Interview dans "Le Point"

Publié le 24 Mai 2013

En concert dans toute la France à partir du mois d'octobre :

4/10/2013 : théâtre de Livry Gargan (93) / 06.10.13 : La Riche (37) - La Pléïade / 08/10/13 : Caluire (69) - Le Radiant / 11/10/13 : Annemasse (74) - Le Chateau Rouge / 18/10/13 : Lescar (64) - Salle de Lescar / 19/10/13 : Nantes (44) La Bouche d'Air / 20/10/13 : Nantes (44) La Bouche d'Air / 25/10/13 : Strasbourg (67) - La Laiterie / 05/11/13 : La Barbacane (78) / 07/11/13 : Saint-Étienne (42) Festival les Oreilles en Pointes / 09/11/13 : CEBAZAT (63) : Festival Semaphore en Chanson / 14/11/13 : Nice (06) Théâtre Lino Ventura / 22/11/13 : Paris (75) - La Gaîté Lyrique

 

A lire sur leur site... Ca fera sans doute moins de buzz désagréable que la précédente interview dans cette revue au moment de Grand Lièvre!

http://www.lepoint.fr/culture/video-jean-louis-murat-la-tranquillite-febrile-24-05-2013-1671843_3.php

 

 

Le chanteur sort "Toboggan", un album d'une beauté et d'une classe rares, doux rempart à la vulgarité ambiante qui hérisse l'artiste. Rencontre.

Ce matin-là, Jean-Louis Murat revient du commissariat. La veille il a oublié portefeuille et papiers dans un taxi. Venu à Paris pour le turbin - comprendre : la promotion -, il va les poches vides. Il s'excuse d'être en retard, on le sent usé et fébrile, plein de la tension des quelques heures passées au sein de l'administration où l'afflux humain avait des causes bien moins anecdotiques que la sienne. Ça le perturbe et on se dit que c'est tant mieux. On aime à penser qu'il est revenu de tout mais qu'il a la sensibilité dure à mater. Et c'est peu dire qu'on l'imagine à fleur de peau même si lui préfère se dire "dégoûté". Par la "faillite morale" de notre société, par un pays et une scène artistique "qui n'ont plus de voix".

 

Rien ne trouve grâce à ses yeux, pas même son propre travail qu'il réduit à "de l'égocentrisme", à "de la survie". On n'ose pas lui dire que ses mots, son timbre, permettent à d'autres que lui de survivre, de se rêver loin d'ici et que c'est énorme, que cela lui donne une voix justement. Mais sans doute aurait-il évacué "vous n'êtes qu'une poignée", lui qui rappellera à plusieurs reprises qu'il n'est "pas un gros vendeur".

 

Et pourtant, 19 albums qu'il nous enchante, qu'il nous entraîne à sa suite dans ses chemins de traverse. Sans pose, malgré toutes celles qu'on lui prête - troubadour, taiseux, macho, grande gueule... "Mes enfants me disent parfois : Arrête de faire ton Jean-Louis Murat." Le dernier album, Toboggan, a été enregistré à demeure, en Auvergne. On y entend des loups, des chiens, des grincements et des craquements indéfinis, la musique y est belle, du genre qui apaise, la voix de Murat en chorale à l'infini et les mots justes et pas juste poétiques. Rencontre avec un homme qui dessille les yeux.

 

Le Point.fr : Dans quel état d'esprit étiez-vous lors de la composition de cet album ?

 

Jean-Louis Murat : Beaucoup plus léger que je ne le suis maintenant. Mais ce qu'on fait ne correspond pas obligatoirement à l'état d'esprit dans lequel on est. On peut très bien être au fond du trou et faire un disque très léger et inversement.

 

On intellectualise ?

 

Non, c'est plutôt une affaire de survie, une façon de se soigner. C'est aussi ça, les chansons : s'il n'y avait pas des gens légèrement timbrés, il n'y aurait pas de disque, pas de livre... Cela correspond à un petit quelque chose, à un déséquilibre. C'est ça qui est pénible dans la promotion : il faut se comporter comme monsieur Tout-le-Monde et donner des réponses comme monsieur Tout-le-Monde, or il faudrait pouvoir se situer ailleurs. Mais c'est très mal vu.

 

Vous avez déclaré que cet album était né d'un constat, celui de la faillite de la morale. Quelle est-elle, cette faillite ?

 

C'était déjà vrai pour mes deux précédents albums. On est dans un pays très fortement en crise où tout est vulgaire : la politique, la façon dont on en parle, dont on la commente... Et tout le monde fait son quotidien de cette nullité-là. Les hommes politiques n'ont plus de pouvoir, le président de la République française a moins de pouvoirs que le président de Google. On est dans une société de l'impuissance, où les moins de 20 ans veulent quitter le pays : on a passé l'état d'alerte et personne ne s'affole. Tout ça fait un monde où l'on s'ennuie, un monde de dépressifs, un monde de méchants. Les gens sont méchants et on les désennuie faussement.

 

À ce sujet, vous écrivez "Tout incite à jaser / Pour presque rien / Nous jette un manteau sur les yeux" (Over an Over ). À qui la faute ? Aux nouvelles technologies ?

 

Non, ça remonte à beaucoup plus loin. Chez Proust déjà, on sent cela. Puis les évènements le camouflent : 14-18, la période ridicule entre deux guerres, 39-40, le sursaut absurde financé par les Américains... Les plus hauts cachets dans les cabarets avant 1914 étaient perçus par les pétomanes, faut le croire quand même ! Je me demande si on n'est pas revenus avant 1914. Alors, je me sens un peu en décalage.

 

Vous parlez aussi de "cadavre démocratique". Êtes-vous d'accord avec Houellebecq qui estime que la France n'est pas une démocratie ?

 

Je suis assez d'accord avec lui. Il y a une dérive, notamment parce que les gens sont de plus en plus fliqués. Son idée de référendum (Houellebecq prend pour exemple le modèle suisse, NDLR) devrait être envisagée même si ça foutrait une sacrée carambouille en France.

 

La musique peut-elle nous sauver ?

 

La musique a perdu la main, ce n'est plus qu'un rite, un divertissement. Le manque de curiosité, d'inattention, est érigé en règle, il y a tellement de niches que chacun ne s'intéresse plus à ce que fait le voisin. Et puis la chanson française ne dit plus rien d'intéressant : ouvrez la radio, on n'entend rien. On a l'impression que tous les chanteurs français chantent à travers un oreiller, ce n'est pas normal. C'est symptomatique de quelque chose de terrible. Quand j'ai commencé, il y avait des chanteurs et des chanteuses qui chantaient fort et qui disaient des choses. Alors que, maintenant, on ne peut plus rien dire. Ce sont les dernières lueurs de la bougie France, on le voit bien à travers ce qui est chanté. C'est un échec complet. Ça m'embête d'être pris là-dedans, d'être un élément de ce phénomène, mais depuis 30 ans, la chanson française est une catastrophe.

 

La numérisation de la musique participe-t-elle à cet échec ?

 

La musique en prend un sacré coup, c'est sûr, l'essentiel s'évapore. La numérisation, c'est de la Javel. Sur tous mes disques, il y a des bruits de fond, des trucs insensés que les gens ne discernent pas. Quand j'enregistre, les fenêtres peuvent être ouvertes, des micros traîner n'importe où : dehors, dans un couloir, dans l'escalier... Ça rend fous les ingénieurs du son, mais moi, je veux tout garder. C'est important d'avoir le bruit de fond, sinon la musique n'a pas tellement de sens. Au final, on ne l'entend pas forcément, mais c'est quand même dedans, comme si j'avais mis une fleur d'oranger dans un cake : ça infuse.

 

Enregistrer chez vous était donc un choix ?

 

J'aurais aimé voir ailleurs. Je voulais aller à Bombay, enregistrer là-bas, rester trois à quatre mois avec les enfants. Ou à Rio. Mais pour ça il faudrait que je sois un gros vendeur de disques... Il faudrait avoir un rayonnement plus grand, mais il y a les barrières du business, des radios... Alors, je me replie, je suis obligé d'enregistrer à la maison. Je me dis "merde, c'est un échec quand même".

 

Vous en éprouvez de l'amertume ?

 

Non. Ça m'amène à réfléchir, à me dire qu'il n'y a pas de pognon, que la société nous apprend à fermer notre gueule, que les artistes ne sont pas si libres que ça.

 

Mais ça, vous l'aviez compris dès vos débuts : je pense à la censure par Europe 1 de "Suicidez-vous le peuple est mort" en 1981...

 

Oui, on m'a rendu mon contrat et j'étais viré. J'ai dû arrêter la musique et bosser. Après, on fait attention à ce qu'on chante.

 

Il y toujours le choix de la scène "alternative"...

 

Mais on ne peut pas vivre de la scène alternative, à moins d'être malfaiteur ! Alors, on doit réduire l'idéal, les conditions de l'idéal... Mais il demeure quelque chose à l'intérieur qui ne bouge pas, qui doit être indestructible. C'est ce que je ressens chez tous les artistes que j'aime bien, chez les grands, même s'ils m'énervent : chez Dylan, chez Keith Richards, chez Cohen... Des gens d'une certaine génération. Maintenant, on est plus que dans la copie, dans l'ersatz, dans la simulation de l'énergie, je ne supporte plus cet univers rock. On fabrique une musique qui est juste bonne à servir de support à des pubs pour vendre des produits de ceci cela. Il y a parfaite adéquation entre les rockers, les traders et la publicité... Un triumvirat qui nous a amenés au fond du trou.

 

Vous semblez avoir un rapport complexe à l'écriture : vous regrettez d'être davantage reconnu comme "poète" que comme musicien et pourtant vous avouez consacrer plus de temps à l'écriture qu'à la musique...

 

Oui, mais écrire des chansons, c'est un exercice bien particulier, ce n'est pas de l'écriture, c'est du bricolage. Ma vraie ambition, c'est d'être écrivain, ce que je n'arrive pas à faire ou que je fais en douce. L'écriture de chanson est un pis-aller. Alors, oui, j'ai un gros complexe... Vendredi, je devais aller faire une émission avec Houellebecq, que je connais un peu. J'ai tout annulé. Je le trouve poétiquement nul, mais il a une telle puissance de romancier ! La puissance romanesque m'impressionne beaucoup, je n'ai pas envie de me confronter à ça...

 

Rien ne trouve grâce à vos yeux, pas même votre travail...

 

Non. J'aurais réussi si j'avais été connu à l'étranger en chantant dans ma langue. C'est pénible de faire des chansons dans une langue qui est dominée. Prenez "Over and Over" : jusqu'au dernier moment, la chanson s'est appelée "Über und Über". Ça faisait rire les copains, donc j'ai changé, mais mon idée première, c'était de la faire en allemand, qui me semble être la langue dominante en Europe. Il faut savoir reconnaître la langue dominante. Hier, je revoyais les images de l'écroulement des équipes de foot espagnoles devant l'Allemagne et je me suis dit que, même dans le sport, ça marche : la bonne santé financière amène tout le reste.

 

 

LE LIEN EN PLUS :

 

Act up Paris, fidèle à lui-même,  a dans la semaine fait son "mur des cons"...  et épinglé Murat... Cela a été peu repris.

https://www.facebook.com/photo.php?fbid=10151475493258650&set=a.10151475491108650.1073741832.48072328649&type=1&theater&notif_t=photo_reply

 

http://www.leparisien.fr/societe/act-up-presente-son-mur-des-homophobes-a-paris-17-05-2013-2812299.php

On y trouvait quand même du beau monde: Jospin et sa soeur par exemple...

Rédigé par Pierrot

Publié dans #Actu-promo sept 2012 à...

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M
<br /> Si Noëlle Châtelet était homophobe, ça se saurait depuis longtemps. Elle est opposée à la GPA (que ce soit pour homos ou hétéros parce que ça marchandise le corps des femmes et spécialement des<br /> plus pauvres) mais pas au mariage pour tous ni ne fustige l'homosexualité. Et son illustre frère n'est pas plus homophobe.<br /> <br /> <br /> Femme de François Châtelet (connu pour ses positions ouvertes et son soutien et ses enseignements à l'Université Populaire pour Tous de Vincennes), prof d'université brillante, écrivaine<br /> humaniste, on est à des années lumière des fachos et intégristes homophobes anti manif pour tous.<br /> <br /> <br />  <br />
Répondre
K
<br /> Merci Pierre mais était il indispensable de reprendre cette cochonnerie de mur de la onte de Act Up ?<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> (gros soupir)<br />
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P
<br /> <br /> Oui, c'est ma vocation... et je suis attaché à ceux qui m'en voudraient de ne pas en parler... mais je n'en fais qu'un lien en plus... pas un article...<br /> <br /> <br /> <br />