Interview Québécoise, "le soleil"
Publié le 15 Octobre 2011
On avait déjà eu la chronique de l'album... Voici l'interview! Notamment avec une explication de Murat sur ses "attaques" envers ses collègues musiciens.. une explication non pas nietzschéenne, mais shrekienne... Cette attitude de vouloir faire le méchant uniquement pour protéger sa quiétude et son soi à soi (oui,ça m'a bien plu cette expression!)... alors qu'au fond (de son trou du Sancy), on est plutôt gentil... LE LIEN EN PLUS semble l'indiquer...
Geneviève Bouchard |
(Québec) Ce n'est pas pour rien si Jean-Louis Murat a choisi le titre Grand lièvre pour son dernier album, arrivé dans les bacs la semaine dernière. À l'image de la bête qui a presque disparu dans certains coins d'Europe, le chanteur se considère comme un artiste en voie d'extinction. Il a souvent songé à quitter le métier, mais il se dit heureux s'il écrit une chanson chaque jour et il continue de lancer des albums presque chaque année depuis plus de 20 ans. Il voudrait voir son art plus largement diffusé, mais il entretient une image de marginal en même temps qu'une relation parfois explosive avec les médias. L'Auvergnat est un homme de paradoxes, certes, mais surtout d'honnêteté et de franchise. Entretien avec un artiste fidèle à lui-même et peu porté sur les compromis.
Q En 2000, après la sortie de l'album Mustango, vous aviez confié au Soleil que vous n'étiez plus certain de poursuivre votre carrière musicale. Vous avez lancé une bonne dizaine de disques depuis. Qu'est-ce qui vous a motivé à continuer?
R À chaque sortie d'album, je me dis c'est le dernier, que j'en ai marre. Mais j'ai beaucoup de mal à trouver une autre activité aussi intéressante, finalement. C'est très décevant. Depuis le temps que je sors des disques et que chaque disque est un quasi-échec, à la fin, c'est un peu épuisant. Mais malgré tout, je continue. La ténacité, il faut qu'elle fasse usage de talent. Voilà, je suis tenace.
Q Cet album a été enregistré plutôt rapidement, n'est-ce pas?
R J'ai enregistré pendant une semaine en Provence, dans des conditions quasiment live. J'aime beaucoup enregistrer comme ça. J'y suis très entraîné. J'aime beaucoup enregistrer deux ou trois chansons par jour. Je n'aime pas passer des jours et des jours sur une seule chanson. Je l'ai déjà fait beaucoup et je sais que c'est vain.
Q Sentez-vous que cette spontanéité apporte quelque chose de différent à votre musique?
R Je l'espère. Je trouve que de rester trop longtemps sur des chansons, ça aseptise, ça javellise le son. On travaille à l'ancienne avec une vieille console, des magnétos, des bandes qui tournent. Je dis aux musiciens qu'il faut tout enregistrer. Je veux que ce soit plein de microbes. Je veux qu'il y ait des bactéries absolument partout dans la chanson pour que ce soit une matière vivante.
Q Vos textes sont denses. Ils nécessitent parfois plusieurs écoutes avant de se laisser apprivoiser. Êtes-vous conscient de cet aspect lorsque vous écrivez?
R Dans ce que j'aime écouter, ça fonctionne un peu pareil. J'ai une discothèque faite de disques et de chansons où on aime revenir. Au cinéma, c'est un peu la même chose avec les films qu'on veut revoir. L'envie de revoir, de réécouter, de relire, c'est pour moi un signe de qualité. On trouve de nouvelles choses. On met ce qu'on veut dans une chanson, mais il faut qu'elle soit assez ouverte et énigmatique pour accrocher des états d'âme différents. À la fin, la chanson devient partie même de vos sentiments. Dans l'absolu, j'aimerais bien que ce soit toujours comme ça. Que les chansons collent à la peau.
Q Où vous situez-vous par rapport à vos collègues musiciens en France?
R Je suis extrêmement à part. Je ne sais pas si c'est bien ou pas. Je ne me sens pas du tout intégré dans le milieu de la musique. Mais ça me plaît bien, aussi. Avec un soin très particulier, j'ai choisi des amis qui ne sont pas dans la musique. J'essaie de me tenir à distance du monde du disque. Et dès que les gens se rapprochent, comme j'ai la langue bien pendue, je balance chaque fois des vacheries épouvantables sur les collègues ou sur le métier pour être bien sûr qu'on n'essaiera pas de m'approcher.
Q Vous êtes connu pour vos coups de gueule sur des plateaux de télé. Cette visibilité vous sert-elle?
R Ça m'est arrivé une fois ou deux. Ça se retrouve sur Internet, les gens en parlent. Dans la réalité, ça doit tenir en deux minutes. Mais c'est vrai que je suis soupe au lait. Et il ne faut pas que je me mette dans des situations où, sur des plateaux de télé, on attend pendant des heures et on parle de n'importe quoi. À un moment, je me demande ce que je fais là et je deviens désagréable. [...] Ça ne peut être que négatif.
Q Acceptez-vous toujours d'aller à la télé?
R Le métier est tellement difficile. Il faut faire passer l'information quand on sort un disque. Le problème, et je crois que c'est la même chose chez vous, c'est qu'il n'existe plus beaucoup d'émissions sur la musique. [...] La maison de disques m'incite à le faire, sauf que, si ça se passe mal, je joue contre moi. Surtout que moi, je suis un campagnard. Et devant cette agitation stupide à la parisienne, je réagis brutalement, parfois.
Q On sent bien ce côté campagnard sur votre dernier album. Vous y soulevez des questionnements sur la détérioration de la nature... Avez-vous mal à votre campagne?
R Toutes les atteintes à la nature, j'ai un peu de mal à les accepter. Surtout le phénomène touristique. J'ai presque des altercations quotidiennes avec des touristes. Le sans-gêne destructeur du touriste, ça me rend agressif. De ne prendre aucun égard pour les autochtones, c'est ravageur. On le constate avec beaucoup de civilisations qui s'ouvrent au tourisme et qui sont pulvérisées dans leur réalité.
Q Considérez-vous vos chansons comme revendicatrices? Avez-vous la volonté de changer les choses?
R Non. Je n'y crois pas. Je ne suis pas un optimiste, moi. Je ne me fais aucune illusion sur la nature humaine. Pour moi, l'homme est un salopard qui détruira absolument tout. Je n'ai pas d'autre philosophie. Je ne suis jamais surpris par toutes les saloperies que peut faire l'homme. Je suis accablé, mais pas surpris.
Q N'est-ce pas lourd à porter, cette philosophie?
R Une fois qu'on a dit ça, après, on organise la proximité. Il y a la famille, les enfants... Je me replie sur des valeurs assez traditionnelles. Malgré tout, j'essaie de faire passer qui je suis, ce que je vis. Je ne vais pas chercher trop loin de ce qui est autour de moi. Je fais de la chanson de proximité.
LE LIEN EN PLUS :
"Il faut rendre à César… Ou plutôt à Jean-Louis Murat, qui a longtemps représenté la seule tête de gondole locale. Un père spirituel ? Alexandre ROCHON :« Oh oui ! Un grand-père, même ! », se marre Mark.
« Il y a toute une scène clermontoise, dont fait partie Jean-Louis Murat, qui a fait vivre la ville musicalement pendant les années 80-90, poursuit Alexandre de Kütu Folk Records. Nous connaissons un peu moins Murat, qui vit à la campagne et fait plus rarement le déplacement pour les concerts mais nous ne manquons pas de pères spirituels, comme le batteur Christophe Pie, qui continue à nous accompagner, Gilbert, gérant de Spliff, disquaire indé de la ville, ou Christophe Adam, merveilleux chanteur et ingénieur du son. »
http://www.starstory.fr/Folk-in-Clermont-Ferrand_a390.html
D'ailleurs, va falloir que je me mette à écrire ma chronique de GRAND LIEVRE... parce que j'ai pas encore lu une seule ligne indiquant la présence de Christophe PIE dans les crédits de ce disque! C'est quand même quelque chose!
Et il faudra aussi que je remette la main sur le dernier disque des DELANO orchestra... parce que je ne l'ai pas suffisamment écouté.... - Petit! petit! petit!.. ne te cache pas... Non, décidemment, je ne vois pas où il est...