Petite fille (suite) : une critique...
Publié le 26 Janvier 2011
Alors il parait qu'autour du 14 février, aucune diffusion de ce téléfilm n'est prévu, comme un article précédent l'annoncait... mais voilà de quoi être encore plus impatient:
http://television.telerama.fr/television/petite-fille-grand-film,65078.php
LE FIL TéLéVISION - Premier coup de cœur 2011 avec "Petite Fille", de Laetitia Masson ("En avoir (ou pas)", "A vendre"...), qui raconte avec talent et sensibilité l'histoire d'une jeune provinciale (Hélène Fillières, magnifique) qui veut échapper au destin que d'autres ont choisi pour elle. Bientôt sur France 3. Notre envoyé spécial à Biarritz nous présente également deux autres fictions françaises en compétition, moins abouties : "L'Infiltré" (bientôt sur Canal+) et "Les Mauvais Jours" (bientôt sur France 2).
Il y a plusieurs manières de définir Petite Fille. C'est une histoire d'amour fou avec une comédienne, Hélène Fillières, follement attachante. Soyons plus précis, c'est un conte de fées moderne où une jolie bergère, Sylvie Neige (mais elle aurait pu se prénommer Blanche), rencontre un séduisant citadin, Gabriel, dont elle tombe éperdument amoureuse. De Petite Fille, on peut aussi dire que c'est un film où Laetitia Masson ressasse – mais avec quel talent – la même histoire (la sienne), celle d'une jeune femme qui se sent à l'étroit dans sa vie de provinciale. On pourrait enfin parler d'un film de famille où la réalisatrice s'est entourée des gens avec qui elle aime travailler : Hélène Fillières, qu'elle avait fait tourner en 1993 dans son premier moyen métrage, Nulle Part, et plus récemment dans Coupable ; Antoine Hérberlé, son chef opérateur fétiche ; Benjamin Biolay, dont elle a réalisé l'année dernière un portrait, Dans ta bouche ; Jean-Louis Murat, qui a composé la musique du film et à qui elle avait consacré en 2009 un documentaire, Falling in love. De Petite Fille, on peut surtout d'ores et déjà parier qu'il sera l'un des deux ou trois films qui compteront dans cette 24e édition du Fipa.
Mais reprenons. Sylvie Neige a 35 ans. Fille unique, elle travaille et vit dans la ferme de ses parents, qui l'aiment d'un amour étouffant et cherchent à la marier pour assurer son avenir et celui de leur ferme. Elle, proteste : « Je ne suis pas à vendre. » Lointain écho de la réalisatrice à son deuxième film, A vendre, dont l'héroïne, France (Sandrine Kiberlain), n'envisageait pas d'autres relations que tarifées. Sylvie, elle, attend l'amour. Le seul qui vaille, le grand. Mais il lui faut maintenant faire vite, car la pression de ses parents se fait plus insistante et puis, comme dit son unique amie, « Tu frôles la date limite de vente. Si t'attends encore, tu seras périmée ». L'amour prendra les traits du romantique Gabriel (Benjamin Biolay), dont l'assurance n'est qu'apparente, au point d'avouer : « On n'est jamais sûr de rendre les gens qu'on aime heureux. Moi encore moins qu'un autre. »
De cette histoire, Laetitia Masson tire un film magnifiquement écrit et où tout sonne juste. Sylvie Neige, comme la plupart de ses précédentes héroïnes, est habitée par l'impossibilité de ne pas trahir. Surtout pour un amour sublimé à force d'avoir été attendu. Surtout parce que l'amour des siens l'enferme plus sûrement que la plus hermétique des prisons. La trahison n'en sera que plus violente. Laetitia Masson filme ce drame avec sensibilité, restituant fidèlement la pesanteur et l'ennui d'une vie à la campagne quand on est obsédé par le désir de s'en échapper. La réalisatrice sait rendre émouvante des scènes a priori banales, comme ces dîners entre Sylvie et ses parents, filmés en plans-séquences. Elle introduit, quand il le faut, un peu de légèreté dans la gravité ambiante, et son choix de tourner en lumière naturelle donne à son film un charme particulier, une forme de poésie légère. Enfin, il y a Hélène Fillières, dont on se demandait si on allait aisément oublier le personnage de chef de clan corse qu'elle campe depuis trois saisons dans Mafiosa. La réponse n'a pas tardé. Hélène Fillières n'est pas seulement crédible en jeune femme perdue dans ses rêves adolescents, elle est magnifique dans l'expression à la fois dérisoire et sublime du désir amoureux. « Saurais-tu par cœur quel est ton bonheur ? », chante Jean-Louis Murat sur le générique de fin. Sylvie Neige a répondu sans équivoque à la question. Et nous, on se dit que Petite Fille est un grand film.
Deux autres fictions françaises (L'Infiltré et Les Mauvais Jours) sont cette année en compétition au Fipa. Disons-le d'entrée, elles ne laisseront pas un souvenir impérissable. En même temps, reconnaissons que le coup de cœur pour le film de Laetitia Masson a quelque chose d'injuste en ce qu'il laisse moins d'envie et de qualificatifs en réserve au critique pour parler des autres films. L'Infiltré, à voir bientôt sur Canal+, mérite le détour de tous ceux qui s'intéressent à l'histoire contemporaine. Le film raconte comment, dans les années 80, un officier des services secrets français, campé par un Jacques Gamblin au jeu monochrome, a réussi à infiltrer et déstabiliser l'organisation terroriste palestinienne dirigée par Abou Nidal. Evidemment, Giacomo Battiato, le réalisateur, ne filme pas Abou Nidal avec le même sens de la mise en scène qu'a montré Olivier Assayas pour Carlos, une autre grande pointure du terrorisme international, dans la mini-série éponyme, récemment diffusée sur la chaîne cryptée. L'Infiltré n'en reste pas moins un film honnête qui vaut pour l'histoire parfaitement racontée et pour au moins deux de ses acteurs : Mehdi Dehbi, impeccable en « infiltré » hanté par la haine puis le doute, et Salim Daw, en chef terroriste psychopathe et paranoïaque."