’il a sans doute poussé la déconstruction à son maximum. Ses textes sans narration n’ont ni queue ni tête, comme ceux d’un Jules Laforgue ou des surréalistes. Chanter les troubadours ou la poésie de Baudelaire mise en musique par Leo Ferré, comme je l’ai fait, me permet toutefois de ressentir l’inadéquation actuelle entre les mots de langue française et une musique internationale envahissante et qui se transforme en bruit de fond. Le bruit de fond est gratuit. Quand on entend le mot culture, aujourd’hui, on sort la gratuité. Mais je connais beaucoup d’artistes incapables aujourd’hui de survivre à ce coup de revolver d’aujourd’hui. Il faut pourtant avoir le courage d’affronter la situation actuelle, d’être un chanteur de 2011, avec toute la difficulté qu’il y a à être écouté depuis ce glissement qui s’accélère. Le débat sur l’identité française aurait pu porter là-dessus : la langue, comme on la traite. Comme dirait l’autre, mon pays c’est ma langue.
Est-ce aussi ce que suggère la chanson « Qu’est ce que ça veut dire », chanson sur la perte de repère et de mémoire ?
Oui… Encore la mémoire, son effacement. Comme toutes les familles françaises, je suis touché par la survenue d’Alzheimer. Qu’est-ce que ça veut dire ces gens avec qui on pouvait communiquer et qu’on ne comprend plus… Au fond, tout le disque traite de cette perte, de cet Alzheimer dont souffre aussi l’entité européenne. Elle en est même un symbole fort selon moi. Et cela fait partie de la responsabilité des artistes de s’y pencher, parce qu’on assiste à un événement historique : notre génération aura connu la construction de l’Europe, l’espérance du début, puis sa déconstruction, la désespérance la plus totale, enfin Alzheimer, la vieillesse.
Ce constat noir que vous faites survient au moment où la Première Guerre mondiale, dévastation de l’Europe, est entrée dans l’histoire définitive. Plus personne de vivant ne l’a vécue. Il en sera bientôt de même pour 1939-1945. Vous évoquez ces deux conflits européens dans « Sans pitié pour le cheval » et « Rémi est mort ainsi », deux chansons qui se suivent sur l’album…
Dans le disque, je tente aussi de m’approcher de cette mémoire-là, parce que notre actualité, hors Alzheimer, c’est encore 14-18 et 39-45. On en est toujours à se demander comment c’est arrivé. Ce dont traite « Sans pitié pour le cheval » : la boucherie, les millions de bovins tués sous la mitraille, les vaches éventrées qui courent entre les tranchées… et 99 % des morts des deux guerres qui sont paysans. 1870 s’était arrêtée parce que les gars devaient rentrer les foins à la ferme. Il fallait qu’ils soient démobilisés. Et puis la technologie des machines de guerre, les chenilles, les gros engins, sont devenus des machines agricoles. Ce fut la fin d’une certaine agriculture et la deuxième mort des ruraux lorsqu’on s’est mis à faire de l’intensif, à parquer les bêtes, à laisser tomber le pentu pour ne travailler que sur terrain plat. Les paysans sont morts une seconde fois. Une mort lente et insidieuse. La chanson « Vendre les prés » dit cela : le paysan ne peut plus l’être. La modernité tue d’abord ce qu’il y a de plus beau. C’est pourquoi je ne l’aime pas.
Est-ce la raison pour laquelle, dans votre album, on entend la voix du cinéaste Andreï Tarkovski ?
Bien sûr. J’entretiens pour lui une vieille passion à laquelle je reste d’une fidélité maximale. Son cinéma représente tout ce que j’aime : la nature, l’enfance, la guerre, la famille, le pouvoir. Et le rapport entre les hommes et tout ça. L’histoire, en somme, et la façon dont on en est tous les produits. Ce que l’Européen ne veut pas prendre en compte. Sans être croyant, je pense qu’il ne fallait pas nier les racines chrétiennes de l’Europe. La géographie et l’histoire du continent sont celles d’une religion. La carte Michelin a été éditée pour relier entre eux les lieux de spiritualité.
Vous sentez-vous bien dans notre époque ?
Pas du tout. Je déplore cette époque où il faut être un bon communiquant. Je n’en ai aucune envie, pas plus que de m’acoquiner avec le présent. Même si c’est coûteux. Même si la société de communication le fait payer très cher. Beaucoup plus de gens devraient s’efforcer d’être mauvais communiquant… Mais je l’ai dit, je suis un chanteur de 2011, et je suis papa de deux enfants de 4 et 7 ans, j’ai des obligations, et je ne peux pas me contenter de déplorer l’époque. L’obligation paternelle est une très belle obligation.
« Grand Lièvre », 1 CD V2/Universal.
En concert le 10 novembre à 19 h 30 au Trianon, 80, bd de Rochechouart, Paris 18e.
Propos recueillis par JEAN-YVES DANA
D’une écriture musicale et poétique rare, le dernier album de Jean-Louis Murat, « Grand Lièvre », est une réussite
http://www.cyberpresse.ca/arts/musique/201111/04/01-4464655-boulaybiolay-la-rime-ideale.php
ean-Louis Murat. À bientôt 60 ans, le chanteur auvergnat livre l’un des disques de chansons les plus ambitieux et aboutis de la saison.
Sur les murs de nos villes habitués aux publicités rutilantes sont apparues cet automne des affiches mystérieuses montrant un paysan immobile au milieu de son pré retourné, fixant l’objectif d’un regard éteint.
Déroutante photo exprimant le désœuvrement, l’inertie, l’inutilité. Au-dessous de l’image, ce texte poétique, énigmatique : « Voilà monde moderne Et son cul plein de boue Accusant la montagne D’être obstacle à la joie » … Ce sont paroles extraites de Vendre les prés , chant d’amour à une ruralité qui s’éteint, titre étendard soutiré au dernier album de Jean-Louis Murat.
L’un des disques les plus ambitieux et aboutis de cette saison
À bientôt 60 ans, le « chanteur auvergnat » aux trente ans de carrière, qui a par le passé interprété Baudelaire et Béranger, signe avec Grand lièvre l’un des disques de chansons les plus ambitieux et aboutis de cette saison.
Un album pop aux musiques superbes exprimant la douceur mélancolique, où l’on entend la voix d’Andreï Tarkovski, artiste référence du chanteur, aux textes denses et emplis de noirceur.
Grand lièvre : de cet animal rare et précieux, divinité des Indiens d’Amérique, il n’est guère question sur le CD. Ce devait être le titre d’une chanson en même temps que celui de l’album. La chanson a disparu. Le titre est resté.
« Le grand lièvre, c’est moi »
Pourtant, l’animal, symbole d’espèce en voie de disparition, métaphore d’une terre qui se perd, est omniprésent au long des dix chansons. De Qu’est-ce que ça veut dire , qui ouvre le bal, au Champion espagnol , référence au géant de la petite reine Federico Bahamontes, de Sans pitié pour le cheval à Rémi est mort ainsi , qui évoquent l’une et l’autre la barbarie incompréhensible des deux guerres du XXe siècle, il n’est question ici que de disparition, de mémoire qui s’efface, de perte de repères.
« Que vaut ta chanson de geste aux baisers profonds et pieux, Amour que tu as changé », interroge Qu’est-ce que ça veut dire. « Dieu veuillez m’excuser La lumière est mourante », répond Vendre les prés … « Le grand lièvre, c’est moi » , dit Jean-Louis Murat, mal à l’aise dans ce siècle qui s’anglicise, se superficialise. Un gibier rare que l’on peut encore écouter sur scène. Profitons-en.
http://www.lesinrocks.com/musique/musique-article/t/72538/date/2011-11-05/article/jean-louis-murat/