L'interview dans SUD OUEST

Publié le 25 Septembre 2011

 

 

On peut télécharger le numéro en pdf sur leur site. http://www.sudouest.fr

 

SAM 4773 

 

 

Dimanche 25 septembre 2011   par

 

Yannick Delneste

 

  SAM 4774

   Classe...

 

 

 « J'aime les champions »

Jean-Louis Murat, l'ermite auvergnat revient avec un seizième album en vingt-deux ans. De chair et de terre, « Grand lièvre » court sur les chemins de la mémoire, sur un folk-rock au romantisme sombre. Un grand cru d'automne

[LEG_NF_GRAS-Blanc]De son Arverne natal, Jean-Louis Murat émerge avec « Grand lièvre », son seizième album studio. photo carole epinette []
[LEG_NF_GRAS-Blanc]De son Arverne natal, Jean-Louis Murat émerge avec « Grand lièvre », son seizième album studio. photo carole epinette[]

«Fa u d r a i t qu'ils tombent l'arbre, il est mort. Ses racines vont transmettre le mal au voisin… » Ainsi digresse Jean-Louis Murat, paysan chanteur, dans le jardin d'un hôtel particulier de Montmartre. Encore plus rétif aux sorties promo parisiennes qu'un Cabrel, le baudelairien taciturne a pourtant le sourire et une disponibilité très éloignés du cliché de l'ingérable, forgé en quelques plateaux télé dont il assume le ratage.

Après quatre disques publiés en quatre ans, deux années séparent le nashvillien « Cours ordinaire des choses » de ce « Grand lièvre » panthéiste, tout de souvenirs inquiets drapé, enregistré avec chœurs, une nouveauté. On y entend des bruissements, Tarkovski en fantôme du « Cheyenne Autumn » originel (1989, déjà). On y retrouve surtout un Murat inspiré, conteur sombre et lumineux d'une époque où la mémoire se délite.

 

« Sud Ouest Dimanche ». « Grand lièvre », espèce en voie de disparition ?

Jean-Louis Murat. Beaucoup de choses disparaissent. Je crois que ce disque parle presque tout le temps de la mémoire. Celle de lieux, de gens, de conscience. Alzheimer est un des phénomènes les plus troublants de notre époque (« Qu'est-ce que ça veut dire », titre ouvrant l'album, NDLR) : un père qui ne vous reconnaît plus, une mère qui a l'innocence d'un enfant, et nous devant. Qui allons peut-être vivre la même chose. Qu'est-ce qu'on en fait ? Les guerres de 14-18 (« Sans pitié pour le cheval ») et de 39-45 (« Rémi est mort ainsi ») : on peut élargir à la perte de mémoire collective, dans une Europe qui serait atteinte d'Alzheimer. J'aimerais bien faire un Alzheimer tour, où on oublierait les dates, et bien sûr les chansons, avec l'indulgence de tout le monde, parce qu'on serait malade (rires).

La mémoire, ça se travaille…

C'est un autre thème de l'album. Toutes mes sensations viennent de mon travail. Le travail, c'est lutter contre la paresse, grande cause de l'oubli. J'aime me souvenir des rois de France. À la maison, j'embête tout le monde avec ça. Pour ne pas risquer d'oublier à terme le prénom de mes amis.

Qu'est-ce qui est important ?

L'avantage de vieillir, c'est que l'on sait définir les priorités. Aujourd'hui, c'est bien élever ses enfants, être un bon père. Il y a deux petits de 4 et 7 ans chez moi : il s'agit d'être à la hauteur.

Pourquoi cette image de râleur distant ?

Par protection. Parce qu'à la télé, on n'a jamais le temps et que je m'énerve. Parce que hormis « Des chiffres et des lettres » et la météo, tout le monde dans mon coin pense que la télé est une catastrophe. Parce que la promo est le seul moment où je ne fais pas ce que je veux. Parce que c'est de ma faute, que je me suis forgé une image de bouledogue. Je traîne cette image même dans mon village : le gars qui passe à la télé et qui n'est pas commode. Et je vous assure que je ne suis pas comme ça !

Que faites-vous dans votre ferme du Sancy ?

Je travaille tous les jours. J'étudie, je m'intéresse à plein de choses. Je n'ai pas spécialement fait d'études, alors j'en fais tous les jours. Là, je viens de commencer le Talmud. Je ne connaissais que le mot. J'essaye de ne pas mourir idiot. Enfin, un peu moins que la veille. Et, chaque jour, j'essaye d'écrire une chanson.

Pourquoi avoir choisi ces 10 titres-là ?

Les meilleures. Celles qui tiennent la route après les avoir jouées trois ou quatre fois par jour pendant une semaine. Celles qui tiendront la scène une soixantaine de fois. Mais la vraie réponse est celle des auditeurs. C'est en cela que la chanson est un art populaire : l'avis des gens qui n'y connaissent rien est le meilleur, même s'il peut être cruel. Ils me donnent des explications parfois insoupçonnées. S'il y a contresens, c'est que ce n'est pas assez bien écrit.

L'enregistrement ?

Comme à la maison : on ne touche à rien, et le 24-pistes tourne. Il y a des scories mais ça respire, ça vit. Le travail se fait en amont : l'écriture, le choix des musiciens. J'ai retrouvé Fred Gimenez et Stéphane Reynaud, et travaillé pour la première fois avec Slim Batteux aux claviers. Il a bossé avec Jonasz, Hallyday… et Percy Sledge !

« Le Champion espagnol », c'est Bahamontes ?

Oui. Le Tour de France, ça épate, mais on ne pense pas au même gars qui en février se tape le Tourmalet plusieurs fois de suite. J'aime les champions, les héros. Cela me rassure, qu'ils aient existé ou pas. J'aime leur travail, leur intelligence, leur sens tactique. À la maison, on voue un culte à Usain Bolt. À l'école, on demandait à ma fille qui, pour elle, était une figure importante d'aujourd'hui, après Charlemagne, François Ier et Charles de Gaulle. Elle a répondu « Sebastian Vettel ! » La faute de son père.

Avez-vous des héros politiques ?

Si tu as du temps à perdre, intéresse-toi à la politique… On est pris en otage d'une couverture médiatique qui n'est qu'appauvrissement. Les politiques tiennent le volant mais n'ont pas le contrôle du frein ni de l'accélérateur. Et nous font croire qu'ils sont Sebastian Vettel ! Un passe-temps pour les nigauds. La campagne 2012, c'est les Jeux olympiques… Alors, je préfère le sport et ses champions.

« Grand lièvre », de Jean-Louis Murat, Polydor/Universal, 17 € environ, sort lundi. En concert : le 6 octobre à Montauban (Rio Grande), le 18 novembre à Angoulême (La Nef).

« Je n'ai pas vraiment fait d'études, alors je travaille tous les jours, pour pas mourir idiot. Et chaque jour j'essaye d'écrire une chanson »

 

http://www.sudouest.fr/2011/09/25/j-aime-les-champions-508825-706.php

 

 

Rédigé par Pierrot

Publié dans #actu-promo- 2010-aout 2011

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