inter-vious et murat

Publié le 6 Novembre 2024

Voilà quelques années que nous croisons Richard Beaune ici. Journaliste de France3, à Clermont, c'est un des acteurs médiatiques de la vie musicale en Auvergne.   Il était avec son équipe à la soirée "Te garder près de nous" à la Coopérative de mai le 25 mai 2024. Nous attendions donc un petit reportage dans le journal télévisé régional... en vain... et c'est là qu'il nous a appris qu'il préparait une émission plus longue (surprise: nous pensions que c'est Lætitia Masson qui bénéficierait en exclusivité de la captation de la soirée par les équipes de Biscuit Productions).   

L'émission est  annoncée  :  mercredi 27/11 à 23 heures sur F3 Auvergne-Rhône-Alpes et france.tv. Et Richard en assure sa promotion lui-même, en activant des réseaux sociaux... et en acceptant de répondre à quelques questions pour Surjeanlouismurat.com. C'est le signe que ce travail lui tient à cœur, et qu'il espère que cette émission rencontrera l'adhésion des "muratiens" même si son objectif est plus ambitieux : présenter Jean-Louis Murat à un public qui peut le méconnaître... à travers des interviews mais en laissant une très  bonne place à de la musique live. Il s'agit donc d'un portrait, plus qu'un reportage sur la soirée, les coulisses, les émotions du public.. même si on revisite avec plaisir de nombreux coins de la Coopé. L'émotion est quand même rendez-vous... pour certaines interviews et pour moi, sur une petite séquence du final pendant lequel les artistes chantaient "le lien défait". Une interview un peu promo, promo...mais j'ai fait ce que j'ai pu!

bonjour Richard!

 

 

- Quel est votre parcours et votre histoire avec la musique en général ? 

R. Beaune : J’ai commencé ma carrière de journaliste à Saint-Etienne dans la télévision locale TL 7. J’ai ensuite rejoint les équipes du réseau France 3 et j’ai travaillé quelques années en tant que « pigiste » dans plusieurs stations de France. J’ai rejoint la rédaction de France 3 Auvergne à la fin de la décennie 2000 et c’est là que je travaille toujours comme journaliste et présentateur. 

 La musique a toujours fait partie de ma vie, non pas en tant que musicien mais plutôt en tant qu’auditeur boulimique. J’ai une collection de plusieurs milliers de vinyles où se côtoient des artistes français et des groupes de rock psyché, du blues, du folk, de l'électro mais aussi du rap et du RnB. Je suis un passionné de culture en général : gros lecteur, gros amateur d’expos d’art… Très vite, ces passions ont déteint sur mon métier et j’ai bien été obligé de défendre la culture dans nos éditions. Je suis à l’origine d’un agenda culturel à France 3 Auvergne qui est devenu une « petite » institution : chaque vendredi, dans « PILS » (Par Ici Les Sorties), avec ma consœur Valérie Mathieu, on s’amuse comme des petits fous à écumer les grands rendez-vous culturels de la région. Je m’occupe également à Clermont-Ferrand d’un rendez-vous musical régional intitulé « Studio Trois » où nous invitons à se produire en live un artiste ou groupe de la région. 

 

- Est-ce que vous avez ressenti comme Didier Veillault une certaine difficulté à vous intégrer en Auvergne ? *

R. Beaune : C'est drôle cette question parce qu'à la base je suis Auvergnat. Je suis né à Montluçon et j'ai passé mon enfance dans les Combrailles, à Saint-Eloy-Les-Mines. Mais je sais que beaucoup d'Auvergnats ne considèrent pas le Bourbonnais comme faisant partie de l'Auvergne ! Néanmoins, j'ai fait mes études à Clermont-Ferrand avant de migrer vers Saint-Etienne. 

Pour autant, lorsque je suis revenu dans la région, je me suis pris la froideur auvergnate de plein fouet. J'ai mis un temps fou à m'intégrer dans la rédaction de France 3 Auvergne. Au début, j'avais le sentiment que mes collègues me jaugeaient et cherchaient à savoir à qui ils avaient affaire. Aujourd'hui, je suis un vrai Auvergnat, peut-être pas très avenant au début mais d'une fidélité à toute épreuve. 

*Dans "une histoire du rock à Clermont", il indiquait n'avoir jamais été invité le soir par des relations... et qu'en réunion, dix ans après son arrivée, un collaborateur lui avait sorti au détour d'une conversation : "toi, qui n'est pas d'ici...".

 

 

- Sur le parcours, j avais prévu de parler de quelque chose qui se rapproche du "militantisme" ou d’un engagement pour la musique, notamment via le blog Pil's, qui ne me paraît pas une " commande" de votre direction ?


R. Beaune : Il se trouve que le blog de PILS était non pas une commande mais plutôt une proposition de la direction. Quand France 3 a commencé son tournant vers le numérique, ils ont donné la possibilité à certains journalistes désireux de le faire de créer leur propre blog et de laisser le journaliste y exprimer ses idées. J'avais une liberté totale quant au contenu que je publiais. 

Et c'est évidemment la culture que j'avais envie de défendre. Alors oui, il y avait une part de militantisme dans l'affaire mais lorsqu'on est journaliste et qu'on souhaite parler de culture, tout particulièrement à la télévision et sur les chaînes généralistes, il faut forcément être un peu militant. Les reportages culturels sont généralement confinés à la fin du "canard" et il faut parfois se battre pour convaincre son rédacteur en chef de l'intérêt du sujet. Même pour réaliser ce magazine en hommage à Jean-Louis, j'ai dû faire face à des inquiétudes. Certains craignaient que Murat soit trop triste, que le personnage soit un peu trop à la marge... Heureusement, quand ils ont vu le résultat, ils ont tous changé d'avis et je soupçonne même certains d'écouter du Murat en boucle à l'heure qu'il est. Pas peu fier... Mais ici, à France 3 Auvergne Rhône-Alpes, tout le monde me fait confiance et me donne la possibilité de mettre en avant beaucoup d’événements culturels.

La culture, que ce soit la musique, l'art ou la littérature, peut être plombante pour celui qui ne fait pas l’effort de s'y intéresser! Et je comprends que certaines personnes, prises dans leur quotidien, n'aient pas le temps de donner un coup de pouce à leur curiosité et attendent qu'on leur dise "ça c'est bien" pour y aller. C'est donc ce que je voulais faire dans ce blog, c'est ce que je fais dans n'importe lequel de mes reportages et ce que je veux faire encore longtemps. Heureusement pour moi, je travaille dans le service public et dans la tête de beaucoup à France 3, parler de culture dans nos journaux fait partie de nos missions. 

 

- La première télé de Murat tend à montrer que France 3 Auvergne a malgré tout toujours joué un rôle... (Plus en Auvergne qu' à Lyon? Je me rappelle plus de la chaîne TLM sur le rock - concerts du Globe...)..

R. Beaune : Je ne pense pas que France 3 ait joué un rôle dans la carrière de Jean-Louis Murat. Moins que Mylène Farmer en tout cas. Mais c'est vrai qu'il a fait ses premiers pas à France 3 Auvergne (l'archive est d'ailleurs présente dans le magazine). Pendant les premiers temps de sa carrière, l'artiste a été régulièrement suivi par France 3 Auvergne. Et puis je ne sais pas ce qui s'est passé mais il a disparu de nos archives. Sans doute plusieurs raisons à cela : il est arrivé un moment où il n'avait plus besoin de venir faire de promo sur les antennes locales pour vendre des disques. Il se peut donc qu'il ait décliné pas mal de nos sollicitations. Et puis je pense que le personnage n'étant pas facile, les journalistes n'ont pas vraiment eu envie de s'y frotter. 

Pour ma part, j'ai eu l'opportunité de l'interviewer pour la première fois à l'époque de Babel. Je connaissais bien Alexandre Delano pour avoir déjà fait quelques reportages sur le Delano Orchestra. C'est ce dernier qui m'a proposé une interview à deux, lui-même et Jean-Louis au bord du lac du Guéry. Il faisait froid et les deux avaient en horreur l'exercice. Autant vous dire que cet épisode n'a pas été mémorable. A partir de ce moment-là, je n'ai eu qu'un objectif : réussir une interview de Jean-Louis Murat. C'est-à-dire, l'ennuyer le moins possible.  Après néanmoins, il a accepté de refaire des interviews avec moi, j'ose imaginer que ça n'a pas été un si grand calvaire pour lui!

 

 

- En fait, sur la question 4, je parlais de Murat pour donner un exemple des artistes locaux qui ont la possibilité d’avoir un peu de visibilité grâce à l’antenne régionale... Depuis longtemps et de plus en plus avec Studio 3... (les camarades comme le Voyage de Noz, Delayre, Stan Mathis... [Même si Aura aime Murat avait été refusé  m a t'on dit 😉]). On en profite pour saluer Christian Lamorelle qui vous a précédé et figure dans le "hall of fame" du livre "50 ans de rock à Clermont-Ferrand". Comment se passe la programmation de Studio 3 ? 

R. Beaune : Effectivement, France 3 Auvergne a toujours soutenu la scène musicale auvergnate. Bien avant Studio Trois, Christian Lamorelle organisait déjà des sessions d'enregistrements de groupes locaux, on n’a donc rien inventé. A l'époque, l'antenne de France 3 Auvergne proposait beaucoup de programmes en dehors du journal régional. Quant à Studio Trois, ça a d'abord été Backstage, une émission réalisée dans les sous-sols de Lyon. En Auvergne, le studio a été réalisé bien plus tard sous l'impulsion d'Alexandre Jais, un ingénieur du son touche-à-tout de notre équipe. France 3 Alpes a ensuite créé le sien et la direction régionale a décidé de tout réunir sous la même bannière, à savoir Studio Trois. Depuis, je suis davantage force de proposition dans les artistes présentés. Le final cut, c'est Franck Giroud, responsable d’édition culture à France 3 Auvergne-Rhône-Alpes qui le détient, à Lyon. 

 

 

- Puisqu'on y est, profitons-en aussi pour penser aussi à Pierre Ostian (décédé trop vite), créateur de l’émission « Montagne » et à son "successeur" Laurent Petit-Guillaume (« chroniques d’en haut ») qui ont mis à l’honneur Murat sur les antennes de la 3 (c’est suffisamment rare pour le signaler)... 

R. Beaune : C’est vrai ce que vous dites. Honnêtement, j’avais oublié ces émissions. Mais cela prouve comme vous dites que France 3 et le service public ont toujours suivi le chanteur et vice versa. Jean-Louis, malgré tout ce qu’on a pu dire sur son côté un peu rustre, n’a jamais boudé la presse régionale malgré son envergure nationale. Il aurait pu comme beaucoup n’accorder des interviews qu’à Pascale Clark et aux Inrocks! Regardez toutes les longues interviews qu’il a données à Pierre Andrieu et qu’on peut aujourd’hui retrouver dans son magnifique livre “Les jours du Jaguar”... 

                                                                                      Pierre Ostian

- Sur la première rencontre (ici), vous écriviez : « Je me dis qu’il a quelque chose d’une bête sauvage, celle qu’on rencontre au détour d’un chemin et dont la présence incroyable pourrait s’évaporer en un clin d’œil si on en fait trop. »

Joli... Pour la deuxième (« Je me situe à égale distance entre le sérieux et la blague, je suis équidistant, appelez-moi Equidistant"), c'est vous qui proposez le terrain, le musée ?

R. Beaune :  C'est vrai et c'était vraiment ma première impression du bonhomme. Contrairement aux autres artistes que j'ai pu rencontrer, Jean-Louis Murat, malgré sa dégaine un peu négligée - ce jour-là, il était venu avec un sweat à capuches informe et un jean - m'a semblé insaisissable. Mais encore une fois, c'était l'exercice de l'interview qui le mettait mal à l'aise. D'ailleurs, il me l'a dit juste après : pour lui, exiger de quelqu'un qu'il formule une pensée, une idée, a fortiori quand cette personne a déjà tout exprimé dans son art, c'était vraiment contre-nature. 

La fois d'après, nous nous sommes effectivement rejoints au Musée Lecoq au milieu des animaux sauvages justement. Tout un tas de bêtes empaillées l'entouraient. C'était son idée. Je n'aurais pas la prétention d'imaginer qu'il avait retenu ce que j'avais écrit après notre première rencontre. C'était lors de la sortie de Morituri, peu de temps avant le concert humanitaire à la Coopérative de Mai. J'y voyais moi, un clin d'œil au lynx, aux animaux qui peuplent cet album, le coucou, le taureau, l'âne, la brebis ou le renard fou... Et puis l'ambiance cabinet de curiosités du musée, un peu désuet, va très bien à cet album et à Jean-Louis Murat.  

 

 

- Et puis, il y a ce troisième reportage "mobile", que l'on peut rapprocher de l’émission radio "à la dérive" (sur Nova), avec ce plan magnifique ensoleillé sur fond de feuilles dorées. Quels souvenirs avez-vous de cette promenade?

R. Beaune : Et quel souvenir ! Vous pouvez le rapprocher de l'émission de Nova car c'est en écoutant cette émission que j'ai décidé de le solliciter à nouveau. J'étais persuadé qu'il allait refuser mais non, il est venu. Nous l'avons récupéré seul, sur le bord de la route, à Douharesse ! On a commencé le tournage immédiatement. On l'a armé d'un micro-cravate et d'entrée de jeu, il s'est mis à commenter chaque bout d'arbre, chaque coin de montagne, chaque vue qui défilait sous nos yeux. Il m'a un peu charrié sur ma façon pépère de conduire, raillant qu'à cette allure, on n'arriverait pas à la Bourboule avant la nuit tombée... On a quand même atteint la Bourboule avant le déjeuner et là, il nous a baladés dans les rues et au bord de la Dordogne. Ensuite, nous avons bu un café avec toute l'équipe, éteint nos caméras et, tout en piochant dans mon paquet de cigarette, il nous a raconté toute sa jeunesse dans ce petit coin de paradis. Il avait bien un milliard d'anecdotes à nous raconter. Par moment, je regrettais que la caméra soit en off mais finalement, l'écouter et discuter avec lui était suffisant. Au bout d'une bonne heure, nous l'avons déposé à Douharesse. Il nous a invité à revenir visiter le studio un de ces quatre mais ça ne s'est jamais fait. 

Lors de ce reportage, j'ai eu une vision toute autre du bonhomme. Il était généreux avec une énorme envie de partager ses souvenirs. On n’en revenait pas de toutes les histoires qu'il nous racontait sur la Bourboule. Il était tellement drôle qu'on en aurait presque oublié le créateur génial qu'il était ! 

 

- Trop tentant de vous demander s’il vous reste quelques souvenirs de ce qu’il vous a raconté pendant ce temps off...

R. Beaune : A vrai dire, très peu... Il nous a raconté un tas d'anecdotes croustillantes sur la jeunesse bourboulienne, sa propre jeunesse à la Bourboule et à Clermont mais je vous assure que je serais bien incapable de vous les restituer !

 

 - On va passer à l'émission. Vous avez raconté que France 3 n'a pas été évidente à convaincre.  Est-ce qu’il y a eu d'autres personnes à convaincre ? (Je suis étonné de ne pas voir Scarlett éditions ou le management de Murat au générique... Finalement on ne sait pas bien qui a organisé l'événement... Je mets en parenthèse car ça peut être du off). 

R. Beaune : C'est justement là-dessus que je me suis trouvé injuste. Je ne peux pas dire que France 3 ait été difficile à convaincre puisque c'est mon rédacteur en chef, François Privat, qui a décidé de la faire finalement. Au départ, Hervé Deffontis (directeur de la communication de la Coopé de Mai) m'a demandé si France 3 serait intéressé pour faire quelque chose autour de ce concert. J'ai donc proposé la chose à mes supérieurs et pendant quelques semaines, je n'ai pas eu de retour. Et puis finalement, j'ai eu le feu vert. Comme Biscuit réalisait la captation, il a fallu négocier avec eux et j'imagine, avec les artistes. Mais c'est vrai que j'ai fait face à des inquiétudes à France 3 pour réaliser un magazine de 52 minutes entièrement consacré à Jean-Louis. On ne parle pas d'un simple reportage de 3 minutes mais de toute une émission autour de Jean-Louis Murat et je pense que certaines personnes craignaient qu'on s'y ennuie un peu. 

Pour ma part, mon but était de pousser les téléspectateurs qui le connaissent peu ou pas encore à s'intéresser à sa musique, en faisant parler ses proches et d'autres musiciens. 

Tout le monde a joué le jeu d'ailleurs : que ce soit Laure Desbruères de Scarlett Editions ou Marie Audigier, Denis Clavaizolle et toutes les personnes qui sont intervenues dans l'émission, tous ont été d'une générosité sans borne, avec la même envie de transmettre leur Murat à d'autres. J'aime beaucoup la phrase de Florent Marchet quand il explique qu'il serait profondément blessé si l'œuvre de Murat n'était pas davantage connue ou reconnue. Je crois que je le serai aussi. Alors à petite échelle, j'apporte ma contribution. 

 

- Comme Biscuit faisait la captation, il a fallu négocier avec eux et j'imagine, avec les artistes?   Est-ce que ceci vous a donné des contraintes dans votre sélection des morceaux diffusés? On peut ainsi indiquer qu’on ne verra pas Nikola Sirkis "la star indo-américaine" de la soirée...  

R. Beaune : Au risque de vous décevoir, je ne suis pas du tout intervenu dans les négociations, donc je n'ai pas d'infos. Ce qui est sûr, c'est qu'il nous était impossible de faire rentrer 2 heures de concert dans 52 minutes. D'autant qu'on avait prévu de mélanger les prestations aux interviews. 

 

- On devine que vous saviez qui vous alliez interroger, puisque les interviews se passent au calme, dans différents endroits de la coopérative (ce que j'ai apprécié).  Certains intervenants de la soirée ont refusé ? 

R. Beaune : Pour ce qui est de Nicola Sirkis, il n'a pas souhaité être interviewé mais je n'en sais pas plus. Hervé de la Coopé m’a juste dit que Nicola souhaitait être là pour Jean-Louis et ne pas se mettre en avant. En revanche, j'aurais pu faire d'autres interviews mais ça n'aurait pas tenu. J'ai donc fait des choix. Certains m'ont dit, très gentiment, qu'ils ne se sentaient pas de le faire. Je n'ai pas insisté. On s'est courus après avec Morgane Imbeaud tout le week-end car quand l'un était disponible, l'autre ne l'était pas. Une fois de plus, toutes les personnes présentes lors de ce concert ont été bienveillantes et généreuses vis à vis de nous.

- On apprécie en effet la large place à la musique dans le documentaire! Avec un choix dicté par les interviewés... et votre sélection « best of" ? (avec Par.Sek et Jérôme Caillon, Koum - je suis assez d'accord). D'autres prestations vous ont-elles marqué?

R. Beaune : Au risque de paraître un peu langue de bois, je crois avoir apprécié toutes les prestations de la soirée. J'ai trouvé qu'il y avait un réel engagement des artistes, une extraordinaire envie de transmettre leur amour de Murat, leur passion pour son œuvre et puis une telle communion avec le public. Tout le monde ce soir-là, que ce soit d'un côté ou de l'autre de la scène, avait envie de l'écouter à nouveau et pour cause, nous étions en juin, quasiment trois ans après la sortie de Buck John et si le destin n'en avait pas fait qu'à sa tête, nous aurions des nouvelles chansons à découvrir, "ça arriverait là" comme le dit Alex Beaupain dans le magazine. 

 

- Donc si tout vous a plu, est-ce que vous avez eu des choix cornéliens ? 

R. Beaune : Pas de choix cornélien. Je pense juste que les chansons choisies offrent un bel aperçu de l'étendue du registre de Murat et donnent envie (je l'espère) aux téléspectateurs d'aller plus loin. Jeanne Cherhal s'empare de façon magistrale de "La maladie d'amour" selon moi, Florent Marchet me souffle chaque fois que je regarde sa prestation du "monde intérieur" et "Fort Alamo" me fait pleurer quoi qu'il arrive. La reprise du "Jaguar" par un Jérôme Caillon tellement "habité" est d'une justesse incroyable. Par.Sek a reconstitué d'une belle manière la fougue du jeune Murat et a rendu à ce titre toute sa modernité. Bref, je ne vais pas tous les citer mais en tout cas, ces reprises s'imposaient.  
Ces chansons, il était selon moi important qu’on les écoute, dans la longueur, qu’on puisse entendre le talent de mélodiste de Murat et ses textes si justes. Je partageais cet avis avec notre monteuse Amélie Després dont le sens du récit nous a bien aidé. Et puis je remercie aussi Xavier Blanot, le réalisateur, pour son sens de l'image et Raphaël Duvernay, l'assistant réalisateur, pour ses choix de cadres incroyables, toute l'équipe de tournage a été d'un professionnalisme et d'une inventivité à toute épreuve. Et puis un magazine sur Murat sur France 3, c'est possible grâce à trois autres personnes : Aline Mortamet, déléguée au programmes, Franck Giroud qui s’occupe des cases culturelles sur notre antenne et François Privat, rédacteur en chef de France 3 Auvergne. 


 

- Quels autres souvenirs de la soirée?

R. Beaune : On ne peut pas le nier, il y a eu des couacs et des fausses notes mais le talent de mélodiste et la poésie de Jean-Louis Murat ont toujours pris le dessus. J'ai également été très ému d'entendre sa voix remplir la salle lors du montage de Biscuit sur "Je me souviens"... 

 

- Je pensais un peu plus aux coulisses, au tournage...

R. Beaune : Par respect pour les personnes interrogées, je ne vais rien vous révéler. Ce que je peux vous dire en revanche, c'est qu'ils et elles étaient tous profondément ému.e.s lors du tournage. Au risque de me répéter, les artistes étaient tous très bienveillants les uns envers les autres et on sentait réellement ce besoin de célébrer Jean-Louis. Je tiens d'ailleurs à tous les remercier de m'avoir accordé du temps alors qu'ils avaient deux jours pour répéter tout un set !

 

- Je crois vous avoir vu interviewer  un peu le public avant le concert. C'est peut-être une dimension qui manque (même si le "public" est néanmoins visible par moment - coucou Barbara, ou Mr Five'r, Noël, qu'on aperçoit) même si je comprends bien qu'en 52 minutes, il faut faire des choix. Ça n'a pas trouvé sa place? (On échappe aux plans sur les nombreuses larmes qui ont coulé dans la salle, c'est plutôt bien je pense).

R. Beaune : Je n'ai pas interviewé le public. C'est un choix, contestable certes mais néanmoins assumé. Mon but n'était pas de raconter la soirée mais de profiter de ces prestations pour faire un portrait de Jean-Louis Murat. L'amour que lui voue le public est, je pense,             très clair en voyant le nombre de personnes venues célébrer sa mémoire ce soir-là. Je voulais profiter de ces 52 minutes pour faire entendre l'œuvre de Murat, la faire découvrir à ceux qui la connaissent peu et montrer l'influence qu'il a pu avoir sur d'autres artistes. J'ai montré le magazine à de nombreuses personnes qui, de Murat, n'ont en tête que les grands tubes des années 80 et 90 et tous m'ont fait part de leur agréable surprise en redécouvrant ce personnage. 

Évidemment, avec Amélie Després, monteuse, et Xavier Blanot, réalisateur, on s'est demandé comme vous si la parole du public ne manquait pas. Mais il fallait aussi raconter une histoire avec ses personnages récurrents, combler l'absence du personnage principal avec la parole de ses proches. Les interviews étaient longues, pendant lesquelles chacun avait le temps de la réflexion. Si j'avais interviewé le public, vu le temps que j'aurais eu pour le faire, en micro-trottoir sur le parvis de la Coopérative de Mai, je n'aurais obtenu des personnes interrogées qu'un ressenti à l'instant T et sans doute pas à la hauteur de l'admiration qu'elles vouent à Jean-Louis Murat et de leur connaissance du personnage. 

- Comment sera visible le film?

R. Beaune : La première diffusion est prévue le 27 novembre sur notre antenne. Il est trop tôt pour que je vous donne l’horaire exac]. Il sera en ligne sur France.tv dans la foulée je pense, ce qui permettra aux fans qui ne vivent pas en Auvergne de venir le voir à n’importe quelle heure de la journée, même si aujourd'hui sur toutes les box, on a accès à toutes les antennes régionales de France 3. 

 

- Les questions rituelles enfin:   Votre album préféré de Murat?
R. Beaune : Chaque fois que j'écoute un album de Murat, je le redécouvre. S'il faut en choisir un seul, ce sera Le cours ordinaire des choses

- 3 chansons de cœur ?

R. Beaune : Il n'y en a pas que trois.  « Accueille-moi paysage », « Fort alamo », « Chanter est ma façon d'errer »

Mais j'adore aussi "Que dois-je en penser?", "j'ai fréquenté la beauté", "Dordogne"... 

- Et si vous l'avez vu en concert, un souvenir?

R. Beaune : Pas de souvenir précis excepté le fait d'avoir toujours été surpris par sa créativité et de ce qu'il faisait de ses propres chansons. Et un gros regret, celui de ne pas être allé le voir lors de sa dernière tournée. Je le croyais sans doute éternel. 

 

- Enfin, quels sont les autres artistes auvergnats (dans la grande décennie à F3 Auvergne) qui sont pour vous les plus marquants ?  Et d’un point de vue personnel, selon votre sensibilité ?

R. Beaune : Chaque fois que Morgane Imbeaud sort un album, elle me touche. Je suis très fan de la période folk de Clermont qui a fait émerger le Delano, Garciaphone ou Pain Noir. En ce moment, j'écoute beaucoup le dernier disque d'Alexandre Delano et celui de Matt Low. 

 

Inter-ViOUS ET MURAT- N°33 :  Richard Beaune (France 3 Auvergne), "Le garder près de nous"Inter-ViOUS ET MURAT- N°33 :  Richard Beaune (France 3 Auvergne), "Le garder près de nous"Inter-ViOUS ET MURAT- N°33 :  Richard Beaune (France 3 Auvergne), "Le garder près de nous"
Inter-ViOUS ET MURAT- N°33 :  Richard Beaune (France 3 Auvergne), "Le garder près de nous"Inter-ViOUS ET MURAT- N°33 :  Richard Beaune (France 3 Auvergne), "Le garder près de nous"Inter-ViOUS ET MURAT- N°33 :  Richard Beaune (France 3 Auvergne), "Le garder près de nous"

Merci Richard Beaune!

Interview réalisé par mails du 26/09 au 30/09 (pour l'essentiel)

Et tous à vos postes le 27/11!   Le numéro de la chaîne France 3 Auvergne sur les différentes box des opérateurs :
ORANGE : 304  - FREE HD : 304 - CANAL SAT : 353 - BOUYGUES BBOX : 473 - NUMERICÂBLE LA BOX : 913 -  FRANSAT : 305 - TNT SAT : 304

et sur internet: https://www.france.tv/france-3/auvergne/direct.html

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Rédigé par Pierrot

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT

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Publié le 12 Juin 2024

Bonjour,

On s'y attendait, à cette nouvelle, depuis si longtemps... Déjà en 2015, Madame m'écrivait :"Merci beaucoup pour votre invitation [soirée Unplugged Murat], mais mon état physique m'empêche désormais de me rendre à tout spectacle", en 2021, qu'elle n'écrivait presque plus...  Des années de souffrance et... cette loi sur la fin de vie qui est retardée encore et qui fut la dernière occasion de l'entendre si je ne m'abuse.

Depuis que Baptiste Vignol m'avait permis de réaliser une interview en 2010, moi qui débutait presque, j'étais si surpris et fier de pouvoir la réaliser... et découvrir ce mail qui s'affiche "HARDY -DUTRONC", quelle émotion!   Je l'avais contactée trois ou quatre fois ensuite, et elle m'avait toujours répondu avec gentillesse. Et ils ne sont pas nombreux ceux dont on sait qu'on aura toujours une réponse, et c'est pour ça aussi qu'elle était dans le panthéon des "Grands"... la classe absolue, une icône totale, et que je n'aimais pas les critiques qu'on lui faisait. Comme Murat, elle avait sa liberté de ton... et c'est tout à son honneur.

En mai 2023, je l'avais sollicité pour participer à la libre antenne sur Europe 1 avec Moix (que je savais très fan):

"Je ne peux plus rien faire maintenant. En tout cas, je garde un très bon souvenir de la séance de Memory divine et j’adore toujours cette chanson que j’avais reçue alors que mon album (Rendez-vous sous la pluie, je crois) était quasiment terminé. Mais j’aimais trop cette chanson pour ne pas l’enregistrer in extremis. Dommage que vous ne me l’ayez pas demandé plus tôt.  Bonne émission ! "        (en 2021, elle  m'avait quand même dit ne plus avoir écouté JLM depuis des années).

On avait ensuite échangé car Régis Pulisciano (Oomiaq, le musicien du Mustango tour, je pense à lui ce matin) m'avait demandé que je le mette en contact. Et elle avait acceptée... C'était un petit bonheur de faire ce plaisir à Régis dont Françoise est la chanteuse préférée. Françoise était la star qu'il ne fallait pas craindre de rencontrer (même si pour moi, ce ne fut que par mails)...

Voici  quelques mots à cette occasion:

 

Sans son pygmalion Serge, Jane n’aurait jamais chanté, l’idée ne l’aurait sans doute pas effleurée. Mais Camille c’est très différent, elle est et a en tout cas été une géniale mélodiste et parolière, une géniale chanteuse aussi bien sûr. Pas besoin de pygmalion !  On m’a transmis que Serge aurait regretté que je ne lui demande pas de faire tout un album avec lui et j’ai répondu que si j’avais fait un album avec lui les chansons auraient été les siennes alors que je préférais que ce soit les miennes même si elles n’étaient pas aussi bonnes que les siennes. 

Camille :  qu’est-elle donc devenue, on ne l’entend plus ? J’adorais ses chansons et elle le sait bien. J’aurais aimé chanter un duo avec elle dans mon album de duos (commandé par ma maison de disques), mais je n'arrive pas à chanter correctement ce qui est très rythmique alors j’y avais renoncé. Vous savez ce qu’elle devient ? Je sais juste qu'elle a eu un enfant. (Dans cet album, il y a un duo génial avec un chanteur auteur-compositeur anglais Ben Christophers : My beautiful demon.)

 

Voici donc l'interview de 2010. Je lui avais transmis une série de questions, qu'on avait un peu complété je crois.

 

Inter-ViOUS et MURAT-, numéro 5 :   FRANCOISE HARDY 

 

                     Alors ce qui est bien, c'est qu'on pourrait se passer de présentation pour une fois... mais une personnalité de ce genre mérite "introduction", tapis rouge et canapés... Elle nous accompagne depuis les sixties (une période étrange sans doute située d'après mon enquête entre les années 1950 et 1970) et mène carrière en toute humilité.... malgré un statut d'icône mérité :  Damon Albarn avec Blur, Malcom Mac Laren (qui vient de mourir) ont fait appel à elle pour des participations, et elle a écrit ou interprété des nombreuses chansons qui resteront... et qui, signe de leur qualité, font l'objet de nombreuses reprises: mon amie la rose, comment te dire adieu, fais moi une place, message personnel, au fond d'un rêve doré (nana surf), l'amitié....  Bien sûr, c'est à l'occasion de la sortie de "la pluie sans parapluie" où  figure un titre écrit et produit par Jean-Louis Murat (memory divine) qu'elle a bien voulu répondre à mes questions... mais point question de promotion: elle aime réellement Jean-Louis Murat... et lui rend un bel hommage ici.  

 

 

 francoise-hardy-4640.jpg

 

 

Baptiste Vignol a eu la gentillesse de vous parler de mon modeste blog et je suis très honoré que vous acceptiez de répondre à quelques questions (je suis dans mes petits souliers...).  Le principe de "l'interViOUS et MURAT" est de faire parler une personne de son lien avec le sieur Murat et pour un artiste d'évoquer des points communs artistiques ou des divergences. 

 Voilà depuis janvier que je suis de près l'histoire de cette collaboration puisque l'info de l'enregistrement d'une chanson de Jean-Louis est sorti  sur un forum qui vous est consacré un ou deux jours après l'enregistrement (janvier)... On en a, petit-à-petit, appris un peu plus... mais il reste quelques points à éclaircir...

  

 - Et pour commencer, je suis obligé de vous poser une question (les  Muratiens, acharnés des inédits, m'en voudraient  trop si je ne vous la posais pas). Jean-Louis vous a envoyé 4 chansons et vous n'avez retenu que "Memory divine".  Vous rappelez-vous des titres des  autres chansons?

 

 F. HARDY :  Les autres chansons s'intitulaient :  Tous les chanteurs sont malheureux, L'envie de vivre, La nature du moi. Mais aucune ne m'emballait autant que Memory divine or, à quelques exceptions près, je ne me lance dans l'enregistrement d'une chanson que si j'ai un coup de foudre pour elle.

 

- Vous avez reçu des maquettes assez abouties. Est-ce à dire qu'elles n'étaient pas  des simples démos "guitare-voix"? 

 

F. HARDY :  Il y avait juste une rythmique, mais les guitares et l'ambiance musicale étaient si parfaites pour mon goût, que je ne  voulais rien d'autre. 

 

- Comment s'est passé le choix de confier la production à Jean-Louis Murat  (Il est venu plusieurs fois à Paris et a enregistré la base rythmique à Clermont )? Vous avez dit que ça avait  été"facile" et "hyper rapide": cela ne nous étonne pas de Murat... et  sa "façon" de ne pas trop se poser  de question en studio mais comment cela  a-t-il  été compatible avec votre perfectionnisme et votre anxiété naturelle?

 

F. HARDY : Mon album était presque terminé, nous avions des deadlines qu'il était impossible de repousser encore. Il fallait donc faire vite. Mais même si j'avais eu tout le temps devant moi, j'aurais tenu à ce que ce soit Jean-Louis qui  refasse dans ma tonalité ce qu'il avait fait sur sa demo. Il m'a mailé la nouvelle rythmique qu'il a faite chez lui et comme l'intro n'était pas exactement la même que dans la 1ère version,  j'ai chipoté à  ce sujet pour finir par lâcher prise.  

 

- Il était en studio avec vous. Avez-vous eu des discussions sur l’interprétation à proprement parler du titre ?

 

F. HARDY: Non. Je faisais juste à la fin une petite faute de mise en place que Jean-Louis m'a signalée. Par ailleurs, j'étais surprise qu'il ne reste pas pour le choix des prises de voix - il pensait sûrement que c'était plus de mon ressort que du sien -  et qu'il n'assiste pas au mix du début à la fin – mais sans doute faisait-il confiance à son ingénieur du son auquel il avait dû donner ses instructions. Pendant le mix, nous papotions dans une sorte de petit salon  : c'était une situation totalement inédite pour moi. Je connais des chanteurs que le choix des prises de voix et les mix assomment, Jacques Dutronc par exemple, alors que pour moi, il est inconcevable de ne pas y participer ne serait-ce que par ma seule présence.

 

- Jean-Louis avait donné un texte à Thierry Stremler (un de vos compositeurs) il y a quelques années. Ce dernier a-t-il joué un rôle dans cette collaboration ?

 

F. HARDY:  Vous me l'apprenez. Si Thierry avait joué un rôle dans cette collaboration inattendue, il me l'aurait sans aucun doute fait savoir.

 

- Est-ce que vous avez été surprise de recevoir un titre en anglais de la part de Jean-Louis Murat? On le sait défenseur de la chanson française, tout en ayant en stock semble-t-il un grand nombre de chansons en anglais...  Y a-t-il eu une vraie discussion pour qu'il fasse un texte en français? Ensuite,  il a été aussi question de modifier "lick" en "live"?

 

 F. HARDY:  Bizarrement, j'étais tellement enthousiasmée par la chanson que je ne me suis pas posé de questions sur le fait qu'elle soit en anglais. Virgin aurait aimé un texte en français. J'ai transmis la demande à Jean-Louis qui tenait à ce que son texte reste en anglais. De toute façon, nous étions trop pressés par le temps pour envisager une autre texte. Il est vrai qu'il y a eu un tout petit problème sur le mot "lick". Jean-Louis avait d'abord écrit : I want to lip a late passion" après c'est devenu "I want to lick". Comme mon gros dictionnaire anglais me donnait des signifiications improbables des deux mots ou pas de signification du tout, j'ai pensé les remplacer par "live". Mais lors des premières prises de voix, dès que Jean-Louis m'a entendu chanter "I want to live", il est arrivé en trombe pour me dire que c'était "lick" et pas "live", et que son texte avait été vérifié par un agrégé d'anglais. Ce qui est amusant, c'est que j'ai mailé la chanson à Ben Christophers, un artiste britannique avec lequel je travaille de temps en temps et dont j'étais impatiente d'avoir l'avis. Il m'a répondu ceci : "Yes the song is great, I like your double vocal in the chorus, I'm not sure what the lyrics mean either but it's cool…"

 

 

- Oui, avec Murat, on n’est jamais sûr de ça !!  Vous avez craqué sur cette chanson ( "j'étais folle de la maquette" et " De nature obsessionnelle, je n’écoutais alors plus que cette chanson" avez-vous dit). Est-ce que vous écoutez encore la maquette ou votre version?

 

 F. HARDY: Les deux mon capitaine.

 

- … petit moussaillon plutôt !…. Vous avez eu ce commentaire :  "j’ai régulièrement fantasmé d’enregistrer un album avec Jean-Louis Murat, dont les réalisations me paraissent toujours d’une perfection absolue et dont je suis attentivement la carrière depuis Mustango ".  Ce n'est pas un mince compliment et même peu de ses fans le diraient! Est-ce que vous avez d'autres albums fétiches de Jean-Louis? et pourriez-vous nous citer les 3 titres que vous aimez le plus?

 

 F. HARDY:  J'ai surtout eu ce fantasme, lors de difficultés surgies pendant l'enregistrement de mon dernier album, parce que j'avais écouté certains morceaux du dernier album de Jean-Louis et avais été saisie, en effet, par la perfection de la production. 

S'il fallait choisir trois titres de Jean-Louis Murat, je prendrais : L'amour et les Etats-Unis, Monsieur craindrait les demoiselles, M le maudit. Mais ça me contrarie de ne pas citer Caillou ni aucun titre de Mustango que j'ai écouté en boucle pendant un an à peu près.

 

- Au grand journal ( ou était-ce pas dans  On n'est pas couché de Ruquier ?), vous avez dit qu'il vous était difficile d'envisager de donner à quelqu'un la charge entière d'un de vos albums. Même à Murat, malgré cette "perfection absolue"?

 

F. HARDY: La production et la réalisation sont deux choses différentes. Il est impossible dans l'absolu qu'un artiste, si talentueux qu'il soit, fût-il Gainsbourg, ponde douze très bonnes chansons  pour un même album.

 

                                                                                          "route Manset"

 

- Par ailleurs, vous étiez avec Murat sur le tribute "Route Manset"...   On  cite régulièrement cette référence concernant Murat... Qu'est-ce que vous en pensez? J'aime bien l'impression "ligne claire" pour votre musique... et je trouve qu'elle correspond bien à une bonne partie de la discographie de Manset (le pop "atelier du crabe" par exemple).  Par ailleurs, ils ont tout deux écrit leur "vénus" (Manset pour Bashung). En tant que vénusienne, lequel des deux  titres préférez-vous?

 

F. HARDY:  Pour ne pas faire de jaloux, je choisirai la Vénus de Bananarama!

 

- Ma question sur Manset ne vous inspire pas… Dommage… j’y travaille en ce moment et j’aurais bien voulu l’avis d’une grande spécialiste de la chanson…

Concernant une comparaison entre vous et ces deux artistes, ce qui me vient à l’esprit, c’est quand même la hauteur de leur « prétention », artistique… (même s’ils s’aiment aussi en artisan) alors que vous semblez d’une humilité à toute épreuve ? Est-ce que vous vous rangez à l’avis de Gainsbourg sur la chanson art mineur ?

 

F. HARDY:  La plupart des gens ignorent la signification d'"art majeur" et d'"art mineur". Serge qui était pervers sur les bords a joué là-dessus. Il savait qu'il serait mal compris et que cette incompréhension susciterait des discussions totalement à côté de la plaque qui satisfairaient son goût de la provocation. UN ART MAJEUR EST UN ART QUI REQUIERT UNE INITIATION (la peinture, l'architecture, la grande musique) ALORS QU'UN ART MINEUR N'EN REQUIERT AUCUNE. Mais cela n'a rien à voir avec la qualité des productions. Il y a au moins autant de très mauvaises choses en musique classique qu'en pop music et une mélodie très inspirée de pop music n'a rien à envier à un thème mélodique inspiré de musique classique. AUTREMENT DIT, EN MATIERE D'ART, LES TERMES "MAJEUR" ET "MINEUR" QUALIFIENT LA NATURE DE CET ART, EN AUCUN CAS SA VALEUR.

En fait, je n'ai pas bien compris votre question. Est-ce que"Route Manset" est la compilation qui a été faite avec des interprétations des chansons de Manset par des artistes différents, dont moi ? Je ne m'en souviens plus bien, car, malheureusement,  je n'ai pas le CD.

J'ai eu une très mauvaise expérience avec Gérard Manset dont j'apprécie beaucoup certaines chansons ("Je tuerai la pianiste" sur le dernier Bashung fait partie de ses nombreux petits ou grands chef d'œuvre) : chaque fois qu'il m'a proposé quelque chose, j'ai trouvé ça très mauvais et très éloigné de ma personnalité profonde.

Il me semble que Jean-Louis est plus prolifique que Manset. La prolificité implique une certaine facilité à composer, à écrire, mais le revers en est souvent un manque relatif de discernement sur la valeur de ce que l'on fait. Et puis, si l'on produit trop, on fatigue le client et on ne se renouvelle pas toujours assez ! On ne peut pas écrire et composer des chansons vraiment fortes si on en en compose et en écrit non stop. C'était un gros défaut de Benjamin Biolay dont les albums s'enchaînaient sans transition et comportaient de moins en moins de mélodies fortes. Un arbre ne peut pas donner des fruits toute l'année. Ni Serge ni Bashung n'étaient prolifiques - et Souchon et Voulzy ne l'ont jamais été non plus.

 

 

- Vous connaissiez à peine Jean-Louis Murat (je n'ai pas trouvé trace de rencontre, ou peut-être sur un plateau d'Ardisson) ... Est-ce qu'il est devenu votre ami?

 

F. HARDY: Je l'avais invité dans mon Vivement dimanche de l'an 2000 (je crois) [cf ci dessous l'extrait]  et j'étais ensuite allée le voir à l'Olympia. Ca s'est arrêté là. Il faut des circonstances diverses et variées pour qu'une amitié se construise. Il faut surtout avoir vécu des choses ensemble. Mes plus grands amis sont des personnes avec qui j'ai travaillé et que les circonstances m'ont amenée à revoir. Un ami, c'est aussi quelqu'un qui peut vous parler de choses intimes et vice versa. Je ne veux que du bien à Jean-louis Murat. En ce sens, je suis donc son alliée. Mais ça ne suffit pas pour parler d'amitié.

 

 

- Jean-Louis Murat (en évoquant sa choriste du dernier album Cherie ) disait  "j'adore les voix de filles qui ne craignent pas les garçons". Pensez-vous avoir à ses yeux cette qualité là  (tout en ayant "cette absence de sérénité touchante" dont il vous a parlé)?

 

F. HARDY: Je ne pense pas. j'ai toujours eu peur de tout, en particulier des insectes, des virus et des garçons (sortes de virus macroscopiques). C'est sans doute la raison pour laquelle ma voix est si limitée ! De toute façon, je ne suis plus une fille mais une femme passablement blette. Et certains hommes mûrs, voire blettes, me font encore plus peur aujourdhui que les garçons hier.

 

 

- Jean-Louis Murat aime le « vous » ,  il me semble que vous y êtes fidèle aussi dans vos textes…  Est-ce que vous auriez d’autres points de comparaison entre vos deux styles ? 

 

F. HARDY: Beaucoup d'auteurs aiment le vouvoiement, ne serait-ce que parce que la sonorité de "vous" est si belle. Serge Gainsbourg  l'a pas mal utilisé (- "J'avoue, j'en ai bavé pour vous, mon amour, avant d'avoir eu vent de vous..."  Quelle beauté ! ) Guy Béart aussi : "Ce qu'il y a de bon en vous, c'est vous" dans sa chanson "Vous"… etc… L'une de mes chansons préférées "Cet enfant que je t'avais fait" de Brigitte Fontaine et Jacques Higelin fait plus fort encore avec le protagoniste masculin qui utilise le tutoiement et la protagoniste féminine qui utilise le vouvoiement (Offrez-moi une cigarette, J'aime la forme de vos mains,Que disiez-vous ? Caressez- moi encore la tête, J'ai tout mon temps jusqu'à demain, Que disiez-vous ?)

 

  FH

 

Est-ce que dans votre œuvre, vous avez une chanson qui vous fait penser à Murat, ou dont Jean-Louis Murat aurait participé à l’inspiration ?  

 

F. HARDY: Le mot "œuvre" est un grand mot qui va pour Murat, Manset, Gainsbourg, Trenet,  Brassens… Pas pour moi ! 

Non, je ne crois pas. Mon vocabulaire est mille fois plus limité que celui de Jean-Louis et mon inspiration moins riche, plus simple aussi : toute ma vie, j'aurai juste tenté de mettre en mots sur des mélodies venant du cœur les émotions et les sentiments que je ne pouvais exprimer de vive voix à la personne qui me les inspirait plus ou moins malgré elle. Ca n'allait pas plus loin - ça ne va pas plus loin - alors que l'inspiration de Jean-Louis me semble aller beaucoup plus loin. Même si nous avons le Capricorne en commun, le Verseau  et d'autres facteurs que je ne connais pas, parmi lesquels le talent qui relève plus de l'inné que de l'acquis, lui auront valu un champ de conscience à coup sûr moins étroit que le mien !

 

  ____________________________________________

Interview réalisée par mails du 18/05/2010 au 20/05/2010.

  Dans cette interview,  aucune question ne traite de la crise du marché du disque.

Tous mes remerciements à Françoise Hardy, et à Baptiste Vignol.

 

PS: 

"J'adore son caractère d'ado chiante", nous avait confessé Jean-Louis Murat. On avait alors joué les messagers. "C'est mon côté saturnien ça. On sait que les gens qui sont nés à la culmination ou à la levée de Saturne ont une fixation au stade de l'adolescence". L'écouter répondre ça un après-midi de mars 2010, allongée sur le canapé de son appartement du XVIe arrondissement parisien, ce n'était pas rien. RFI ce matin

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Rédigé par Pierrot

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT, #divers- liens-autres

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Publié le 12 Mars 2024

Inter-ViOUS et MURAT-  n°32:  François DELMOTTE, les débuts chez VIRGIN

Je ne scrute plus les sites de vente régulièrement mais parfois les alertes me conduisent à aller jeter un coup d’œil. Et en ce mois de décembre,  je croise  "un cromalin"... Et je ne fais pas mon gros malin car je ne sais pas ce que c'est...  Après quelques jours, je décide  de me pencher plus sérieusement sur la question. Indice : le vendeur  propose d'autres objets qui correspondent à la même époque Virgin. Après un contact, l'internet me permet de vérifier son identité : M. Francois Delmotte, interviewé par Libération à propos de la pochette de Ultra Moderne Solitude.  Je décide de faire l'achat pour l'exposition du Week-end Murat, yes sir! En négociant  une interview ! 

Après  celle en  2011 d'Alain Artaud, que Murat a suivi de Virgin à Labels, je vous propose donc à nouveau de revenir sur les années VIRGIN, et plus précisément, la période 1987/1990, puisque c'est celle où François Delmotte a été un membre de l'équipe du label. Il ne savait pas trop ce qu'il pourrait nous raconter, mais vous allez découvrir un joli portrait esquissé de Jean-Louis Murat, une plongée au cœur d'un label mythique (dans son âge d'or), avant l'âge du numérique.... et un joli cadeau offert. Voici la retranscription de notre conversation téléphonique du 14/02/2024, complétée par quelques échanges de mails. 

 

Bonjour François!

- Vous étiez donc chez Virgin ? Sur quel poste ?

F. Delmotte : J’étais assistant marketing.

 

- Vous étiez sous la direction d’Alain Artaud, directeur du marketing ?

F. Delmotte : Oui. Auparavant, à mon arrivée en1986, c'est Dominique Leguern qui était directrice marketing. Alain Artaud dirigeait l'international.

 

- Quel avait été votre parcours ?

F. Delmotte : J’ai bénéficié d’un concours de circonstances tout à fait particulier. J’ai fait une école de commerce, donc rien à voir avec ça, et pour cette école, j’ai fait un stage en Espagne dans une imprimerie, et ça a déterminé ma carrière. Je n’y ai rien fait, j’ai traîné dans un bureau pendant un mois, mais à cet âge-là, on n’a pas grand-chose à mettre dans son CV, alors j’ai fait figurer ce stage. Après mon diplôme, j'ai trouvé un premier emploi dans la répartition pharmaceutique, ça ne me plaisait pas, j’ai vu une offre chez Virgin pour un remplacement congé maternité, donc pour une durée limitée, et j’ai postulé. Et là, le stage en imprimerie a été déterminant, car c’était avant tout pour gérer la fabrication. Je me rappelle que Dominique Leguern au premier rendez-vous m’a montré un devis d’imprimeur, et c’était un peu du chinois. Elle m’a demandé :  « Est-ce que ça vous parle ? », et moi : « Oui, oui, bien sûr » alors que ça ne me parlait pas plus qu’à elle… Ça a suffit pour la convaincre. J'avais aussi réalisé une pochette de 45t pour Gris Regard, le groupe d'un ami du Nord, et apparemment elle avait trouvé ça pas mal.

Pochettes concues par François (la première qui l' a aidé à décrocher le poste, la 2e a été faite ensuite)

Puis j’ai appris sur le tas. La fille n’est jamais revenue de son congé, donc je suis resté. Mon travail, c’était tout ce qui était visuel : édition de PLV, pochettes, disques d’or, séances photo, tout ce qui sortait d’imprimerie et de studio photo passait par moi, plus l'organisation d'éventuels événements type soirée de lancement ou remise de disque d'or. Pour le côté artistique, il y avait des « chefs de projet artistique » qui géraient les enregistrements, les réservations de studios, les aller-retour de maquettes, les tests pressing, qui vérifiaient tout ça, et de mémoire, pour Murat, c’était Stéphanie Giraud, qui a continué à travailler dans la musique.

- Et vous êtes resté jusqu’en... ?

F. Delmotte : Jusqu’en 1990 ou 91. Après je suis allé chez Bertelsmann, chez BMG un an, puis j’ai été signé comme artiste chez Virgin, parce que parallèlement, on faisait de la musique avec un ami. Ça n’a pas débouché parce qu’on avait été signé avec Fabrice Nataf, alors directeur général, et au moment où on devait lancer la production, c’est Emmanuel de Buretel qui est arrivé, il n’avait pas les mêmes vues artistiques que Nataf et il n’a pas voulu honorer le contrat. Et après, j’ai changé de carrière, j’avais fait le tour, je ne me voyais pas revenir dans une maison de disque faire de la fabrication.

L’arrivée d’Alain Artaud (ou plutôt mon transfert sous son autorité) n’est pas responsable de mon départ mais Virgin souhaitait s’organiser comme les autres labels avec des postes de chefs de produit transversaux, gérant à la fois l’artistique et l’image. Mon poste était devenu un obstacle à cette nouvelle organisation, et ma personnalité très indépendante a aussi sûrement joué…

 

- On peut trouver votre musique sur le net ?

F. Delmotte : Non, on ne jouait pas sur scène. On avait juste des maquettes. Ce n’est malheureusement pas sorti, et ça m’a un peu dégoûté. On a tenté, sans succès, de lancer un autre projet puis j’ai préféré tourner la page. Le seul témoignage disponible de ces années-là figure sur la compilation Café del Mar (Dreams 4), un morceau intitulé "L'étoile d'or / Estrela de Oro" par Camino del sol. J’ai senti que ma chance était passée, et comme je n’étais pas suffisamment motivé, je ne me voyais pas continuer de galérer, de traîner encore à 40 ans dans les bars des salles de concert en perfecto. Je ne me projetais pas dans cette vie. Je suis passé à autre chose. Je m’en suis bien porté je crois. Quand on voit ce qu’est devenue l’industrie du disque, les licenciements dans les années 90, je crois que je n'aurais pas été le dernier à me retrouver viré. Donc je n’ai pas de regret, et j’ai vécu une belle période. On était les rois du monde, c’était un moment où la musique était je pense plus importante culturellement qu'aujourd'hui. On était dans la maison de disque où tout le monde rêvait de pouvoir travailler, où il n’y avait que des artistes qui faisaient envie, donc franchement, c’était une très belle période, une sorte d'âge d'or. Mais je suis content d’avoir fait autre chose.

 

- Des groupes avec des contrats non honorés, ça arrivait beaucoup. (Je pense par exemple à Blue Matisse de Franck Dumas avec Denis Clavaizolle : si Warner avait assuré, l'histoire muratienne aurait été peut-être différente...) Emmanuel de Buretel, vous l’avez donc croisé déjà chez Virgin ?

F. Delmotte : Oui, oui, bien sûr, puisqu’il était directeur des éditions Virgin, qui était place des Vosges également.

 

- Ce n’était pas un interlocuteur particulier pour vous ?

F. Delmotte : Non, il faisait partie des gens qui étaient là, je n’avais pas de raison particulière de travailler avec lui dans le cadre de mon poste. Mais il nous arrivait de discuter, il s’intéressait, et il testait un peu les gens. C’était une personne intelligente. Il essayait de voir comment on était, comment on réfléchissait aux choses.

 

- C’était encore l’âge d’or des maisons de disque, des gros moyens (800 000/1 million de francs pour l’enregistrement du Manteau de pluie).

F. Delmotte :  Oui, en Angleterre, Virgin avait été lancée véritablement par Mike Olfield et Tubular bells, et en France, ça a été Le grand bleu (1988) qui a été un succès inattendu* pour Virgin France, et qui a fait sa fortune. Cela  a permis notamment de déménager de la rue de Belleville, où j’étais arrivé - qui n’était pas un squat, mais qui n’était pas très prestigieux pour une société qui se développait - à la place des Vosges. Cela représentait un saut assez conséquent, en terme de confort et de statut. D'un autre côté, le côté « rock'n'roll » des locaux de la rue de Belleville participait de cette image différente que voulait donner Virgin par rapport à des sociétés comme Polygram ou BMG. Certains artistes appréciaient d'être associé à cette image plus « roots ».  [CODLR-Clin d’Œil De La Rédaction : "Je sais bien que rue d'Belleville rien n'est fait pour moi" chantera Souchon].  

NDLR :     * 3 millions d’albums  (alors que Téléphone en vendait autour de 4 à 500 000).     Besson était donc en lien avec Virgin, d’où  le fait qu’on ait dû proposer à Murat de travailler avec lui. La musique du Col de la Croix-Morand aurait pu se retrouver  dans Atlantis]   

 

Place des Vosges   Vs Belleville  en 2024:

F. Delmotte :  Plus grand chose à voir évidemment... C'était beaucoup plus crade ! Le 63 (le kebab) était une pièce vitrée sur la rue, occupée par les deux chefs de produit internationaux, Marie Sauvet* et Marc Grafeuille.

NDLR : Il s'agit des locaux  occupés depuis 1979 par Clouzeau Musique**, c'est-à-dire Philippe Constantin, que rejoignent les Editions "Téléphone Musique SA" un an plus tard (avec Philippe Ravard - le groupe est un des  premiers à conserver ses droits d'édition). Constantin crée ensuite Virgin France avec P. Zelnik et T. Haupay. Les premières signatures :  Valérie Lagrange et Tokow Boys...).  Les numéros 61 à 65 de la rue sont loués.

* Marie Sauvet est aussi la chanteuse de Malicorne. Voici quelques mots de sa part  : "Le Virgin de la rue de Belleville était génial, label pétillant encore petit à qui tout réussissait. Oui je suis passée devant il y a pas longtemps, disparus les bureaux un peu foutraques 🫤 Je retourne parfois au Lao Siam, seul resto qui reste de l’époque. Nous avons échangé à l'époque avec Jean-Louis sur Malicorne qu’il m’a effectivement dit aimer, ce qui a cette époque virginienne me rendait très heureuse ! ". Les roses font des bouquets étaient une de ses chansons françaises préférées.

**On retrouve la mention "éditions Virgin Clouzeau Musique" sur les 45 T "Si je devais manquer de toi", à partir de l'album, il sera indiqué seulement "Virgin".

 

- Sur le lancement d’un disque comme Cheyenne autumn, combien de personnes travaillaient ?

F. Delmotte : Chaque « département », mais entre guillemets, c’est un peu faux de parler de département, il y avait très peu de monde. Chacun était très responsabilisé. Moi, je me suis retrouvé à gérer assez vite des campagnes d’affiches 4/3 par exemple alors que je venais de rien, je n’avais aucune expérience. On était porté par notre passion, on travaillait tout le temps, et le soir, on allait au concert.

 

- Est-ce qu’il y avait un travail marketing autour de l’artiste, pour cibler un public, les publicités, ou c’était quand même artisanal ou simplement des choix artistiques ?

F. Delmotte : Non, c’était très artisanal. Ça se décidait entre le DG, le directeur marketing, l’artiste. Chaque semaine, il y avait des réunions marketing, des réunions promo, je me souviens, et c’était là où les choses se discutaient, mais c’était très informel, ça ne ressemblait pas du tout à ce qu’on peut imaginer d’une réunion d’entreprise aujourd’hui. De tout cela il sortait des idées, mais ce n’était pas très pensé. Le but de ces réunions était surtout de caler des plannings, d'organiser les sorties et la promotion, hormis pour les chanteurs qui avaient des managers expérimentés, qui pour le coup avaient une vision assez claire de ce qu’ils voulaient pour leur artistes. Julien Clerc, par exemple, était managé par le gars de l’agence Artmédia [Bertrand De Labbey] qui savait exactement ce qu’il voulait pour son artiste. Jean-Louis Aubert, lui, était avec François Ravard, qui était aussi quelqu’un d’expérimenté  [NDLR: il avait été "mentoré" par Philippe Constantin et Jacques Wolfsohn-source]. Mais les autres artistes arrivaient avec leur idée personnelle : Jean-Louis, mais aussi Daho, les Rita Mitsouko. Murat, c’était donc ça, quand il est arrivé chez nous, il avait beaucoup réfléchi à ce qu’il voulait devenir, par rapport à sa première carrière. Je pense qu’il avait tiré des leçons de ce qu’il avait fait auparavant, et de son image un peu… bellâtre, même si les textes et l’univers musical étaient plus durs que ça. En tout cas, il jouait beaucoup sur son physique, et quand il est arrivé chez nous, je pense qu’il avait déjà l’idée de l’univers qui allait devenir le sien, qu’il a voulu imposer, et que nous, nous n’avons pas forcément vraiment compris au départ. Je me souviens, on avait beaucoup de gens qui faisaient des 45T, lui est arrivé un peu comme un autre, et la personnalité telle qu’on la connaît aujourd’hui n’était pas facile à identifier. Il n’y avait que lui qui savait où il voulait aller. J’ai regardé rétrospectivement les 45T qui étaient sortis avant, le 45T  "Si je devais manquer de toi", c’est une pochette telle que je pouvais la faire pour n’importe quel artiste, sa personnalité ne ressort pas, c'est venu après, avec l’album.

 

- Pourquoi y a-t-il eu plusieurs pochettes de ce single?

F. Delmotte: Je ne peux pas vous dire… Mystère. C’est la même agence. Peut-être que quelqu’un a estimé que ce n’était pas assez vendeur. Et c’est vrai que le vert, avec cette typographie assez fine, ce n’était pas très lisible… Je me rappelle que Dominique Leguern, qui était assez maniaque, disait toujours : « Faut que ça se voie », elle pensait aux présentoirs dans les supermarchés, et elle a pu dire : « On ne vendra pas le disque avec cette pochette-là ».

Dominique Leguern a travaillé ensuite pour M6 et a été directrice du MIDEM pendant 10 ans

- Et il y a même eu encore ensuite une troisième pochette.. Mais ça ravit les collectionneurs.

F. Delmotte:  Ah, je ne me rappelle pas.

 

Les 3 pochettes de "Si je devais manquer de toi", et les 4 autres singles de Cheyenne Autumn :

F. Delmotte :  Concernant le 45T promo, aucun souvenir non plus, ce qui est normal puisque c’est une pochette neutre, un modèle qu’on utilisait quand on n’avait pas le temps ou le budget pour en fabriquer une personnalisée. Je ne suis donc pas intervenu là-dessus.  

Effectivement, la même pochette promo existe pour "Amours débutants"

- Vous vous rappelez du premier contact avec Jean-Louis ?

F. Delmotte :  Honnêtement non. Mais c’est un des artistes avec lequel je m’entendais le mieux. Je me rappelle de Julien Clerc, très gentil mais qui était un peu distant, il était déjà un artiste établi, Renaud, qui n’avait pas un contact facile, je ne parle même pas des Rita Mitsouko. Aubert était plutôt sympa. Mais Murat avait ce côté plus cultivé, que n’avaient pas les autres artistes, la plupart en tout cas, et une culture cinématographique qui s’exprimait d’ailleurs déjà dans le titre de l’album, une référence peu relevée à un film de John Ford.  Souvent les artistes étaient très centrés sur eux-mêmes, enfin, c’est la réflexion que je me faisais, ils pensaient surtout à eux, à leur carrière et ça les déconnectait du monde et de l’actualité, même de l’actualité culturelle. 

 

- Il savait que vous étiez musicien ?

F. Delmotte :  Non, à l’époque, je ne faisais pas de musique. J’ai commencé quand j’ai quitté Virgin.

 

- Par rapport à ce que vous disiez tout à l’heure, ce n’est pas la maison de disque qui l’a forcé à avoir cette image… Enfin, clairement le produit, c’était aussi son physique, sur la pochette ?

F. Delmotte : Ce qui nous gênait, je me rappelle de discussions avec Dominique Leguern, c'est qu'il avait un peu le côté du gars qui venait de la campagne, et on pensait que c’était à nous de le rendre, pas branché, mais un peu plus dans l’époque. Mais lui, il avait compris que c’était ça l’image qu’il voulait donner, et ce n’était pas fabriqué, c’était ce qu’il était de manière authentique, plus que l’image qu’il avait sur ses premiers disques d’ailleurs. Je pense qu’il s’était trouvé. Il avait décidé qu’il lui fallait être lui-même. Et lui-même, ça voulait aussi dire « l’Auvergnat ». Je me rappelle, Dominique avait dit : « Ses fringues, ça ne va pas, il faut qu’il soit plus présentable quand il fait des télés ». J’avais une amie qui était styliste, créatrice de mode, et on était allé avec lui faire du shopping aux Halles, on avait choisi des chemises blanches, des trucs qui lui permettaient de se mettre en valeur puisqu’il était plutôt beau garçon… et à la télé d’après, il se présente avec une espèce de pull de grand-mère. Donc on avait fait le shopping pour rien, parce que lui était bien décidé à véhiculer cette image. De toute manière - je pense qu’on était une des rares maisons de disque à appliquer cette règle, et c’est valable pour la pochette - le dernier mot revenait à l’artiste. Hors de question de lui imposer quoi que ce soit. On pouvait essayer de convaincre, mais si un artiste voulait quelque chose en terme d’image, il avait le dernier mot, et on n’allait pas lui imposer quelque chose contre son gré.

 

Du naturel, du fabriqué, et peut-être le fameux pull moche utilisé au moins 2 fois... 1987 à 1989 

Rappelons que JL Murat s'intéressait  un peu à la mode et accepta plus tard par exemple de faire une tournée en costume, sur Toboggan.

 

- Je pense quand même qu’il a fait des efforts ensuite. Entre l’image de rocker sur la RTBF en 88 (blouson de cuir et coiffure banane) et certains plateaux télé (il participe à tout, notamment La classe, où on le voit en pantalon à pince, et chemise)…   Il est assez âgé, il veut que ça marche.

F. Delmotte:  Oui, et il a fait des efforts musicalement. Quand on réécoute Cheyenne Autumn, c’est assez commercial, ça correspond au son de l’époque avec beaucoup de synthé. Et c’était en décalage avec l’image qu’il voulait donner, assez éloigné des jeunes gens modernes, de la famille de Daho. Il se sentait clairement ailleurs.

 

- Peut-être qu’on peut quand même remarquer cette volonté de se démarquer : même s’il s’affiche sur les pochettes, c’est en noir et blanc, sur le 45T "Le garçon qui maudit les filles" (1988), c’est très « pastellisé » et en clair-obscur, on ne distingue pas ses cheveux du fond noir, et sur "Amours débutants » avec l’album, il apparaît sur une photo qui a été froissée et écrasée. Une façon de se montrer mais distancié.  Après, il réussit quand même l’exploit de proposer quelque chose de neuf tout en étant tourné vers le grand public. Pour ne citer que lui, Dominique A a dit et redit que ça avait été décisif pour lui.

Est-ce qu’on peut penser que s’il n’y avait pas eu de bons retours des deux 45T, Virgin n’aurait pas sorti l’album ?

F. Delmotte : Non, Murat avait signé un contrat pour un album, au minimum. Virgin était décidé à investir sur lui car, artistiquement, dès ses maquettes, il était clair qu'il avait du potentiel et de l'envergure.

                  Sur le plateau d'ARDISSON,  en 1989, ils parlent d'un contrat de 6 albums. A propos de Virgin, "ils sont gentils avec toi?",

Jean-Louis Murat répond qu'il a trouvé une famille !

Dans cette interview, j'en profite pour le rappeler (j'en avais parlé en point 4 de cet article en donnant quelques pistes) : l'aide que Murat aurait reçue de la part de gens de RMC avant Clara reste un élément biographique un peu mystérieux.

 

- Que pouvez-vous nous dire sur la pochette de Cheyenne Autumn ? Vous parliez dans une interview d’une « Virgin touch », est-ce qu’on la retrouve ?

F. Delmotte : Non, pas pour celle-là. A vrai dire, je n’étais pas fan de cette pochette, je n’ai pas poussé pour elle. En fait, je me rappelle, et j’y repense de temps en temps d’ailleurs, que j’avais fait travailler l’agence Nous 2 qui avait travaillé pour le 45 T "Si je devais manquer de toi", sur un projet que je trouvais formidable, et que je vois encore, je ne sais pas pourquoi… Ça fait un peu partie de mes regrets : cette pochette était formidable. Après, je ne sais pas comment la connexion s’est faite avec l'agence Le Village.

 

-Alain Artaud en revendique la paternité.

Pochette de la réédition vinyle et  le cromalin est à droite 

 

F. Delmotte : Oui, c’est possible. Eux, Le Village (Charles Petit),  ils venaient de fonder leur agence. Et Alain les avait rencontrés, et il avait peut-être décidé de mettre deux agences en concurrence comme ça se faisait parfois sur les gros projets. Et ils sont arrivés avec cette pochette que moi, je trouvais banale, assez attendue avec ces feuilles mortes, ces couleurs automnales. Je ne trouvais pas ça très intéressant. Ceci dit, avec le recul, j’avais tort... enfin, je ne sais pas, mais cette pochette s’est imposée, elle a construit l’image qui allait lancer sa deuxième partie de carrière, et de son point de vue à lui, c’était le bon choix.

 

- A quoi ressemblait la pochette alternative ?

F. Delmotte : Je la vois mais j’aurais du mal à la décrire. C’était assez graphique comme ce que faisait Nous 2, il y avait une photo de Jean-Loup Sieff, puisque c’est cette session qui avait servi aux visuels de l’album, et il y avait une espèce de flamme qui sortait de la photo, en petit sur fond blanc. Graphiquement, c’était très joli. Mais typiquement, c’était la façon de faire de Virgin, Murat a choisi, et même Alain Artaud n’aurait pas pu lui imposer l'autre pochette, mais pour ce cas précis, ce dernier était aussi favorable à celle-là. Donc, là, je n’étais pas en position d'imposer quoi que ce soit au directeur marketing et à l’artiste.

 

- Marie Audigier n'intervenait pas ?

F. Delmotte : Je ne l’ai jamais rencontrée. Pour moi, il n’avait pas de manageur. Murat gérait tout lui-même. Je n’ai jamais envoyé quoi que ce soit, un bon à tirer par exemple, à Marie Audigier. Pour moi, elle n’était pas manageuse. Il y avait des gens comme Daho qui avait en plus de Nataf une manageuse « exécutive », Anne Claverie, qui l’aidait à gérer des choses au quotidien, mais pour Murat, c'était lui qui venait à tous les rendez-vous, c'était lui qu’on appelait quand il y avait un visuel à checker, et il passait au bureau. C’était ce genre d’artiste qui vérifiait tout.

 

- Oui, c’est un peu ce que dit Alain Artaud. [En fait à l'époque, elle est encore chanteuse et ne se consacrera pleinement au management qu'ensuite]

Et techniquement, comment ça se passait ? Parce que donc je suis en possession du cromalin, des bons à tirer (BAT) que je montrerai lors du week-end Murat en juin prochain...

F. Delmotte : On ne travaillait pas avec des grosses agences, surtout chez Virgin.  Le Village, ils étaient deux, et Nous 2  était un couple. Il y avait déjà des grosses agences dont je ne me souviens pas des noms, mais qui étaient presque des agences de pub, et que des gros labels utilisaient, pour France Gall par exemple.   

Ça pouvait commencer par des « crobards », des croquis, et ensuite, il y avait des maquettes, avec des feuilles de calque, toutes les indications de couleurs, les endroits où devaient être placés les visuels. Et c’était assez difficile à interpréter si on n’était pas du métier, visuellement, la pochette n’était pas là, ça n'était encore qu'un document technique. Il fallait attendre le cromalin qui était fait à la photogravure. Et c’était ce qui était soumis à l’artiste.

 

- Oui, à l’époque, il n’y avait pas les outils actuels, les logiciels, etc, pas de mail non plus donc tout se transmettait avec les coursiers…

F. Delmotte : Oui, il n’y avait pas de numérique. Il y avait une maquette faite à la main, c’est-à-dire que tout était bricolé, avec des collages, donc là avec la photo choisie, j’imagine. On travaillait déjà avec ça avec l’artiste, et l’étape d’après, c’était le cromalin, fait à partir de quatre films, un travail à destination de l'imprimeur.

 Vous m’avez dit qu’entre le cromalin  et la pochette, la teinte est différente. Et ça ne m’étonne pas, puisque si je l’avais en ma possession, c’est que cette épreuve qui servait de référence à l’imprimeur n’a finalement pas été utilisée. Le cromalin partait chez l’imprimeur, et quand il commençait à imprimer les pochettes, il vérifiait que ça correspondait bien exactement à la tonalité, à la colorimétrie du cromalin.

 

- Ah, d’accord, le cromalin ne servait pas directement à l’impression, comme un négatif, ou un fichier informatique à imprimer, mais uniquement de référence.

F. Delmotte: Non, c’était la maquette et les films qui étaient utilisés. Et je pense qu’on a dû en refaire un autre, parce que le premier, on a dû dire qu'il était trop gris ou pas assez comme ça et ça. Pourtant refaire un cromalin, on évitait, parce que ça coûtait assez cher. Le cromalin servait à visualiser ce que serait la pochette, mais il était trop tard pour changer des détails de maquette ou des textes. La décision était prise avant, même si ça servait de validation pour l’artiste qui pouvait voir l’objet final grâce à lui. La maquette ne donnait qu'une idée de ce que serait la pochette définitive. Mais le cromalin, c’était un outil pour l’imprimerie, c’est en cela que c’était un « bon à tirer »

 

- On m’a signalé il y a peu que Jean-Louis était orthographié sans tiret. Ce tiret ne figure pas non plus sur le 45T "Si je devais manquer de toi" et sur les autres : "Col de la Croix-Morand", "Cours dire aux hommes faibles" (il était bien présent, et même en gras sur "Suicidez-vous le peuple est mort").

F. Delmotte : Non, je n’avais pas remarqué et je me rappelle pas de ça. Je pense que c’était volontaire parce qu’on l’aurait remarqué.

 

- J’imagine que ça pouvait être une façon de rajeunir un peu ce patronyme ?

F. Delmotte : Oui, peut-être, ce n’était pas un prénom très moderne.

 

- Il y a aussi une  erreur dans le CD (mais pas sur le vinyle de 1989 [photo en fin d'article]) : dans les crédits,  le renvoi indique que  Le garçon qui maudit les filles serait écrit par JL Bergheaud Murat/Coqueijo Luz.  Ça correspond en fait à la chanson Pars (É preciso perdoar chanté par G. Jilberto)

F. Delmotte : Ah ? d’accord…

 

Crédits sur le CD et le vinyle 2019 

A remarquer également: on peut penser que Coqueijos Luz est une seule et même personne.  Il manque  un tiret (il s'agit bien de deux compositeurs). Ce problème est renforcé par l'ajout des initiales des prénoms sur la réédition 2019 sauf pour eux. Ainsi le renvoi, toujours faux, est "JL Bergheaud Murat/Coqueijo Luz". Le bon crédit aurait été "JL Bergheaud Murat/A. Luz-C. Coqueijo"... Ça se complique avec les noms complets :Alcyvando Liguori da Luz et Carlos Coqueijo Torreão da Costa.. Quoi? Je chipote?

 

- Et ça a été reproduit ainsi même dans la réédition récente en vinyle (crédits sur le rond central), est-ce que ça vous dit quelque chose ?

F. Delmotte :   Non… et personne ne l’a vu. C’est étonnant.  Les mentions figurant sur le rond central provenaient du service artistique, ensuite l’artiste décidait seul de ce qu’il avait envie de voir figurer sur la pochette et la sous-pochette. Personnellement, je m’assurais juste que les mentions légales (copyright) soient présentes.

Que pourrais-je vous dire de plus ? Je n’ai pas assisté à la séance avec Jean-Loup Sieff alors que généralement, ça pouvait être le cas, ça faisait partie de mon travail. Murat a dû y aller seul, parfois l’artiste préférait. Je me rappelle de Daho pour une séance chez Harcourt qui ne voulait personne dans la pièce au moment de la photo. Et c’était sans doute la même chose pour Murat qui voulait une relation directe et personnelle avec le photographe pour essayer de créer quelque chose. Il n’avait pas envie qu’il y ait des gens qui traînent autour d’eux. La séance en tout cas, avait été bonne. Bon, le portrait pour la pochette, un peu pensif et lointain, je le trouvais un peu quelconque mais sur la photo avec les mains abîmées, là, il y avait quelque chose d'intéressant qui passait.

 

- Les mains abîmées ? Ça ne me dit rien… [J’ai trouvé : il a une petite attelle qu’on aperçoit]

F. Delmotte : Je ne me rappelle pas d’autres séances en tout cas. Généralement, il y avait une séance pour la pochette, et une autre pour servir pour la promo, plus spécifiquement pour la presse.

- Sur la première pochette de "Si je devais manquer de toi", il y a une photo d' Annie Romero. Cela vous dit quelque chose ?

F. Delmotte: Non, ce sont des photos qui devaient déjà exister. D’ailleurs, il ne ressemblait déjà plus à ça. Il était jeune sur cette photo.

 

- Après, il y a eu des séances avec Frédérique Veysset [créditée sur la pochette numéro 3 de "Si je devais manquer de toi", de 1987 et aussi, un an plus tard, sur le 45T  "Le garçon qui maudit les filles"].

F. Delmotte : J’ai fait beaucoup de séances avec elle mais pas avec Murat. Après, effectivement, elle avait dû réaliser une séance de photos de presse et certaines ont été utilisées comme visuels de pochettes.

 

- Agnès Propeck est créditée au design du 45T "Le garçon..." Cela vous dit quelque chose ?

F. Delmotte : Oui, Agnès Propeck avait beaucoup de talent et aurait mérité de travailler sur une pochette d'album.

Agnès Propeck est photographe (représentée par l'agence Vu) et professeure.

- Vous avez travaillé sur Ultra Moderne Solitude. Est-ce qu’il y a d’autres pochettes marquantes dont vous vous souvenez ?

F. Delmotte :  En peu de temps, il y en a eu beaucoup. Il y a eu Putain de camion  de Renaud, et c’est un exemple du « dernier mot à l’artiste » qu’on a vraiment regretté. Je pense que c’est la pochette qui a nécessité le plus de travail. On a fait jusqu’à trois projets, on allait jusqu’au bout, jusqu’à la maquette finale, et puis il changeait d’avis. Il disait : « Ah non, finalement non ». On a changé trois fois, on a refait la pochette de bout en bout, et la dernière, ça a été la photo d’un petit tableau qu’il avait chez lui et qu’il voulait tout d’un coup avoir sur sa pochette, sur un fond noir. C’était anti-commercial, on l’a regretté, déploré, mais voilà, c’était exactement ce qu’il voulait, et on ne pouvait pas s’opposer à Renaud qui était déjà un gros gros artiste, et un des plus gros vendeurs en France.

Je peux retenir aussi les pochettes de Daho qui étaient intéressantes, celle avec l’illustration de Guy Peellaert [Pour Nos vies martiennes] était chouette à l’époque. Celle de The no comprendo des Rita Mitsouko était sortie quand je suis arrivé, mais il n’y avait pas beaucoup de choses à discuter avec Catherine, elle savait ce qu’elle voulait. Il y a eu aussi Aubert, je me souviens, avec Plâtre et ciment. Ce sont les pochettes auxquelles je pense, mais il y en a eu d’autres sans doute.

 

 

- Vous avez continué à suivre Jean-Louis ?

F. Delmotte :  Ah oui, bien sûr, j’adorais la musique de Jean-Louis Murat. Après, comme beaucoup de gens sur la dernière décennie, j’ai écouté avec moins de régularité ce qu’il faisait, mais sur toute la période qui a suivi Cheyenne autumn, c’était vraiment pour moi un artiste majeur de la scène musicale française. Surtout, le connaissant, c’était quelqu’un d’intéressant, ce n’était pas le cas de tous les artistes. On pouvait parler d’autres choses, il pouvait avoir de l’humour aussi... Parfois plus de la provocation que de l’humour.

Ah, tiens, il y a une chose que vous ne connaissez peut-être pas, je m’en suis souvenu il y a peu. Ça ne concerne pas les visuels. Je me rappelle qu’il avait fait une version maxi ou dub d’un titre de l’album, dans laquelle il avait fait chanter sur les chœurs une partie du personnel de Virgin. Ce n’était pas du tout crédité, c’est un souvenir que j’ai, c’était assez intelligent de sa part parce que c’était très flatteur pour le personnel. Une façon aussi de jouer de son côté séducteur auprès de la gent féminine.

 

- Ah, mais je crois que c’est bien crédité… C’est sur le maxi « Si je devais manquer de toi » que j’ai regardé juste avant.  Neidge, Tassia, Christine, Rosanna, Véronique, Marie, Régina.

F. Delmotte : Bizarre, aucun de ces prénoms de me dit quelque chose...

Ils ne correspondent pas à des personnes salariées de Virgin.  Cela ne dit rien à Alain Artaud, ainsi qu'à Marie Audigier qui n'exclut pas d'être la Marie citée, mais elle a fait beaucoup de chœurs. J'aurais adoré pouvoir relier encore plus  Marie Sauvet et Malicorne à Jean-Louis,et compléter la liste des crédits surprenants (Amadou et Mariam, JP Nataf...) mais cette dernière m'indique :  "Je n’ai malheureusement pas participé aux chœurs sur un titre de Jean- Louis Murat. J’aurais aimé !".   

 

- Ah,  sur le maxi "Is anything wrong?... L'ange déchu", voici une autre mention : "les anges : Mireille, Florence, Isabelle, Dominique, Nadine, Rebecca, Sophie, Marie, Marie-Anne, Nathalie et Is anything wrong ? Caroline"  (et donc  18 gentes dames invitées pour deux titres remix... Murat effectivement flatteur!!).

F. Delmotte  : Mireille :  Roulet (de l'artistique France avec Stéphanie Giraud et Monique Lajournade), Dominique et Rebecca (Hayat) étaient de la promo, Isabelle aussi je crois, mais je n'ai plus les noms, Sophie (Carminati), Marie-Anne Dudouit, Caroline Diament*... Les autres je ne sais pas.

*Oui, celle "vue à la télé" avec L. Ruquier. Elle a travaillé 10 ans chez Virgin, d'où elle est partie avec le titre de  "chef de produit". [Nathalie : Noënnec -promo tv-possiblement]

- On est donc loin de l’image de l’ours ombrageux qu’il a eue [ou du portrait du petit con que JB Hebey faisait de lui à ses débuts – dans le livre Coups de tête ]…

F. Delmotte :  Oui, oui, il était tout-à-fait avenant avec nous dans les relations de travail, c’était une image qu’il se donnait dans les médias. Pour moi, il n’était pas comme ça.

Je sais qu’il préparait énormément ses interviews, ça m’avait d’ailleurs surpris à l’époque. Moi, j’imaginais que les artistes se rendaient en promo et de manière très naturelle se racontaient, répondaient aux questions qu’on leur posait. Et j’ai pris conscience avec lui qu’il y en avait qui faisaient un travail autrement plus sérieux que de se présenter devant un micro - ce qui n’était pas le cas de tout le monde. Il travaillait ses interviews, il préparait ce qu’il allait dire, pas au mot près bien sûr, mais globalement tout était prévu. C’est aussi ça qui me fait dire que ses petites provocations étaient parfaitement calculées, ce n’était pas quelque chose qui lui avait échappé. Il avait appris de son expérience de début de carrière qu’une interview se préparait comme autre chose.

 

- Ah, très intéressant, ça m’évoque le fait qu’il a toujours eu un «pitch » à servir à la presse pour chaque album… Et sur les provocations, il a dit que c’était parfois des choses prévues avec les amis, des sortes de paris ou de commandes.

F. Delmotte : En tout cas, au moment de sa signature avec Virgin, il était déjà plus âgé que certains autres, comme Daho, il avait conscience que c’était sa dernière chance, et c’est pour ça qu’il s’est investi avec autant de professionnalisme dans cet album-là et dans sa relation avec Virgin.

 

- Alain Artaud que j’ai croisé à l’enterrement m’a dit qu’il y avait des représentants de toutes ses maisons de disque (sauf la dernière), ça confirme un peu vos propos sur son bon caractère. Par contre, il a souvent dit que chez Virgin, on lui disait « Fais comme Daho »…

F. Delmotte: (Rires) Oui, c’est ce que je disais, je le reconnais. Au départ, on a mal évalué le personnage, c’est vrai qu’on l’a vu comme un artiste de plus, on n’a pas vu sa spécificité et le potentiel autrement plus grand que n’importe quel artiste. Et au début, la référence pour nous, c’était Daho, l’artiste qui avait explosé, mais on a compris très vite que ça ne marcherait pas comme ça avec lui, qu’il ne jouerait pas ce jeu-là et que c’était dans l’intérêt de la maison de disque de le laisser développer sa personnalité plutôt que de lui en imposer une.

 

- Vous m’avez envoyé un petit mot qu’il vous avait fait et que vous m’autorisez à reproduire…

F. Delmotte:  Oui, quand je suis parti, il m’a offert ce recueil de textes de Tarkovski, ça lui ressemblait bien, c’était très gentil de sa part, tous les artistes ne l’ont pas fait, c’était un témoignage que notre relation était assez riche et allait un peu au-delà de relations professionnelles.

 

- De là à partager des moments amicaux à l’extérieur du bureau ?

F. Delmotte: Non, de par ma fonction, nos rencontres étaient limitées aux locaux de Virgin, dans mon souvenir, à la différence des gens de la promo qui accompagnaient partout les artistes et pouvaient donc avoir l'occasion de prendre leur repas ou partir en déplacement ensemble.

 

Inter-ViOUS et MURAT-  n°32:  François DELMOTTE, les débuts chez VIRGIN

Tarkovski que l'on entend sur le disque et dont il parle beaucoup en interview:

 

 

COMPLEMENTS

- Réunion de famille

F. Delmotte:  J’y étais mais comme invité car je venais de quitter Virgin (ce qui m’a épargné de devoir m’en occuper car ça faisait aussi partie de mon boulot).

 

- Coin du collectionneur:

 

Coffrets rares de  17 CD,  avec Jean-Louis Murat chantant tombé sous le charme, et J. Clerc, l'ange déchu.  Un CD simple existe aussi.

F. Delmotte:  Je ne savais pas que c’était devenu une rareté… Un projet porté par Fabrice Nataf pour appuyer cette idée que Virgin était une « famille ». Peu de succès, de mémoire, mais ça n’était pas le but.

 

- Plusieurs cassettes audio  "Virgin Actualités" contiennent des titre de Jean-Louis Murat, en voici deux:

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
F. Delmotte: Oui, j’ai lancé les K7 Virgin Actualités avec pour modèles les cassettes du NME [la revue musicale britannique] mais très vite les contraintes budgétaires m’ont obligé à faire simple avec une maquette dont on changeait juste la couleur
 

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Interview réalisée par téléphone le 14/02 et relue, et complétée gentiment par de multiples mails jusqu'au 10/03/2024 par François Delmotte. Merci à Alain Artaud (à qui je n'ai pas dit qui était l'interviewé principal) et Marie Sauvet, et bien sûr à François. Merci à la correctrice.

Retrouvez le CROMALIN, et les pochettes figurant dans l'article, et d'autres choses, lors de l'expo du week-end Murat, yes sir! à Clermont-Ferrand, qui sera en partie consacrée sur la période 1977-1990 :

billeterie http://www.surjeanlouismurat.com/week-end-murat-23-24juin-fotomat-tribute-fete-jeanlouismurat

- le Vinyle 1989 sans erreur sur les crédits:

 

- Maxi 45 T et 45T  Amours débutants:

 

- Le disque Tomber sous le charme du projet DIVERSION:

 

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Rédigé par Pierrot

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT, #week-end Murat

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Publié le 27 Novembre 2023

 

 

A ceux qui avaient eu la chance de le voir le 23 juin au Week-end Murat, yes sir! (1ère édition), Alain l’avait annoncé, entre gourmandise et espièglerie : le clip de “Ton corps est mon décor” venait de sortir, et on pouvait aller en découvrir les images « explicites ». De fait, 38 470, son nouvel album, fait naître beaucoup d’images : des  fragments du corps désiré, l’apparition dans la nuit de la spectaculaire “Marlène Dietrich masculine”, les paysages et personnages d’un film, ou les cosmographies réinventées des amours  triangulaires... L’interprétation, qui joue de tous les ressorts de la voix tour à tour chantée, parlée, murmurée, la richesse des orchestrations et arrangements rendent sensibles à chaque morceau des univers singuliers, livrent de façon parfois presque théâtrale des courtes scènes, portraits, récits.

Du désir et de l’amour, il est donc beaucoup question dans ce disque, mais bien d’autres aspects surgissent de cette exploration de l’intime, portés par une langue toujours très littéraire et précise. Alain se livre aussi en contemporain ironique et désarmé, traversé par les crises de notre époque, en poète qui s’interroge sur son écriture et “convoque l’imprévu”. Il compose ainsi un autoportrait à multiples facettes, qui se dévoile et s’approfondit au fil des écoutes successives.

Le plaisir à découvrir cet album vient aussi des contrastes et ruptures : les morceaux pop alternent avec des ballades plus intimes et parfois mélancoliques, et un duo joliment enlevé, les déclarations d’amour s’ourlent de noirceur, l’énoncé des doutes, des échecs va de pair avec le goût de l’artifice, une magnifique flamboyance. 

La sortie de cet album était une belle occasion de rencontrer Alain, qui dans son planning chargé de sortie d'album, spectacles et projets à venir, a trouvé le temps pour une conversation dense et passionnante. Nous vous laissons avec ce  talentueux auteur-compositeur, formidable pianiste au service d'un très grand interprète... qui pourtant aime le collectif. 

 

 

- J'avais oublié mais tu me disais en juin qu'on avait commencé une interview il y a quelques années et que ma première question un peu rituelle sur les origines de ta carrière de musicien t'avait découragé. Est-ce que tu es réticent à parler de toi? 

A. Klingler : Pas particulièrement… Mais je parle déjà beaucoup de moi dans mes chansons. Ce qui m’avait découragé dans la question rituelle des débuts, c’est que ma réponse serait forcément un peu longue : j’ai commencé le solfège à six ans, le piano à sept ans. J’étais admiratif de Samson François. Mais je n’avais pas ce talent de pianiste classique. Et puis, j’aimais déjà beaucoup la variété, ce qui était très mal vu à l’époque, au conservatoire, tout comme, plus tard, dans le milieu des musiciens. Dire que l’on écoutait Véronique Sanson ou Michel Berger nous conduisait quasiment devant le peloton d’exécution. Je n’ai pas eu de grand frère, ou de grand cousin qui m’aurait fait découvrir Led Zeppelin, Franck Zappa, ou Bowie…

Mon premier spectacle fut Léo Ferré en piano-voix (plus quelques bandes orchestre). J’avais 13 ans. Un choc.

Puis, ce fut Manset avec Lumières, en 1982, j’avais 14 ans. Une commotion. Ces douze minutes hypnotiques. À l’époque, pas d’internet, juste des revues de rock et Paroles et Musique, magazine qui consacrait des dossiers complets à Higelin, Bashung, Manset, Romain Didier, Allain Leprest…

Mon horizon, pendant longtemps, ce furent ces revues et puis le TOP 50, jusqu’au jour où je suis tombé sur une retransmission de Pantin 81 de Barbara, et là, tout a changé en une heure. Le lendemain, je courais me procurer l’album, puis tous les albums. Ce fut le début d’un grand virage. Je venais de rencontrer une artiste qui racontait sa vie au piano, qui était androgyne, théâtrale, et dont l’art dépassait tout ce que j’avais vu jusqu’alors et que je n’ai d’ailleurs pas revu ensuite… Cette présence sur scène, médiumnique… 

Il y a eu également le disque Piano-public de Romain Didier en 1985. Je l’écoutais en boucle sur mon magnéto cassette.

Donc, je voulais faire comme Romain Didier, Barbara ou Léo Ferré quand je serais grand. Et puis, ma disquaire, clairvoyante, m’a conseillé d’écouter Jean Guidoni et là ce fut une grande claque. J’avais 17 ans. Tout ce que Jean chantait me plongeait dans des mondes qui me passionnaient. Il chantait l’homosexualité, les bas-fonds, les putes, la drogue… L’écoute de ces artistes ouvrait des mondes. Des arborescences. Barbara parlait de Verlaine et Rimbaud, Guidoni évoquait Genet, Fassbinder, Ingrid Caven, j’allais voir, tout cela nourrissait ma curiosité.

J’habitais dans le sud. Nous étions ravitaillés par les corbeaux, tout nous parvenait par ricochets. 

Heureusement, très vite, il y a eu des concerts où je suis allé écouter Barbara, Guidoni, j’y ai fait des rencontres extraordinaires. 

Entre temps, j’avais obtenu un bac option musique et je suis allé à la fac. J’ai commencé à écrire des textes. Un jour, des amis qui organisaient un concert de rock m’ont proposé de faire leur première partie. J’avais écrit cinq chansons. Cela s’est bien passé. On avait enregistré ce concert et donc, tout naturellement, j’ai envoyé ces cinq chansons sur une cassette à Barbara, qui m’a répondu une semaine après : "j’ai aimé vos chansons, chantez partout ailleurs qu’à Toulon" ! Imaginez ma stupeur. Puis Jean Guidoni m’a reçu chez lui afin que je les lui chante, ce qui était fou pour moi. 

Deux ans après, en 1993,  j’ai monté mon premier tour de chant à Châlon-sur-Saône, car les directeurs du Festival de Châlon dans la rue avaient eu par l’entremise d’une amie une copie de la fameuse cassette envoyée à Barbara. Ils ont eu un coup de cœur et m’ont commandé un spectacle. C’était parti. Depuis, je suis allé de rendez-vous en rendez-vous. J’ai eu la chance que cela ne s’arrête jamais. Très vite, j’ai rencontré d’autres artistes qui habitaient Paris et qui m’ont dit de venir y chanter. Nous nous produisions dans des lieux qui programmaient des jeunes artistes, des lieux comme Ailleurs ou le Limonaire. Pour moi, chanter dans ces lieux, c’était comme faire l’Olympia. 

En 1996, j’ai rencontré Romain Didier et Allain Leprest, dont j’écoutais les disques depuis des années. Romain a été extrêmement gentil et m’a donné des conseils aussi.  J’aime infiniment ces artistes qui font œuvre à partir de ce que je suppose être leur journal intime dévoyé. 

J’ai gagné quelques concours. Et j’ai enregistré mon premier album. 

Je viens donc de cette chanson-là. 

Voilà pour les débuts !

 

- On te voit surtout sur scène dans des spectacles collectifs, finalement tu portes peu ton répertoire personnel, tes propres chansons? 

A. Klingler:  Oui, depuis quelque temps en effet. Pour l’album qui vient de sortir, je fais une date en Suisse [NDLR : le 13/10/23], et il y aura peut-être une ou deux dates à Paris. Je suis très mauvais vendeur de mon propre projet. Je ne sollicite personne, je ne réponds qu’à des demandes : donc si on veut que je chante quelque part, je le fais, mais je ne mets plus en place des choses en ce qui concerne mon propre répertoire. Je l’ai fait à une époque mais c’est fini.

Cet album est né parce qu’il y a eu le confinement, je me suis remis à écrire des chansons et à envisager ce disque, mais cela faisait dix ans que je n’avais pas écrit une chanson. 

 

- Comment en es-tu venu à enregistrer ton premier disque ? 

A. Klingler:  Dans mon parcours, j’ai eu une révélation avec la chanson française. Mis à part David Bowie je ne m'intéressais pas aux chanteurs anglo-saxons : je ne connaissais que la chanson française, jusqu’en 1999 en tout cas. Je n’avais pas de connaissances sur le son. Pourtant il y avait bien des gens qui avaient travaillé le son, Bashung, Christophe, Berger, mais ce n’était pas quelque chose que j’avais repéré, je m’intéressais surtout aux mots, et à la façon de les mettre en musique. En 1999, Sophie Rockwell, avec qui j’ai écrit Je ne suis pas narcissique, et qui est chanteuse aussi, m’a dit deux choses le même jour : “tu devrais écouter un album de Stina Nordenstam, People are strange”, cet album de reprises où elle reprend des chansons de Rod Stewart, de Prince : je n’avais jamais entendu ça, le travail sur le son et la production était  impressionnant. Et elle m’a dit aussi : “tu devrais te mettre à l’informatique musicale”. Je n’avais jamais allumé un ordinateur, je n’en avais pas ! On m’en a prêté un et d’un coup, pris de passion pour l’écriture des arrangements… j’ai écrit un album, Cercles d’amis.


Avec Chloé Mons, Je ne suis pas narcissique (2023 au Lucernaire) :

 

- Tout seul ?

A. Klingler: Oui, quasiment. Gérard Poli, un ami chanteur qui a son propre parcours passionnant [NDLR: Monsieur Poli], a écrit des textes avec moi, j’ai écrit aussi, et surtout j’ai fait tous les arrangements de ce disque, chose que je n’ai plus faite après. J’ai passé un an dans un studio à  Saint-Ouen, à raison de quinze jours par mois, et des musiciens incroyables sont venus jouer, un qui jouait avec Calogero, un autre avec Sapho, un avec Arthur H, Brad Scott... 

C’est là que j’ai découvert le son, c’est une chose à laquelle je n’avais jamais pensé avant. Cela m’a tenu pendant une dizaine d’années.

En 2001, je me suis installé à Grenoble. J’y ai rencontré un musicien qui s’appelle Etienne Dos Santos, qui jouait dans un groupe culte de Grenoble, Rien. Je suis allé vers lui et nous avons enregistré deux albums, No culture et Un invisible écrasement,  et un projet de poésie musicale écrit par Anne Calas, Chroniques d’Ici, avec Arthur H. dans le rôle du récitant. Nous avons aussi fait beaucoup de spectacles ensemble, et c’était très intéressant. Je venais d’arriver à Grenoble, la Ville, le Conseil Général, le département me soutenaient, je faisais des résidences. C’était super. Cela a duré jusqu’en 2010.

Et puis il s’est passé une chose : en 2005 je suis allé au Festival d’Avignon pour accompagner un spectacle en tant que pianiste, et là le hasard a voulu qu’on m’invite à un spectacle de Marina Abramovic : elle rejouait sur scène ses performances. La même semaine j’ai vu un spectacle de Mathilde Monnier avec Christine Angot. Là, j’ai découvert un champ que je ne connaissais pas : l’art contemporain, le théâtre contemporain, la danse contemporaine - j’avais déjà vu des spectacles, mais ça ne m’avait jamais fait cet effet-là. J’ai aussi découvert un festival à Marseille qui s’appelait Actoral, où j’ai vu un performer qui est devenu un ami, Yves-Noël Genod, et ça a été une révélation, un choc esthétique. C’était en 2007, et à partir de ce moment-là, en deux ou trois ans je crois que j’ai vu 500 spectacles. Je courais ventre à terre voir deux spectacles dans la même soirée, je découvrais aussi des lieux comme La Ménagerie de verre. Et à partir de ce moment-là, la chanson française a totalement cessé de m’intéresser. Les chanteurs français, ça n’existait plus, mis à part Jean-Louis Murat, qui curieusement, proposait à chaque fois quelque chose qui me semblait transversal et actuel. Moi-même dans ce dispositif-là, je ne m’intéressais plus. J’étais entièrement passionné par les questions qui traversaient les disciplines comme la danse contemporaine, le théâtre contemporain, la performance, il y avait quelque chose que je ne connaissais pas, et que j’ai essayé de comprendre en lisant, en faisant des stages : moi qui savais à peine arriver au piano et en repartir, j'ai fait des stages de danse contemporaine pour apprendre à me déplacer sur un plateau, j'ai fait des stages de danse buto…

À la suite de ça j’ai quand même sorti deux albums encore, en 2010 puis en 2011, et j’ai chanté pendant 10 semaines à Paris, mais c’était au mauvais moment, au mois de mai, où il y avait beaucoup de ponts, je n’ai pas eu beaucoup de public. Et puis je voyais que ça ne m’intéressait plus, que ce qu’on passait à la radio ne m’intéressait plus, je n’allais plus voir des chanteurs, et c’est donc tout naturellement que je me suis mis à écrire pour le théâtre.

Donc à partir de 2012, je ne me suis plus produit sur scène en tant que chanteur. 

Mais je crois que si j’ai quitté la chanson, la chanson m’a quitté aussi. Il suffit d’arrêter pendant quatre ou cinq ans pour ne plus être repéré par les programmateurs. 

Il a fallu qu'on me propose de rejouer en 2017 ou 2018 pour que je rechante. J'ai multiplié les collaborations et  depuis cinq ans, je fais des spectacles avec les autres, très rarement tout seul, et sur des répertoires autres que le mien.

 

- Il faut aussi se montrer, rappeler qu’on existe, en étant présent notamment sur les réseaux sociaux ?

A. Klingler:  Oui, et ça, je ne le fais pas vraiment. Ça ne m'intéresse pas du tout. 

Je trouve l’auto-promotion ridicule. Ou alors il faut que ça soit fait génialement : comme mon ami Yves-Noël Genod, qui, de toute façon n'a plus rien à vendre depuis un moment : il tient sur Instagram un journal littéraire, et là, c'est passionnant, une œuvre d'art en soi.  

 

- Il est plus facile de monter et vendre un spectacle de reprises finalement ? 

A. Klingler:  Je ne fais pas de spectacles de reprises, du moins je ne le vois pas ainsi.

 

- Il reste quand même des lieux pour la chanson (A tout bout de chant, la salle du Rancy pour parler de Lyon), tu n'as jamais travaillé avec un tourneur ?

A. Klingler:  Si, mais cela n’a jamais été très concluant.

 

- Tu dis que tu abandonnes l’activité d’auteur-compositeur-interprète, que ça ne t'intéresse plus et pourtant, c'est à ce moment-là que tu sors le disque J’étais là avant, en piano-voix, où tu reprends une partie de ton répertoire…

A. Klingler: Oui, mais ce n'est pas moi qui l'ai décidé. C'est un ami, Sébastien Riou, qui est ingénieur du son, qui m'a dit «J'aimerais t'enregistrer tout seul au piano, c'est moi qui décide où et quand et c'est moi qui produis. » Donc j'ai dit oui. Et là, ça a été génial, on a été à la MC2 à Grenoble qui est une salle extraordinaire, un auditorium où les plus grands orchestres européens viennent enregistrer. Il y a une acoustique extraordinaire. Il y a là un des dix meilleurs pianos européens, un Steinway à queue. Nous avions trois après-midi et la gageure, c'était d'enregistrer live sans retouche.  On faisait une à trois prises, et on a gardé les meilleures de ces trois après-midi de trois-quatre heures. C’était le choix de Sébastien Riou, qui est venu me chercher et c'était la première fois qu'on me proposait un truc pareil. Et cet album a eu trois clés dans Télérama, mais malheureusement l’article est tombé juste après mes dix semaines de concert à Paris. Donc, j'ai pris cet article comme un cadeau, mais un cadeau de rupture, un cadeau d'adieu. J'étais déjà parti ailleurs, je crois. Et je me suis mis à écrire du théâtre assez rapidement.

 

- On en vient à l’album ? Tu dis que tu l’as composé pendant le confinement. Est-ce que c’est ce qui t’a conduit à te recentrer sur toi ? Tu as toujours chanté l’intime, mais il me semble que là tu proposes de toi un portrait à la fois beaucoup plus ample, avec des facettes multiples, et aussi beaucoup plus précis ou référencé, sur les lieux, les circonstances, les événements, les rencontres.  

A. Klingler:  Je ne sais pas. Je ne me rends pas compte. Peut- être que c'est le fait de ne pas avoir écrit de chansons pendant sept ou huit ans. Peut-être que cela a convoqué d'autres choses. Pour la précision, je m'étais donné pour chaque chanson des contraintes d'écriture pour sortir de certains schémas qui étaient les miens : des contraintes de versification. Par exemple pour “L'Inconnu du lac”, écrire une chanson dans une forme assez classique.

 

- En alexandrins !

A. Klingler:  Voilà ! D'autres chansons sont en octosyllabes. Je me suis fixé des contraintes formelles assez précises, sur la métrique, les rimes, le champ lexical, chose que je ne faisais pas toujours avant. J’avais une envie de forme.  Et comme toujours quand j'écris une chanson, j’écris d’abord 20 à 30 pages. Et puis vient le moment où je vais composer la musique de ces textes, et là, ça se joue en trois ou quatre heures : je rassemble ces 20 ou 30 pages et je compose la chanson. Je fais une espèce de cut up à l'intérieur de ce que j'écris et ça devient la chanson. Un journaliste vient de me dire  que mes chansons lui semblaient être un concentré de ce qui aurait pu devenir une nouvelle, c’est assez juste.

Donc, peut-être que la précision est dans la forme. Peut-être aussi que j'ai été moins nébuleux que par le passé sur certaines choses. C'est possible. Il y a des chansons qui sont volontairement un peu nébuleuses comme “Rêve d'ours”, mais “Rêve d'ours”, c'est un clin d'œil que je me suis fait : je me suis écrit le texte que Jean-Louis Murat aurait pu m'écrire si j’avais oser le lui demander. La contrainte, c'était de m'écrire une chanson à la Murat. Une chanson comme “Ton corps est mon décor”, c'est au contraire assez minimaliste, je choisis peu  de mots. Il y a des chansons qui jouent avec l'idée de poésie, comme “Rêve d'ours” ou “L’anthropocène”, où je me permets de mettre des références à la poésie, au “coup de dé” de Mallarmé. 

Je crois que je me suis mis à écrire dès le lendemain du début du confinement, pour ne pas déprimer à cause des annulations de dates. J’étais très concentré. Pendant trois mois, j’ai été dans un seul et même élan.   

 

- Et les citations ? Elles sont très présentes sur les chansons.

A. Klingler:  Il y a des phrases qui sont comme des viatiques que j'ai toujours avec moi. Par exemple, il y a une phrase de Lacan « Ne jamais céder sur son désir » : ça fait 30 ans que je pense à cette phrase et je ne suis pas sûr d'en avoir épuisé le sens. Une autre de Rimbaud : "J’ai seul la clef de cette parade sauvage", qui pourrait résumer toute l'œuvre de notre ami Jean-Louis, il me semble.

Suivant les époques de notre vie, nous ne sommes jamais au même endroit face à ces phrases-là, à ce qu’elles provoquent en nous - poétiquement.

Il y a aussi que j’adore l’idée du cut up. Et qu’il faut que les chansons soient faites de choses hétérogènes. C'est pour ça que je fais faire des arrangements par quelqu'un d'autre, il ne faut pas que ça soit moi tout seul. Il faut qu'il y ait sans arrêt d'autres couches qui soient ajoutées.

- C’est sans doute ce que faisait Murat aussi. Il faut qu’il y ait une forme de dialogue, dans tes chansons ? 

A. Klingler:  Oui. Peut- être aussi parce que j’ai fait les choses tout seul pendant longtemps et que je ne veux pas me contempler moi-même. Ce qui m'intéresse est ce qui se passe avec quelqu'un d'autre. D'ailleurs, c'est vraiment ce qui me frappe maintenant avec la scène, c'est que ça n'existe pas sans le spectateur. Ce qui sort sur scène ne peut sortir que parce qu'il y a un regard, des circonstances, une énergie que l’on ne peut pas convoquer tout seul.

C’est pour cela que j’insère des mots qui viennent d’autres, des citations. Ou des mots que l’on ne met jamais dans une chanson. Comme “l’anthropocène” par exemple ! Quand j'ai découvert ce mot-là, j'ai eu envie de le mettre dans une chanson, tout en me disant que normalement on ne fait pas cela, ce mot est trop compliqué pour une chanson. On dit aussi que dans une chanson il ne faut pas mettre des adverbes de trois syllabes. J'en ai donc inséré dans “La vie est chic par accident”. 

D'ailleurs, en pensant à Murat, et au risque de me faire tuer par les fans, je dois dire que les albums qu'il a fait tout seul chez lui ne sont pas ceux que je préfère, comme Tristan. J'aime bien quand il y a les autres. Quand il y a le Delano, quand il y a Stéphane Belmondo sur “Le Mou du chat”, je trouve ça sublime, parce que je pense qu'il y a l'autre qui vient avec quelque chose, un souffle, un truc. L’apport des autres, c’est essentiel, la batterie de Stéphane, la basse de Fred, les claviers de Denis... Bien sûr, il y a des chansons qu'il a faites tout seul que je trouve indépassables, comme”La surnage dans les tourbillons d'un Steamer”. Parce que sur ce titre, c'est extrêmement radical et il ne peut le faire que tout seul. C’est la grâce d’un moment.

 

- L'homosexualité est beaucoup plus présente à la fois dans cet album - même si tu en parlais aussi dans les précédents, avec “Game Boy”, “Les maisons louées” par exemple - mais surtout dans ta communication sur les réseaux. Pourtant tu as dit aussi que tu n’aimais pas l’idée des revendications identitaires et des communautés ?  

A. Klingler:  On avait parlé de ça à propos de la question de savoir comment on est perçu en tant que fan de Murat dans la communauté gay. Or je ne sais pas ce qu’est la communauté gay, parce que je ne fais pas partie de la communauté gay. Et je ne me vis pas comme fan. Je ne fais partie d'aucune communauté. Il y a une boutade que j'aime bien, c'est « je ne suis pas gay, je suis triste ». Cela dit, je n'ai pas l'impression qu'il y ait beaucoup d'homosexuels dans les concerts de Murat. 

 

- C’est-à-dire qu’il a eu mauvaise presse, suite à quelques propos polémiques ! 

A. Klingler:  Et qui étaient parfois très drôles… Oui, il faisait régulièrement des bons mots sur tout, dans cette époque tiède et misérable. Mais Murat parlait aussi souvent d’un professeur qui lui avait tout appris, et qui était homosexuel. 

Par rapport à l'homosexualité, j'en ai parlé dès mes premières chansons écrites en 1993, comme “Les maisons louées”, je les ai chantées dès mon premier spectacle. Je n'ai jamais fait mystère sur l'objet d'élection de mon désir. 

 

- Ma question portait davantage sur la façon dont tu présentes cet album : dans les réseaux, tu multiplies les hashtags (dont #jeanlouismurat !), et beaucoup te rattachent à cette identité ou font signe vers cette “communauté”. 

A. Klingler: Ah oui ? C'est mon attachée de presse qui m'a dit qu'il fallait que je fasse des hashtags ! Je suis très obéissant, en tout cas avec les attachées de presse, pour une fois que j'en ai une !  Il se trouve qu’il y a un auteur dont j'aime bien le livre, actuellement, Nicolas Chemla, et qui maîtrise assez bien Instagram, j'ai vu que c'était ce qu'il mettait en avant, parce que son personnage est homo, alors que son livre parle plutôt de l'abîme (c’est son titre, L’Abîme). Cela m’a amusé de reprendre un peu ces hashtags. Et puis parce que moi, je ne sais pas comment faire. Mais je ne revendique rien en particulier. 

Je ne crois ni aux origines, ni aux identités, ni aux assignations. Je pense que nous sommes multiples. Ça serait terrible que d'être qu’une seule chose.

 

- Pour revenir à l’album : est-ce qu’il y a une continuité entre ton travail au théâtre et cet album ? Sur les questions de la mise en scène de soi, la vie privée et publique, l’image de l’artiste, ce qu’est un personnage ? Ce qu’est ton personnage à toi ? D’ailleurs j’ai été frappée de te voir jouer un rôle en tant que comédien dans Dalida sur le divan, avec tes bagues et tes bracelets, comme si entre ton personnage et toi la frontière était vraiment très poreuse.

A. Klingler: Dans le spectacle sur Dalida, je joue le rôle d'un psychanalyste, mais la plupart des phrases que je dis dans le spectacle, c'est moi qui les ai réécrites. Même si je sais que sur scène je joue un psychanalyste, je pars quand même d'une base, de mon moi scénique. Parce que j'ai tendance à penser que dès lors qu'on va sur une scène, du fait de ce cadre, on devient autre chose que soi, une part de soi qui n'est visible que sur une scène. Et je tiens à ce que la scène reste cet espace sacré afin que, justement, puisse y advenir autre chose. D'ailleurs, c'est ce qui me frappe toujours quand on enregistre sa voix : on a à faire avec cet autre en soi. Cette voix qu'on entend dans le casque et qui passe par un micro, qui passe donc par un média, c’est une part inconnue de soi. C’est ça que je trouve intéressant et qui est sûrement matière à art. D'ailleurs, Bergheaud l'avait bien compris puisque c'était Murat qui s'exprimait sur scène et qui empiétait peut-être parfois sur Bergheaud. Il a mis en scène un personnage. Il a joué avec, l’un nourrissant l’autre. 

Quand on est sur une scène, dans cet espace de représentation, quelque chose se modifie en soi. On a rendez-vous avec cette chose-là uniquement dans les circonstances de ce moment-là. Et puis, c'est aussi la part rêvée de soi, c'est la part fantasmée de soi, etc. Et cette part-là, curieusement, c'est la part la plus intime, mais elle ne peut être révélée qu'à cet endroit-là, ou encore sur le divan d’un psychanalyste…. Ou dans une maison close peut-être. 

Mais il y a sûrement quelque chose qui se joue là, entre les uns et les autres, d'une vérité à nu, si j'ose dire, mais aussi de la part des rêves et des fantasmes et des vérités de chacun. 

En tout cas cette part autre, qu’on l’expérimente ou non, existe en chacun de nous. C’est pourquoi on peut choisir de s’exprimer sous un nom de scène pour mettre à l’extérieur cette créature : Bergheaud devient Murat, Monique Serf devient Barbara. Sébastien Vion, avec qui je chante “La vie est chic par accident”, devient sa propre créature, Corrine. Et n’allez pas l’interpeller ainsi dans la vraie vie ! Dans le disque, et quand il est DJ, il est “The man inside Corrine”.

 

- Pourquoi “Larbin de personne” (ta chanson sur Murat) n’est pas dans le disque ? 

A. Klingler: Parce que j'ai fait l'album avec un garçon qui s'appelle Mathieu Geghre, qui en écoutant la chanson m’a dit qu’elle sortait de l’album. Peut-être qu’il trouvait que c’était une chanson de fan. Je le regrette un peu parce que j’adore cette chanson et il n’en existe qu’un enregistrement public. Quand je travaille avec les gens, ils ont carte blanche et donc si on me dit « cette chanson, on ne la retient pas », je n'insiste pas. 

 

- Et le titre, 38 470 ? Ce code postal, alors que l’album n’est pas ancré en Isère ou dans le Vercors… S’il y a un lieu, c’est davantage Paris. 

A. Klingler:  Parce que c'est là où j'habite. C'est le code postal de mon village, j'ai écrit les chansons dans cette maison, nous avons pris la photo qui est devenu le visuel du disque dans un petit champ voisin un jour de promenade. Je voulais l'appeler Rêve d'ours au départ, qui est la chanson du confinement, avec l’image de la tanière, qui est aussi un hommage à Jim Harrison, et qui est  muratienne… Mais 38 470, je me suis dit que c'était un titre à la Murat aussi, que Murat ne l'avait pas fait et qu'il risquait de le faire. Donc je l’ai fait. Avant qu’il ne le fasse !

 

- Tu donnes aussi le code postal d’Orcival dans “Larbin de personne”. Mais on perd l’écho puisque la chanson n’est pas sur le disque. 

A. Klingler:  Oui, c’est vrai. J’ai trouvé intéressant de mettre le code postal d’Orcival dans la chanson. 

 

- En quoi te sens-tu ancré à la région grenobloise? On ne te soupçonne pas contemplatif, ou avide de sports de plein air? 

A. Klingler:  J’y ai rejoint celui avec qui je vis. Et je me suis infiniment attaché à ces champs de noyers, aux bêtes, à cet environnement où les hivers sont parfois un peu rudes. À ce silence, cet isolement.

 

- Tu nous as parlé de tes découvertes de chanteurs et chanteuses, quand tu étais adolescent. Tu ne mentionnes pas Murat, parce que tu l’as rencontré plus tard ? Cheyenne autumn date de 1989… 

A. Klingler:  En fait, la même disquaire qui m'a fait découvrir Guidoni m'a fait découvrir deux disques qui étaient sortis au même moment : un album de Nilda Fernandez, Entre Lyon et Barcelone, qui est très beau, et Cheyenne Autumn de Jean-Louis Murat. J'ai découvert Murat dès cet album et à partir de là, j'ai acheté tous ses disques. Je les écoutais en boucle.  La première fois que je l'ai vu sur scène, c'était en 1993 pour la tournée filmée dans Mademoiselle Personne : j’ai reconnu des choses en voyant le film. Je l'ai vu à Marseille, à l'Espace Julien. C'était un spectacle très particulier parce qu'il y avait non seulement les chansons du nouvel album qui venait de sortir, mais aussi six nouvelles chansons, dont la reprise de “Au fin fond d’une contrée” d’Akhenaton, et “Verseau”, que j'adore : “C’est la courroie du temps qui se détend, je la retends…” Je découvrais tout ça. Il était avec plusieurs musiciens, six ou sept, je crois. Je le revois encore, il avait un très beau pull-over blanc. C’est donc la première fois que je l’ai vu sur scène et après j’ai tout écouté. Cheyenne Autumn, l'album suivant, Le Manteau de pluie... J’avais aussi la cassette avec le “Mendiant à Rio”, qui est sublime… À l'époque, il y avait de grandes interviews dans Les Inrockuptibles qui faisaient 15 pages. Tout ça était très nourrissant. Et après, la deuxième fois où je l'ai vu sur scène, c'est à l'Olympia pour la tournée Muragostang. Ensuite, je l'ai vu très régulièrement tous les ans ou tous les deux ans, ou parfois deux fois dans l'année. Au fil des ans, j’ai trouvé qu’il s’incarnait davantage, sa concentration, son magnétisme étaient impressionnants. La voix, de plus en plus belle.

 

- Tu as des souvenirs de concerts vraiment mémorables ?

A. Klingler:  J’ai adoré l'Olympia avec Mustango. Je sais qu'il y a plein de gens qui disent que ce n'était pas un bon jour, moi j’ai trouvé ça extraordinaire. Il y a eu aussi un concert à Grenoble pour le lancement de la tournée de A bird on a poire, donc sans Jennifer Charles. Il sortait d’une semaine de résidence à Grenoble et il y a fait la première date. C'était énorme parce qu'il a chanté pratiquement toutes les chansons de l'album, plus d'autres nouvelles qu'il a enlevées dès la deuxième date. C'était un très beau concert… dans une salle où nous étions 150. J'ai  aussi adoré La Cigale à l'époque de la sortie de l'album Lilith. Il avait fait durer le "Jaguar"… Extraordinaire. Je l’ai vu aussi la première fois où il a fait un spectacle en solo, en Suisse, dans un endroit qui s'appelle Le Cube. Là, on aurait dit une performance. Il était nimbé dans une espèce de brouillard, on ne le voyait pas beaucoup. A l’époque du Moujik, c’était très beau aussi. De toute façon, à chaque fois, c'était différent, il y avait toujours des montées, des moments incroyables… Il a fait un très beau spectacle aussi à Fontaine à l'époque de Grand Lièvre. “Qu’est-ce que ça veut dire”, sur la maladie de son père, c’était magnifique. 

 

 

- Et toi qui es allé voir plein de gens dans leur loge, même Léo Ferré  à 13 ans, tu hésitais à aller le voir, lui ?

A. Klingler: Pour Murat, oui, c'était plus compliqué. Parce que j'avais des échos sur son caractère, et comme j’aimais vraiment beaucoup son travail et que je l'aimais beaucoup, lui, je n'avais pas envie de vivre une mauvaise expérience. Je pense que j'aurais eu du mal à m'en remettre. Il y a aussi le fait que, pendant très longtemps, je suis allé voir les gens dans leur loge, j'ai rencontré beaucoup d'artistes qui étaient importants pour moi, j’ai vécu des moments inoubliables, comme avec Barbara, mais avec le temps, cela m’a passé, car je pense que ce n’est pas le meilleur moment pour rencontrer quelqu’un. Et, puis, aussi, avec l’expérience, je préfère rester à bonne distance de l’illusion…

Et finalement, je l'ai rencontré après le concert à la Marbrerie de Montreuil fin 2022, je suis allé le saluer pour lui dire que j’avais repris son "Jaguar" dans la compilation Aura aime Murat. Il a été d’une très grande gentillesse, et aussi, ça m’a frappé, d'une très grande douceur. Et puis, il m'a surtout dit qu'il serait là au concert de Clermont en juin [NDLR : le week-end Murat, yes sir!]. Je lui ai dit « Mais tu es au courant ? Tu sais qu'il y a un concert qui se prépare à Clermont-Ferrand ?  » (parce que je crois que j'ai commencé par le vouvoyer, et après on s'est tutoyé). Et là, il a interpellé  Fred Jimenez : « Fred, si les jeunes font un concert, on y va. » Fred a dit « Oui. » Et Murat a fait : « Oui, on y va, on viendra foutre le bordel ! » Je me suis dit : « Peut- être qu'ils vont nous faire les Rancheros ! » C'était étonnant. 

 

- Toi qui es grand lecteur, tu suivais ses conseils de lecture ? 

A. Klingler:  Oui, je lui en demandais. C'est-à-dire que quand il y avait  Libération qui disait « On va interviewer Jean-Louis Murat. Avez-vous des questions pour lui ? » J'envoyais ma question et il répondait.

Il m'a fait découvrir un texte de Hofmannsthal, la Lettre de Lord Chandos. Il parlait de Proust, mais je connaissais déjà. 

 

- Ton album de cœur, c'est Lilith, je suppose ?

A. Klingler:  J'aime énormément Lilith. Je l’ai beaucoup écouté à sa sortie parce qu'il y avait le "Jaguar" et puis "Un revolver nommé désir", et "Se mettre aux anges", aussi… J’ai beaucoup aimé Dolores, et Le Moujik aussi… Parfum d'acacia... Il y a eu toute une période où je plongeais vraiment dans ces disques-là, dans une très grande concentration. Mais j’aime les derniers aussi… C'est difficile pour moi d’en isoler dans la discographie, parce que, dans un album, il y a peut-être trois chansons que j'adore vraiment. Et puis il a eu tellement de périodes... C'est comme un peintre, en fait.

Je pense que lui aussi se donnait des contraintes d'écriture, des contraintes d'enregistrement, qui sont un peu comme les stratégies obliques de Brian Eno. C'est-à-dire que ça amène une autre manière de créer. Je ne sais pas s’il y a un équivalent, à part peut-être Bowie. Si tu lis Rainbow Man de Jérôme Soligny, une biographie en deux tomes de 1000 pages chacun, tu verras tous ses albums, ses concerts, racontés par chacun des protagonistes, disséqués. Et tu te rends compte que Bowie ne s’arrêtait jamais, parfois il terminait une tournée le vendredi et le lundi, il entrait en studio avec un nouveau projet. Chez Murat, il y a ça aussi et je trouve que c'est fascinant. J'espère qu'on aura un jour accès à tout ce qui dort chez lui… Même aux écrits, au journal : si c'est un journal à la Philippe Muray, on va pouvoir s’amuser un peu !

 

- Autre question rituelle : tes trois chansons préférées ?

A. Klingler:  Les jours du Jaguar” étant indépassables… j'aime beaucoup “Ami, amour, amant”. Je trouve que c'est sublime. “Accueille-moi paysage”, c'est sublime. “Aimer”, c'est sublime. J'adore “La lune est rousse dans la baie de Cabourg”... “Le Venin”, c'est quand même très, très beau. “Tout est dit”, c'est très simple, magnifique. “La pharmacienne d'Yvetot”, très beau. C'est difficile d'en choisir trois ! J'adore “Qu'est- ce que ça veut dire ? “... “Plus vu de femmes” aussi, et “Le chemin des poneys” me fracasse. "Perce Neige". "Sweet Lorraine". "Si je m'attendais". "Je me souviens"

 

- Qu'est-ce que tu apprends quand tu reprends et réinterprètes une chanson ?  

A. Klingler:  Est-ce que j'apprends une chose? Je ne sais pas… Ce qui est intéressant  pour moi, pour l’amener à moi, pour pouvoir la chanter, c’est qu’il faut que je trouve son secret. De trouver à l'intérieur de la chanson un point à partir duquel je vais pouvoir déployer quelque chose. Bien sûr qu'on apprend des choses parfois, mais ça ne nous sert pas. Moi, je croyais à un moment qu'apprendre une grille d'accords qui ne me serait pas du tout familière, ça m'aiderait : eh bien non, pas du tout. Ce sont vraiment des mondes étanches. J’apprends juste en tant qu'interprète :  je pense que je suis un peu plus interprète que je ne l'étais avant. En chantant les chansons des autres, je deviens traducteur d'un secret, de ce que la chanson livre, en passant à travers moi... J’apprends aussi en me confrontant à ce qu’un autre a déposé dans cette chanson-là. Mais je ne la dissèque pas : je la laisse dans sa nébuleuse et dans son secret et je tiens à ce que ça demeure opaque. Je ne tiens pas à qu'on m'explique “Les jours du Jaguar”, je tiens à ce qu'elle me reste toujours énigmatique. “Rendre l'âme”, à chaque fois que je vais la chanter, je veux être surpris.

Dans le spectacle que je fais avec Hélène Gratet, Si en plus il n'y a personne, nous n’avons que des chansons immenses, écrites par Léo Ferré, Thiéfaine, Murat, Barbara, Dominique A… À chaque fois que je commence une de ces chansons, je me demande comment je vais pouvoir y arriver, et à chaque fois, le chemin m'amène à un autre endroit. C'est toujours surprenant car que je crois que ce sont des chansons alchimiques, nouvelles à chaque fois. Peut-être que trouver leur secret, c’est achopper sur un endroit d’où on peut relancer le désir, finalement. La question du désir est centrale à nos vies, il y a là un endroit qui permet de relancer la machine.  

 

- Et dans ces spectacles de reprise, il y a le désir de transmettre aussi ? 

A. Klingler:  Pour les spectacles que nous faisons avec Hélène, oui, tout à fait. Ce sont des spectacles de transmission. Nous partons évangéliser les foules ! 

Pareil pour le spectacle que je vais créer à Avignon l’été prochain, sur Christian Bobin et Allain Leprest.  

 

- Bobin et Leprest : quel est le point de rencontre entre les deux ? 

A. Klingler: C’est moi  ! J’adore les deux, j’ai eu la chance de connaître un peu Allain Leprest, et Bobin c’est une grande histoire finalement aussi. J’avais depuis longtemps envie de faire un spectacle sur Bobin, je voulais mettre des textes de lui dans le spectacle avec Hélène. Et tout à coup je me suis dit que j’allais faire comme l’exposition Beckett / Giacometti, rassembler deux œuvres et les mettre en regard. À partir du moment où j’ai décidé cela, tout s’est éclairé. Ces deux créateurs viennent du milieu ouvrier, les deux se sont enracinés dans un endroit, et à partir de cet endroit ont témoigné du monde : Bobin n’a pas quitté le Creusot et finalement son œuvre s’adresse au monde entier. Il lui suffisait de prendre un train pour Paris, d’arriver sur le quai pour tout comprendre en une seconde de la modernité, de la folie qui y règne. Leprest, lui, quand il n’était pas en tournée, était à Ivry, dans son bar, avec les discussions des parleurs de comptoir, qui étaient sa prise directe sur la vie, sur le monde. Les deux ont aussi beaucoup parlé de l’enfance. L’un est athée, l’autre croyant, mais chez les deux, ces questions métaphysiques reviennent tout le temps… La vie et la mort ! 

Il y aura des textes de Bobin, et une dizaine de chansons de Leprest. Sur Bobin, je voudrais sortir du cliché qui fait qu’on le voit comme un écrivain mièvre. Quand on le lit vraiment, on voit une forme de radicalité, c’est quelqu’un qui ne cède jamais sur son désir. J’ai très envie de faire ressortir cela, d’amener le spectacle vers l’ombre et la lumière. On revient à Nicolas Chemla !

Et puis chanter les chansons de Leprest, qui était un grand interprète, qui les a marquées énormément de son empreinte, de sa voix, et qui a été aussi chanté par d'autres… Il faut trouver son chemin là-dedans et c’est passionnant. 

 

-Tu as envisagé un spectacle sur Murat ?

A. Klingler:  J’y pense. Ce serait une proposition littéraire et musicale. Une sorte de constellation Murat. Il faudrait que je monte ce projet  avec un.e autre artiste afin que cela soit ouvert. 

 

Merci Alain!

Cette interview d'oct-nov. 2023 a été préparée par Florence et Pierrot, débutée par mail (première réponse), puis poursuivie lors d'un rendez-vous parisien avec Florence en octobre 2023. Alain Klingler a retravaillé et élagué ensuite la retranscription.  

Nouvel album 38470, à se procurer ou ici

Bandcamp d'Alain

Nouveau spectacle, cet été en Avignon, Festival off.

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LES SOUVENIRS EN PLUS

Je ne connaissais pas Alain Klingler avant de découvrir son nom parmi les artistes ayant choisi une chanson de Murat dans  le livre de  Baptiste Vignol "le Top 100 des chansons que l'on devrait tous connaître par cœur, lui par contre lisait le blog (on a vu ci-dessus comme Jean-Louis a été important pour lui).  Quelques temps plus tard, je le voyais pour la première fois en concert, où il m'offrait :

Quelques années plus tard,  il gravera cette version  sur AuRA aime Murat :

J'ai assisté une ou plusieurs fois à chacun de ses spectacles : Le cabaret des Garcons d'honneur - avec "Le lien défait", "Amor sulfurosa 15 ch", avec "Se mettre aux anges" je crois - , Dalida sur le divan, toujours avec Lionel Damei, et, avec Hélène Gratet, Chansons d'écrivains, puis Et si jamais il n'y a personne... avec "Rendre l'âme" dont il parle dans l'interview.  Toujours des excellents moments entre grandes chansons, perles à découvrir, émotions et rire... et, donc, très souvent du Murat... jusqu'à ce que je vous propose de le découvrir "en vrai" à Clermont, au Fotomat, en juin dernier (ça a été une grande joie pour moi d'avoir vos retours positifs). Le voir prendre son cahier pour suivre la conférence de Pascal Torrin est une des nombreuses images  de ces deux jours gravées dans ma mémoire, comme ses quelques mots avant de chanter "Larbin de personne". On retrouvera des vidéos de tout ceci sur ma chaine youtube

 

On se quitte non sans que j'aie pris mon petit plaisir, toujours renouvelé, ma chanson préférée, à laquelle on a eu droit le 23 juin au Fotomat (qu'on pourra aussi écouter version piano ici) :

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Rédigé par Florence

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT

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Publié le 2 Mai 2023

bonjour,

Je vous propose une petite archive inédite avec des propos sur Murat par des participants du disque "Aura aime Murat" (stardust.acp), récoltés par Nicolas Brulebois pour son article pour le magazine Hexagone (124a-2022).  Il semble que des derniers exemplaires du cd soient encore  disponibles sur la Fnac (Merci à Superflexe pour le commentaire que je découvre: "A largement sa place avec les meilleurs disques de Murat interprétés par lui-même. Avec quelques pépites).

On débute par ceux qu'on retrouvera lors du week-end Murat, Yes sir! Le 23 et 24 juin à Clermont.  Billeterie. un soir/deux soirs, programme complet - de ouf!- dans le lien, notamment le film "mlle Personne" inédit!). On y découvre un peu pourquoi ils acceptent de venir gratuitement, parfois en traversant la France, pour rendre hommage à l'oeuvre de Jean-Louis Bergheaud. C'est une petite déception que si peu d'autres fans amis se soient décidés pour l'instant (même si les réservations sont bonnes)...  mais il n'est pas trop tard!

 

1) ALAIN KLINGLER

En plus de sa participation de samedi, il jouera son répertoire, seul au piano, notamment des chansons de son nouvel album, vendredi 23/06 (en co-affiche avec LE FLEGMATIC) !  On pourra voir son spectacle avec L. DAMEI sur DALIDA en région parisienne le 12 mai (espace Jean Vilar, Arcueil), je vous le recommande!!, et également au Lucernaire, son spectacle "je ne suis pas narcissique", seule en scène de Chloé Mons (du 10 mai au 11 juin).

1) Quand avez-vous découvert Jean-Louis Murat? Avez-vous suivi/aimé toutes ses périodes? Laquelle vous a le plus intéressé, et pourquoi?

 

J’ai découvert JLM en 1987 avec Cheyenne Autumn, cassette que jai écouté beaucoup beaucoup. Jai tout suivi, à partir de ce moment là, les interviews dans les Inrockuptibles, à l’époque où ils étaient encore un mensuel de référence. Jai vu JLM la première fois sur scène en 1993 ou 1994, pour la tournée Vénus. Jai suivi toutes les périodes. La période Mustango et son live, Le Moujik, Lilith mont passionné. Il y a là des chansons grandioses, comme Nu dans la crevasse, Les Jours du Jaguar, Le mou du chat, Jim, Foule romaine. J’adore aussi Dolores, Taormina.

 

2) Pourquoi avez-vous choisi cette chanson? En quoi vous a-t-elle interpelé au premier abord? Que comprenez-vous du texte, que vous inspire-t-il? Quel parti-pris d'interprétation avez-vous choisi, par rapport à la version originale?

J’ai choisi Les jours du Jaguar, parce quau terme de milliers d’écoutes (oui, à un moment, je me la chantais tous les jours), elle garde encore sa part de mystère. Il y a là une fulgurance, une fidélité à l’éclair dont parle Roberto Juarroz, qui persiste. Elle demeure à jamais pour moi dans son état d’apparition. Peut-être parce quelle a été enregistrée par Murat à l’arracheJe me souviens de la première fois où je l’ai écoutée, le jour de la sortie, juste après avoir lu larticle / interview dans Libé. C’était une chanson de feu.

J’ai choisi de l’interpréter seul au piano, parce que cest mon instrument confident, pour la tirer jusqu’à moi. En espérant quelle me livre son secret.

 

3) Êtes-vous sensible à la dimension "paysagiste" de Murat, son inscription dans un territoire? A sa façon de dire la chose amoureuse? Quels éléments de sa poétique retiennent votre attention?

Oui, je suis très sensible à cette dimension paysagiste. Un jour, revenant de vacances, je me suis promené vers chez lui, et jai été très troublé de me retrouver au coeur de ses chansons. Ce fut une révélation tellurique.

Je ne sais pas pourquoi son écriture me touche autant. Probablement laspect autobiographique, façon journal intime, plus ou moins crypté (jusque dans sa façon de chanter), qui explore les moindres soubresauts de sa vie, la vraie, et lautre, tout aussi vraie, du rêve et de la fiction de soi.

 

 

 

2) SEBASTIEN POLLONI

Le samedi soir, il sera accompagné d'un groupe complet pour interpréter deux tubes de Jean-Louis Murat. En 2016, il avait déjà répondu à mes questions


1) Quand avez-vous découvert Jean-Louis Murat? Avez-vous suivi/aimé toutes ses périodes? Laquelle vous a le plus intéressé, et pourquoi?
J’ai découvert Murat tellement jeune que je ne saurais situer la période exacte...Il y a plus de trente ans, c’est sûr. J’aime à peu près toutes les périodes,exception faite de « Travaux sur la N89 ». Il y a au moins 3 titres sur chacun de ses albums que je trouve magnifiques. L’album que je préfère dans son intégralité est certainement « Mockba ». J’aime la poésie des textes, leur intemporalité et j’ai chanté de nombreuses fois «la fille du capitaine » à ma plus grande fille, sur sa table à langer...


2) Pourquoi avez-vous choisi cette chanson? En quoi vous a-t-elle interpelé au premier abord? Que comprenez-vous du texte, que vous inspire-t-il? Quel parti- pris d'interprétation avez-vous choisi, par rapport à la version originale?

J’ai été intégré au projet sur le tard et sur le cd bonus, et il y avait comme « contrainte » de choisir un titre de l’album Babel. J’ai choisi « j’ai fréquenté la beauté » car j’aime le texte et le décalage assumé du clip me plaît beaucoup. Le texte est assez limpide, le narrateur parle de l’amour et de la beauté qu’il a fréquenté et certainement pas su garder... L’être désiré est comparé à une hirondelle, insaisissable et migrant selon les saisons, on y parle de lieux typiques de la campagne auvergnate et l’hirondelle étant qualifiée « des faubourgs » on perçoit la vision de l’artiste, entre les lignes, concernant ville et campagne ; l’impossibilité de concilier les deux univers, comme la difficulté de faire coexister les êtres composant le couple. Le clip appuie encore sur le côté rural et assumé de l’artiste avec comme personnages principaux le voisin de ce dernier (enfin je crois) et son tracteur. Mon parti-pris a été de ralentir légèrement le tempo, de ne pas reproduire le côté bluesy de l’original. J’ai fait tourner les arrangements autour d’une guitare rythmique simple et j’ai remplacé les contre-chants à la flûte par une guitare saturée typée fuzz, sur une ligne mélodique complètement différente. J’ai voulu ne pas dénaturer l’univers de départ mais en faire une interprétation proche de mon univers habituel.
 

3) Êtes-vous sensible à la dimension "paysagiste" de Murat, son inscription dans un territoire? A sa façon de dire la chose amoureuse? Quels éléments de sa poétique retiennent votre attention?

Je crois que la réponse à la question précédente, répond aussi à celle-ci... Parler de Murat sans évoquer sa vision de l’amour et son inscription dans la culture du territoire auvergnat est impossible, il est l’incarnation de ces deux composantes.

(J'aime beaucoup cette version, moins rentre dedans que l'originale, et qui rend honneur à l'"art" muratien: tempo, texte)

3) ADELE COYO

Elle vient de dévoiler deux titres de son premier disque : les orages et j'attends l'été (Je vois qu'ils atteignent un nombre de vues très respectables).  Après Le fotomat, elle ouvrira pour ANGELE à Aurillac le 30/06!  https://www.adelecoyo.fr/

 

1) J’ai découvert Jean-Louis Murat avec the Delano Orchestra lors du BABEL Tour en 2015. Je connaissais peu ces œuvres avant ça.  Si mes souvenirs sont bons, c’était un soir d’hiver au théâtre d’Aurillac en première partie, il y’avait Matt Low.  La première fois qu’il est apparu sur scène, il a débarqué nonchalant sans un regard vers le public… avec un harmonica pour accompagner la première partie, j’avais trouvé ça étrange et dénotant. J’aime bien la désinvolture alors ça ne m’a pas choqué.  JLM était d’humeur taciturne ce soir-là.

Je me suis plongée dans ces textes et mélodies, et j’ai trouvé un univers sensible qui m’a touché. J’ai passé un très bon moment et j’ai découvert un artiste singulier.  À partir de là j’ai suivi son parcours, j’ai travaillé un peu avec Denis Clavaizolle un de ses acolytes.    J’ai particulièrement aimé son dernier album « la vraie vie de Buck John » inspiré d’un héros de son enfance, ça parle d’amour, de voyage, de transmission des thèmes qui m’inspirent. La production est impeccable et je trouve qu’il a une identité vocale de plus en plus marquante.


2) J’ai choisi de reprendre une chanson de son album « Vénus » « Tout est dit ». C’est avant tout une chanson que je trouve assez accessible.  Il y’a un côté simple, évidant et très direct dans cette ballade. La mélodie et le texte nous offre tout de suite une place confortable. Je suis sensible à cette facilité quand la chanson me touche.  Pour autant ce ne sont pas toujours les titres les plus simples à écrire.  Dans « tout est dit » il y’a peu de mots mais ils sont suffisants. Ils disent tout.   Ça parle d’amour, c’est universel, c’est la fin d’une histoire et comme je suis une grande romantique en musique, je me suis dit, je vais essayer de l’amener dans mon univers.

J’ai voulu lui enlever son enveloppe un peu « enjouée » de la ballade folk variété classique. J’ai voulu une guitare moins prenante mais plus comme une ligne, un guide en fond.   Proposer une version plus moderne, épurée, plus aérienne … avec un rapport plus proche au texte.   

3 ) Oui clairement, j’aime beaucoup sa façon d’utiliser le paysage dans ses textes, je me retrouve dans cette facette de l’auteur, sa liberté, son authenticité et son côté poète « paysan ». La nature est partout, l’horizon, la plaine, les vallées, …  Je crois que l’Auvergne nous y inspire forcément. Par sa géographie, sa culture, sa préservation …   C’est un territoire marqué par la musique folk et là aussi on retrouve souvent ce rapport à la nature, à l’amour.   Mes chansons sont totalement dans cet esprit aussi.   Il y’a aussi quelque chose que je trouve assez singulier chez Jean-Louis Murat c’est l’utilisation de nombreux personnages ou d’animaux. Souvent dans des situations improbables.   D’un titre à l’autre vous passez de l’éléphant à la génisse… on comprend que son imagination est sans limite et que c’est un artiste unique dans toute ses complexités.

 

... Et on la remercie encore d'avoir pris l'initiative de faire un clip :

4) DORY 4 (représenté par FAYE alias Jean-Philippe Fayet, le Dory des chants qui répond, vu que c’est lui le grand fan de JLM dans le duo. Mais à force de persévérance, il a réussi à convertir son camarade guitariste Chris !)

C'est lui qui m'a suggéré de faire un projet sur Murat... et encore lui qui avait vraiment envie de faire une "date" à Clermont...

 

  1. Quand avez-vous découvert Jean-Louis Murat ? Avez-vous suivi/aimé toutes ses périodes ? Laquelle vous a le plus intéressé, et pourquoi?

En bon auvergnat de souche, j’ai découvert JLM très vite dés 1985. J’étais étudiant à Clermont. Je me souviens notamment de l’album Passion Privé (sorti en 84) avec des allusions au pays qui m’avait interpellé (déjà) « Et je cours rue Montlosier donner mon sang pour l’Afrique » sur « Je traine et je m’ennuie ». Bien avant le succès national de « Si je devais manquer de toi ».  Globalement oui j’ai tjrs suivi l’actu de Jean-Louis avec plus d’assiduité au début certes.   Je suis donc surtout fan de la période Cheyenne Autumn, Le Manteau de Pluie, Dolores, Mustango…  J’attendais la sortie des albums de JLM fébrilement. J’ai peut-être perdu en fébrilité mais pas en fidélité !     Si je devais ressortir un album je dirais Dolores parce que je l’ai écouté en boucle !

 

2) Pourquoi avez-vous choisi cette chanson ? En quoi vous a-t-elle interpelé au premier abord ? Que comprenez-vous du texte, que vous inspire-t-il ? Quel parti-pris avez-vous choisi, par rapport à la version originale ?

 

On a choisi « Brûle-moi » parce que c’est ma chanson fétiche sur Dolorés et mon acolyte m’avait laissé carte blanche.  Brûle moi c’est une chanson sensuelle, très « gourmande » et virile avec ce phrasé si particulier de JL.   Et puis y a ce petit « accident » sur le refrain où JL se plante et balance un gros « Meerde » mais parfaitement dans le tempo et le groove.   D’ailleurs, anecdote amusante, quand on a remis l’album a JLM, le 1er titre qu’il remarqué dans la liste c’est « Brûle moi ». Et nous de rougir avec mon Chrichri.

Lui : « Ah ouais, y en a qui ont repris Brûle-moi… Et vous avez repris le « meeerde » aussi ? »

Nous : « Ah noooon Jean-Louis ça c’est copyright absolu la patte de l’artiste inimitable. On est resté sur le texte original ! »

Notre idée en reprenant ce titre était d’imaginer une version beaucoup plus féminine et introvertie comme une réminiscence, un souvenir d’une histoire forte et éphémère qui remonte. Comme une réponse à la version testostéronée et dansante de JLM.  D’où l’idée de cette version cool, naturelle avec piano, guitare douce et voix féminine…    Pour l’occasion on a demandé à Nathalie Pétrier, la talentueuse clavier/voix de nos amis du Voyage de Noz de nous accompagner. Et cette touche féminine fait la différence je pense.   On a été d’ailleurs très flatté et ô combien honoré de constater que notre version semblait plutôt appréciée par les fans de JLM.   Et le fait d’avoir eu une petite citation dans Télérama alors là c’était notre victoire de la musique à nous. 

 

3-Êtes-vous sensible à la dimension "paysagiste" de Murat, son inscription dans un territoire ? A sa façon de dire la chose amoureuse ? Quels éléments de sa poétique retiennent votre attention ?

Un peu qu’on y est sensible à la dimension territoriale… puisqu’on vient de là-bas !  En plus, comme nous sommes 2 auvergnats exilés à Lyon, Murat, c’est un lien fort qui nous rattache au pays, à nos racines. Personnellement, je suis un amoureux de la langue française et de poésie. Et Jean-Louis incarne cette tradition du beau, de l’élégance, de la classe, de la french touch… en version arverne !  J’ai tjrs admiré cette liberté d’esprit et sa façon d’avancer sans compromis avec le risque de déplaire et de ne pas se faire que des amis.   JL Murat, quand tu disparaitras – le plus tard possible évidemment, je crois que c’est moi qui manquerais de toi.  J’ai un lien viscéral inexplicable avec cet homme-là…  D’ailleurs nous avons enregistré une chanson tribute to jlm dans notre dernier album qui s’intitule « La complainte du bougnat ». Avec « Aura aime Murat » on peut dire que la boucle est bouclée. Encore un concert à la Coopé et on pourra mourir en paix.

Pour finir, les Dory tiennent à remercier Pierrot et Xavier les 2 initiateurs de ce super projet. Bravo bravo et merci merci à vous les gars. Et bravo bravo aussi à tous les artistes qui ont fait un super boulot je trouve. D’ailleurs je crois que JL a été très touchée par l’initiative.

5) STEPHANE PETRIER

Le chanteur lyonnais des VOYAGE DE NOZ ne sera pas présent avec son groupe historique mais avec une partie de son nouveau side-project "THE  HAPPY YUGOSLAVIANS". Mais on retrouvera les Noz en cloture du   Eh Cherry festival le 9/07 dans l'ouest lyonnais (rejettant Marc Lavoine et Louane au premier jour du festival le 6/07)

1) Quand avez-vous découvert Jean-Louis Murat? Avez-vous suivi/aimé toutes ses périodes? Laquelle vous a le plus intéressé, et pourquoi?

J'ai découvert Murat, je devrais être ado, sans doute avec "l'Anche déchu", et ensuite le duo avec Mylène Farmer. Au début,je crois bien que je détestais ça. Je trouvais ça prétentieux,bizarrement un peu « parisien », trop "Télérama"... Et en même temps j'étais assez fasciné par la classe du bonhomme. J'imaginais que toutes les filles devaient être amoureuses de lui et je faisais mon jaloux.Je suis vraiment tombé dedans bien plus tard, avec l'album« Mockba », par hasard, comme souvent avec la musique. Il faut que la chanson vous touche au bon moment. Et là, ça a fonctionné.Ensuite, j'ai tout pris, avec comme apogée « A bird on a poire »qui est pour moi son meilleur album... et qui est paradoxalement le seul dont il n'a pas fait les musiques. J'ai adoré cette collaboration avec Fred Jimenez. Au-delà de mon attirance naturel pour son côté « pop », j'ai l'impression que le fait que JLM se soit concentré sur les textes et sur des mélodies qui n'étaient pas forcément sa came au départ, l'ont forcé à se surpasser et à  sortir de sa zone de confort comme on dit... Ce disque fait partie de mon top album et certains de ses textes de mes préférés.

2) Pourquoi avez-vous choisi cette chanson? En quoi vous a-t-elle interpelé au premier abord? Que comprenez-vous du texte,  que vous inspire-t-il? Quel parti-pris d'interprétation avez- vous choisi, par rapport à la version originale?
Comme je suis dans une période boulimique je me suis permis de reprendre deux titres. Un titre de « A bird on a poire », forcément. Il s'agit de "Petite luge » qui est pour moi un hymne à l'amour physique, tout en douceur. Avec comme souvent chez JLM, des images, des décors, pas toujours intelligibles mais qui évoquent beaucoup. L'autre titre est un classique « Perce-neige », une chanson de « terroir » comme les aime Murat. Au-delà de la beauté de la mélodie, je crois que j'ai choisis cette chanson justement parce qu'elle évoque le rapport à la nature. « Perce- neige », ça sent les foins et la bouse et il se trouve que moi l'urbain forcené, je me suis fait rattrapé par la campagne depuis quelques années. Je fuis la ville et je ne pense plus qu'à retrouver mes vaches et mes bocages bourguignons, alors forcément
tout ça me parle. Concernant l'orchestration, je voulais faire quelque chose de très minimaliste, me concentrer sur l’interprétation et sur le jeu « live » avec mon ami et grand guitariste Jérôme Anguenot, essayer de ne pas me cacher derrière des effets. Tout en sachant que je n'ai malheureusement pas la voix de Murat...

3) Êtes-vous sensible à la dimension "paysagiste" de Murat, son inscription dans un territoire? A sa façon de dire la chose amoureuse? Quels éléments de sa poétique retiennent votre attention?


Aïe... j'ai répondu par anticipation à cette troisième question. Il se trouve qu'avec ces deux titres j'ai en effet balayé les deux sujets clés chez le bonhomme. L'amour et la terre. Il y a quelque chose d'essentiel dans ce qu'il raconte. Une façon de nous dire :"il y a la nature et la baise... et tout le reste n'a aucune importance ». Et je ne suis pas loin de penser qu'il a raison.  Ensuite, j'aime aussi sa façon de le dire, sa capacité à écrire des vers d'une poésie très classique, très XVIIème, et la ligne suivante nous balancer un truc bien trash qu'on pourrait trouver chez Orelsan. Il ose tous les mélanges. Et il s'en fout. Bref, il est libre et c'est peut-être avant   tout ça que j'aime chez lui.

6) MARJOLAINE PIEMONT

On entendra certainement parler de Marjolaine dans les prochains mois pour son nouvel album (avec la participation de Vincent Baguian). Après  la soirée "Murat- livre unplugged" à Paris où je l'avais invité à jouer avec Antonin (Soleil Brun, qui sera là vendredi 23), elle figure dans "aura aime Murat"...  à l'invitation de Fred BOBIN avec laquelle elle fait un duo sur "Le Mont Sans Souci"... et malgré son agenda bien chargé, elle a encore répondu présente pour le Week-end Murat, yes sir!  La classe.  Je sais que certains sont impatients de la retrouver, après son passage au Sémaphore en chansons à Cebazat.

  1. Quand avez-vous découvert Jean-Louis Murat? Avez-vous suivi/aimé toutes ses périodes? Laquelle vous a le plus intéressé, et pourquoi?

J’ai découvert Jean-Louis Murat avec l’album « Dolorès » en mai 1997. C’est un ami qui me l’a fait découvrir. Je ne connaissais pas du tout cet artiste. Au départ, c’est vraiment le son qui m’a happée. Et c’est ensuite que j’ai vraiment écouté les paroles. Je me souviens avoir écouté Fort Alamo en boucle.

J’ai depuis « Dolorès » acheté tous les albums de Jean-Louis Murat. L’album Mustango est peut-être celui que je préfère.

 

  1. Pourquoi avez-vous choisi cette chanson? En quoi vous a-t-elle interpelée au premier abord? Que comprenez-vous du texte, que vous inspire-t-il? Quel parti-pris d'interprétation avez-vous choisi, par rapport à la version originale?

Lors d’un concert au Festival Chant’Appart en mai 2021, je discutais avec Frédéric Bobin des artistes qui nous avaient marqués. Et nous avions évoqué l’artiste Jean-Louis Murat et notamment l’album « Mustango ». C’est là où Frédéric m’a parlé de l’initiative du label Stardust. Lui qui est originaire de la région Rhône Alpes, il m’a fait l’honneur de m’inviter à partager un duo avec lui sur ce disque. Nous sommes tombés très rapidement d’accord pour reprendre la chanson « Au Mont Sans souci ». Nous voulions une version douce et épurée de cette chanson. Frédéric a envisagé de reprendre la chanson à la guitare. Nous avons chanté à l’unisson certains couplets et nous avons eu envie de glisser de temps à autres des chœurs sur certains couplets. Je suis très heureuse d’avoir pu partager ce moment musical avec Fred Bobin.

 

3. Êtes-vous sensible à la dimension "paysagiste" de Murat, son inscription dans un territoire? A sa façon de dire la chose amoureuse? Quels éléments de sa poétique retiennent votre attention?

Quand on écoute les chansons de Jean-Louis Murat, on a envie de découvrir les lieux qui l’ont inspiré. Moi qui suis alsacienne et qui aime ma région et la faire connaître, j’ai voulu partir à la découverte de l’Auvergne, apprécier les lieux, qui sont cités dans ses chansons, comme un pèlerinage en terre auvergnate pour peut-être encore mieux comprendre les chansons de Jean-Louis Murat.

 

Voilà donc pour nos 6 participants au Week-end Murat, yes sir!  Le 24 juin, on retrouvera également Eryk e (son inter-ViOUS et Murat par Matthieu Guillaumond à relire ici), Arcwest (ses propos sur Murat ),   Le Flegmatic (qui nous a aussi parlé de Murat ), et Morgane Imbeaud, Elvinh, Belfour, Coco Macé, Tristan Savoie et Stéphane Mikaelian. 

 

Voici maintenant les réponses de Frédéric Bobin, Gontard, Nicolas Paugam, Pierre Schott et Richard Robert. 

a) Frédéric BOBIN

 

1)Quand avez-vous découvert Jean-Louis Murat? Avez-vous suivi/aimé toutes ses périodes? Laquelle vous a le plus intéressé, et pourquoi?

Mes premiers souvenirs liés à Jean-Louis Murat remontent à mon enfance, lorsque je regardais les clips sur M6 en rentrant de l’école… Je me souviens notamment des clips de « L’Ange déchu » (1989)et de « Regrets » en duo avec Mylène Farmer (1991). Mais ma vraie « rencontre » avec l’univers de Murat a été l’écoute de l’album « Mustango », l’été 1999. J’ai eu un énorme coup de cœur pour cet album dont j’ai énormément aimé le son, l’ambiance musicale. Avec un côté « grands espaces » américain à la fois très assumé (le groupe Calexico travaille sur cet album) mais aussi complètement adapté à l’écriture singulière de Murat.

Murat étant très prolifique, je n’ai pas toujours suivi toutes ses périodes de très près, même je suis son parcours avec grand intérêt. Ma période préférée reste le trio « Mustango » / « Le moujik et sa femme » / « Lilith » qu’il a publié entre 1999 et 2003.


2) Pourquoi avez-vous choisi cette chanson? En quoi vous a-t-elle interpelé au premier abord? Que comprenez-vous du texte, que vous inspire-t-il? Quel parti-pris d'interprétation avez-vous choisi, par rapport à la version originale?

Cette chanson figure sur mon album préféré de Murat, « Mustango ». C’est une chanson à part dans l’album, puisqu’elle est très épurée (juste un piano avec un peu d’harmonica) et qu’elle ne sonne justement pas « américain » comme la plupart des chansons du disque. Ce qui m’a séduit dans le texte, c’est le côté poétique et imagé (que l’on retrouve très souvent chez Murat) mais aussi (et c’est plus rare chez lui) l’impression que c’est un petit film qui se déroule sous nos yeux. C’est un texte nostalgique qui nous ramène à des souvenirs de jeunesse, avec un univers très suranné (les villes thermales, les westerns, les vieux cinémas…) et une chute sublime qui évoque la persistance de la mémoire et le souvenir, comme refuge. C’est quelque chose qui me touche. De plus, je trouve la mélodie imparable, très évidente. Elle flirte avec des airs de comptines, des mélodies issues du folklore… J’aime beaucoup ce côté intemporel, presque folklorique, qu’a parfois l’écriture musicale de Jean-Louis Murat.

Par rapport à la version originale, j’ai choisi un picking de guitare acoustique, plutôt que le piano. Je trouvais que le côté folksong de la chanson s’y prêtait bien. Comme une confidence, une histoire que l’on raconte au coin du feu. Et puis surtout, j’ai proposé à Marjolaine Piémont de la chanter en duo avec moi. J’aimais bien l’idée du dialogue homme/femme qui symbolise à la fois la rencontre amoureuse de la chanson mais aussi le dialogue présent/passé du texte… comme si la voix de Marjolaine était une réminiscence d’un passé lointain.

3) Êtes-vous sensible à la dimension "paysagiste" de Murat, son inscription dans un territoire? A sa façon de dire la chose amoureuse? Quels éléments de sa poétique retiennent votre attention?

Je suis sensible au côté imagé de sa poésie, avec souvent des textes qui ne donnent pas toutes les clés et qui laissent beaucoup de place à l’imagination, beaucoup de place à l’auditeur. C’est une poésie parfois assez influencée par Leonard Cohen, me semble-t-il, où l’amour, le sexe et la mort se rencontrent… Son inscription dans un territoire me touche peut-être moins, même si je trouve ça très intéressant et très singulier, à une époque où on parle beaucoup de Paris et de la vie urbaine…


 

 

b- Nico Gontard

Il ouvre le disque car on a adoré sa version. Son nouveau disque 2032 vient de sortir chez Petrol chips.


1) Quand avez-vous découvert Jean-Louis Murat? Avez-vous suivi/aimé toutes ses
périodes? Laquelle vous a le plus intéressé, et pourquoi?


Murat c'est une borne, un repère comme Manset ou Ferré, tu peux toujours te raccrocher à des titres peu importe la période. J'ai découvert Murat très jeune via ma cousine que je n'ai jamais recroisé depuis d'ailleurs. Elle aimait Georges Michael, Den Harrow et venerait JLM. Certainement une manière de se démarquer des niaiseries de Goldman et de ses histoires 1er degré. Voile de mystère sur le bogosse auvergnat en duo avec Mylene F. Trop jeune pour m'acheter les disques ou lire Libé, j'attends Venus pour plonger la tête la première. C'est l'époque romantique Elodie Bouchez, on a les petites amoureuses que l'on mérite.  Ma trilogie préférée : Dolores- Le moujik et sa femme- Murat en plein air.


2) Pourquoi avez-vous choisi cette chanson? En quoi vous a-t-elle interpelé au
premier abord? Que comprenez-vous du texte, que vous inspire-t-il? Quel parti-
pris d'interprétation avez-vous choisi, par rapport à la version originale?

 

Nous sommes 2 aficionados de JLM dans le groupe, Noel Bingo et moi, on a fait des listes de titres reprenables (avec la règle absolue de ne jamais reprendre les hits, faut jamais reprendre les hits) , la plupart relativement obscurs, puis mon choix s'est arrêté sur ce titre un peu oublié qui était dans la liste de mon pote : le troupeau. Simple, un brin lyrique et possédé. Vague quête muratienne d'un ailleurs, d'une prise de responsabilité. Frustration au combat. Joli texte. Actuel même si pas à la mode. Nous avons enregistré cette reprise lors des sessions d'enregistrement de mon dernier album en date AKENE (Ici d'ailleurs 2021) en
première intention. Ambiance un brin poisseuse à la Stones. Il fallait que ca rugisse groove.


3) Êtes-vous sensible à la dimension "paysagiste" de Murat, son inscription dans
un territoire? A sa façon de dire la chose amoureuse? Quels éléments de sa
poétique retiennent votre attention?

Au fil des années j'aime de plus en plus ses morceaux simples et pop. Gimmick accrocheur, textes malins comme sur l'album a bird on a poire. C'est parfois un peu trop ésotérique à mon goût sur d'autres formats. Par contre, c'est brillant sur l'inscription dans le territoire, on sait d'où il parle. C'est devenu rare même
invisible dans l'autre chanson française, la bankable, celle des gendres ideals. Ras  le bol. On ne parle plus de rien ni de nulle part et pourtant les micros se tendent et ces chanteurs endives saturent les salles de concert et les médias dits défricheurs. . L'enfer, c'est où l'interrupteur ? 

c) Nicolas Paugam:

J'avais commencé a travailler sur baby carni bird mais le résultat était décevant, trop proche de l'original et beaucoup moins bien. Faut dire que murat est un sacré chanteur et bien plus grave que moi. Alors j'ai testé mes rythmes bizarres sur the reason why et ça fonctionnait. J'étais chez moi en quelque sorte !... Bon, il est vrai que je connais très mal la discographie de Murat cependant j'ai écouté beaucoup de titres pour le tribute et encore aujourd'hui dans le train ou j'ai perdu mon satané texte mais encore de belle découverte comme cette lettre de la pampa superbe.
Je me suis permis de rajouter un passage instrumental en changeant l'harmonie au centre de la chanson... Je trouve que Murat a une façon de chanter très sensuelle et le texte de cette chanson est intriguant, alambiqué comme on aime et aussi assez chaud ! Poupée champouine pas besoin de mettre la gomme on est encore a la Bourboule. Pas besoin de faire un dessin ahah. Murat traite et traie. On pourrait faire un parallèle entre le cinéaste Alain Guiraudie et le troubadour jlm, tous deux poétisent très intelligemment leur quotidien (Murat a du beaucoup aimer !) et leur région ( vache, dindes, un florilège de beaux mots... La pampa etc...)
Sexe, lac, vaches et pampa se marient très bien chez Murat ! D'ailleurs dans le peu que je connais je n'entends pas beaucoup les klaxons des villes mais plutot les clochers de village.

d)  Pierre Schott

Murat et moi.
Au début des années 90, je connaissais de Murat ce que le public en connaissait. Il se trouve que nous étions à cette époque tous les 2 artistes  dans la même maison de disque (Virgin) et que nous partagions parfois, du  côté des Abesses, le même petit hôtel où le label avait l’habitude de loger ses provinciaux. Mais de prime abord réservé et distant l’un comme l’autre, nous ne nous étions jamais parlé. Quelques années plus tard, nous avions aussi en commun le même ingénieur du son (Christophe Dupouy) lequel me présenta à l’auvergnat dans ses loges,  après un (bon) concert à Mulhouse. Je me souviens d’une discussion franche et intéressante sur des thèmes pragmatiques et inhabituels pour un artiste dans laquelle le chansonnier me mettait en garde de la précarité de ma propre situation et du risque fatal qui guettait ma carrière, à une époque où j’étais encore très optimiste. Dans les années 2000, j’avais appris que JLM pratiquait (?) le cyclisme sportif et qu’un vélo de belle marque était entreposé dans la grange de sa ferme de montagne. Comme je pratiquais assidument le même sport et que j’avais moulte fois pédalé à travers l’hexagone en solitaire, j’avais fait transmettre l’idée d’une sortie commune sur les pentes du puy de Dôme. Sans réaction.
Concernant ma reprise sur Aura aime Murat, la sollicitation par la production m’a beaucoup touché, d’autant plus que je suis alsacien et pas auvergnat! Parmi la demi douzaine de chansons qu’on m’avait suggérée, j’ai choisi sans  hésiter « la nature du genre » pour son format « popable » et son texte court.
Concernant mes choix de réalisation, je l’ai simplement passée à la moulinette qui était sur mon propre établi à cette période là.  JLM aura usiné obstinément une sorte d’americana plétorique à la française dans laquelle l’écriture l’emporte sur la réalisation. Attaché à la fois à son terroir natal et à la culture française, deux choses à ne pas confondre, il exprime ainsi, presque seul, tous les paradoxes, les contorsions et les blessures que le pays s’est infligé lui-même dans ses mutations depuis deux siècles. Mais, comme le romantisme ne marche bien que sur ses deux pieds, sans doute  que rien de son témoignage ne nous serait parvenu si l’auvergnat avait échoué de séduire d’abord un certain mais solide public féminin...
Pierre Schott, mai 2022

 

La libre parole de Pierre Schott... notamment sur la dernière phrase, mais mesurée:  Quand il dit "l’écriture l’emporte sur la réalisation", il s'est un peu arraché les cheveux sur le titre (la règle muratienne des 3 T -Tempo, Tonalité et TRUCTURE- n'est pas indicateur d'une grande rigueur). Je suis en tout cas fier de lui avoir indiqué ce titre qui collait bien à son univers.  Pour rappel, il nous avait fait un compte-rendu de concert

 http://www.pierreschott.com/

e)  Richard Robert

 

1) Quand avez-vous découvert Jean-Louis Murat? Avez-vous suivi/aimé toutes ses périodes? Laquelle vous a le plus intéressé, et pourquoi?

J’ai découvert Murat sur une grosse radio commerciale, un jour de 1989 où passait “L’Ange déchu”. C’est la texture de sa voix, je crois – ce chant de velours et de métal mêlés, à la fois lame et fourreau, qui m’a alors arrêté. Mais c’est par Le Manteau de Pluie, dont j’ai emprunté deux ans plus tard la cassette dans une médiathèque, que je suis vraiment entré dans son univers. Mon arrivée aux Inrocks m’a ensuite rapproché de lui, au point que je l’ai interviewé deux fois pour le magazine – la seconde pour un entretien fleuve réalisé chez lui, juste avant la sortie de Dolorès. Je ne l’ai jamais revu ni recroisé depuis, et je me dois d’avouer que je ne me suis jamais mué en muratophile invétéré, épiant chacune de ses apparitions. Depuis Lilith, beaucoup de ses albums ont échappé à mes radars, ou ne me sont parvenus que par bribes et bouts. Pour cette seule raison, qui n’a rien à voir avec une quelconque nostalgie, ma période préférée est celle qui s’articule autour de Dolorès et de Mustango ; simplement parce que j’étais alors beaucoup plus attentif à ce qu’il produisait. Un jour peut-être, je prendrai le temps de visiter sa discographie en long, en large et en travers. J’aime cette engeance de bâtisseurs, qui comme lui construisent des œuvres longues et copieuses, dans lesquelles il faut accepter de s’égarer – et de s’ennuyer parfois. Mais il faut du temps pour cela, et je ne me suis pas encore résolu à le prendre. J’ajoute ici que je n’ai jamais vu Murat sur scène, ce qui achève de faire de moi un auditeur coupablement dilettante.

2) Pourquoi avez-vous choisi cette chanson? En quoi vous a-t-elle interpelé au premier abord? Que comprenez-vous du texte, que vous inspire-t-il? Quel parti-pris d'interprétation avez-vous choisi, par rapport à la version originale?

Après L’Ange Déchu sur RTL, c’est à la téloche que j’ai vu autant qu’entendu Terres de France, niché dans le film « Murat en plein air ». Je crois bien que mon frère et moi l’avions même enregistrée sur une cassette vidéo, ce qui m’a permis de m’en imprégner à l’envie. Il m’a semblé alors, et il me semble toujours, que dans la production pourtant très éclatée et protéiforme de Murat, c’est une chanson à part ; mais c’est sans doute moi qui, en raison de ce qu’elle m’a fait alors, lui prête ce statut. J’en aime la coulée harmonique simple et implacable, la passion un peu lasse qui la traverse, le refrain qui l’ouvre et la referme soudain comme une clairière, le chant qui adopte une sorte de flânerie résignée avant de s’autoriser un sursaut de lyrisme – lyrisme sans rodomontade, sans arrogance, lyrisme du condamné peut-être… Mon parti pris d’interprétation a été celui que, grosso modo, j’applique à toutes les reprises que, en solo, en duo avec ma compagne Marguerite Martin ou avec nos amis, nous commettons sous l’appellation « Morning Dew » ou au sein du collectif Whatever(shebringswesing) : je dénude, j’effeuille, je ramène les mots et les notes des autres aux proportions de mon souffle et de mes doigts. Il en résulte ici, j’espère, une sorte de folksong sans âge ni nationalité.

3) Êtes-vous sensible à la dimension "paysagiste" de Murat, son inscription dans un territoire? A sa façon de dire la chose amoureuse? Quels éléments de sa poétique retiennent votre attention?

En répondant à cette question, je m’aperçois que la dimension paysagiste – et climatique, aussi, pour ne pas dire météorologique – de son écriture est ce qui me touche le plus (bien plus que sa poétique amoureuse, sur laquelle je n'ai hélas pas grand chose à dire d'intéressant). Il y a chez Murat un attachement au monde sensible que certains trouveront probablement désuet, pour ne pas dire rétrograde, alors qu’il est évidemment de tous les temps, et donc indémodable. Et je pense pour le coup que le territoire dans lequel son regard s’ancre et son écriture s’inscrit compte davantage pour lui-même que pour moi, auditeur. S’il était kazakh, bushman ou patagon plutôt qu’auvergnat (et je pense de fait qu’il est un peu tout cela à la fois), je prêterais la même attention à l’attention que Murat porte aux eaux du ciel et de la terre, à la forme des collines, aux lueurs et ombres qui recouvrent le monde.

 

Vous n'avez pas eu l'article de Nicolas Brulebois et vous vous demandez comment il a pu se dépatouiller de tout cela... sans parler des  questions qu'il a posé à Stan Mathis... et à moi...  Vous pouvez encore vous procurer la revue papier : https://hexagone.me/produit/124a-numero-24-de-la-revue-version-papier/ ou en digital!  8 pages consacrées au disque + la chronique! (et vous pouvez même retrouver l'ami Bertrand Louis...), ce qui me donne de passer directement à UN LIEN EN PLUS:    La 3e interview de Bertrand sur le blog: http://www.surjeanlouismurat.com/2022/10/bertrand-louis-interview-2022-verlaine-baudelaire-jeanlouismurat.html    Et de là,  j'en profite pour indiquer un nouveau spectacle sur Baudelaire: avec François Staal, en juin en Haute-Marne (10 juin 2023 au théâtre de Saint-Dizier) :

Un pari audacieux. Léo Ferré a chanté Baudelaire, magistralement, Serge Gainsbourg, Jean-Louis Murat et Damien Saez, aussi, oui, s’attaquer à un poète maudit chéri de Rimbaud, Breton ou Valéry demande, au-delà d’un simple amour des textes, une sensibilité particulière. On appelle ça le talent. Ça tombe bien, François Staal n’en manque pas. (https://jhm.fr/francois-staal-ideal/)

 

ET UN DEUXIEME LIEN EN PLUS

Et encore des gens qui aiment Murat: le chanteur du  groupe CANCRE qui tourne avec Matmatah  vient de  le dire à Froggy delight:

Continuons à faire connaissance. Si tu avais une baguette magique et que tu puisses soit partager la scène, soit enregistrer avec un artiste avec qui voudrais-tu le faire ?

Robin Millasseau : J’aimerai beaucoup partager un moment en studio avec Jean-Louis Murat, ça me ferait très plaisir !

Mais en plus, c'est plutôt très bien! Je vois que Francofans approuve (coup de coeur).

https://www.facebook.com/cancre.musique

Et bien sûr on n'oublie pas :

https://www.lamontagne.fr/theme/loisirs/agenda-sorties/tulle-elysian-fields--jean-louis-murat_262567

ELYSIAN FIELDS + JEAN-LOUIS MURAT Cette soirée sera une occasion rare de voir Jean-Louis Murat et Jennifer Charles (Elysian Fields) se retrouver sur le même plateau 24 ans après leur collaboration sur le très célèbre album "Mustango" qui mêle balades acoustiques et sons électroniques & rock. Une rencontre gravée dans l'histoire du rock puisqu'ils seront amenés à recollaborer autour de l'album rétro pop "A Poire On A Bird" (2004). Album concept évoquant la rencontre amoureuse et éphémère (mais fictive) des deux interprètes.

Où ?

DES LENDEMAINS QUI CHANTENT
Tulle

Quand ?

Le vendredi 19 mai à 20:30

Quel(s) tarif(s) ?
Plein tarif : 21.8 €

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Rédigé par Pierrot

Publié dans #2021 Aura aime Murat, #inter-ViOUS et MURAT

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Publié le 21 Mars 2023

30e inter-ViOUS et Murat-, et pour une occasion spéciale, le WEEK-END MURAT, yes sir!  En effet, JACK DAUMAIL (et le groupe ARCWEST) rejoint la liste des participants au tribute le samedi 24 juin au cours duquel on retrouvera plus de 30 chansons de Jean-Louis Murat! Et ce n'est pas fini : un nouveau nom sera dévoilé très vite! Mais pour cette heure, faisons connaissance avec JACK. Avec  Elvinh  (Vincent Rostan) et Stéphane Mikaelian, c'est un autre "historique" du rock à Clermont que l'on retrouvera. Comme eux, il  a eu droit à son interview dans le livre de P. Foulhoux  50 ans de rock à Clermont, méritée avec plus de 40 ans de scène  avec des multiples groupes, dont  les fameux "jack et les éventreurs". Inarrêtable quand il s'agit de faire de la musique, il a mené des projets solo mais se glisse aussi comme guitariste pour jouer avec les amis.  On l'a également retrouvé aux côtés de Cocoon (et pas seulement en tant que papa de Mark Daumail).  On revient sur tout ça dans l'interview où l'on découvrira en outre un auditeur attentif de Murat depuis 1981.

 

NDLR post mai 2023: Jack n'a finalement pas participé au Week-end Murat, suite au décès de JL, et la non-participation de Denis Clavaizolle qui devait fait la surprise de venir, comme Jean-Louis Murat lui-même.

 

- Dans un document regroupant plus de 500 groupes de rock clermontois, vous occupez presque une case entière, avec vos groupes successifs, sous le nom "Succursale mozacoise» (Murat, Clara et les jeunes de Plexiglas occupent eux une case Bourboule). Vous n'avez pas de mal à vous dire clermontois (à la différence de Murat ou de certains autres…) ? Comment ça a commencé?

Jack Daumail : En effet je n’ai aucun problème à me dire clermontois, j’ai vécu à Clermont toute mon enfance et j’ai commencé à faire de la musique très tôt, j’avais déjà une guitare entre les mains à l’âge de 12/13 ans, et j’ai fait mes premières compos à cette époque (même si c’était loin d’être concluant…).

À l’âge de 14/15 ans, avec mon meilleur ami  Nicolas Stoufflet [natif de Chamalières] aujourd’hui présentateur du « Jeu de Mille Euros » sur France Inter) nous avions créé une radio indépendante où nous affirmions nos goûts musicaux. Notre émetteur n’était pas d’une grande puissance, mais ce fut une expérience intéressante.

Lorsque j’avais 16/17 ans, (fin des années 70) je suis allé enregistrer quelques unes de mes premières compos pour la première fois en studio, au studio Magic Productions à Riom (là où enregistrait également JLM) avec Patrick Vacheron, mon père m’avait fait ce cadeau.

En 77, à mon retour d’un séjour en Angleterre (où j’avais croisé de nombreux punks dans la rue notamment à Londres) j’ai participé à une émission sur France Inter,  invité par José Artur, avec notamment Bernard Lenoir (dont j’étais un fidèle auditeur) et Marcel Dadi, le fameux guitariste de picking, (à l’opposé des punks londoniens…) .

Ils m’ont demandé de jouer une ou deux de mes compos, j’étais loin d’avoir son niveau évidemment, mais c’est un joli souvenir.

Par la suite j’ai pu venir assister (à la Maison de la Radio à Paris) plusieurs fois à l’émission « Feed Back » de Bernard Lenoir.

Un premier duo, devenu trio, puis différentes formations, notamment Jack et les Éventreurs (répertoire moitié compos/ moitié reprises). Nous jouions souvent au Pocoloco à Clermont, et c’est à cette époque que j’ai rencontré Jean-Louis, car il venait parfois faire des « bœufs » sur des reprises des Kinks, des Clash ou autres Stones…

Nous nous sommes croisés d’autres fois, notamment pour le concert pour la Pologne à la Maison du Peuple, ou pour des premières parties. Il faut dire que Denis Clavaizolle est un ami de longue date, pratiquement un ami d’enfance, ce qui me liait un peu plus à la carrière de JLM.

J’ai également joué dans d’autres formations clermontoises, avec les Pale Riders (Rivets Sauvage), les Coyotes, des membres de Folamour …

 

Comment se retrouve-t-on chez José Artur à la sortie de l’adolescence ? Les bandes de Riom avaient circulé ?

 

Jack Daumail : L’émission de José Artur s’appelait « Avec ou sans sucre »,  elle était diffusée à l’heure du café, ouverte à qui postulait en écrivant une lettre de motivation, ce que j’ai fait sans trop y croire, et j’ai été le premier étonné d’y être invité. 

Je me suis retrouvé à déjeuner au côté de José Artur et Bernard Lenoir, très sympa, nous avons évidemment parlé musique, il m’a parlé entre autres d’un jeune groupe qui venait de sortir son premier album : Dire Straits avec notamment « Water of love » et « Sultans of swing »… Puis Marcel Dadi est arrivé avec sa guitare ( J’ai quelques photos de ces moments).

Les enregistrements de Riom n’ont jamais circulé, mais j’ai toujours gardé les bandes, il faudrait que je trouve un magnétophone capable de les lire… ou sans doute est-ce mieux de les oublier dans un tiroir…? 

 

-Je voulais aborder votre premier vrai concert à Riom, avec Chaos, dont faisait partie Christophe Pie, et Tachycardie... de M. Papelard ?

Jack Daumail : Ce concert a eu lieu en juin 82 me semble-t-il.

Je découvrais alors la scène locale, Tachycardie avait  déjà une certaine réputation et Chaos était impressionnant en effet, très influencé par les Clash ou les Sex Pistols à mon avis.

De mon côté je jouais dans un trio sans bassiste (sic…), les Mongols, en clin d’œil au « Mongoloïd » de DEVO, j’avais revêtu pour l’occasion le manteau de fourrure de ma mère, et nous nous étions peint le visage. Nous proposions à l’époque nos premières compos…

 

A ce moment-là, que saviez-vous de Murat ?

Jack Daumail : J’avais son premier album, dont on parlait beaucoup dans le milieu musical clermontois, surtout avec la pléiade des musiciens présents sur ce disque. Sinon j’avais entendu parler de Clara, jamais vu, mais j’ai  connu les musiciens plus tard. Il y avait ce disque, Suicidez vous le peuple est mort, avec la pochette de Mondino, qui avait fait  grand bruit également, j’avais réussi à me le procurer.

En fait j’ai commencé à vraiment apprécier Murat avec Cheyenne Autumn.

 

- C’était l’époque Spliff, label, fanzine... Que diriez-vous de cette période-là ?

Jack Daumail : Le label Spliff est né peu après la disparition de « Sirènes » le magasin de disques tenu par Bertrand Casati.  C’était un peu l’équivalent de « Mélodie Massacre » à Rouen, disquaire très actif, de renommée très rock, Lionel Hermanni ayant fait émerger les Dogs. J’ai personnellement bien connu Lionel qui invitait les groupes de Clermont sur Radio France Puy de Dôme. J’ai d’ailleurs tenu une chronique sur la bande dessinée (dont je suis passionné) pendant une douzaine d’années dans l’émission de Lionel.

C’est Gilbert Biat, sympathique et excellent disquaire chez Spliff, qui m’a fait rencontrer Michel « Mick » Moreau, qui nous a rejoint au sein de Jack et les Éventreurs (guitare/chant).

Je collaborais également à quelques fanzines étudiants clermontois à l’époque, La Gazette des Gazelles, entre autres, en tant que dessinateur bd (sous le nom de JED)…

 

- J avais partagé les mots de votre fils sur Gilbert Biat dans  l'article qui était consacré à ce dernier.  : "J'avais 15 euros par semaine, j'achetais le disque du siècle de la semaine" à Spliff. C'était comme le cd des inrocks, c'était un peu la bible ce disque. J'achetais aussi des trucs obscurs... je découvrais tout ça à Spliff".

Malgré ce rock en français bien présent, de votre côté, vous avez toujours choisi l’anglais ?

 

Jack Daumail : J’ai toujours choisi l’anglais pour plusieurs raisons. C’est la langue qui colle le mieux avec notre style de musique je pense, de plus j’écoute essentiellement de la musique anglo-saxonne. Par contre nous envisageons un projet en français avec Arcwest, nous avons commencé à composer quelques titres.

 

 

- Ah, sacré nouvelle après 40 ans d'anglais…    En préparant l'article, je suis retombé sur une mention des bœufs au POCO LOCO sur le blog, j'avais oublié... Pouvez-vous nous en dire plus sur ces soirées ? Et sur le Poco loco cher à votre cœur de rocker? C'était scène ouverte ?

 

Jack Daumail : Le Pocoloco n’était pas une scène ouverte, Philippe Grand avait « ses têtes », il était bougon et grande gueule, mais il faisait tourner son établissement, incontournable à l’époque. Nous y jouions régulièrement, il y avait donc des habitués, c’était deux soirs de suite (vendredi et samedi), les concerts ne commençaient pas avant minuit…

Il y avait du monde et parfois ça bougeait beaucoup, au point que certains copains comme Topper se plaçaient devant nous pour éviter que l’on se prenne des coups de micro dans les dents tellement ça « pogotait »….

C’était souvent les mêmes groupes qui tournaient au Poco, outre les Eventreurs, nos amis de Last Orders, les Pale Riders, Folamour…

Jean-Louis venait parfois, sans prévenir, nous jouions des standards, c’était très festif et j’en garde d’excellents souvenirs. Il a sûrement dû venir chanter avec d’autres groupes, je ne m’en souviens pas… en tous cas je ne l’ai jamais vu se produire sous son nom au Poco.

les boeufs:  une trace ci-dessus:  en 1983

 

- Vous partagez encore la scène lors d'une soirée pour la Roumanie en 86, dont Matthieu Guillaumond nous  a parlé ( avec une quinzaine de minutes de votre prestation visionnable ci-dessous) . Des souvenirs ? On voit que votre préférence comme Murat va au Rolling Stones.…

 

Jack Daumail : Ce concert réunissait pas mal de groupes très actifs sur la scène clermontoise, des Flying Tractors aux Real Cool Killers… avec JLM en tête d’affiche évidemment. Notre ami Jacques Moiroud en était l’instigateur me semble-t-il. Jeff Caron, l’ex batteur des Real Cool Killers, jouait avec nous à cette époque (guitare / chant), il avait même composé un morceau, très stonien, les Stones nous ont énormément marqués…

                                                                 1992

Nous avons fait une tournée (sous le nom original des « Touristes ») dans le sud de la France (Hyères, Le Lavandou, La Grande Motte…) en proposant beaucoup de reprises de standards et quelques compos. C’était une façon de se faire plaisir tout en passant des vacances au soleil. Mon fils Mark nous avait rejoint quelques jours avec sa mère, nous passions la journée à la plage, et les soirées en concert sur des terrasses de cafés ou sur les scènes de grands campings…

 

- Vous êtes là également pour la soirée franco-kurde en 96, où cette fois Murat, christique en barbe et long pull blanc, participe en son nom...  et avec moins de succès en terme d'affluence...

Jack Daumail : J’ai personnellement peu de souvenirs de cette soirée, moins d’affluence sans doute, pourtant Murat était encore plus connu… Je me rappelle qu’on est allé boire un café Jean-Louis et moi, en attendant une conférence de presse avec les médias régionaux pour ce concert, j’avais alors sorti un album de Paul Westerberg des Replacements Eventually  que je venais de m’offrir et Jean-Louis avait approuvé cet achat… 

 

- Vous évoquez les compositions (membres) des groupes qui changeaient régulièrement. Et quand on voit le nombre de groupes dans lequel Pie, Bonnefont, ou vous-même, ont joué par exemple, je me dis que c'est peut-être remarquable... Est-ce que c’est le signe d’une scène clermontoise unie et bouillonnante, un attachement rock à la notion de groupe ?

Jack Daumail : Il n’y avait pas pléthore de groupes dans la scène clermontoise durant les années 80, du moins en centre-ville et sur le « plateau central » comme on disait, on se connaissait  bien entre musiciens, certains s’évitaient volontiers, il y avait des histoires de jalousie ou de styles qui créaient des « clans », mais également de belles histoires d’amitié (ce qui, pour moi, primait avant tout…). Mais en effet il y avait une sorte de noyau dur en centre-ville, peut-être grâce à Spliff (?). Buck [NDLR: chanteur des real cool Killers] m’avait d’ailleurs « adoubé » à notre retour de Londres en 88, lorsqu’il avait écouté « She interrupted me » que nous avions enregistré dans la capitale britannique…

Je me souviens de toutes premières sessions à la guitare début au des années 80, avec Marc Verne (il s’est rapidement tourné vers le jazz, excellent batteur aujourd’hui !!) car il habitait dans mon quartier.

 

- Je ne veux pas vous fâcher avec certains mais quels sont les musiciens clermontois qui vous ont le plus marqué artistiquement ? Amicalement ? Celui qui n'a pas eu le parcours au niveau de son talent ?

 

Jack Daumail : Les musiciens clermontois qui m’ont le plus marqué artistiquement, m’ont souvent marqué amicalement également. Au début il y a eu Jack et les Eventreurs, avec Philo B Jones (Philippe Moinard); Mick (Michel Moreau); Bruno Chabrol (qui a monté 6 Tone Records), une véritable amitié qui perdure.

Depuis quelques années nous vivons une très belle histoire dans ARCWEST, avec Philippe « El Drummo » Ramirez, Thierry Chanselme, Fred Roz  [Le Tremplin de Beaumont] et Laurent Berthon [qui joue notamment avec Adèle Coyo].

Avec Denis Clavaizolle, mon ami de toujours, nous avons pas mal joué ensemble, et toujours actuellement pour différents projets ponctuels. C’est également Denis qui a permis à Cocoon d’émerger, il a beaucoup aidé et guidé mon fils Mark à ses débuts [avec Sophiane Production].

Joël Rivet, rencontré lors d’une fête de la musique alors qu’il jouait avec les Guêpes, m’a directement invité à monter sur scène alors qu’on ne se connaissait pas, nous avons rapidement joué ensemble avec son frère Christophe, François, Bruno Sauvage, puis Christophe Adam.

                [Joël Rivet dont M. avait gardé l'anonymat dans son article sur le festival de La Bourboule en 78... "Je me rappelle avoir chanté peut être sweet little 16 accompagné par Jean Louis qui en avait fait un arrangement inédit, c'est vague..."]

 

Dominique Auger, « Rocky », excellent chanteur charismatique des Coyotes, avec lesquels j’ai joué également.  [on voit Jack dans l'assistance de ce concert]

Philippe Metenier avec qui j’ai joué pendant une dizaine d’années dans Seven Seas. J’étais très fan de Folamour.                                              [Philippe, frère de Guillaume pour lequel Murat a chanté « la ballade de Mélody Nelson » ].
 

 

Dominique Cartier, de Folamour également, avec qui j’ai commencé un projet pendant les confinements de ces dernières années, projet en suspens actuellement.             [NDLR: Dominique qui joua dans Les salles gosses et CLARA et qui se dispute parfois en Haute-Savoie.. ]

Il y a beaucoup d’autres musiciens qui m’ont marqué, surtout amicalement, c’est assez compliqué de répondre à ces questions.

Pour celui qui n’a pas eu le parcours à la hauteur de son talent, je pense à Philippe Masoch, bassiste, avec qui j’ai joué pendant plusieurs années (nous avons représenté l’Auvergne avec les JACKS, au Printemps de Bourges en 95). Il a joué dans de nombreuses formations, LAST ORDERS entre autres, et côtoyé JLM d’ailleurs . Il est toujours resté dans l’ombre et nous a quittés il y a deux ans.

 

- J'ai un peu cherché mais je n'ai pas trouvé de lien entre Philippe et Jean-Louis...

Jack Daumail :  Philippe Masoch a joué dans « Steve Mc Queen » avec Alain B. et Stéphane M., mais il me semble qu’il avait joué avec Jean-Louis…  En tous les cas,  ce dernier lui avait offert une jolie guitare acoustique cordes nylon, mais je ne me souviens plus en quelles circonstances.
 
 

- Murat a parfois parlé des "jobs à côté" (en opposition avec ceux qui se consacraient entièrement à la musique), mais j'ai l’impression que cette distinction n'a jamais vraiment eu une grande importance dans le microcosme clermontois ? (on parlait avec Yann Pons des nombreux profs) Qu'en pensez-vous?

Jack Daumail :  Cette distinction entre « amateurs » et « professionnels » de la musique n’a jamais eu grande importance à Clermont  je pense. J’ai davantage senti un clivage entre les musiciens de jazz et les rockeurs. Mais également une sorte de chauvinisme entre les Clermontois et les gens de l’Allier, du Cantal, ou même de Riom… Cela s’est plutôt estompé avec le temps je pense.

 

- Vous avez évoqué le printemps de Bourges, l'enregistrement à Londres, ce sont des moments où vous avez pensé signé sur un label / avec un tourneur ?

Jack Daumail : Un petit label parisien nous avait contacté, nous faisant miroiter des alouettes… Nous nous étions déplacés à la capitale pour rien, car au final nous devions investir au moins la moitié des frais d’enregistrement et de production, alors que nous n’en avions ni l’envie ni les moyens.

 

- On en arrive à la période Coopé, Kütü folk, Cocoon... Un changement musical que vous avez pu un peu analyser comme lié à l’embourgeoisement de la ville... Mais en tout cas, la coopé vous soutient et vous faites encore des belles premières parties…

Jack Daumail : La naissance de Kütü Folk (2008) peu après l’émergence de Cocoon (2006) a donné un renouveau à la couleur de la ville, longtemps cataloguée (voire auto-proclamée) «Capitale du rock » de manière plus ou moins gratuite selon moi. La Coopé m’a seulement soutenu pour le premier e.p. (solo) d’Arcwest en 2008. J’ai pu faire quelques premières parties (Sarah Lee Guthrie reste un excellent souvenir). Mais les plus belles premières parties de cette période en solo sont celles offertes par mon fils Mark : la toute première au Ninkasi Kao à Lyon, puis La Cigale à Paris ont été des moments forts, puis en invité sur des festivals à Bruxelles (Brussels Summer Festival), Toulouse (Garorock), Paimpol (Chants de Marins) avec parfois des scènes fantastiques devant plus de 20 000 personnes. Ces concerts m’ont mis une belle claque, surtout pour un musicien régional habitué aux petites salles…

 

- Est-ce qu'il est déjà possible de faire un constat sur l'époque actuelle, l'après Veillault ?  Malgré les problèmes au Tremplin, le manque de curiosité, j'ai l’impression qu’il existe toujours une offre importante, des lieux d'accueil, comme le Fotomat qui va nous accueillir ?

 

Jack Daumail : Il m’est difficile de faire un constat sur l’après Veillault, je ne suis pas suffisamment proche de la Coopé pour juger quoi que ce soit. Je ne suis pas certain qu’il existe plus de lieux d’accueil à Clermont qu’il y a quelques années.

Le Fotomat est un lieu incontournable, mais pas aussi adapté que le Tremplin par exemple, qui est une salle spécialement conçue pour les concerts, au niveau du son, de l’accueil et avec une vraie scène… 

 

Duo avec Morgane Imbeaud:

 

- Pour revenir à Cocoon, il faut noter aussi votre participation à l'album de 2007    et le très joli duo avec Morgane (un an après Charles et Léo) en 2008. Je ne crois pas que vous vous soyez tourné vers la production comme Denis, Christophe Adam... Ce n'est pas quelque chose qui vous intéresse ?

Jack Daumail : Participer à cet album a été un plaisir et une fierté évidemment, tout comme le concert à la Coopé. Morgane et Mark ont participé au premier E.P. d’Arcwest, ils sont également venus me rejoindre sur scène (très beau souvenir du concert avant Sarah Lee Guthrie).

Des concerts également avec Cocoon dans la grande salle de la Coopé en tant que guitariste et l’émission Taratata en 2008 avec Denis à la basse et son fils Yann à la batterie, nous avons joué « On my way ».

  [Taratata visionnable ici     -   famille cheveux courts et famille cheveux longs,  manquait le papa Philippe!

 

Je ne me suis jamais vraiment intéressé à la technique en général en matière de musique (mis à part pour la guitare), en revanche j’ai toujours participé à la production de nos enregistrements. Mark me sollicite régulièrement pour savoir ce que je pense de ses nouvelles compositions et mes idées de production. Mais je ne suis absolument pas technicien et suis incapable de me servir des logiciels de musique.

Avec ARCWEST nous venons d’enregistrer 4 nouveaux titres avec Éric Toury (qui a enregistré les derniers albums de JLM). Le mixage est presque terminé.

 

- Est-ce que vous pouvez nous parler un peu plus de Denis?

Jack Daumail : Nous faisions partie du même groupe d’amis avec Denis, j’ai le souvenir de grosses fêtes dans les années 80, nous faisions parfois de la musique ensemble, même si nous n’étions pas dans la même catégorie, j’ai toujours été amateur. Denis est venu jouer avec nous,  nous avons fait quelques concerts et enregistré un album. Et puis plusieurs fois j’ai enregistré quelques  titres intimistes en solo (qui ne sont jamais sortis… un jour peut-être ?).

Musicalement nous avons vécu de belles choses avec Denis, l’Olympia pour Cocoon et les grosses scènes étaient un aboutissement, c’était incroyable de voir cette évolution assez fulgurante.

Denis n’est pas seulement un ami, c’est un excellent musicien évidemment et un grand professionnel.

On a évoqué les musiciens restés injustement dans l’ombre, je pense que Denis en fait partie. Il a été le compagnon de route idéal pour Jean-Louis, tant par son adaptation que par son talent d’arrangeur et de producteur. Il faut je pense lui rendre cet hommage.

 

- C'était avec quel groupe que vous avez joué avec Denis?

Jack Daumail : Denis a joué dans les « Jacks », avec Philippe Masoch et Bruno Chabrol.
Nous avons enregistré l’album Smiles  dans le studio de Cournon, Denis en tant qu’ingé son et musicien (claviers, guitares…).  À cette époque le dessinateur de bandes dessinées  Jean-Pierre Gibrat, que j’apprécie beaucoup, également guitariste, était venu dîner à la maison et nous avions joué toute la soirée… J’en avais profité pour lui demander d’illustrer la pochette de cet album.
 
Récemment nous avons joué et enregistré quelques titres pour le projet d’un ami commun, mais cela reste privé pour l’instant.
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- Dernier petit clin d'œil : Murat qui s'est essayé à la peinture chante parfois le paysage... Votre ancrage, à vous, passe par les aquarelles de votre Bretagne maternelle et l’Auvergne ?

Jack Daumail : Je suis très attaché à la Bretagne, mais également à l’Auvergne du côté paternel. Peindre ces deux régions est un plaisir, mais j’envisage également de consacrer une expo au sud-est, dans le Var, où j’ai des attaches.

L’aquarelle est une passion depuis pas mal d’années, c’est une technique beaucoup plus complexe que l’on pourrait imaginer et je suis encore loin d’en maîtriser toutes les possibilités. Certains peintres me portent et me poussent à expérimenter de nouvelles façons de faire.

Je ne savais pas que JLM s’était essayé à la peinture, Denis également.

 

- Vous avez écouté Murat dès ces débuts... Est-ce que pour autant vous avez continué à écouter ses productions annuelles ?

Jack Daumail : J’écoute toujours Murat, son dernier album est très réussi, j’aime moins le précédent.  Il fait partie des rares auteurs français  à avoir une écriture érudite, variée et originale.  Ses compositions montrent des influences éclectiques allant du folk à la soul (on pense parfois à Dylan, Cohen jusqu’à Otis Redding par exemple) en passant par le rock et la pop. Plutôt intemporelles, les anciens albums se réécoutent sans problème.

 

- J'ai des questions rituelles :  est-ce que vous avez un album préféré de Murat ?  3 chansons préférées ? Et mises à part les scènes partagées, est-ce que vous avez un souvenir d'un de ses concerts?

Jack Daumail :Je n’ai pas d’album préféré de Murat, j’ai beaucoup aimé Mustango (je suis très fan de Calexico), mais je trouve que Jean-Louis a fait encore mieux par la suite ; j’écoute souvent Grand Lièvre, Le cours ordinaire des choses, Taormina… Je suis très fan du jeu de Stéphane Reynaud, sa caisse claire sonne fabuleusement bien ! 

La voix de Jean-Louis ne change pas, il s’est même amélioré, tout comme dans son écriture.

Trois chansons préférées c’est difficile, JLM est vraiment pluriel dans ses styles musicaux … « Ginette Ramade », « Je voudrais me perdre de vue », « Caillou », « Si je devais manquer de toi » … il y en a tellement…

J’ai vu Jean-Louis en concert de nombreuses fois, rarement déçu, à part une fois au Sémaphore à Cébazat où il était arrogant et provocateur, il donnait une mauvaise image de lui comme ça lui arrive parfois dans les médias. C’est très dommage car je pense que c’est quelqu’un d’hyper sensible et très cultivé.

- Oui, le fameux concert qui lui a valu d’être black-listé par le maire furieux… Matthieu nous avait raconté ça

-  Jack Daumail : Si je peux rajouter un mot, je voudrais dire qu’une de mes plus grande fierté est d’avoir transmis l’amour de la musique à mes trois enfants :

Mark, mon fils aîné, que l’on a déjà évoqué avec Cocoon entre autres.
 
Marie, qui joue de la guitare et du piano, et chante et compose dans Wio (avec Christophe Petit un ami d’enfance…). 
Marie nous a rejoint plusieurs fois sur scène avec Arcwest, et a participé à certains enregistrements.
 
Loïc, qui joue de la batterie et de la guitare. Il compose également et vit depuis quelques années à Nashville (Tennessee). 
J’ai eu la chance de le rejoindre l’année dernière, il m’a fait découvrir sa ville. Dès le soir de mon arrivée nous sommes allés voir un excellent concert dans un bar de Broadway. Il a la chance de voir d’excellents concerts là-bas ( The Black Keys, Spoon, Hermanos Gutiérrez…).

 

Salutations à la 2e génération qui continue l'histoire du rock à Clermont et en France (chez les Clavaizolle, Mikaelian, Rivet, Izoard...et Daumail!)

Un grand Merci Jack, et on se retrouve le samedi 24 juin! 
BILLETTERIE week-end Murat!

Programme complet  (vendredi : le film "mlle personne", et concerts,  samedi : conférence, tribute)

 

- Pour continuer avec l'histoire du rock à Clermont: 
http://www.surjeanlouismurat.com/article-une-histoire-du-rock-a-clermont-le-livre-et-le-concert-121327492.html

Page de ARCWEST    bandcamp avec 3 albums

Page des RIVETS SAUVAGES

Jack a aussi joué(après les éventreurs, et Jacks) dans Cheese  (Chroniques par Pierre Andrieu)

 

Et on termine en musique:

Session complète au feu "Satellit'café" de Roanne, où j'étais allé voir le Voyage de Noz:

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