Et une première interview, une!
Publié le 20 Mars 2013
Allez une première interview... qui ne nous apprendrera pas grand chose sur Toboggan, et qui fera plaisir aux clermontois.. On s'étonnera juste du titre choisi...
A lire en priorité en suivant le lien:
http://www.jlmurat.com/
Nouveau disque de Jean-Louis Murat enregistré à la maison après un album enregistré dans le sud à La Fabrique (Grand Lièvre) et les grands espaces Américains (Le Cours Ordinaire Des Choses). Avec le temps l’homme creuse le sillon de la douce mélancolie qu’il habille de sa voix chaude, surtout il continue à explorer le sacré de la Terre et ses innombrables richesses. « Toboggan » donne le vertige, celui de la chute forcément libératrice mais également follement jubilatoire, c’est un retour au home sweet home.
Est-ce important le lieu de l’enregistrement ?
Jean-Louis Murat : Le lieu influence forcément, mais au départ il y a toujours une question de moyens. J’arrive à m’isoler, j’oublie le lieu dans lequel je suis quand je fais de la musique, pourtant il y a évidemment comme une empreinte invisible qui s’immisce. L’ambiance est plus calme que pour le précédent, c’est d’abord l’envie de casser la routine. Il n’y a pas de stratégie, après les machines et le rock plein les ballons, là c’était plus posé.
L’album s’ouvre sur la chanson "Il neige", c’est de saison…
Jean-Louis Murat : J’aime l’hiver, depuis tout petit j’aime ça, je voudrais que jamais ça ne s’arrête, qu’il en tombe encore et toujours, deux trois quatre cinq mètres. Oui c’est l’enfance, je suis fasciné, la neige ça veut dire qu’on est isolé, coupé de tout. J’ai beau habiter dans la montagne, je trouve qu’il n’en tombe pas assez, j’aime la neige.
Et au mois d’août tu es malheureux ?
Jean-Louis Murat : J’aime pas trop, c’est bourré de touristes et tout, c’est pas très agréable.
Que signifie ce titre « Toboggan » ?
Jean-Louis Murat : J’aime bien les mots, je trouve que c’est joli, c’est un nom algonquin, c’est donc un nom indien quoi, ce n’est pas européen. Les deux g tout ça j’aime bien, aussi au niveau graphique. (Pour la tribu des Algonquiens le toboggan désigne un traîneau en bois qui sert à transporter du bois pendant la saison hivernale)
Tu as écrit pour Nolwenn Leroy récemment la chanson "Sur mes lèvres" sur le disque « O Filles De L’eau », as-tu des affinités bretonnes ?
Jean-Louis Murat : J’ai su par un manager interposé qu’elle cherchait des chansons, et je lui en ai envoyé une en empruntant un téléphone portable car je n’en ai pas. Ma chanson lui a plu et elle l’a mise sur son disque, il y a plus indigne que d’écrire pour Nolwenn Leroy. Elle dit qu’elle est Bretonne mais elle pourrait tout aussi bien dire qu’elle est Auvergnate parce qu’elle est moitié moitié.
Est-ce qu’il y a un vrai distinguo entre Clermont-Ferrand et la Bretagne, est-ce que tu perçois des différences selon les régions lorsque tu tournes ?
Jean-Louis Murat : Oui au niveau de la spontanéité et la chaleur du public, Clermont Ferrand est l’un des public les plus pourris de France, tout le monde dit ça, c’est une ville très bourgeoise, très bobo, très étudiant, c‘est quand même la ville de France qui a battu le record des vote Mélenchon. C’est connu tout le monde le sait, jouer à Clermont-Ferrand c’est galère ? Moi j’aime beaucoup le sud, Nice, Cannes, Montpellier, et puis le nord et la Bretagne. C’est vrai qu’il y a un ventre mou entre Bourges et Tour, la France moyenne un peu bourgeoise où les gens viennent pour voir ce que c’est mais ils restent sur leur quant-à-soi. Ils sont moins le sens de faire la java, dans le sud, le nord c’est plus la java, en Bretagne aussi. Je suis sûr que ça a un rapport étroit avec la consommation de drogue et d’alcool, plus tu vas dans les endroits où il y en a, plus c’est chaud.
Et à Paris ?
Jean-Louis Murat : Ça n’existe pas vraiment le parisien, il n’y a que des provinciaux à Paris, quand je passe à Paris j’ai l’impression de jouer que devant des auvergnats, que je reste l’enfant du pays qu’ils viennent soutenir.
Tu es monté à la capitale française quand t’étais plus jeune ?
Jean-Louis Murat : C’était pour bouffer, il y avait déjà du chômage en Auvergne et comme j’ai été chargé de famille très jeune, j’avais besoin de gagner de l’argent. Fallait que je bosse, et c’était encore à Paris qu’il y avait le plus de boulot. Ce que j’aimais bien ici c’est que tous les soirs je pouvais aller à des concerts, j’avais des copains journalistes qui avaient des invitations et j’en ai pas mal profité.
Quels sont les concerts que tu as vus alors ?
Jean-Louis Murat : Le premier concert de Bob Marley à Paris, c’était incroyable, je me souviens de Marvin Gaye, James Brown, je me souviens de Bob Seger dont je n’avais jamais entendu parler, c’était un concert sensationnel. Je me souviens d’Aretha Franklin seule au piano, et Curtis Mayfield, j’étais au premier rang. On était une centaine de personnes, je suis resté torse nu à ses pieds, il postillonnait en chantant et je suis ressorti trempé, je suis resté devant, je pouvais toucher ses orteils. Je te parle de ça, c’était dans les années 1970.
Ce côté musique noire n’est pas évident dans ta discographie.
Jean-Louis Murat : Ce n’est pas parce que tu aimes que tu vas pratiquer, si j’avais été élevé aux Etats-Unis j’aurais fait de la soul, mais comme ma langue naturelle c’est le français, je ne vais pas chanter comme Wilson Pickett en étant français. Mais il est vrai que toute mon affection se porte sur la musique Américaine, c’est ce que j’ai eu dans mon biberon, et si j’ai envie d’écouter un disque, c’est dans cette direction que j’irai.
Tu m’avais dit un jour que heureusement que l’homme n’est pas immortel, c’est à cause de cela qu’il travaille.
Jean-Louis Murat : C’est le fait de se savoir mortel qui pousse à faire quelque chose, pas pour faire quelque chose, c’est transmettre quelque chose, et je ne crois pas forcément que ce soit de l’orgueil ou de la vanité, mais je pense qu’il faut transmettre quelque chose de soi. Je suis papa, grand-père tout ça m’a toujours paru très important. Je suis d’une lignée paysanne, où tout a disparu, les fondations tout ça, tout avait été gommé. J’ai été élevé dans une ferme où il n’y avait pas d’eau courante par exemple, et j’ai vu la génération de mes parents tout laisser tomber, ne pas reprendre les fermes, et les bâtiments s’effondrer, les touristes arriver et des lotissements pousser. J’ai vu le monde que j’ai connu jusqu’à 15 ans se fracasser et disparaître. Il n’existe plus, alors j’ai quelques reliques, des brabants, des charrues de mon grand-père, ses chaînes comme il était forestier. Il me reste très peu de choses qui pour moi sont sacrées, quelques outils. Donc j’ai surement cette idée-là de transmission, je me fabrique des outils que je peux transmettre, pour que l’on puisse dire un jour, tiens grand-père il a fait ci il a fait ça, il a essayé de se bouger. Mais c’est vrai que si on était immortels on n’aurait plus raison de faire quoi que ce soit…
Propos recueillis par Christian Eudelinepublié le 20-03-2013