Publié le 19 Octobre 2018
Agenda: Chronique le 27/10 dans Ça balance à Paris sur Paris Première/Concert sur Inter le 24/10 à 20h avec Cat Power.
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Allez, on rattrape un peu le retard (je ne suis pas sûr d'y arriver, je vous l'avoue), alors on force l'allure, voilà un gros paquet!
2) Emission spéciale "note à note" sur la radio AGORA Côte d'Azur consacrée à IL FRANCESE, "un disque à ranger dans les classiques de Murat" dit le présentateur, "un poète soldat" en guerre contre beaucoup de choses, et "lui-même"... Un combat perdu d'avance qui l'amène à se chercher d'autres vies... Pas mal vu! Bravo Serge Fillaud qui sait utiliser les citations avec intelligence. A écouter !
http://agoracotedazur.fr/note-a-note-emission-du-mardi-16-octobre-2018/http://agoracotedazur.fr/note-a-note-emission-du-mardi-16-octobre-2018/
2) Interview sur WeCulte.
A lire sur leur site svp : https://www.weculte.com/featured/jean-louis-murat-je-suis-passe-du-camp-des-cow-boys-a-celui-des-indiens/
Il parle notamment de son projet pour cette tournée: une intimité très blues...
Le chanteur auvergnat Jean-Louis Murat sort Il Francese. Un album inventif très groovy teinté d’audaces sonores où il continue de déconstruire le format chanson dans des ambiances de soul, électro ou hip-hop. Tout en convoquant la grande histoire : celle de l’Italie de Naples et de l’Amérique des grands espaces.
Jean-Louis Murat: “J’ai souvent eu ce projet-là de m’expatrier pour enregistrer des disques, sans avoir jamais pu trop le faire”
D’où vient l’idée de titrer en italien votre album «Il francese » ?
Jean-Louis Murat : Cela correspond à l’identité un peu italienne que je développe dans tout le disque. Je passe pas mal de temps en Italie. J’ai une imagination qui ne connait pas les frontières. Je reste dans la même chose, d’être de quelque part. J’ai fait plusieurs disques, comme Babel, qui sont ancrés dans un rayon de 30 kilomètres autour de chez moi (en Auvergne). J’ai souvent eu ce projet-là de m’expatrier pour enregistrer des disques, sans avoir jamais pu trop le faire, car c’est souvent compliqué. Là, je suis resté dans un entre-deux…
Vous chantez Naples que vous aimez beaucoup. Pourriez-vous y vivre?
Jean-Louis Murat : Je me sens bien là-bas. J’étais à Florence il y a peu de temps, mais non, c’est Naples définitivement. Depuis 30 ans, j’y vais régulièrement. Il y a toute une littérature autour de Naples, Stendhal, Malaparte, qui m’a toujours intéressé. En plus, le Murat historique (Joachim Murat 1767-1815) est roi de Naples et y meurt. L’auberge était ouverte ! (rires). Je n’avais plus qu’à y entrer.
Déconstruire les formes musicales comme vous le faites, c’est une manière de retrouver du sang neuf?
Jean-Lous Murat : Oui, parce que c’est un tel piège. La chanson populaire, ce n’est même plus un travail d’architecte. Tout est tracé d’avance. On travaille sur des plans préexistants. On nous les brise menu continuellement avec Brassens, Barbara ou machin. On ne sait plus où se mettre. On voit que l’opinion est rétrograde et qu’il faut absolument des formes, une opinion qui préconiserait la musique de l’écho et qu’il faudrait toujours entrer dans ces pas là. Et faire une espèce de chanson rassurante, qui raconte une histoire et que ce ne soit pas stressant. Cet effet de somnifère que doit avoir la chanson populaire ne m’a jamais plu.
Un besoin permanent de faire un pas de côté ?
Jean-Louis Murat : Une façon simple de trouver l’excitation. Il faut bouger et prendre des angles un peu inattendus, se surprendre soi-même. Et apprendre à penser contre soi. Il faut remettre à plat toutes ses pensées et ses méthodes chaque fois. Sinon, c’est l’endormissement assuré. Et encore, je trouve que je suis mou dans mes déterminations, je suis bien consensuel comme artiste. Mais le marché est tellement petit, que si en plus je n’étais pas consensuel – je l’ai vu amèrement sur mon disque Travaux sur la N 89 – ce serait Pôle emploi direct. Donc, je concilie les deux. C’est pour ça que ce n’est pas vraiment artistique ce que je fais. C’est une sorte de petit commerce à visée pseudo artistique. Ça reste de la chanson.
La chanson Silvana, c’est un hommage à votre cinéphilie, dont vous dites qu’elle comprend plus de Vittorio de Sica que de Custer ou de Geronimo ?
Jean-Louis Murat : J’ai toujours été amoureux du cinéma italien. C’est la carrière de Silvana Mangano , ses premiers films de Vittorio de Sica jusqu’à Pasolini, Visconti. Il y a quelque chose de tragique dans son visage. Elle a un côté dernière femme, la dernière reine d’un monde qui lui a été donné par le cinéma, avec des rôles où le populaire peut être aristocratique. Quelle carrière admirable, quelle tenue tout du long !
Cependant l’Amérique n’est jamais loin. Je pense à une chanson comme Marguerite de Valois où il est question de cow-boys et de peaux-rouges…
Jean-Louis Murat : Tout cela est bien sûr suggéré. Je ne me suis jamais senti autant indien, peau-rouge, que depuis quelques années. Comme si j’étais passé du camp des cow-boys à celui des indiens. Pour les enfants de ma génération, on a eu dans le biberon une culture de cow-boys, de Zorro, à Josh Randal, avec le héros sublimé. Je suis carrément passé de l’autre côté insensiblement, mais définitivement. Peut-être que j’ai vu d’un seul coup, se juxtaposer parfaitement l’image de Custer et de Trump. Je vois la même volonté de tout écrabouiller. Donc, on tue tous les bisons et on tue tous les indiens et on sera tranquille. Il y a une espèce de volonté comme ça:on est bien chez nous. C’est devenu tellement catégorique les rapports que je comprends enfin ce que c’est qu’être totalement colonisés et qu’être réduits quasiment à rien.
Vous avez sorti une trentaine d’albums, accompagnés de la parution ces jours-ci de plusieurs vinyles. Vous êtes absolument prolifique !
Jean-Louis Murat : Trente albums en trente ans, ça me va. C’est la cadence que j’ai tenue tout le temps. Contrairement à ce que pensent certains artistes, ce n’est pas très compliqué de faire une chanson. C’est un métier de branleur. Cela ne demande pas des qualités extraordinaires. Après, il y a l’inspiration et voir si l’accumulation des chansons donne un sens.
La musique, ça représente quoi ?
Jean-Louis Murat : Je crois que je peux remercier la musique de m’avoir donné une vie assez agréable. J’ai toujours en tête la phrase de Mitchum : « je tourne un film quand j’ai besoin de refaire la toiture ». J’ai toujours trouvé ça remarquable de justesse. La musique, c’est une façon de gagner sa croûte qui est sympa, une manière de vivre : pas d’horaire, pas de patron, pas d’ordre à donner ni à recevoir et être libre 24 heures sur 24.
Que prévoyez-vous pour votre retour sur scène ?
Jean-Louis Murat. Ce sera basse, batterie, guitare. J’ai l’intention d’être très blues en étant assez assis. J’aimerais bien retrouver l’ambiance feutrée qu’il y avait quand j’ai vu pour la première fois John Lee Hooker sur scène. Je voudrais quelque chose de simple mais de très intense. Cela va me demander beaucoup en présence, en chant et en jeu de guitare. On verra bien ce qui se passe.
Entretien réalisé par Victor Hache
Album Il Francese / Label Pias. Tournée à partir du 9 octobre, dont concerts au Café de la Danse 75011 Paris les 10 et 11 décembre 2018
-Le Label Pias vient de sortir plusieurs disques vinyles de Jean-Louis Murat : Dolorès & Lilith, Le manteau de pluie, Le moujik et sa femme, Venus, Mustango
3) Du côté de MIDI LIBRE
le 11/11: Un commentaire énervant..
# Jean-Louis Murat au Rockstore à Montpellier
Un peu perdu de vue mais aussi d’ouïe, ces dernières années, le bougon auvergnat Jean Louis Murat nous semble; avec son dernier album, Il francese, quitter un peu son autarcie et faire un pas positif en direction du public. Si elle s’avère encore cryptique, son inspiration laisse passer de beaux rais de lumière mélodique par ses failles poétiques. On vous dit un peu plus là : jeudi 11 octobre, 20 h 30. Rockstore, Montpellier. 24/26 €. 04 67 06 80 00.
Le grand air est devenu si rare qu'on en oublierait presque le délice. La faute à la pollution. A toutes les formes de pollution, y compris les plus insidieuses. Et cela vaut aussi pour la chanson française : son le plus grand péril n'est tant ce que l'on considère subjectivement comme la mauvaise rengaine (il suffit de changer de fréquence ou d'éteindre) que le refrain objectivement correct, vous savez, ce pas désagréable du tout dis donc, dont l'efficacité mélodique shootée aux adjuvants rythmiques finit par nous émollier l'esprit critique. D'où le choc parfois quand on se retrouve le grand air. Jean-Louis Murat, par exemple !
4) et on termine par PARIS MATCH
Après avoir fait table rase du passé en 2017, il revient avec un très beau "Il Francese".
Paris Match. Pourquoi avoir pris ce virage radical l’an passé ? Pour mieux revenir à la chanson ?
Jean-Louis Murat. Parce que l’an passé justement, je ne voulais plus faire de chansons. J’en avais ras le bol après «Morituri». Alors j’ai retrouvé mon complice Denis Clavaizolle en lui disant « on va faire une fusée à trois étages. Et on va commencer par tout désintégrer». L’idée était donc de s‘éloigner de la chanson pour mieux y revenir, le temps de laisser décanter un peu tout ça. Car la chanson, c’est un truc de vieux, fait par les vieux individus d’une vieille civilisation. C’est bien d’y mettre un coup de karcher de temps en temps.
« Il Francese» est donc le deuxième étage de cette fusée ?
Absolument. Je suis revenu en studio avec des chansons piano / voix. A vous de voir, vous les gens qui m’écoutent, si ce passage a été profitable ou non. En tout cas, pour moi, il l’a été.
Quelle sera la troisième étape ?
C’est toujours difficile de l’imaginer, en ce moment je suis concentré sur les concerts et les répétitions. Je n’ai pas joué depuis un certain temps et ça me manque. Enfin ce qui me manque le plus c’est de jouer de la guitare et de chanter. D’autant que jouer est excellent pour la santé. Si ça ne va pas, si je suis crevé, par exemple, je prends la guitare et en dix minutes tout repart.
«Il Francese» c’est Joachim Murat, le roi de Naples. Cela t’amuse de jouer sur différentes identités ?
Cela m’amuse oui. Il ne faut pas y voir quoi que ce soit de psychanalytique. Pendant toute la période de travail, l’album s’est appelé « Napoli». Car l’Italie c’est mon nouveau truc, je mène la guerre à ma propre famille pour déménager là-bas. Sans succès pour l’instant. Alors j’irais peut-être m’y installer tout seul (il rit).
Pourquoi avoir décidé à tes débuts d’abandonner ton nom de Bergheaud ?
Dans la famille il y a un héros. Un grand oncle, qui s’appelait Jean-Louis, mort en 1918. Et comme je suis arrivé en premier, j’ai été prénommé ainsi, afin de faire renaître le héros de la famille. Du coup à 5/ 6 ans, mon traumatisme majeur a été de découvrir nom nom sur le monument aux morts. C’est très étonnant quand tu es un petit garçon… J’ai du coup vite intégré que moi-même n’était pas moi-même. Donc j’ai toujours travaillé avec des identités de substitution. Et puis au niveau de la chanson, cela permet une manière très romanesque de parler de soi.
Tu as beaucoup recours à des références historiques dans tes textes.
(il coupe) Ah oui, car sans cela je ne pourrais pas écrire de chansons. Qui d’ailleurs ne sont pas de la poésie. Car la poésie est la pratique la plus proche du mensonge. Ecrire des vers c’est apprendre à mentir. Je suis en état de défiance contre la poésie pure. J’ai flirté avec et j’ai vu que cela ne marchait pas. On ne croit plus les poètes, parce qu’ils ne disent plus rien. Je préfère la façon poétique de voir les chansons. Mais la poésie me révulse. Chez les Grecs il y a 3000 ans, un mec qui fabriquait une chaise il faisait de la poésie. C’est devenu un mot perroquet qui n’a aucun sens. Les gens mettent juste de la valeur affective dedans.
Tu te lances pourtant dans des chansons très poétiques quand il s’agit d’évoquer la mort. « Rendre l’âme » est dédiée à ton batteur Christophe Pie, décédé en début d’année.
Poétique cela me révulse. Ce mot est très galvaudé. Mais pour revenir à ta question, oui plus tu avances dans la vie, plus tu vois tes amis disparaître. La mort est omniprésente dans nos sociétés et encore une fois je reviens à l’Italie. C’est un pays où il n’y a pas d’obsèques en catimini, où il n’y a pas de crémation. Christophe a été incinéré et je ne suis pas allé à la cérémonie. Car j’ai préféré lui écrire une chanson qu’il aurait aimé entendre à la cérémonie. Une chanson sur mesure. C’est peut-être vieux jeu, mais je vis vraiment dans le culte des amis, le culte des ancêtres. C’est quelque chose qui nous donne de la noblesse et que j’essaye de transmettre à mes enfants. Il faut respecter le paysage d’où l’on vient, les gens qui t’ont fait. Penser que tu arrives de nulle part et que tu es n’importe qui, c’est ça le vrai malheur.
Toi tu racontes pourtant qui tu est et d’où tu viens depuis tes premiers disques ?
Oui je n’ai fait que ça. C’est affreux, tout est tellement là, ultra-codé. C’est pour ça que je ne veux pas parler des mes anciens disques, je n’ai pas envie de me replonger dans le passé, mais dans mes histoires d’amour d’alors. Même si je me tiens tranquille maintenant, j’ai eu une vie sophistiquée.
Sophistiquée ?
Oui je pouvais avoir trois à quatre histoires d’amour entre même temps. J’étais bien français en quelque sorte.
As-tu l’impression que l’on te connaît bien, que l’on te comprend ?
Pas du tout. J’ai au contraire l’impression d’être soit un parfait inconnu soit d’être apprécie pour de mauvaises raisons. Quand on parle de moi comme chanteur de charme ou comme un auvergnat, je ne comprends pas. Cela veut dire que je n’ai jamais été pris au sérieux.
Avec la France, je ressens du dépit amoureux
Tu exagères : les critiques étaient dithyrambiques sur «Babel» ou «Morituri».
Peut être… Mais avec la France, je ressens du dépit amoureux. Il y a bien une petite dizaine de fans qui me suivent, que je connais. Je sais que je fais partie de leur famille. Et ça me touche beaucoup. Mais la complainte du pauvre chanteur qui ne vend pas de disque est un genre assez minable. Donc je ne veux pas m’engager là dedans. Même si, franchement 5000 exemplaires de « Travaux sur la N89», ça ne paye pas même les frais d’essence. C’est un peut dur à avaler au bout de 30 albums.
Es-tu heureux d’avoir fait une telle carrière ?
Heureux non. En musique, comme en peinture ou en écriture, je ne suis pas arrivé là où je voulais aller. Mais ce n’est pas grave, cela signifie que je suis en devenir.
Tu as pas mal dit que Kendrick Lamar avait beaucoup influencé «Il Francese». En quoi précisément ?
Oui, j’ai repris goût à la musique grâce à lui. J’ai eu la même impression en l’écoutant que celle que j’avais ressenti à 15 ans en découvrant Dylan. Bon après je suis allé voir en concert avec mes enfants. J’ai été déçu, moi qui a vu les Doors, Hendrix…
L’inventivité musicale se situe plus outre-atlantique?
Evidemment. Depuis 50 ans nous ne sommes que des pâles imitateurs de ce qui se fait outre-atlantique. Nous sommes colonisés par la culture américaine. On essaye de s’exprimer dans notre langue, mais on est strictement dans le plagiat. Si Charles Trenet ne découvre pas la musique de La Nouvelle Orleans ou Benny Goodman, il n’existe pas.
As-tu été peiné par la mort de Johnny ?
J’ai été peiné par la peine des gens qui étaient peinés. Lui, je l’ai toujours ressenti comme un arbre au travers de la route, qui empêchait la circulation. C’était un phénomène de thrombose.
Tu as écrit pour le dernier album d’Indochine. D’où vient ce lien spécial avec le groupe de Nicola Sirkis ?
Il y a 2 personnes que j’aime beaucoup dans ce métier Mylène Farmer et Nicola Sirkis. Je suis très admiratif de leur carrières qui durent, du fait qu’ils conservent l’essentiel de ce qui les a faits. Mes amis musiciens ne le comprennent pas. C’est dommage.
Tiendras-tu ce rythme infernal encore longtemps ?
Ce n’est pas un rythme infernal du tout. C’est très agréable au contraire de travailler, de sortir un disque par an. Mais j’ai besoin de 3 pattes pour être bien : l’écriture, la chanson et la peinture. Je tiens super bien sur ce trépied.
Pas de ta famille donc ?
Ah mais si bien sûr. C’est même l’essentiel. J’ai 2 enfants et 2 petits enfants dans la même tranche d’âge de 6 à 17 ans. Pour eux, je dois assumer mes responsabilités. On ne peut pas toujours penser que l’on a 25 ans. On doit donner des réponses par ce que l’on dit, ce que l’on fait. Avoir une certaine tenue. Il faut quand même donner le bon exemple.
Tu es heureux d’avoir eu des enfants tardivement ?
C’est un immense plaisir d’élever des enfants, d’avoir une vraie stabilité aujourd’hui, pour moi qui venait d’une famille explosée. Je vois mes enfants s’épanouir sans être obsédés par les problèmes d’adultes. Je m’entends très bien avec mon fils aîné (qu’il a eu à l’âge de 16 ans, NDLR). Cela me rend très heureux. Ma carrière dans le fond, je m’en fous. Ce qui compte vraiment c’est de leur laisser l’image d’un bon père.
« Il Francese » (Pias), en tournée actuellement, les 10 et 11 décembre à Paris (Café de la danse).