MURAT dans l'ALSACE (interview)

Publié le 21 Octobre 2013

Une petite interview... Ca faisait longtemps..

 

http://www.lalsace.fr/actualite/2013/10/21/j-aimerais-jouer-un-jour-dans-un-stade

À 61 ans, le prolifique chanteur présente sur scène – jeudi à Belfort, vendredi à Strasbourg – les chansons de « Toboggan », album du meilleur cru. L’homme, lui, s’affiche plus misanthrope que jamais.

Il y a quelque chose de solaire dans l’atmosphère de « Toboggan » : cet album reflète-t-il une période heureuse ?
Ce ne sont pas des chansons franchement rigolotes, mais nos métiers de chanteurs, c’est un peu le triomphe de la forme, et la forme détend peut-être un peu les chansons sur cet album, même si elles ne le sont pas tant que ça dans leur essence. Quand on gratte, on s’aperçoit que j’écris toujours la même chanson, comme les écrivains écrivent toujours le même bouquin. J’espère m’inscrire dans cette tradition-là plutôt que dans la veine des opportunistes, qui chantent n’importe quoi à chaque fois. J’espère chanter quelque chose qui me ressemble, pour former une discographie qui me ressemblera à la fin…
Les chansons d’un même album remontent-elles parfois à des époques différentes ?
Non, j’écris toujours pour un album en particulier, même si j’ai des centaines de chansons qui ne servent à rien. Des chansons de deux ou trois ans paraissent à mes yeux des vieilleries sans nom : je ne cuisine qu’avec des produits frais !
Sur cette tournée, vous reprenez cependant « Si je devais manquer de toi », extrait de l’album « Cheyenne Autumn », paru en 1989 : quel rapport entretenez-vous avec vos anciennes chansons ?
Je n’aime pas beaucoup les jouer, c’est une des rares : elle est plaisante à jouer à la guitare, comme un exercice bluesy au milieu du concert. Longtemps j’étais réfractaire à ça, aujourd’hui je m’en fous complètement. Je n’ai plus ce côté chichiteux de ne plus aimer des trucs que j’ai pu faire. Je mûris…
Vous dites écrire toujours la même chanson : qu’est-ce qui a changé, dans ce cas, entre celles de « Cheyenne Autumn » et « Toboggan » ?
Moi. Même si je fais toujours la même chose : j’ai appris à jouer de la guitare en écoutant JJ Cale, Tony Joe White et Neil Young, et j’en suis toujours là. Je trouve que dans le blues, il y a déjà tout : l’Amérique, le folklore irlandais, la vieille chanson française, le chant africain… Être branché là-dessus, c’est être branché sur toutes les musiques. Le blues a cela de bien qu’il est inépuisable, hors du temps, increvable.
Vous avez enregistré « Toboggan » en solo : l’êtes-vous aussi sur scène ?
Non, je suis accompagné d’un batteur. Je joue de la guitare, avec un côté très blues, j’ai toujours aimé jouer comme ça. Mais je joue une chanson bluesy un soir, plus chanson française, cadrée, le lendemain, ou bien l’exploser, en truc noisy. Il y a différentes dimensions à l’intérieur d’une chanson, mais c’est toujours un peu la même chose pour moi.

« Quand on a des enfants à l’école, on n’est pas du tout surpris par la stupidité de l’époque »

En arrière-plan sont projetées des vidéos que vous avez réalisées vous-même…
Oui, des trucs à la con, filmées avec un téléphone, rien quoi. Le rien fait un tout, c’est ce qu’on me dit. C’est plutôt de l’ordre de l’émotionnel. Je filme ce que j’aime regarder, quand je ne pense à rien : un bosquet, un poisson mort, un nuage qui passe…
On connaît votre passion pour la langue française : quelles sont vos découvertes récentes en la matière ?
J’en apprends tous les jours. J’ai des enfants qui apprennent à lire et à écrire, des petits enfants aussi, et je suis très papa et papy poule, très attentif à l’apprentissage : histoire, géographie, grammaire, vocabulaire…
Comment jugez-vous la manière d’enseigner ces matières à l’école, aujourd’hui ?
Comme tout le monde : c’est n’importe quoi, mais on fait avec. Ce n’est pas tout d’apprendre la grammaire et le vocabulaire, il faut aussi apprendre l’amour de la langue. C’est comme d’apprendre des accords quand on n’a pas l’amour de la guitare : trois mois après, on ne se souvient plus de rien. Quand on a des enfants à l’école, on n’est pas du tout surpris par la stupidité de l’époque. Les instits sont très bien, mais ils ont des programmes, des manuels vraiment cons, sans parler des parents, de la radio, de la télé… On est entouré d’un monde de publicités, d’images absurdes, qui parlent de « passion » toute la journée, mais ont vidé ce mot de tout son sens. La transmission de la bêtise se fait de plus en plus naturellement dans les familles et l’école a du mal à lutter contre. Mais on disait déjà ça il y a un siècle, on le dira encore dans un siècle…
Vos parents vous ont-ils eux aussi transmis l’amour de la langue ?
Non, j’ai appris tout seul, grâce aux livres et à deux-trois profs.
Il y a la langue, il y a aussi l’histoire : vous proposez en concert une chanson inédite sur la Première Guerre mondiale (« Loï en 14 ») : qu’est-ce qui vous a rendu sensible à cette catastrophe ?
Un de mes grands-oncles, qui s’appelait Jean-Louis, est mort en 1918, et comme dans beaucoup de familles, on m’a refilé tous les attributs du héros. J’ai toujours été fasciné de voir mon nom sur le monument aux morts. J’ai développé un rapport bizarre avec cette guerre, comme si j’y étais mort. J’ai écrit beaucoup de chansons sur cette période, c’est une vieille marotte. Il y a deux ans, j’ai sorti un album, Sans pitié pour le cheval, sur la bataille de la Marne. C’est un moment fondateur de l’Histoire de France et de l’Europe, tout y est : Debussy et Proust, la monstruosité, la Seconde Guerre mondiale… On est toujours dans les conséquences de la bêtise de cette époque.
Vous citez Proust, votre auteur préféré, alors que l’on célèbre le centenaire de la parution de « Du côté de chez Swann »…
J’ai une petite collection, des éditions variées, rares, notamment japonaises, des ouvrages de commentaires, c’est une petite manie. Il y a toute la littérature française dans Proust. Et quand on a tout lu une fois, que l’on connaît l’histoire, on peut relire au hasard.
Pour l’album « 1829 », vous aviez mis en musique des textes de Pierre- Jean de Béranger (1780-1857) : pourriez-vous en faire autant avec Proust ?
Non, c’est impossible, même si j’ai l’habitude d’avoir une sorte de petite musique proustienne dans les oreilles. Proust, c’est la phrase de grande amplitude, d’asthmatique, c’est l’esprit français dans toute sa splendeur, qui chipote, coupe les cheveux en quatre. Pour moi, c’est le maître. Il y a les écrivains qui se rapprochent de lui et ceux qui n’y arrivent pas.

« Enregistrer des disques et faire des concerts, je n’ai plus l’impression que c’est mon métier »

Quels sont vos projets ?
J’essaie d’en mener plein, mais c’est tellement la crise dans le disque que je ne parviens à en faire aboutir aucun. On n’est plus dans un contexte où je peux dire que j’ai trouvé un auteur du XIVe siècle pour faire un album ! Le business ne veut même pas en entendre parler. Enregistrer des disques et faire des concerts, je n’ai plus l’impression que c’est mon métier. Je continue à le faire, mais c’est vraiment une activité pour blaireaux.
Dans un entretien accordé à « Paris Match », j’ai été surpris de lire que vous rêviez de jouer « devant 300 personnes », au moins une fois dans votre vie…

J’ai dit ça ? Je joue régulièrement devant 300 personnes ! J’ai dû dire 30 000, ou 300 000, plutôt ! J’aimerais en effet jouer un jour dans un stade, sur une grande scène. Mais j’ai bien peur que ça n’arrive jamais. C’est profondément injuste, mais bon…

Propos recueillis par Olivier Brégeard

 

 

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Rédigé par Pierrot

Publié dans #Actu-promo sept 2012 à...

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P
<br /> émission à écouter sur étude de textes de Beaudelaire, le gai savoir - F Culture du 20/10/13 avec référence à JLM - l'héautontimorouménos -<br /> un grand merci pour les actus concerts. Pas très entousiasme sur la réédition Toboggan à venir, quelle idée bizarrocommercial d'un "mini album" ?<br /> kénavo<br />
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