inter-vious et murat

Publié le 18 Mars 2016

Voici une petite interview du chanteur clermontois Sébastien Polloni, auteur d'un bel album de chansons "Ravines", produit avec Guillaume Cantillon (ex-Kaolin) et sorti sur le label de Bertrand Betsch il y a presque un an (le 20 avril 2015). Elle est terminée depuis quelques temps mais j'attendais une actualité de sa part pour la publier... et elle arrive ce week-end... Et c'était assez important de vous l'annoncer, si comme moi, vous n'aimez pas les surprises, les gars qui s'inscrutent... En effet, Sébastien Polloni viendra CHEZ VOUS DIMANCHE! Oui chez vous! Et rien que pour vous, en concert privé... Via le site 1peet.tv, qui diffusera un set de 45 minutes (paf de 4 euros minimum). Le concept est intéressant...

Je continue mon introduction dans la première question... on se retrouve ci-dessous.

Sébastien sur les pistes auvergnates, février 2016.

Sébastien sur les pistes auvergnates, février 2016.

 

Bonjour Sébastien,

 

- J'avais partagé votre clip sur le blog à l'occasion d'un article sur Bertrand Betsch qui vous a signé sur son label, mais je ne crois pas que votre nom ait figuré dans mon fil d'actualité muratienne et clermontoise. Vous m’avez contacté ensuite pour que je puisse transmettre à J.L. Murat votre disque, ce que j'ai fait cet automne. Est-ce que c’était important pour vous de lui faire écouter votre musique ou est-ce que dans le "désert foisonnant" du marché, vous frappez à toutes les portes?

Alors, reprenons les choses dans l'ordre où je pense les avoir vécues !
J'ai effectivement vu passer sur fb un article sur Bertrand Betsch, je suis donc allé voir le blog. Curieux à la fois de voir l'interview de Bertrand et ce que cachait ce blog sur Murat.

J'ai trouvé un contenu qui m'a plus, sans concession et j'ai effectivement découvert que vous aviez lié mon clip à l'interview de Bertrand (qui m'a signé sur son label).

Evidemment je me suis dis que si vous aviez partagé mon clip c'est que vous n'étiez pas insensible à ma musique et j'ai donc sollicité votre avis sur mon album.

Il y a longtemps que j'essaie de faire entendre ma musique à Jean-Louis Murat, je suis auvergnat comme lui, et j'aime sa musique, j'aime son côté brut en promo qui contraste avec sa voix feutrée et carressante. Pourquoi est-ce que je voudrais qu'il écoute ? Pour avoir son avis, ses critiques même, c'est à cela que servent les figures tutélaires...
Cela fait longtemps que j'essaie, mais je crois qu'à chaque fois c'est un échec. Lors de nos discussions, quand j'ai compris que vous pouviez avoir l'opportunité de lui passer un disque, j'ai effectivement sauté sur l'occasion. Je crois que depuis, il n'a toujours pas écouté une note de ce que je fais, mais comment lui en vouloir, il doit être sans cesse sollicité et je comprends que rien ne l'incite à découvrir mon disque plus qu'un autre...

En tout cas, même si j'essaie de saisir toutes les opportunités qui se présentent à moi, je ne frappe pas à toutes les portes. Je pense être intègre et ne sollicite que les personnes pour qui j'ai un vrai intérêt musical et artistique.

 

- Je ne voyais pas de manque d'intégrité dans la démarche de "frappez aux portes", simplement une nécessité si on a l'ambition de faire entendre sa musique. Vous parliez de figure tutélaire concernant Murat. Diriez-vous qu'il reste incontournable sur Clermont? Est-ce qu'à un moment, point godwin d'une discussion, on en arrive toujours à Murat? Je pense à Pain noir qui lui a tenu à s'écarter de lui en disant qu'il ne l'avait jamais écouté. Que représente-il à Clermont?

J'avais bien compris qu'il ne s'agissait pas de remettre en doute mon intégrité, mais je préfère préciser !
En fait je ne sais pas ce que représente Murat en Auvergne, pas plus qu'à Clermont même, ce que je sais, c'est qu'il a un public fidèle.
Personnellement j'ai beaucoup écouté Murat, pas tout, car sa production foisonnante ne m'en laisse que peu le loisir. J'ai adoré des albums comme Mockba, des morceaux comme Jim, j'aime sa poésie éthérée et cependant terrienne. Il y a quelques années, alors que j'en étais à mes premières productions musicales, un programmateur local m'a dit que je devrais m'adresser à 2 personnes pour demander leur avis ou de l'aide. Il s'agissait de Guillaume Cantillon (Kaolin) et Jean-Louis Murat. A cette époque j'ai essayé brièvement d'entrer en contact avec les deux, sans succés. Les hasards de la vie m'ont fait rencontrer Guillaume, j'ai pu travailler avec lui et avoir ses talents de réalisateur sur mon album. J'espère que le prochain sera Murat et que la boucle sera bouclée...

En parlant du point Godwin, il y a une certitude... Quasiment tous les projets chansons d'envergure de la région qui me touchent ont un lien avec Jean-Louis Murat, récemment on peut citer Matt Low ou Morgane Imbeaud... Je me désespère donc de ne pas avoir eu ce privilège...

 

- Vous n'êtes donc pas un "Muratien invétéré", mais pouvez-vous nous en dire plus sur votre histoire avec Lui? Est-ce que vous vous souvenez quand vous l'avez écouté pour la première fois?

Je ne suis certes pas un Muratien invétéré s'il s'agit de tout connaitre par coeur. Je ne suis d'ailleurs pas un fan invétéré de qui que ce soit, il y a des artistes que j'aime énormément mais je n'en idolâtre aucun... Je ne me souviens pas de la première fois où je l'ai entendu, ce qui signifie que je devais être très jeune... en général ma mémoire est bonne !

 

- les questions rituelles:  Votre album préféré de Murat?

Mockba

- 3 chansons préférées de lui? Et bien sûr pourquoi?

La fille du capitaine parce que je la chantais sans cesse à ma plus grande fille sur sa table à langer...

Jim: parce que j'ai souvenir d'un live remarquable sur NPA... la musique et le texte me transportent et son côté cinématographique me plait.

Maria Dolores: pour ce côté si intime...


- Est-ce que vous l'avez déjà vu en concert?

Je l'ai vu en concert à Animatis en version trio: un très beau souvenir de concert *Issoire, tournée Mockba

- Y a-t-il une chanson de votre répertoire qui vous évoque Murat ou dont il serait une partie de l'inspiration?

Dans mon répertoire, je pense que "les hommes au revolver" est la chanson qui se rapproche le plus de son univers: le chant lexical est assez commun avec celui de Jim par exemple !

 

- Est-ce que vous pouvez nous parler de votre parcours de musicien? (de l'éducation musicale jusqu'à votre album)

Alors, à l'école primaire j'ai fait beaucoup de solfège ainsi que du piano. J'ai dû arrêter cela vers 12 ans. Je ne sais pas comment cela est possible, mais je ne me souviens quasiment de rien... J'ai laissé complètement dans un coin de mon cerveau tout cela et je n'arrive pas à y accéder ! Quoi qu'il en soit j'ai décidé de m'acheter une guitare lors de ma 18ème année (en 1995) et j'ai bossé cet instrument en autodidacte complet. Dès les premiers accords appris, je me suis tourné vers la composition. J'ai fait mes premiers concerts, aussi maladroits qu'amateurs, quand j'avais 21 ans.
Parallèlement à cela j'ai fait une licence de maths, puis passé le capes, puis 5 ans après passé l'agrégation de maths, je ne pouvais donc consacrer qu'un temps limité à la musique. A cette époque, je jouais en version groupe assez rock. En 2008 la coopé m'a proposé la première partie de la Grande Sophie en solo: j'ai accepté. Ce fut mon premier concert solo, et le premier avec une guitare acoustique: j'adore me mettre en danger. J'ai décidé ensuite de tourner seul, de faire mes armes devant un public, en me présentant avec juste une guitare et un texte...
Vinrent quelques autres formules... Puis j'ai rencontré Papillon en 2012, nous avons immédiatement adhéré à nos univers respectifs et commencé à travailler ensemble.
En 2013 j'ai eu la proposition de Guillaume Cantillon de me réaliser des titres, j'ai peu après signé sur le label "Les Imprudences" et Bertrand et Audrey Betsch m'ont convaincu de faire un album complet. Cet album est sorti en avril 2015.
Ce parcours est chaotique et jalonné par des rencontres inattendues... Le hasard est mon guide...


- Est-ce que vous étiez déjà sous votre nom ou sous un nom de groupe? (question pour les archivistes du rock clermontois)
Je préfère qu'on  ne retienne rien de cette période là !

- Que pouvez-vous nous dire de plus sur cette rencontre avec Bertrand Betsch? et ce nouveau label?
Bertrand Betsch m'a signé dès qu'il a entendu mes titres. C'est un immense honneur qu'il ait aimé mon univers. Sa qualité artistique est énorme, sa production foisonante et toujours de très bon goût. Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois sur Toulouse et Clermont, c'est qualqu'un de charmant. Ses conseils et son avis me permettent de me setir légitime et me donne toujours plus confiance, c'est un plaisir d'être sur le même label !

 

- J’avais contacté Audrey et Bertrand Betsch pour une autre question, et Audrey m’a exprimé comme elle s’était en quelque sorte prise en pleine face la difficulté de faire exister un label et sa production.

Je crois effectivement qu'elle ne savait pas au moment de ma signature à quel point la qualité ne suffit pas. Elle a toujours été claire, son but ainsi que celui de Bertrand est sûrement que je trouve une autre structure capable de porter mon travail en termes de communication et de contacts..

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J'ai demandé  à Bertrand Betsch de nous parler de Sébastien :

"Sébastien est un garçon charmant et extrêmement talentueux. Je me souviens que lors de l'élaboration de son album, à chaque fois que l'on recevait un nouveau morceau, Audrey et moi étions interloqués. A chaque fois, sourire aux lèvres, on se faisait la même réflexion : "ça y est, encore un tube". "Mais comment ce garçon fait-il pour ne faire que des tubes !". Sa plume, sa voix et son sens mélodique à chaque fois font mouche. Ils sont rares ces artistes qui dès leur premier essai se réalisent sans détour et enquillent les moments de grâce. La qualité des arrangements et de la production aussi est très importante. C'est à cela que l'on reconnaît également les futurs grands. Certes Sébastien est très talentueux mais il sait aussi très bien s'entourer. Papillon et Guillaume Cantillon ont su se mettre généreusement au service de ses chansons pour les emmener vers le meilleur. Je lui souhaite longue route, en toute amitié. B/B/"
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- Vous avez aussi été dans un collectif Novembre, notamment avec Julien Estival, pouvez-vous nous en parler? Est-ce encore d'actualité?


Le collectif s'appelalit "Septembre" ;) ... Il n'existe plus. L'idée était de se fédérer, mais nos univers artistiques prenaient des chemins trop différents et nos priorités n'étaient plus les mêmes pour que perdure cette belle aventure.

- J'aimerais bien parler de votre album maintenant... et j'ai pensé que j'allais peut-être vous demander de nous parler de 3 titres de votre choix (musicalement, textes, histoire)...

Hum... Que c'est difficile... L'album porte le titre de "Ravines". C'est un titre qui me tient à coeur, je pense que le texte est assez abouti et que la mise en musique colle bien au côté "poisseux" du texte. C'est ma part sombre qui s'y exprime, j'y ai mis beaucoup de moi et beaucoup de références... Certains auront sûrement remarqué les clins d'yeux à Bashung...


Un titre aux antipodes: "Le Pont des Arts": rythmé et en apparence très léger... en apparences seulement, ce titre parle aussi bien de la difficulté de vivre une histoire à deux que de la peur de la page blanche... Pour moi il n'y a que des Ponts puisqu'il faut sans cesse franchir des obstacles.


Enfin, je choisis "les hommes au revolver", parce que de tous mes titres c'est sûrement celui qui se rapproche le plus de l'univers de Jean-Louis Murat, et parce que ce morceau est le fruit d'une collaboration très étroite avec Papillon. Là encore c'est une histoire complète en elle-même et une métaphore dans son ensemble, aussi. Ce titre résonne très différemment depuis le 13 novembre, il est terriblement d'actualité... La version scénique est très différente de la version album, plus "Eastwoodienne" !

- J'ai été très interpelé par Rose-Croix  du fait de cette référence en titre (à cause d'un visiteur solitaire d'un château en Normandie- ultraprivate clin d'oeil)  et aussi de cette très jolie guitare sur ce titre (et ce grand beau final intrumental).             

Ce titre est très intime, je suis ravi de voir qu'il touche aussi un tiers !

Ce morceau est une ode à la métaphore... celle des alchimistes.
Transformer le plomb en or est le but des alchimistes. On sait depuis des siècles que cela est impossible... Mais il ne faut pas se borner au premier degré, cette quête est une métaphore de ce que doit viser l'humaniste: opérer un changement sur lui-même, faire de son quotidien quelque chose de sans cesse meilleur. Nous sommes tous de "l'hypothétique or pur", dans le sens où il ne tient qu'à nous de nous transformer, de nous transcender, de viser le meilleur.
Ce morceau est bourré de références plus ou moins ésotériques, libre à chacun de les chercher et de les décortiquer...

- Le prochain album de Fred Jimenez devrait donc vous plaire...  Comment envisagez vous la suite? Vous multipliez les concerts depuis novembre en tout cas, dont prochainement dans la boutique de la Kütü Folk?

J'ai envie de jouer, encore et toujours et le plus loin possible. J'ai déjà de quoi faire un nouvel album... peut être un moment de studio va-t-il arriver...

- Question subsidiaire: vous avez joué avec Matt Low, eu une date dans la boutique d'Alexandre Rochon...  Savez-vous si la famille Bergheaud vous a écouté?

Je suis ravi de rencontrer toutes ces personnes, mais je ne crois pas que la famille Bergheaud ait écouté... en tout cas aucun retour pour l'instant !

 

Interview réalisée par mails du 5/12/15 au 31/01/16. Merci Sébastien.

Inter-ViOUS ET MURAT- n°20 : Sébastien Polloni

On termine par un long texte de Bertrand Betsch:

  • « Ravines » de Sébastien Polloni

Par

Né un 1er juillet, Sébastien Polloni, avec son premier album « Ravines », incarne l’été de cette nouvelle chanson française décomplexée qu’a vu naître le XXIème siècle…

Artiste rôdant aux alentours de Clermont-Ferrand, Sébastien Polloni s’est adjoint les services de Dany Rodriguez alias Papillon et de Guillaume Cantillon (ex chanteur du groupe Kaolin). A eux trois, tantôt co-auteurs, co-compositeurs, co-arrangeurs et co-producteurs ils forment une sorte de triumvirat qui règne en maître sur ces 11 chansons au parfum inédit.

Déboulant de nulle part, Sébastien Polloni s’impose dès son premier essai comme un artiste déjà parfaitement accompli. Ils sont si rares ces premiers albums qui vous plantent d’emblée un décor comme on franchit un col de montagne pour déboucher sur une vallée harmonieuse qui vous en met plein les mirettes. C’est la principale force de ce disque. Tout est en place. Pas une chanson en dessous de l’autre. Une arrivée plus qu’un départ. Un véritable accomplissement. Une marque de fabrique qui tient dans ce pari fou de proposer des morceaux qui vous enrobent dès la première écoute. Des textes écrits au cordeau, des mélodies entêtantes, des arrangements composés de guitares acoustiques très présentes, relevées ici ou là par des guitares électriques tendance ligne claire, quelques notes de claviers, des batteries simples et efficaces et des chœurs comme des tapis volants.

Mi-dandy, mi-cow-boy, Sébastien Polloni impose son style original, mêlant la tourbe au miel. Ni vraiment pop, rock, folk ou chanson française pur jus, ou tout cela à la fois, Polloni impose d’emblée son propre idiome. Tantôt sophistiqué, tantôt rugueux, Polloni n’est jamais là où on l’attend. Son album « Ravines », plein de ravissements et de ravins, est de ces disques tellement rares que l’on écoute en boucle comme une envoûtante ritournelle. « Ravines » est un carrousel où l’on se plaît à tourner indéfiniment. Parfaitement maîtrisé, il participe d’une certaine idée de la grâce. De celle qui nous révèle toute la beauté du monde, dans ses évidences comme dans ses escarpements…

En bon enchanteur, Polloni distille à travers ses chansons une sorte de poésie de contrebande.

Dans cet album il y a des « secondes hors d’haleine » et « des étreintes qui traînent ».

Il y a des sortes d’incantations qui nous permettent de dompter la pénombre, de faire en sorte que nous soyons « maîtres de nos parts d’ombre » et que « la nuit apprenne à nous connaître ».

Il y a cette tendresse dans la voix, dans les mélodies finement ourlées, dans les chœurs irisés.

Il y a la valse des amoureux « le long du pont des arts », ce « pont des hasards » où chacun espère sceller une histoire d’amour au long cours.

Il y a des « ravines dont on ressort KO » et où « l’on titube le vertige à la main » mais dont on finit par se relever prêt à affronter « d’improbables matins à pisser contre un mur ».

Il y a des « hommes au revolver » et « aux manières brutales » qui n’en finissent pas de rêver de bousculer un monde trop policé pour être honnête.

Il y a des coups de sang, la menace d’un fusil, des malédictions, des coups du sort.

Il y a des effluves corporelles qui nous viennent de nos amours de jeunesse, ces « idylles surannées ou simples histoires de cul » qui ne sont « qu’un peu de chair froissée ».

Il y a la réminiscence des rondes enfantines où l’on se promet de se marier, l’un en cow-boy et l’autre en fée.

Il y a l’expression de ce sentiment de finitude qui gouverne nos existences car « même les lignes droites, même les courbes de reins, tout comme le début ont aussi une fin ».

Il y a également le désir de jouir de l’instant présent, de ne penser à rien d’autre qu’à la volupté délivrée par la chaleur d’un corps endormi dans les draps d’un matin délicat.

Il y a ce pari fou de vouloir transformer les cailloux que l’on a dans nos chaussures en diamants, d’aller puiser « dans le creuset de nos fêlures » pour en extraire « l’hypothétique or pur ».

Il y a ce mouvement de balancier sous un vieux chêne, « les poches vides, les artères pleines » avec juste cette envie de se sentir exister, pleinement, passionnément, follement.

Il y a tout cela et beaucoup d’autres choses.

L’album est sorti le 20 avril sur le label Les imprudences. Pas de risque, il vous plaira. Je vous le promets.

Bien-sûr: retrouvez nos autres interviews exclusives dans la catégorie "inter-ViOUS ET MURAT" (Françoise Hardy, Jeanne Cherhal....) dont les récents:

Eryk e

Laurent Saligault

Deux autres interviews sont programmés... on ne s'arrête plus!

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Rédigé par Pierrot

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT

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Publié le 10 Mars 2016

Après la chronique de son disque publiée en octobre dernier, je suis très fier de vous proposer une interview de LAURENT SALIGAULT, tout-à-fait inédite et exclusive: Il s'agit en effet de sa  première! C'est pourquoi, avant de parler de son album, et du fait du peu d'informations disponibles sur lui, j'ai voulu le faire parler de son parcours, son travail avec Mickey Finn, Sébastien Hoog, Merlin, Jeanne Cherhal et Barbara Carlotti notamment et c'est passionnant. Au delà de l'anecdote savoureuse qui aura sa place dans la grande histoire du rock, c'est aussi l'occasion - dans la lignée de l'interview précédente des 3 lyonnais- de parler de la vie de musicien, de la difficulté de faire vivre un disque,(même pour un vrai parisien). Un grand merci à Laurent Saligault de s'être investi dans cet exercice.

Merci de vous pencher attentivement sur ce dialogue puis d'aller découvrir la pop de Laurent sur bandcamp (CD physique disponible pour 10 euros ou en téléchargement).

 

Edit: Laurent Saligault aux 3 Baudets le 25 avril 2016, à 20h.

Laurent Saligault, the first interview.

Bonjour Laurent!

- En sachant que je vous ai découvert sur scène avec Carlotti et Cherhal qui sont deux artistes qui apprécient Murat, je souhaitais savoir si c'est aussi un artiste qui vous plait ou vous intéresse?

 Je ne connais pas ses disques.  Je crois qu’il est très prolifique mais je peux écouter. Quel album me conseillez-vous ?

- Ok !  On ne part donc pas sur l'inter-ViOUS et MURAT classique - Comme quoi, on peut faire de la « française pop »  en ignorant totalement Murat!  Je vous conseille Lilith et Parfum d'acacias au jardin -un dvd-, le Moujik et sa femme,  mais l'album Mustango est souvent celui qui est cité). Parlons-donc de vous…    Je crois que vous êtes autodidacte. Comment en êtes-vous venu à la musique?

- Je suis en effet autodidacte, j’ai commencé assez tard (17 ans). Avant je voulais être footballeur.  J’avais des amis de lycée qui avaient un groupe mais sans bassiste, ni chanteur.  Je ne savais pas jouer de basse et mon expérience du chant se limitait à des imitations sur les vinyles des Beatles dans ma salle à manger.   J’ai trouvé un job dans une poissonnerie pour l’été dans le but de m’acheter une basse et en attendant, un ami m’a prêté une guitare classique pour que j’apprenne des lignes de basse.

J’ai bossé sur le double rouge des Beatles (la compilation des singles) et sur The Cure, mais du coup j’ai appris à jouer de la guitare et tout de suite l’envie m’est venue d’écrire des chansons… En juillet, j’ai acheté ma première basse (une Fender Precision). Dès ce jour, j’ai stoppé le foot et décidé d’être musicien. Premiers concerts de rock (chanté en anglais) à la fête du lycée puis dans les bars, premières maquettes. Ensuite,  j’ai rencontré Seb Hoog (1994) on a fait nos classes ensemble dans les clubs de blues rock, on jouait les Stones, les Beatles, les Who, Bowie, Hendrix….

 

- Avec Sébastien Hoog, une amitié de plus de 30 ans donc, je l'apprends... mais on y reviendra... 

 On se connait avec Seb depuis le 1 octobre 1994, on cherchait un guitariste pour notre Groupe (the Sticky Beets), il travaillait dans un magasin de musique à Pigalle, on s’est tout de suite entendu ! Lui Hendrix, moi les Beatles.

Sébastien derrière Izia (copyright Julien Mignot-Babel)

- Footballeur, vous étiez vraiment sur la voie du professionnalisme ? A quel poste ? (j’ai vu une DRH qui m’a dit que c’était important de donner son poste dans un CV!).

J’étais gardien de but, pas mauvais mais trop petit (1m72) le football changeait à l’aube des années 90 : plus physique. J’étais un gringalet, suite à des blessures j’ai fait 2 matches en Division d’Honneur qui à l’époque était le 5eme niveau en partant d’en haut.  Gardien de but et bassiste c’est pareil ;-))

- A partir de ce moment-là, vous devenez ainsi rapidement musicien professionnel?  Vous jouez avec le fameux Micky Finn (à ne pas confondre avec le batteur de Marc Bolan .comme certains journaux à la mort de ce dernier).   Pouvez-vous nous parler de cette expérience avec ce musicien de Nino Ferrer et d'Higelin et qui disait ne pas aimer les musiciens français? 

Avant de parler de Micky,   il faut passer par la case Alain Gouillard (dit Merlin). Avec Seb nous faisions les bars de rock blues. Un jour,  notre batteur n’était pas dispo pour une date et  il nous a envoyé  Merlin, batteur virtuose, de quinze ans notre ainé, qui avait joué, entre autre, avec Edition spéciale, Océan, HF Thiefaine et Bertignac. Nous l’avons gardé et ça a été le début d’une époque : le groupe Ego (qui existe encore). Ça a été pour nous le premier contact avec un musicien confirmé, reconnu et professionnel. Je dois reconnaitre, qu’en tant que bassiste, je lui dois beaucoup et Seb dirait la même chose…

Micky,  je le connaissais depuis longtemps sur les vinyles de Nino. Un jour, Merlin m’a appelé pour me dire que Micky remontait les Bluemen, son groupe des années soixante, et qu’il l’avait recruté à la batterie en lui laissant le choix du bassiste ! Etant également chanteur, je me suis retrouvé Bassiste/chanteur de Micky Finn and the Bluemen. 

Micky était un grand, on apprenait juste en l’écoutant jouer…  je veux bien en parler mais il faut un chapitre juste pour ça !

   pochette Higelin à Mogador3 pages sur Mickey dans un livre sur Nino Ferrer

- Mais vous avez donc fait partie du même groupe que Jimmy Page!...  C'est impératif de s'attarder d'autant que j'aime beaucoup l'histoire du rock à travers des personnages, et  mettre en lumière sur le blog certains "oubliés"!   Comme à chaque fois que j'ai une question sur les années 70, j'ai interrogé MICHEL ZACHA... Voici ce qu'il m'a dit: "Micky, Je l'ai connu en 68 à St-Trop  [il était effectivement animateur d'une boite là-bas]. Très cool… très discret et extrêmement doux, disponible et gentil".    Dans une interview accordée en 1991 aux «Inrockuptibles » (n° 30), Nino Ferrer évoque son Micky avec une fin magnifique: « Il avait joué avec tout le monde, les Pretty Things, les Stones, les Small Faces, Electric Banana... Avec lui ça a été une grande aventure, il m'a beaucoup marqué. Nous sommes restés amis, je l'aime très très fort. Il m'a beaucoup apporté, c'est un frère (…) C'est le genre de type qui me téléphone bourré d'un bar d' Hambourg à six heures du matin pour me dire qu'il pense à nous et qu'il nous aime. Un vrai bohémien, un gitan... Il pourrait être aujourd'hui le guitariste des Stones, mais il est trop destroy. Il n'a pas de maison, pas de fric, pas de vêtements. Si tu travailles avec lui tu dois lui prêter ta guitare, ton ampli... Il explose ton ampli, fout ta voiture dans le fossé, vide ton frigidaire, met le feu à ta maison. Quel mec génial ! ».    Est-ce qu'il s'était un peu assagi à l'époque?

Pas vraiment assagi non !   Tout ce que dit Nino est vrai, je l’ai vérifié de 1999 à 2006, nous avons fait un paquet de concerts la plupart dans des bars, mais aussi chez les bikers…

C’est la personne la plus attachante que je n’ai jamais rencontrée, très doux, guitariste mais aussi auteur-compositeur extraordinaire,  vraiment très drôle et hyper R’n’R. Bien sûr, il buvait une quantité d’alcool impressionnante, vivait chez des potes ou des maitresses, taxait des guitares… Il lui arrivait toujours des trucs incroyables. Sans exagérer, j’ai au moins une vingtaine d’anecdotes incroyables et drôles…  Mais il faut surtout retenir de lui son « son », cette main droite incisive très British et ses chansons… 

 

- Sans en faire un chapitre, ah, svp, contez nous au moins une de ces anecdotes  à ranger dans la grande histoire du rock and roll  (on l'y rangera à côté de l'histoire de la  bouteille de J.Daniels que sa fille a fait circuler durant la cérémonie d'enterrement).

Nous jouions à Orbec, au Bar de la Mairie je crois et Micky avait mal aux dents,  du coup il était d’une sobriété rare, même boire était pour lui peu agréable. Après la balance, je suis allé à la pharmacie lui acheter du Synthol puis j’ai vaqué à mes occupations.

Au repas du soir, avant le concert,  Micky me dit : « yeah Lolo c’est super ton truc ! Ca marche drôlement bien ».   On commence le concert. Il avait posé sur son ampli une pinte de blonde, un petit verre de whisky et la bouteille de Synthol à moitié vide. C’était un de ces début de concert où il jouait super (pour trois concerts, il y en avait un énorme, un moyen où ça restait encore très bien et un vraiment catastrophique). Je me souviens qu’après la 2eme chanson,  je le vois se diriger vers son ampli, prendre la bouteille de Synthol et la finir cul sec ! Ensuite,  il attrape le verre de whisky, le vide dans sa pinte et en boit une bonne moitié !

Merlin heureusement avait tout vu ! Lui et moi avons passé le 3eme morceau en larmes, mort de rire, à ne pouvoir plus respirer et encore moins chanter. Micky m’a confirmé ensuite qu’il avait  bien tout bu (la première moitié dans l’après-midi). Le concert, ce soir-là, fut excellent car Micky du coup avait commencé à boire tard ou alors le Synthol en boisson a des vertus inconnues… Reste à savoir s’il savait qu’il s’agissait juste de bains de bouche ? Je pense que oui (malgré son air ingénu quand je lui ai dit… après) mais qu’il a eu envie d’essayer quelque chose, que ça marcherait mieux comme ça…

(en fin d'article, une vidéo avec Micky, Merlin et Laurent).

1999 : Enregistrement de l'album "Black hole" de Mickey Finn and the blue men avec Micky Finn (Guitares et chant), Merlin à la batterie et Laurent Saligault à la basse + 4 titres "go clean" en 2002.

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- Et  c'est un peu une surprise (on vous connait plus dans l'environnement pop de Cherhal et Carlotti) que de vous découvrir bluesman à bikers!!  C'était une musique dans laquelle vous vous épanouissiez?  Dans la vidéo, vous parlez aussi d'un concert avec Luther Allison (le genre de souvenir peut-être assez unique, et qui a tendance à devenir "légendaire" - petit clin d'œil au  pote de Murat Christophe Pie, batteur des Delano Orchestra, qui a joué avec Chuck Berry...)?

En fait, j’ai fait mes armes dans ce milieu (Seb également) et même dans le milieu chanson/pop,  je pense avoir une image plutôt R’n’R, Barbara l’est aussi dans son genre, la basse/batterie/guitare d’"histoire(s) de J" aussi…

J’ai fait une quantité énorme de clubs et bars  avec Sticky beets, Ego et Micky, peut-être 500…. J’ai chanté la voix reprise dans un ampli de guitare dans toutes sortes de lieux (y compris chez un vendeur de pneus) et notamment aux Puces de St-Ouen (où j’ai rencontré Luther Alison, Merlin, Micky et tant d’autres)… D’ailleurs, nous y avons joué avec Seb et Merlin le 14 février (Brasserie Biron).

 

- Ego est le groupe que vous avez avec Merlin et Sébastien, aviez? (répertoire Who, Led Zeppelin, Beatles ai-je lu).     Quant au Stinky Beets, pouvez-vous nous en dire plus?  (le nom a été repris par d'autres)

Ego existe toujours mais il tourne au ralenti. Par contre, quand on joue, c’est du lourd : Power trio!

Pour les Sticky Beets (betteraves collantes), il s’agit de  mon premier groupe formé avec mon pote de collège Jean Serge Karsky (batterie), ensuite nous avons intégré 2 voisins (et amis d’enfance)  de l’immeuble ou j’ai grandi dans le marais : Paolo Lauri (basse) et Eric Kipnis (guitare). Moi, je tenais la guitare rythmique plus pratique pour la composition. Enfin, il y avait  un chanteur new-yorkais Tadzio Koelb. Nous faisions du pop rock en anglais.  Au bout de deux ans,  les autres ont jeté l’éponge.  Nous nous sommes retrouvé Jean Serge et moi, je suis parti à l’armée (et oui) et puis nous avons décidé que je repasserai à la basse et au chant et que nous recruterions un guitariste (Seb Hoog), un pianiste (Ed Schmitt) complètera le line up (1994/95). Aucun disque ne sortira de ces 2 périodes mais j’ai un sac de sport rempli de cassettes 4 pistes. On avait des super chansons…

Ego

Sébastien HOOG, compositeur d'Izia, arrangeur d'"histoire(s) de J." pour Cherhal:  "Un petit mot sur Laurent? Tu peux lui dire que je suis fier d'avoir appris la musique avec lui..."

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- Durant toute cette période-là,  avez-vous travaillé en "studio" avec ces artistes ou d'autres? (repère: Sébastien commence à travailler avec Barbara en 2006, puis pour Daphné et Izia)


Quand j’ai dissous le groupe (Sticky Beets) en 95,  Seb et moi avons commencé à apprendre notre métier  dans les bars parisiens (rencontre avec Merlin),  nous jouions un peu partout : le chat noir, who’s bar, Baryton et tant d’autres…
Moi,  je continuais à vouloir défendre mes chansons (en français maintenant). Quand nous avons monté Ego, l’objectif était d’enregistrer des originaux. Nous avons enregistré un disque de 10 titres (4 Saligault, 4 Merlin, 2 Hoog) qui est sorti en 50 exemplaires (c’est vrai !).  Mais le groupe battait déjà de l’aile : Seb jouait dans un groupe en Angleterre, il commençait à être dans le  bizz (ah ah) : Big Mama puis Barbara alors quand Merlin m’a proposé Micky, j’ai dit "Tant pis ».

Au final,  cette période a duré de 1996 à 2004 environ. Dans mon coin, je continuais à enregistrer chez moi un bon paquet de chansons que je jetais pour en écrire des meilleurs (j’en ai 150).  J’avais fait un quatre titres mais que je n’assumais pas complètement. Je jouais dans pleins de projets annexes  à Micky [Catholic Boys], mais toujours dans les bars et vivait de cachets en cash et du RMI. 

Ego (collection personnelle de Sébastien)

- Comment cela s'est-il enchainé ensuite pour vous?

Seb jouais de la basse avec Barbara Carlotti  (tournée les lys brisées) que je ne connaissais pas et puis,  il a eu Daphné et je l’ai remplacé sur les 6 dernières dates de la tournée. Puis, Barbara a fait « L’idéal »  et je suis reparti deux ans en tournée (2008/2009). Après,  j’ai réalisé un EP pour Vanessa Chassaigne,  puis j’ai rencontré Antoine Leonpaul qui venait de sortir son premier disque et partait en tournée : je l’ai accompagné à la basse et à la guitare avec Stéphane Bellity (Ricky Hollywood) à la Batterie (2010/2011). 

Parallèlement, avec toutes  ces fréquentations,   j’affinais mon style et continuais à « remplacer » mes chansons par des meilleures!  Ensuite,  Barbara sort L’amour l’argent le vent et on repart en tournée en 2012/2013. Là,  ça s’accélère un peu : Jeanne Cherhal me demande de faire la basse pour son projet Amoureuse au 104 (2012) puis d’enregistrer son prochain disque (août 2013) puis de faire la tournée (2014/15). 

Parallèlement, je réalise une signature sonore pour Marionnaud qui va s’avérer lucrative : je m’achète un Magnéto à bandes, des micros, des préamplis,  bref du bon matos, et j’entame en avril 2013 la production de mon premier disque.  En juin de cette même année,  je fais la basse pour le 2eme Disque de Nicolas Comment avec Raphaël Leger à la batterie que j’ai rencontré sur Barbara C.   et qui est le batteur du groupe Tahiti 80.  En ce moment, il produit le disque de Cléa Vincent [vous les accompagnez parfois sur scène] et a  tenu les baguettes sur mon disque.

 

- J'avais un peu imaginé que votre disque était celui d'un  (bébé)requin de studio, ou d'un musicien  qui voulait s'affirmer, et je constate que c'est en fait un projet muri depuis de très nombreuses années par un auteur-compositeur interprète.   Encore quelques questions sur ces collaborations:  je suis forcé de vous faire parler de Barbara et Jeanne, dont j'ai tant parlé sur le blog... et des soirées merveilleuses que vous m'avez fait vivre avec elle (au moins 5 je pense). Que pourriez-nous vous dire sur Barbara?  Un souvenir de concerts ? (vous terminiez à la guitare, avec elle au milieu du public).

Barbara est quelqu’un de super qui se met toujours en danger artistiquement. En plus de son immense talent,  elle est travailleuse, drôle et fidèle. J’ai fait 2 grosses tournées avec elle et d’innombrables projets annexes. Entre ses tournées, elle écrit toujours de nouvelles choses (conférences chantées, spectacles littéraire).  Du coup quand on bosse avec elle, on doit toujours apprendre des nouveaux morceaux !

Le groupe est l’un des plus drôles jamais rencontrés (JP Petit : guitare / Benjamin Esdraffo : claviers / Raphaël Leger : Batterie et choeurs / Jérémie Régner : claviers, percussions et choeurs / Laurent saligault : basse, guitare et choeurs). On a vraiment beaucoup rigolé durant toutes  ces années.

Pour l’anecdote et puisque vous parlez de « bête farouche » (guitare au milieu du public),  voici une histoire qui résume l’esprit qu’il règne dans cette équipe : Barbara se perd entre les sièges du public et capte toute la lumière, j’arrive en 2eme position avec une partie de guitare pas simple à jouer en me faufilant parmi les gens dans les rangées étroites de fauteuils ou dans les allées en escalier, souvent dans la pénombre, ensuite, arrive le reste du groupe, faisant choeurs et percussion. Pendant les 3 minutes que dure la chanson, c’est l’occasion, pour les 4 cancres qui suivent derrière moi, de blagues diverses et loufoques (toujours drôles bien sûr) ! Barbara à ce moment est connectée au public et même aux gens puisqu’elle les touche et qu’ils peuvent la toucher, moi je suis connecté à Barbara pour que la chanson se passe bien et eux, il profite que la maitresse ait le dos tourné pour embêter le 1er de la classe (que je suis à ce moment-là)…

 

Barbara, la grande prêtesse.

Comment je n'ai pas assuré avec Barbara Carlotti  et un 2e compte-rendu de concert

Vidéo en fin d'article d'un set de janvier 2016 (Barbara et Laurent au petit bain, à Paris)

- Ah, ils ont été discrets dans les concerts auxquels j’ai assistés… L’anecdote est amusante en tout cas, car  les musiciens faisaient très sérieux, voire patibulaires… 

Même question pour Jeanne (vous aviez sévèrement remué le théâtre de Fourvière cet été notamment).

Pour Jeanne,  c’est une ambiance finalement assez similaire. Si Jeanne est peut-être un plus sage, l’équipe  n’est pas en reste en matière de  rigolades. Sur scène,  je suis particulièrement connecté avec Jeanne par le fait que nous jouons tous les 2 des lignes de Basse (elle au piano). Nous avons quelques passages duo (l’oreille coupée, j’ai faim, noxolo, femme debout) où nous jouons juste tous les deux et où la connexion est indispensable. Jeanne entend tout ce qui se passe, c’est une excellente musicienne doublée d’une talentueuse compositrice. Les deux barbus qui avec moi forment le trio « hacking band » sont des sérieux également, Seb qui est mon frère musical, et Eric Piffeteau (Little Rabbit) qui est un de mes batteurs préférés (super son et laid back). Les bons soirs,  quand la machine est huilée, il y a les chansons délicates et charismatiques de Jeanne avec derrière elle une fantastique locomotive électrique.

- Est-ce que ces participations marquantes  (je rappelle que Seb Hoog a réalisé Histoire(s) de J,) ont fait évoluer votre propre travail? 

En termes de méthode certainement (j’entends l’organisation, les réseaux, etc…).  Il est également certain que l’écriture de Barbara et des autres (je pense aussi à Antoine Leonpaul) m’a influencé à force de fréquentation. Avec Seb les influences sont miroirs. Je n’ai jamais été complaisant avec mes chansons, j’ai toujours voulu progresser et j’ai énormément écrit, enregistré, composé. Je suis un laborieux et j’aime ça.

- Ces concerts avaient certains éléments de mise en scène, de scénographie (qui ne vous impliquait pas énormément certes), comment vous sentez-vous avec cela?  Le côté "comédie" de la scène? Et le côté "très cadré" d'un set? (Murat revendique de ne jamais jouer un morceau de la même façon).

Je viens de la pop musique, donc a priori c’n’est pas trop mon truc, tout au moins pour mon projet. En tant qu’accompagnateur,  je n’ai rien contre au contraire (Barbara le fait beaucoup). Ca peut être drôle même quand je vais voir un concert d’un artiste que j’aime, j’aime bien qu’il enchaine les chansons et qu'il les joue bien. Parler 2 heures entre les titres, une fois par concert pour le lien avec le public je comprends mais parfois la tchatche masque le talent, Mick jagger laisse rarement passer une minute entre deux chansons et j’aime ça … Après,  je ne suis pas un extrémiste et quand c’est bien fait, je le reconnais. 

En résumé en tant que musicien,  le côté comédie c’est souvent cool (ça fait des pauses, ça donne du rythme au show…),  en tant qu’auditeur ou interprète je préfère un truc plus rock.

- Petite précision pour mieux connaitre la vie de musicien:   toutes ces rencontres se sont faites petit à petit, de contact en contact? Ou bien avez-vous tout de même un agent, avez-fait des essais pour décrocher des engagements?   Est-ce que c'est d'avoir pu assurer votre intermittence dans les années récentes qui vous permet de concrétiser ce projet solo?  
 

Petit à petit, de contact en contact sans chercher à "faire du réseau" (ce que font beaucoup d’entre nous) et je n’ai jamais eu d’agent. Il faut sortir, trainer, s’intéresser aux autres projets, ne pas hésiter à dire : «  j’aimerais jouer avec toi », et s’activer sur les réseaux sociaux. Après, si on a  une bonne gueule/look, qu’on travaille vite (mon cas), qu’on a de l’humour, qu’on est sérieux et surtout qu’on est bon, alors c’est plus facile…

 

- J'ai découvert avant hier Antoine Léonpaul. Vous êtes arrivé dans son parcours après son premier album, mais vous travaillez maintenant plus étroitement avec lui. Pouvez-vous nous en parler? Ce nouvel album est-il encore signé chez Because?

J’ai rencontré Antoine en 2010, il venait de sortir son premier album, il cherchait un musicien polyvalent pour l’accompagner (basse, guitare et choeurs). On s’est tout de suite bien entendu et on a finalement intégré un batteur (Stephane  Bellity) que je connaissais. On a fait une vingtaine de concerts.   On est devenu amis : même génération, même quartier d’enfance, même goût pour le matos vintage et la production à domicile et puis Nino Ferrer, William Sheller…

A la fin de la tournée,  on a commencé à enregistrer chez lui ses nouvelles chansons, j’ai fait quasiment toutes les guitares et basses, c’est un bon songwriter. Le nouvel album n’est pas encore sorti et je ne sais pas dans quel cadre il sortira. Il travaille aussi sur des tournages, il a réalisé mon clip (Ma Vieille Honda), il est également auteur (pour Michel Muller).

au Printemps de Bourges. Bertrand VACARISAS / PURECHARTS.FR


- Encore un dernier mot sur une autre collaboration passée ou future, Vanessa Chassaigne peut-être?

Avec Vanessa, on a écrit une petite dizaine de chansons, je l’ai rencontrée alors qu’elle cherchait un bassiste, j’ai emmené avec moi Raphael Leger et on a joué en trio. Vanessa organise depuis 2009 un petit festival  dans une ferme marine près de Sète (Août). Depuis 2010, je les ai tous fait ! C’est un lieu paradisiaque et au fil des années la programmation s’étoffe. J’y ai rencontré et accompagné Antoine (trois fois), joué avec mes chansons (4 fois), accompagné Mehdi Zannad (2 fois), Nicolas Comment,  Vanessa bien sûr (chaque année), Barbara Carlotti en duo (2015). Pour compléter la liste de ceux qui y ont joué : Rover, JP Nataf, Mathieu Bogaert, Laetitia Shérif, Ricky Hollywood, Luce, Batist (qui joue la guitare dans mon Trio), The Rodéo, O, Wilfried etc.

En 2011, j’ai produit un cinq titres chez moi, des chansons qu’elle avait écrites avec Jay Alenski (compositeur de Lio). Je ne travaille avec elle que très rarement aujourd’hui (faute de temps).


* Medhi Zannad (Fugu, qui a droit à son article dans « la française pop » de Conte. La Féline, récemment interviewée, en a été aussi.

la photo de couverture sur fb de la page de Vanessa

Festival "sur le sable" à Vic La Gardiole.

 

- Passons enfin  à votre disque...  Vous nous avez dit que vous aviez un gros stock de titres, est-ce que vous avez  eu un fil directeur pour en choisir  8?

Non. J’ai pris les 8 qui me paraissaient les plus aboutis. En fait, je compose en maquettant (pour l’écriture des textes,  c’est toujours quelque chose de chaotique et sans méthode de travail). Depuis une dizaine d’année,  j’ai trois dossiers sur mon mac : « bloc note »  qui sont les idées jetées en vrac ou des musiques sans texte ou une phrase de départ,  « honneur » qui sont les chansons terminées mais que je ne considère pas assez fortes, des chansons de travail ou des exercices de style. Et enfin « premium » qui sont les chansons les plus excitantes souvent les récentes pas encore désenchantées par le temps. Les chansons vont de l’un à l’autre selon mon humeur, mes goûts ou l’avis d’un ami.

Pour illustrer mon propos, je prépare en ce moment la production de mon prochain disque, j’ai écrit une nouvelle chanson, les 8 autres viennent  du bloc note et la dernière est une rescapée de « honneur » ayant retrouvé grâce à mes yeux.

Pour répondre à votre question, plus qu’au fil conducteur, je pense à la variété des titres sur un même disque (up tempo, ballade, morceau bizarre, morceau long ou court et si possible tube ;-).   J’ai grandi à l’école Beatles qui pouvait mettre sur un même disque Eleonor Rigby, Yellow Submarine et Tomorrow Never Knows (Revolver).

 

- Mon idée en  posant cette question du fil directeur était d'aborder cette dictature du "storytelling" pour exister médiatiquement et dans les labels (Burgalat expliquait qu'il ne sortait pas un disque prêt parce qu'il n'avait rien de particulier à en dire). Qu'en pensez-vous?

C’est sûr que d’un point de vue bizness c’est toujours mieux d’avoir une histoire à mettre en avant, même si c’est souvent indigeste d’entendre toujours la même histoire dans toute les émissions où un chanteur passe faire sa promo.

J’aime assez l’idée de faire un disque parce qu’on a des chansons, point. Après,  il y a le conceptuel (par exemple faire un disque tout seul, ou sur un vieux magnéto, ou ceux qui partent écrire et enregistrer dans un pays lointain, ou ceux qui font un disque après une rupture ou une naissance ou encore sur un seul thème, etc.),  je pense y venir un jour mais un premier disque c’est souvent une présentation donc pas besoin d’en dire plus.  Je peux parler de chaque chanson (comment, quand et où m’est venue l’idée, ou comment, où et avec qui je l’ai produit) mais je n’ai pas grand-chose à dire en général sur ce disque, si ce n’est que je suis content de l’avoir accouché (et produit) moi-même, que j’en suis content car je pense qu’il vieillira bien et que j’ai hâte de faire le suivant.

 

- Du coup,  est-ce que vous avez eu des contacts avec des labels? Ou avez-vous eu une stratégie un peu différente (Pain Noir était sorti en digital avec microcultures, ce qui lui a ensuite permis de signer)?  la question m'intéresse parce que je suis quand même étonné que ça ne trouve pas preneur... 

Là vous touchez le point sensible ! Car si j’accompagne sur scène et en studio des artistes confirmés et surtout signés, que je fréquente leurs labels, tourneurs éditeurs et autres managers, il n’est pas évident pour moi (et pour tant de mes collègues chanteurs) de se mettre en avant vis à vis d’eux, c’est à dire, se mettre dans la lumière et dire : je chante, j’écris, je compose etc. Je n’ai pas encore assez confiance en moi pour « y aller » complètement. Evidemment, j’ai démarché à gauche à droite (j’ai quand même donné plus de 200 disques),  avec quelques résultats (surtout des concerts) mais si on n’est pas un bulldog (ce qui est mon cas), c’est plus difficile.  Je ne suis pas du genre à harceler un directeur artistique tous les jours pour qu’il me signe. J’ai été quelque peu refroidi quand j’ai distribué mon disque autour de moi (j’entends les gens du bizz qui me connaissent en tant que bassiste) par le nombre  « super Lolo,  je te fais un retour honnête, je te dis ce que j’en pense" et qui ne m’ont jamais répondu.

Du coup, ma stratégie  c’est : avoir de la visibilité sur internet et surtout faire des concerts (clubs, petites salles,  pour rencontrer d’autres personnes susceptibles d’aimer ma musique). Pour le prochain, je vais travailler différemment, c’est à dire démarcher les pros avec mes maquettes, et si rien ne se passe je le produirais moi-même comme pour le premier.

- ... Je vous prends au mot...  Pourriez-vous nous parler de 3 de vos chansons?  Libre à vous d'en dire ce que vous souhaitez...   

Ma Vieille Honda a été écrite en Grèce, sur l’ile d’Amorgos, dans les Cyclades, elle fait partie de ces rares chansons que j’ai composées sans instrument à portée de main.

Ça peut faire cliché ou exagéré mais c’est la stricte vérité,  nous étions avec mon amie sur un ponton près des rochers, un site de baignade idéal, elle son livre, moi mon cahier acheté sur l’ile et je me suis mis en une après-midi à écrire tout un tas de chansons,  quelques mots que je me chantais dans la tête puis j’écrivais sans difficulté l’intégralité du texte. Quand j’ai eu fini la première,  je suis descendu dans l’eau 5 minutes  puis remonté écrire la suivante, et ainsi de suite jusqu’à l’heure de partir boire une Mythos, quand le soleil passe au-dessus des collines. Le lendemain, nous sommes revenus nous baigner dans ce lieu et j’ai repris mon travail presque comme un rituel, c’était devenu un jeu¸ je m’interdisais de me baigner tant que je n’avais pas fini la chanson en cours (il faisait 30°). Ce deuxième jour, je me souviens avoir écrit une chanson appelée « sur les rochers » m’être baigné et être ressorti de l’eau avec cette phrase « j’aimerais tant être un autre que tu n’connaitrais pas pour retenter ma chance avec toi, comme si tu n’m’avais jamais vu »,  le tout avec la mélodie ! Je me suis assis et j’ai tout écrit d’un trait, l’idée de la honda était provisoire,  presque pour boucher un trou, puis le soir en relisant, je me suis dit :  « ben non c’est cool la honda, ça fait route, romantique, un peu loser » (dans l’histoire il s’agit d’une voiture et non d’une moto).  Le problème était de me souvenir de la mélodie (je n’écris pas la musique), je l’ai évidemment perdu le soir en allant manger etc.  Mais le lendemain matin elle est revenue définitivement dans ma tête.

En rentrant à Paris,  j’ai commencé à enregistrer des maquettes de la chanson dans tous les sens  (j’en ai 5 versions). Elle fut le déclencheur de mon projet de disque, chronologiquement c’est la 3eme plus ancienne, mais j’avais enfin ma chanson référence résumant mon identité musicale et ce que je suis. Durant ces mêmes vacances,  j’ai écrit le texte de Blue Star ferry.

Carton est une autre chanson importante pour ma construction. Elle est la deuxième plus ancienne (la plus vieille étant Fatigué). Elle date de l’époque où j’avais vraiment du mal à finir une chanson, je faisais écouter mes démos à mes amis et je sentais bien que ce n’était pas encore ça ! Je me souviens, j’étais à Lyon après un concert avec je ne sais plus qui, et j’ai fait écouter cette minute de démo que j’avais enregistré peu de temps auparavant, il y avait un petit orgue, une basse, un tambourin et ma voix suraigu qui chantait la mélodie avec des « tadadas », il y avait un couplet et un refrain pas plus. Une personne que je ne connaissais pas a dit  «  c’est joli ça ! ».

Rentré chez moi, j’ai ouvert le Bloc note¸ extirpé le dossier appelé « aigu bizarre »,  j’ai copié collé 3 fois le couplet/refrain,  ouvert une piste voix, chanté la première phrase :  « j’ai tous les bonbons, tous les moutons, tous les garçons »,  c’était une voix inédite pour moi, je me suis pris au jeu,  j’écrivais un phrase sur un bout de papier et je l’enregistrais. Au final, j’ai eu ce texte bizarre avec cette voix bizarre. C’était provisoire, en attendant… Je n’ai jamais ni rechanté ni réécrit quoi que ce soit car ces voix/textes sont ceux qui figurent sur le disque ! J’ai tout enregistré autour. Tous les gens à qui je faisais écouter me disait : « elle est super cette voix, tu pourras jamais refaire mieux ».  De plus, sans faire exprès,  j’avais écrit une chanson sur la douleur mentale des gens qui dorment dans la rue sans que ce soit tire larme, moraliste ou je ne sais quoi.

Il n’y a que le final (voix plus grave sur les grosses guitares de Seb Hoog) que j’ai chanté au plus tard 

Civic est la petite dernière de l’album (même si elle joue en premier). En terme de réalisation,  c’est ma préférée. Quand j’ai décidé de me lancer dans la production de mon disque, j’étais en pleine tournée L’amour l’argent le vent avec Barbara et je découvrais le musicien qu’elle avait ajouté à l’équipe pour cette tournée : Jérémie Régner : un grand, auteur compositeur interprète, clavier, percussionniste choriste etc. On s’est toute suite entendu musicalement, la même passion pour McCartney et le matériel vintage.

J’avais bien avancé dans ma sélection de chanson,  j’en avais 7 qui tenait la route et je cherchais ma huitième (je m’étais dit que 8 c’était bien pour un premier). Un jour dans le tour bus,  je lui fais écouter une chanson un peu bizarre car en 7 temps (nous faisions beaucoup ce genre de truc avec Ego)  pour la tester, sauf que j’avais muté (coupé) la voix.

Il écoute au casque et moi je ne sais pas qu’il n’y pas la voix. A la fin, il me dit « super ! c’est bien d’avoir un instru sur un disque ».  Ca a fait tilt, je l’ai enregistré avec Raphael Léger (batterie) sur mon magnéto à bandes la semaine d’après. La basse est le seul instru qui date de la démo.  A partir d’elle, j’ai fait les acoustiques (même session que batterie),  puis un jour que Seb passait à la maison, il m’a fait quelques solos que j’ai montés ensuite, et puis enfin Jérémie est venu enregistrer toute une clique de claviers. Après j’ai rajouté des chœurs et bidouillé avec des bandes de classique qui trainaient dans ma boite de bandes.

- En matière de textes, vous vous disiez besogneux mais vous racontez là une écriture rapide sur un bout de serviettes… Est-ce que vous vous sentez auteur ? est-ce important pour vous de chanter vos propres mots ?  Que pouvez-vous nous dire de votre écriture ?

En fait je dois avoir un complexe social qui me fait dire ça (fils d’ouvrier, petit fils de paysans) mais en vrai je me rends compte que c’est les autres auteurs qui ne parlent pas de leurs difficultés à finir un texte, ou à trouver un thème. Finalement, je ne me sens pas auteur mais j’en suis un ! Je pourrais chanter les mots des autres s’ils sont issus d’une collaboration de travail, par exemple un texte dont j’aurais fait la musique et qu’on aurait peaufiné avec l’auteur dans le cadre d’une séance de travail.

Hormis les 4, 5 titres écrits d’un seul jet, j’aurais plutôt tendance à écrire en chantant sur mes maquettes, en tout cas pour l’idée de départ, après c’est le brainstorming qui commence, je travaille sans jamais être content vraiment, et puis ça vient d’un coup sans prévenir. Dans les textes, je pense être un romantique qui a un peu peur de se prendre au sérieux et qui du coup met toujours une note légère, ou psychédélique, ou drôle soit au sein d’une même chanson, soit d’un groupe de chansons (un disque par exemple  avec une ballade romantique un up tempo avec un texte léger, puis un texte avec un thème plus grave, une drôlerie etc.). Quoiqu’il en soit j’écris pour la chanson, les textes sortis de la musique, ce n’est pas mon truc. En résumé je suis un rockeur qui aime la variété c’est toujours mieux qu’un chanteur de variété qui s’essaye au rock !

- Dans ma chronique,  J'ai parlé des Who à l'écoute de  "blue star ferry"... Est-ce que c'est effectivement une référence que vous aviez en tête pour ce titre?

Vous avez vu juste ! Les Who sont inscrits définitivement dans ma carte d’identité musicale. Avec Seb et Merlin,  on joue une partie de Tommy sur scène (enfin sur les estrades des bars),  plus quelques standards  (substitute, my génération…).

Avec Seb,  on a déchiffré tout ça pendant notre saison comme g.o. musiciens au club med d’Otranto dans les Pouilles(1998). Quand j’aborde un nouveau morceau,  il y a toujours le truc récent entendu qui me donne envie, mais à peine commencé le travail, il y a une lutte entre ma construction musicale et le désir de me surprendre ! Pour Blue star ferry (qui est le nom de la compagnie grecque),  le basse/batterie est très Who je le concède mais c’est sans m’en rendre compte tellement j’ai écouté, joué et chanté ce groupe.

Il en est de même pour les Beatles ("pendant les zones de turbulences » archi LennonMcCartney). Dans la liste de groupes que j’ai en moi, on peut rajouter les Stones,  les Floyd, Dylan, Neil Young, The Cure, ACDC,  Bowie et pour le français, Nino Ferrer, Polnareff, Sheller et tellement d’autres (Mlle Carlotti…).

- Concernant l'instru, j'ai pensé à Florent Marchet, qui en place un  dans tous ses albums, et en profite pour faire des références à des grands compositeurs :Colombier, De Roubaix, Morricone... et c'est amusant d'apprendre que c'était un peu le hasard vous qui vous a orienté là-dessus.  Florent Marchet lui par contre, fait le choix presque d'une "pastille", 1min30, générant une frustration certaine.... mais évitant l'épineuse question "comment mettre une fin à un morceau instrumentale?" Est-ce que c'est une question que vous vous êtes posée?

En fait,  ma principale inspiration pour les instrumentaux, c’est les albums McCartney I (1970) et McCartney II (1980),  disques truffés d’instrumentaux. Mais aussi avec Ego nous en avions 3 ou 4. Mon prochain disque commencera également avec un instru, je trouve ça élégant de ne pas imposer sa voix et ses textes dès le premier titre.

Pour la fin,  j’ai voulu mettre ce petit montage car j’ai toujours aimé bidouiller avec les magnétos à bandes,  il s’agit d’une création à partir d’un truc classique (je ne sais pas quoi),  découpé aux ciseaux et recollé presque aléatoirement (truc piqué au Beatles, qui avaient dû le piquer à je ne sais quel avant-gardiste). Au départ,  ça durait 1mn de plus (ouf). Je pense l’avoir mis là pour dire « ok c’est mon premier disque, je prends des voix sérieuses, chante des trucs mélancoliques, me la pète sur la photo,  mais tout ça n’est pas sérieux, c’est juste pour mon plaisir ».

- La dernière question que m'évoque ce point:  Est-ce que composer une musique de films vous intéresserait?

J’ai fait, en 1991,  une chanson (aucun intérêt) pour le court-métrage d’une amie et après,  quelques tentatives non retenues, mais j’adorerais ça !  Sinon j’ai fait en 2013 cette signature musicale pour Marionnaud qui a financé mon disque.

- Jeanne a dit de son trio de "histoire(s) de J": "ils sont restés bloqués dans les années 70"...   Qu'est-ce que vous en pensez?   Et si vous "rejetez cette affirmation",  est-ce que vous avez d'autres références plus immédiates (en matière de pop, on s'attend à ce que nous cite Daho, Dominique A, Murat, JP Nataf ou les innocents...)?  Vous citiez Sheller, qu’a-t-il de particulier à vos yeux?

C’est vrai que quand on joue ensemble Seb et moi,  on a des réflexes de jeu seventies et Eric n’arrange rien car il joue pareil.

Moi, j’ai commencé la musique dans les années 80 et j’ai aimé pleins de trucs de l’époque : Cure, Depeche mode, Tears for fears etc.  Et puis en français, il y a eu Taxi girls, Ntm, Daho, l’album no comprendo des Rita Mitsouko, et surtout Michael Jackson qui a une influence énorme sur moi,  même si ça ne s’entend pas.

Pour William Sheller, j’aime le citer car il est sous-estimé dans la variété française, grand mélodiste, arrangeur interprète et auteur (tout comme Nino Ferrer mon préféré). 

 - Le côté 70, on peut peut-être le retrouver dans l'utilisation du saxo dans l'album. Etant fan de Supertramp, j'accroche... mais le saxo a une sacré mauvaise image chez certains.  Je n'ai jamais compris pourquoi... Qu'est-ce que vous pouvez nous en dire (l'utilisation de cet instrument dans la pop et dans votre album)?

Ah oui, j’ai oublié Supertramp, j’adore ! Sur Fatigué, j’ai utilisé le procédé utilisé sur Hide in your shell (crime of the century), c’est-à-dire le saxo qui reprend à la fin la mélodie de voix.

Mais bizarrement, c’est plutôt les eighties qui m’ont donné envie d’en mettre, le côté kitch, careless whisper de G Michael ou les Bowie années 80 ou encore, je ne sais plus quelle chanson de Dire Straight sur Brother In Arms.   Pour le son, j’aime bien le saxo qui joue sur 2/3 titres de l’album « Band on the run » et aussi sur « Pendullum » des Creedence. 

Pour revenir à mon disque, au départ ça ne devait être que sur « Reste » et puis j’ai trouvé qu'il manquait une envolée finale sur « Fatigué »…  Il y a beaucoup de snobisme chez les auditeurs de musique surtout s’ils sont musiciens !!  Moi non plus je ne comprends pas pourquoi ! C’est la même chose pour l’harmonica ou le djembé. Dans les années 1990/2000, il y avait plein de groupe qui mettait du ukulélé partout, c’était hyper branché, maintenant c’est total ringard, c’est comme ça. Par contre, si vous mettez Ram On de McCartney (joué au ukulélé) dans une soirée, vous êtes « super in ».

- Vous parliez  de Taxi girl, est-ce que vous y avez pensé sur "vie de chien" ?

Pas directement. J’avais déjà 3 chansons (fatigué, Carton et la Honda) et j’étais décidé à faire un disque. Nous étions fin 2011, et je me souviens que Vanessa m’avait dit « tu devrais essayer de faire quelque chose de "plus moderne, plus électro" ce qui m’avait un peu vexé et surtout, j’avais trouvé ça bête car c’était du suivisme. Il y avait un gros revival  80 à l’époque, avec des groupes qui pompaient Taxi Girl, Ellie et Jacno.

Moi, j’connaissais bien Taxi girl (j’ai 4 grandes soeurs) et j’écoutais ça (indirectement), quand c’est sorti, j’aimais bien ! Une nuit d’insomnie, je quitte mon lit, vais dans mon studio, et tout doucement sans faire de bruit je chante le 1er couplet de Vie de chien  sur un beat électro (le tout au casque). J’y ai passé la nuit, j’avais tout fait en midi avec des instrus virtuels (donc pas de bruit car mon amie dormait 2 pièces à coté) et chuchoté la voix et c’est vrai qu’à ce moment-là, je me suis dit «  tiens,  je peux faire ça aussi ? Mais d’où ça vient ça ? ». Probablement un peu de mes soeurs et de leur taxi girls…

Interview réalisée par mails entre deux couches, trois concerts, un enregistrement d'un 2e album, entre autres choses,  tout cela entre le 10 Janvier et 25 février 2016.

Chronique : http://www.surjeanlouismurat.com/2015/09/grand-saligault.html

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25 avril 2016, concert aux 3 Baudets!

Retrouvez l'intégralité des interviews du blog (F. Hardy, Erik Arnaud, Bertrand Louis, La Féline... et la toute récente collaboration de JL Murat: Eryk e.) là: http://www.surjeanlouismurat.com/tag/inter-vious%20et%20murat/

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Rédigé par Pierrot

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT

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Publié le 21 Février 2016

J'avais proposé à Stéphane Pétrier (multi-interrogé ici et ) du groupe Voyage de Noz (créé en 1984)  de rencontrer Sly Apollinaire il y a quelques mois. Une discussion entre un "ancien" (qui se fout d'être moderne?)  et un "nouveau" (dont le futur album fera l'actualité on l'espère) me paraissait intéressant. Ils partagent de plus quelques goûts communs (Murat, le rock progressif...).  Quelques semaines avant le grand retour des NOZ sur  scène (15 mars),  l'occasion s'est présentée lors du concert d'un 3e musicien, déjà interviewé ici: MATHIS. Celui-ci jouait au transbordeur, pour la sortie de son dernier album "ombres et visages"; réalisé avec des musiciens réputés : Almosnino, Yan Péchin, Christophe Deschamps, Jean-Max Méry... 

Le hasard a fait que la rédaction d'articles avait amené sur Lyon ce jour-là, Matthieu, notre correspondant clermontois, et il s'est donc joint à nous. Et ce n'est donc pas, Mesdames, Messieurs, deux... ni même trois, et encore moins quatre.. mais 5 personnes qui se rencontraient pour vous  dans l'angle du bar  du Transbordeur, de 19 à 20h30, le  21 janvier 2016,   pour évoquer les projets de chacun, et  le monde de la musique  à Lyon et ailleurs.  On évoque bien-sûr un peu Murat... et on découvrira un amusant rapprochement entre le Voyage de Noz et l'Auvergnat... avant de terminer sur les réponses de Sly aux questions rituelles de l'inter-ViOUS ET MURAT-. 

Je fais court car...  je vous propose la rencontre quasi in extenso... 

 

Sly Apollinaire, Voyage de Noz et Mathis: rencontre lyonnaise.

 

Pierrot : Alors, Mathis, vous ne vous connaissez pas avec Sly…

Mathis : Et bien si, si… On se connait bien ! En fait, on répétait dans le même local… Sly est parti et d’autres groupes sont venus, dont le Voyage de Noz justement !

Sly : Et comment c’est maintenant ? Il ne pleut plus dans le sas d’entrée ?

Mathis : Très bien, tout a été rénové… et les voisins sont charmants, ils te regrettent…

Sly : Ils me manquent aussi… parfois (rires).

Pierrot : Sly, tu as toujours comme manager Pierre Carron qui s’est occupé de Daho ?

Sly : Oui, toujours. Depuis que je t'ai rencontré en septembre aux Belles Journées, on essaie de sortir mon disque. Le processus de création de l’album a été long. Et cela fait 5 ans que j’y pense. J’avais fait de quoi sortir un album autoproduit, et finalement j’ai refait des prises, et pour la bonne cause, dans des bonnes conditions… mais maintenant il faut accoucher… Je n’en peux plus… Et je suis passé au français."

Stéphane : Et tu as des concerts de prévu ?

Sly : Je pense qu’on reprendra au printemps, mais il n’y a rien de calé. Et puis, il y a eu un changement d’équipe, de musiciens. J’ai joué la semaine dernière, mais en solo, tout seul avec la guitare… La priorité c’est l’album.

Stéphane : Donc il y a des négociations avec des labels ?

Sly : Oui, c’est ça. L’album est prêt, mixé, et c’est en attente de signature.

Stéphane : Et tu prépares aussi un clip ?

Sly : Oui, aussi, on va tourner, mais je ne sais pas quand ça sortira.

Stéphane : Et le clip que j’ai vu, Trampoline ça date de quand ?

Sly : Deux ans environ, déjà.

Sly fait son cachottier :

La semaine suivante, il était à l’EPICERIE MODERNE pour une résidence de 3 jours. Sur le site officiel de la salle de Feyzin : «La pop folk sombre de l'auteur-compositeur a pris un tournant résolument électrique dans son nouvel album prévu pour le printemps, et réalisé avec des musiciens d’Étienne Daho. L'objectif de la résidence est de mettre en place ce set en conditions live, avec un travail affiné sur le son et la scénographie ». Les musiciens de Sly : Louis Fort (claviers, ex She Demons), Philoons (basse, ex-Ravenhill mon ancien groupe), et depuis peu avec Raoul Vignal (guitariste ayant un projet solo sous son propre nom) et Jessy Ensenat (batteur de Sunder).

 

 

Pierrot : Et donc, toi Mathis, toujours en autonomie complète : manager, producteur…

Mathis : Oui, alors moi, j’ai aussi essayé de présenter mon projet mais non mixé. On a enregistré l’album , on fait des séances entre février et novembre, et là, à partir d’octobre 2015, j’ai cherché à présenter le projet pour voir si des labels ou des studios étaient intéressés pour finaliser le projet artistique. Il n’y a pas eu de retour concret, et j’ai pris le parti de le mixer, de le sortir et de créer un peu un événement artistique et médiatique pour faire valoir l’accomplissement de cette expérience et de ces chansons. Maintenant, la démarche est la même : chercher un label ou un manager. Il faut que je passe par cette voie là pour passer un cap. En toute sincérité, j’étais un peu réticent parce que j’ai jusqu’à présent réussi à gravir les échelons de l’autoprod comme je le souhaitais, mais je sens bien que je touche mes limites.

Pierrot : Alors Stéphane, tu n’as pas d’actualité brulante…

Stéphane : Oui, y’a pas de label… (rires). On joue ici le 15 mars avec le Voyage de NOZ. Sans raison particulière, parce que l’album est loin d’être fini. Je pense que ça va faire du bien…

Le groupe n’a pas joué depuis plusieurs années (septembre 2013 !)

 

Pierrot: Mais tout cela me fait penser un peu à ce que tu as vécu, notamment au moment du signe, quand il y avait un manager qui investissait sur le groupe, une distribution…

Stéphane : Oui, ça me parle assez tout ce que vous dites, parce que j’ai vécu tout ça, à une autre époque. Pour le premier album, j’avais signé en édition avec Pathé Marconi. Tout le premier album avait été signé en édition. Je ne savais pas trop à l’époque ce que ça voulait dire. Pathé nous a payé des journées de studio. A Paris, dans les fameux studios de Boulogne-Billancourt*. On a eu la chance d’enregistrer pendant une semaine là- bas. Et puis derrière, il ne s’est rien passé, le calme plat. Et ensuite, les grosses accroches, on les a eues au 2e album. On avait des maisons de disque qui nous tannaient, les gars descendaient de Paris, ça trainait, ça trainait, et nous, on n’était pas très patient, et un beau jour, on fait notre truc. On n’en pouvait plus d’attendre.

*Et voilà que l’on apprend que LE VOYAGE DE NOZ a eu le même éditeur que… Jean-Louis Murat (bien malgré lui pour ce dernier, et pour rien pour Stéphane), et qu’ils ont été enregistrés par Claude Wagner (Murat et Passions privées). Celui qui les a signés à l’époque était OLIVIER HURET, qui a travaillé avec Christophe, Polnareff, grand patron des Editions EMI… et donc le responsable de la compil Murat 82/84. Ce que Stéphane ne savait pas, c’est que Huret avait été musicien dans un groupe s’appelant EXTRABALLE, dont le leader était Robert Jovenet . Et c’est ce groupe qui  a inspiré à Stéphane un titre : «l’extraballe » bien des années plus tard!! On reparlera prochainement d’Olivier Huret (parce que décidemment, les détails amusants ne manquent pas !).

 

Stéphane : Après, au 3e album, on a refait des démarches maison de disque, mais je pense que c’était trop tard. On avait laissé passer le coche. Voilà mais… oui, au moment du Signe, on avait eu un producteur, mais complétement indépendant, qui n’avait pas de structure maison de disque, mais qui a mis du pognon sur nous, qui a produit un clip avec pas mal de moyens, qui a été tourné ici d’ailleurs, et qui est un peu passé sur les télés nationales, mais comme tu disais tout à l’heure Mathis, il y a un moment où, malgré ces moyens, on s’est retrouvé bloqué, au niveau passage radio, distribution aussi et on a vu les limites de l’indépendance. Déjà, donc, en 93, ce n’était pas simple. Je pense qu’aujourd’hui c’est la même chose… mais avec des budgets divisés par… 10.

Mathis : Et je pense avec plus de demandes, il y a beaucoup plus d’artistes qui proposent des projets.

Sly : Oui, ça fourmille de projets, des choses biens.

Mathis : Oui et donc, plus de projets et moins d’acceptation… donc c’est beaucoup plus difficile.

Pierrot:  C’est tellement plus facile désormais de s’enregistrer, de diffuser sa musique qu’il semble qu’il y a beaucoup plus d’offre de musique. Mais, après avoir lu notamment, le livre de Claude Dejacques qui parle de son rôle de directeur artistique, l’indépendance, c’est aussi souvent des artistes qui travaillent seul sans accompagnement, sans management. On entend parfois que la musique actuelle manque d’un travail de production. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Mathis : Là, j’ai un peu senti sur le projet que je viens de mener, puisque j’ai travaillé avec des musiciens professionnels, les avantages et les inconvénients. On est très libre quand on s’autoproduit puisque justement on peut laisser s’exprimer la créativité comme on le souhaite, et présenter un projet qu’on a maitrisé. Et en même temps, quelqu’un qui fait de la production, de la réalisation, connait les us et coutumes et les codes qui permettent à la fois de se distinguer des autres et de se conformer à certains codes attendus par les « consommateurs »… bon, le terme est un peu violent, on est dans le domaine artistique, mais oui… J’ai le souvenir d’une séance avec Philippe Almosnino avec lequel j’ai travaillé sur l’album, et tout de suite il avait des idées de direction artistique super évidentes mais qui étaient aussi des vrais partis pris artistiques, ce n’était pas un truc de conformisme non plus, donc ça m’a bien faire réfléchir sur le fait qu’on pouvait rester libre artistiquement et quand même essayer de trouver des accroches qui parlaient plus spontanément aux auditeurs potentiels. C’est quand même compliqué parce qu’il ne faut pas non vendre son âme, c’est délicat cette frontière.

Pierrot : Stéphane, peut-être qu’avec un directeur artistique, les Noz sortiraient un album un peu plus vite… puisque vous semblez parfois avancer en tâtonnant…

Stéphane : ou pas…

Matthieu : Dans un groupe, il y a déjà une forme de direction artistique puisque les musiciens vont apporter leur avis.

Mathis : Oui, et c’est pour ça que c’est dangereux de rajouter quelqu’un mais je trouve que c’est parfois nécessaire !

Stéphane : C’est un vrai pari parce que quelques fois tu peux te retrouver avec un DA qui peut apporter une vraie valeur ajoutée, d’autres fois il peut te bousiller le truc. Oui, il y a l’avis des autres musiciens, mais le son en studio, c’est encore autre chose. On peut vraiment changer une chanson avec un son, une production. Nous, on a eu toutes les expériences, des fois, on était content, d’autres, on était hyper déçus. Le dernier on l’a vraiment fait tout seul, jusqu’ au mastering parce qu’on avait des idées hyper précises. On est super content du résultat… Après techniquement, est-ce que c’est parfait ? Je n’en suis pas sûr mais on est content. Le prochain, je ne sais pas, mais cela fait quand même envie de trouver quelqu’un qui puisse emmener ta musique ailleurs un peu plus loin.

Il faut être aussi ouvert : toi, à un moment, t’as la tête dans le guidon, t’as une idée très précise de ta chanson, et t’as un type qui te dit… non, pas comme ça, comme si, et toi, tu ne lâches pas.

Notre tout premier album, bon, il vaut ce qu’il vaut, on avait 18 ans tout ça, mais Yves Rottacher qui l’avait produit avait pris le parti de mettre de la réverb à donf de partout, et nous on a écouté ça, on a dit non, on s’est vraiment pris la tête avec lui, on trouvait les mises à plat nettement mieux que le mix, plus rock. Et lui, il n’a pas lâché. On avait vraiment les boules. 25 ans après… je pense qu’il avait raison... Bon, c’est un disque que je ne peux plus écouter, à cause de ma voix par exemple, mais je trouve que cet album a un son unique.

Parole du "plus grand chieur du monde" en studio comme il me le disait en 2011 (on avait beaucoup parlé de ses différentes expériences de studio. A lire ici).

Mathis à Sly Et toi alors ?

Sly : Moi, c’est compliqué. Pour la première fois, les dernières sessions de studio que j’ai faites, j’ai bossé avec un vraiment producteur, un mec qui a une démarche. Je l’ai beaucoup regardé faire, fasciné. J’avais tendance à être hyper tatillon, je débarquais avec mon idée, bien fermé sur ce que je voulais, et je me suis rendu compte qu’il y avait pleins de choses à faire pour améliorer. C’est vrai que le studio, ce n’est pas toujours évident pour moi parce que je n’arrive pas à prendre beaucoup de recul. Je suis rentré, il m’a bien fallu au moins deux semaines, pour pouvoir réécouter ensuite le travail.

Mathis : Surtout qu’à notre niveau, on n’a pas beaucoup de temps, il nous faut prendre tout de suite les bonnes décisions.

Stéphane : Et en même temps, le travail de studio c’est un puit sans fond.

Sly : Tu peux te perdre complétement.

Stéphane : Faut savoir s’arrêter à un moment, savoir dire : là, c’est bon, je tiens le truc.

Sly : Oui, c’est ça.

Pierrot : Mais et le choix de passer au français ?

Sly : C’était l’idée de rendre le truc accessible sans se trahir. Oui, une sorte de concession, mais je n’ai pas eu l’impression de me trahir en le faisant, même si cela n’allait pas du tout de soi. Y a une époque où je refusais complétement de chanter en français parce que je fais une musique plutôt de culture anglo-saxonne, simplement je me suis fait violence… ce n’était pas de la tarte. Je commence enfin à être en paix avec ça.

Stéphane : Tu avais déjà des titres en français il y a 2/3 ans pourtant ?

Sly : Non, ça fait un an et demi à peu près…

Pierrot : Au niveau écriture, comment tu as fait du coup ?

Sly : Ça n’a pas changé grand-chose mais la plus grosse difficulté a été de réadapter des chansons que j’avais, auxquelles je tenais.

Stéphane : Et alors ?

Sly : Bein, c’était dur… Au final, je suis content mais je m’y suis repris plusieurs fois, avec plusieurs paramètres : ne pas trop modifier la mélodie, tu as envie de garder le thème, et en faisant en sorte que ça sonne en français. J’espère avoir réussi… Il faut du recul pour le savoir mais je suis plus zen par rapport à ça.

Mathis : J’ai eu le problème inverse moi. Je parle trop mal anglais pour pouvoir écrire dans cette langue. Donc spontanément, j’ai commencé à écrire en français. Bon, mes textes valent ce qu’ils valent mais en tant qu’auteur, j’aime écrire sur des sujets qui m’intéressent, j’aime pouvoir exprimer quelque chose mais paradoxalement, ma culture musicale est vraiment rock, et ça m’a semblé très longtemps incompatible, parce qu’on tombait vite dans du Noir désir, que j’adore mais après il faut pouvoir l’assumer, l’incarner, faut avoir des textes qui sont durs, faut avoir une image, sinon ça fait tout de suite mièvre, bébé rebelle. Donc moi, il a fallu que je tourne un peu la musique pour pas que ça devienne du rock à la noix. Moi, mon problème, il est là. Il y a des situations où j’estime que j’y arrive suffisamment, d’autres où je me dis que j’aurais pu faire mieux. Ca m‘oblige effectivement à faire quelques concessions, comme tu dis, je comprends très bien.

Matthieu : Stéphane lui doit avoir un avis plus tranché…

Stéphane : oui et non…

Pierrot : Et oui, parce qu’à 40 ans passés, il a décidé de revenir à l’anglais récemment avec son autre groupe Nellie Olson

Stéphane : Oui, je me suis retrouvé à chanter en anglais, pour se différencier des Noz… et moi qui suis un pur et dur de l’écriture en français parce que tu penses en français…

Mathis : Ah, on se réfère tous à lui pour écrire en français et lui il passe à l’anglais !! (rires)

Stéphane : … j’ai découvert le plaisir d’écrire un texte en anglais. Et moi qui suis quand même en besogneux normalement, là, j’écris pendant la répét; à la fin de celle-ci, le texte est fini, et je suis super content, j’ai l’impression d’avoir 15 ans, des textes un peu con mais que je trouve frais.

Mathis : Et toi qui a une certaine exigence en français, ça ne te perturbe pas par habitude et par culture aussi ?

Stéphane : Non… parce que je suis content… On ne recherche pas la même chose.

Sly : Ce n’est pas le même exercice vraiment.

Stéphane : Et puis tu as les images qui viennent, tu les traduis en mots, et 9 fois sur 10, ça passe tout de suite…. Alors qu’en français, avant de trouver les bons mots qui sonnent, tu passes du temps.

Matthieu : C’est dû à quoi ?

Tous : C’est plus musical, l’anglais.

Stéphane : L’anglais tous les mots sonnent. J’ai donc un vrai plaisir à faire ça, mais en même temps, arriver à faire un bon texte en français, c’est merveilleux. C’est drôle mais je suis allé voir un vieux concert à toi, Sly, en vidéo… et je me disais : ah, oui, c’est classe, mais tiens, j’aimerais bien savoir ce qu’il me raconte.

Sly : Et oui ! Et du coup, il y a une nouvelle exigence sur scène, c’est que la voix soit audible.

Mathis : Ah, oui, clairement… avec le français, ce n’est plus la même façon d’appréhender la scène.

Pierrot : Mais du coup, tu as fait des traductions ? Tu as gardé les thèmes ?

Sly : On se rend vite compte que la traduction ça ne marche pas, quand on essaye d’adapter un morceau de l’anglais, ça sonne forcement mal, rythmiquement ça ne marche plus. Donc l’idée, c’est de garder l’esprit ou la thématique mais en changeant le texte. Mais je découvre aussi tout ce qui est peut être bien dans l’écriture en français : le fait d’être plus précis, d’avoir une plus large possibilité de mots, et d’être beaucoup plus pointu dans ce qu’on veut dire.

Stéphane : On parlait de Noir Désir tout à l’heure, c’est typiquement un groupe que je trouve merveilleux quand Cantat chante en français et que je trouve assez banal quand il chante en anglais.

(approbation de tous)

Sly : C’est assez vrai pour pas mal de groupes qui mélangent les deux j’ai l’impression.

Après il y a un truc culturel dans l’appréciation des gens : ceux qui connaissent la pop anglaise ont une réticence quand ça passe aux français, s’ils ne connaissent pas grand-chose en pop française tout de suite, ils vont penser à des trucs... genre euh indochine…

Mathis : Parce que longtemps l’expression n’existait pas : la pop française. On appelait ça de la variété, dès que c’était en français, même s’il y avait des trucs plus raffinés, avec plus de recherche que Claude François par exemple. L’expression Pop française j’entends ça depuis 5, 10 ans.

Matthieu : D’ailleurs, Christophe Conte intitule son livre récent « La française pop », comme s’il fallait créer un décalage.

Mathis : Comme si on disait : si ce n ‘est pas en anglais, ce n’est donc pas de la pop … mais maintenant, ça change un peu quand même, heureusement.

Sly : Oui, et quand on pense aussi aux mots variété, ça ne veut pas dire grand-chose.

Mathis : Moi, pendant très longtemps, j’ai eu l’impression du coup que si tu faisais du rock ou de la pop, dès que c’était en français, on mettait l’étiquette variété, parce que français était égal à pas rock et pas pop.

En fait, le terme variété on l’associe au côté Maritie et Gilbert Carpentier, Claude François et paillettes… qui n’est pas forcément très artistique musicalement.

Sly : Oui, il y a une connotation péjorative bien sûr au terme.

Matthieu : Mais là, avec la mort de Delpech, c’est étonnant ce qu’on a entendu…

Pierrot : Oui, c’est un peu dingue, cette sacralisation qu’on a vécue là… et il semble qu’il a bousculé du côté pop.

Mathis : Paix à son âme, il y a de belles chansons certes mais faut pas exagérer… et je pense que lui aurait assumé le fait de dire qu’il faisait de la variété et pas de la pop, parce qu’il était quand même dans ce créneau là en terme de recherche musicale.

Matthieu : C'est sûr. Dans ces cas-là, on entend souvent l’expression « la variété au sens noble du terme »...

 

  • Et de la chanson tout simplement ?

Et pour donner des nouvelles de Yann Giraud, qui a partagé une interview ici avec Stéphane, voici ce qu’il dit pour parler de son disque sous le nom d’ALOHA ALOHA : "En 2016, on s’en fout bien d’être variété, pop ou “indie”. Ne restent que des morceaux et la volonté de les partager avec le plus grand nombre".

Sly Apollinaire, Voyage de Noz et Mathis: rencontre lyonnaise.

Pierrot : Stéphane, alors, tu es arrivé alors que Lyon perdait son statut de capital du rock (75/85 avec Starshooter, Electric callas, Factory -dont le batteur était Yves Rotacher dont on a parlé plus haut-) au profit de Rennes sans doute…

Sly : Enfin, je trouve qu’il y avait une période qui était vachement bien, à la fin des années 2000, avec une mouvance pop anglaise, avec pas mal de groupes…

Pierrot : Déjà vu, Laisy daisy, Fake Oditty

Sly : Oui, c’est ça, et tout ce qui est le festival  Lyon in rock, Dent de Lyon. Je pense qu’il y avait une scène intéressante. Depuis quelques années, il y a moins de ligne claire, j’ai l’impression que c’est très fragmenté.

Pierrot : Mathis, tu me disais dans l’interview de 2013 qu’à partir de 2005, beaucoup de lieux avaient fermés, notamment sur les pentes…

Mathis : J’ai beaucoup joué entre 2000 et 2010, avec des groupes de reprises, mais j’ai aussi joué en acoustique solo avec mes propres textes, et malgré tout, j’ai quand même traversé des périodes où j’ai eu l’impression qu’on ne programmait que du rock indé, du rock dark, toujours le même style. Dès qu’on jouait de la pop, dès qu’on chantait en français, c’était fermé. C’est peut-être une appréciation subjective… Mais en tout cas, depuis quelques années, j’ai l’impression que ça s’ouvre, aussi par le biais des festivals. J’ai l’impression d’un renouveau, qu’il y a plus de diversité, alors qu’avant, si tu n’étais pas dans le rock brutal, tu n’étais pas considéré comme un vrai musicien. En musicien de reprise, ça allait et dès que tu voulais proposer un truc… j’allais dire raffiné ou en tout cas… alternatif à cette mouvance-là, c’était impossible.

Pierrot : Alors et toi Stéphane, Lyon ? C’est en tout plus difficile de remplir des salles…

Stéphane : Et oui, mon pauvre monsieur, ah, j’ai connu une époque… (rires). On était plusieurs groupes à pouvoir remplir la bourse du travail, ou des salles comme ça, 5/6 groupes à pouvoir faire des salles de 1000/1500 places. [Les NOZ ont fait trois transbos… le seul groupe lyonnais à l’avoir fait en réalité]

Mathis : C’est sûr qu’il n’y en a plus un capable de le faire.

Stéphane : Oui et cela fait bien longtemps. Mais on voit toujours ça de notre petit prisme pop...

Pierrot : Oui, effectivement, là, je crois qu’un groupe de rap vient de remplir la grande salle à côté, et c’était la première fois depuis les NOZ que des lyonnais remplissaient…

Stéphane : Et il y a aussi l’électro. Voilà, il y a des choses qui se passent, mais ce n’est plus la même musique.

Pierrot : Alors qu’est-ce qui manque ? Pour faire la comparaison avec Clermont, dernière capital proclamé il y a quelques temps, un cadre comme la coopé ?

Mathis : Un lieu culte…

Pierrot : Un lieu qui sert aussi de pépinière, avec des accompagnements.

Mathis : Oui, c’est vrai qu’à Lyon, on n’a peu de lieux qui promeuvent un peu la culture, toujours pas de scène smac… même si ce n’est pas la panacée.

Matthieu : Le Transbo, ça ressemble quand même beaucoup à la Coopé, non ? Notamment avec le club…

Sly : Oui, c’est quand même important pour la scène locale, des soirées sorties d’album…

Matthieu : Mais est-ce qu’il y a de la formation, de l’accompagnement?

Stéphane : Je ne sais pas comment ça marche.

Mathis : Il y a des obligations de faire quelques soirées, deux par an, de mise en avant, avec des entrées gratuites, ce qui permet de bénéficier de beaucoup de promos, Si tu ne fais pas partie des deux artistes choisis…voilà. Ils ne vont pas trop au-delà de ça.

Stéphane : Le problème de Lyon, je crois, c’est qu’il y a quand même beaucoup de petites chapelles un peu intégristes. (accord des autres). Il y a des lieux où tu ne passes pas, si tu n’as pas la carte.

Mathis : Oui, c’est ça.

Stéphane : Ça manque un peu de gens ouverts, enfin, du côté de ceux qui ont les manettes.

Sly : Ce qui est regrettable, c’est que les styles ne se rencontrent pas. Il pourrait y avoir des soirées géniales, mêlant des groupes de pop avec des groupes électro, des trucs mortels à faire, tu commences par des concerts et tu termines par un mix électro… mais c’est très cloisonné. Est-ce propre à Lyon ?

Matthieu : C’est quand même étonnant qu’à Lyon, on ne puisse pas remplir une salle comme ça. Vu le nombre d’habitants…

Mathis : Oui… mais… c’est sûr…

Stéphane : Il n’y a personne… Le Peuple de l’herbe à une époque. Déjà quand tu remplis le club, tu es content.

Mathis : Oui, sur des événements gratuits, le gens viennent, mais même une salle comme celle-ci de 500 places, je me demande quel groupe peut la remplir en entrée payante… alors peut-être les noz le 15 mars…

Matthieu : Est-ce que le public lyonnais se désintéresse, se détourne de cette musique- là ?

Sly : Oui, je pense, c’est ma conviction personnelle… mais là, encore, est-ce propre à Lyon ?

Pierrot : Matthieu me disait qu’à Clermont, les Delano avaient joué devant une trentaine de personnes, avec la Féline…

Matthieu : Oui, mais d’autres concerts font de l’affluence je pense…

Sly : Je pense aussi qu’il y a énormément de propositions, pleins de choses, que tout est hyper fragmenté, et avec l’air du net…

Matthieu : Est-ce que du coup, pour le live, le vrai débouché, ça ne serait pas les festivals?

Stéphane : Oui, c’est un peu le supermarché où tu peux voir tout d’un coup…

Sly : Oui, pour nous, c’est important….

Pierrot : Autre élément, sur Clermont, on a eu un tourneur Denizot qui a donné un vrai coup de main au milieu local, est-ce que Eldorado ne joue plus tout à fait le même rôle qu’avant ? Un manque d’organisateurs de concert militant ?

Stéphane : Non, je ne crois pas.

…arrivée du directeur du Transbo… qui nous salut…

Pierrot : Et l’arrivée du radiant ?

Sly : En comparaison, pour la scène locale, ils ne font rien…

Signe du morcellement de la scène locale, Sly ne sait pas ce qui s’y passe :

Pierrot : En fait, le groupe de Stéphane Nellie Olson y a joué il y a quelques semaines (club radiant) et Mathis y a fait la première partie de Laurent Lamarca.

C’était produit par le Radiant ?

Stéphane : Oui…

Sly :Ah merde ! Allons bon…

Mathis : Sauf qu’effectivement, ils sont en train de se poser la question, car promouvoir au club couterait trop cher, ce qui est dommage parce que le lieu est fait pour ça.

Stéphane : Et c’est pour ça que je ne pense pas que ce soit un problème de tourneur…mais c’est vrai que les nuits de Fourvière faisaient tous les ans la soirée de clôture « Lyon rugit la nuit » avec des groupes locaux et cette soirée ne se fait plus, alors j’imagine que c’est la seule soirée qui ne se remplissait pas ou mal, donc le problème vient du public.

Sly : Et du côté budget culturel, ça ne va aller en s’arrangeant….malheureusement…

Stéphane : Et si on allait se pendre les gars…(Rires...)

Mathis : Je joue dans une heure, vous me mettez dans un état… je n’y crois plus… ah, je n’y crois plus… (rires)

Sly Apollinaire, Voyage de Noz et Mathis: rencontre lyonnaise.

Pierrot : Alors, justement, j’avais une question pour se pendre… vos pires souvenirs de concerts, de mauvais plans…

 

Mathis : Moi, c’est mon premier concert,j’avais 18 ans, je jouais dans ma chambre et je pensais que j’étais le meilleur chanteur du monde, personne n’avait jamais entendu ce que je faisais, et je me suis produit sur un plateau municipal dans le 5e.J’ai commencé la soirée, et au bout de 2 chansons, le gars m’a dit de descendre, « bois une bière, dans 10 minutes, je te fais remonter »…et j’ai attendu toute la soirée, il ne m’a jamais fait remonter ! (rires)
Bon,je croise les doigts parce que je monte sur scène tout à l’heure, ce n’est pas le moment de dire ça, mais ensuite, je n’ai jamais eu de grosses déconvenues. IL y ades soirs où ça se passe plus ou moins bien, c’est le lot des musiciens, mais la première fois a été la pire fois, et douloureuse, parce que j’avais beaucoup d’ambition, j’ai été coupé dans mon élan, et à juste titre, parce que c’était une catastrophe. J’ai mis 3 ans à refaire de la scène.

 

Pierrot : Et toi Stéphane, un petit souvenir ? Saint-Chamond un soir de fête de la musique? Moi et mon pote, on n’avait jamais trouvé le lieu en tout cas.

Stéphane : Saint Chamond, non, je ne me rappelle pas. J’ai souvenir d’un truc sans doute plus vieux, on avait joué dans une boite qui était sur les quais de Saône, et c’était le moment où on commençait à marcher un peu, il devait y avoir un gars d’une maison de disques. Jouer dans une boite de nuit, c’était un peu bizarre, mais bon, c’était un plan comme ça. Et on se retrouve là, avec une ambiance qui ne collait pas vraiment avec ce qu’on faisait et… 10 personnes dans la salle, 10, dont le gars de la maison de disques qui était assis au fond. L’horreur. Il y avait d’autres gens, mais qui attendaient dehors, qui attendait la soirée disco, qui n’en avaient rien à faire de notre truc. Et on termine, dans un calme absolu…je dis «bonsoir», et là le DJ qui était aux platines pousse Samantha Fox à fond (boys boys boys) et il dit «et maintenant retour à la musique !! »   (Rires…) - ah, celle-ci elle est bonne…

Stéphane (pensif) : Retour au fondamental : Boys boys boys… C’est une chanson qui est importante pour moi... On n’a pris nos petites affaires, on est rentré…

Sly : Du coup, vous en avez fait une reprise pour conjurer le sort….

Stéphane : Non, mais ça fait partie des grands moments de solitude

Sur le coup, personne ne s'est rendu compte du formidable im-pair mal-sain commis: Boys Boys Boys est bien sûr chanté par Sabrina. Blanc bonnet E et bonnet blanc E certes... 

 

Pierrot: Et toi Sly ?

Sly : Je me souviens d’une scène de fête de la musique, et c’était un riverain qui nous fournissait l’électricité, un fan hardcore de Johnny Halliday. A la fin du set, il devait avoir un coup dans le nez, il arrive, il commence à parler à mon guitariste qui était en plein solo d’ailleurs : « tu ne veux pas jouer les portes du pénitencier ? » « Non plus tard »… Il a pris la mouche et il a tout débranché… Mais heureusement, on n’était plutôt sur la fin du set.

 

Pierrot : Maintenant, vos grands souvenirs du transbo ?

Mathis : Pour moi, ça sera ce soir à 23 heures, enfin j’espère… En tant que spectateur… j’en ai vu des tonnes.

Stéphane : Il y en a pleins…

Sly : Je me rappelle de Supergrass, ensuite ils étaient au bar, tranquilou, on avait un peu discuté. Le concert était mortel, de la pure énergie, avec un côté un peu juvénile. Un groupe qui n’existe plus hélas.

Stéphane : Moi, ça devait être les Strokes mon meilleur concert ici, super, pas de rappel, 1h10 mais top.

Mathis : Ah, ben, un peu pareil, Sonic Youth. 1h20, bam pas de rappel, tout à blinde du début à la fin. Impressionné. Mis contre le mur, l’impression d’être projeté. Sur le coup, tu te dis «pas de rappel, mince »…et puis, tu réalises... oui, ça va.

Le « concert Surprise » du Transbo dans ce même lieu en 1991 qui a été mon premier concert des Noz avait été organisé pour le patron de Polydor. « Une fille de là-bas nous adorait, mais le patron avec lequel on a mangé, nous dit : «j’ai signé Ange»… et voilà, pour nous dire, voilà, j’ai Ange… et donc, ça suffit ». Le deuxième concert dans la grande salle fut pour la sortie de l’album «Le signe ». Un autre concert (au club) a fait l’objet d’un live filmé par Bernard Schmitt, le réalisateur de JJ. Goldman et de Jojo Vacances pour la chaine TLM. « On a aussi refait la grande salle du Transbo en 2002 (avec Romain Lateltin en musicien additionnel au claviers) et l'américaine Jennifer Bruce en première partie mais en concert gratuit organisé par Mac Ben Music. Il y avait bien 1500 personnes ».

 

Sly : Et Murat, il a joué ici ?

Pierrot : Et bien Murat 93, l’enregistrement de son premier live…

Sly : Ah, oui, il y a un album live d’ici ?

Pierrot : Oui, et une date je pense sur la première partie de tournée de Mustango. Je pense que le chanteur des Dory Fore m’a raconté que les gens partaient…

Mathis : Et plus récemment, c’était plus au Ninkasi kao ou Radiant que je l’ai vu.

Sly : Je l’ai vu à Villefranche récemment, et j’ai trouvé ça mortel. Le nouveau groupe, là, le bassiste notamment p… Et la salle est vraiment bien, au niveau du son… Enfin, c’était top.

Pierrot : Et ils ont quand même une belle programmation à Villefranche. A part ça, voilà, j’ai fait le tour de mes questions…

Mathis : Oui, de toute façon, je vais devoir vous laisser.

Sly : Je ne peux pas rester, désolé. Tu as d’autres dates de prévu ?

Mathis : Non, on attendait la sortie du disque et cet événement-là, avant d’autre programmation…

Nous continuons à discuter sans Mathis. Quelques photos de son set:

Sly Apollinaire, Voyage de Noz et Mathis: rencontre lyonnaise.
Sly Apollinaire, Voyage de Noz et Mathis: rencontre lyonnaise.
Sly Apollinaire, Voyage de Noz et Mathis: rencontre lyonnaise.
Sly Apollinaire, Voyage de Noz et Mathis: rencontre lyonnaise.

Pierrot : Alors dis-moi, Stéphane, vous aviez présenté quelques nouvelles chansons il y a bien longtemps, mais vous êtes un peu reparti à zéro. Vous n’avez jamais pensé mettre quand même cette production en téléchargement, même s’il n’y a pas d’album?

Stéphane : Non, mais il y a quand même des trucs qu’on va garder. Il y a des choses bien, voire très bien.

Sly : Vous avez fait combien d’albums ?

Stéphane : 7 albums studio, et 2 live.

Matthieu : Ce que vous disiez au départ sur les choix, c’est quand même très conditionné par l’économie, parce que si vous aviez la possibilité, régulièrement, de rentrer en studio, de faire de la scène, d’écrire, d'enregistrer de nouveau, etc. – un truc continu, sans trop de difficultés – tous les enjeux (Est-ce que je chante en anglais ? Est-ce que je prends un directeur artistique ou est-ce que je fais tout seul ?) se décanteraient… Alors que là, il y a tellement d'enjeux au moment de faire un album… Donc ; il faut faire les bons choix, ne pas se louper…

Sly approuve

Stéphane : Oui et non, enfin je ne sais pas.

Pierrot: Enfin, maintenant, il y a quand même une facilité de sortir des choses avec les téléchargements, d’enregistrer à la maison.

Stéphane : De toute façon, nous, on sait qu’on ne va pas gagner notre vie avec ça, depuis le début, on ne l’a jamais gagné, enfin ça m’a payé des vacances…mais je n’ai jamais pu vivre avec ça. On ne sait jamais poser la question de se dire : stratégiquement on va faire ça comme çi ou comme ça… On essaye juste de faire le truc comme on en a envie…

Pierrot: Et puis, le concept d’ « album » reste encore un peu « sacralisé ». On a envie de sortir un truc qui nous ressemble et pas de  multiplier les sorties, publier sur le net dès qu’on a pondu un titre.

Oui, la différence est sur les moyens…

Matthieu : Oui, mais il y a plus de pression dans la mesure où on en sort un tous les 3-4 ans, on n'a pas envie de se louper. Alors que si on pouvait se dire « celui-ci, on prend ce parti pris, on l’assume complètement et peut-être qu’on fera autrement la prochaine fois… »

Stéphane : Tout bêtement, surtout c’est une question de moyens financiers, parce que… on peut se dire celui-là, j’aimerais bien le faire mixer ou mastériser à Londres parce qu’il y a des types qui t’intéressent, et puis tu renonces parce que tu vas en vendre douze.

Ou en concerts : on a toujours aimé les plans mise en scène [un exemple récent: à 5 minutes 40, un soir où le vidéo projecteur humide a refusé de projeter] , il y a une époque on faisait des trucs de dingos, mais on ne fait plus parce que le moindre truc, ça coûte des ronds. Quand tu fais 1000 personnes, ça va, quand tu fais 500, ça devient compliqué, et tu ne peux pas prendre ce risque- là. La créativité quand je vois tout ce qui sort, les groupes qui sortent pour quedal, parce que les gens qui vivent de la musique en France, ils sont peu nombreux. La créativité n’est pas liée à des questions économiques, il n’y a jamais eu autant de trucs biens.

Sly : Carrément. Et limite, le fait d’être un peu limité en terme de matos, handicapé en terme de moyens, ça peut apporter des choses intéressantes.

 

Comme me l’a dit LA FELINE : l’indépendance, "le moment où on retourne la nécessité en vertu"!

 

Matthieu : Là, on parle de créativité presque immédiate. Mais construire une carrière sur plusieurs disques (en laissant de côté l’aspect commercial), c’est déjà une autre forme de créativité que de lancer quelques titres sur internet. Et c’est là que les contraintes économiques font qu’on se met plus de pression…

Sly : Oui sûrement…

Stéphane: Oui, je vois aussi qu’il y a beaucoup de gens qui s’épuisent, des gens qui y croient à donf, qui envahissent internet, qui diffusent, qui communiquent beaucoup… et puis, il ne se passe beaucoup de choses derrière. Tu fais ça un, deux ans, trois ans.

Pierrot : Et qui sont minés par l’intermittence aussi. Toi, tu as cet objectif ?

Sly : Non, je ne cours pas après. J’ai l’impression qu’il faudrait que je fasse des choses dont je n’ai pas envie, la peur de m’égarer en étant à fond dans la recherche de l’intermittence. Mes créations perso m’occupent assez. Et je donne des cours à côté.

Sly Apollinaire, Voyage de Noz et Mathis: rencontre lyonnaise.

Nous évoquons François ex-des Déjà vu maintenant avec Strange Milk et Lauren Stuart, du magasin « La Bourse » où Sly a travaillé avec un moment…

Sly : Ca a scellé d’ailleurs le truc, c’est ma dernière expérience en entreprise… depuis je me consacre à la musique et ça me va très bien.

Pierrot : Stéphane, parle-nous de l’expérience de Nellie Olson.

Stéphane : L’album, on l’a fait histoire de marque le coup, mais on en prépare un deuxième, qui va être bien, je trouve les chansons vraiment biens. C’est vraiment une expérience que j’adore.

Pierrot : Toujours majorité en anglais ?

Stéphane : Même exclusivement.

Matthieu : C’est quoi comme formation ? Un trio ?

Stéphane : Basse batterie, guitare et chant. Vraiment…

Pierrot :Noisy ? (le nom de leur album)

Stéphane : … Dans l’esprit rocks anglais, très 80’s, Joy division, un peu dark. Super expérience.

Pierrot : Groupe constitué avec d’autres musiciens cultes de Lyon…

Stéphane : Oui, des vieux musiciens lyonnais, du groupe Aurélia Kreit, qui faisait une musique très CURE, que j’ai découvert un jour, c’était la classe absolue.

Matthieu : C’était la grande époque, ça ?

Stéphane : Un peu après. La grande époque, 1980, Starshooter, Factory, Electric callas, L’affaire louis trio. Aurélia Kreit, l’Enfance Eternelle, et nous, on est arrivé après, une musique très new wave, et là, ça brassait vraiment, jusqu’en 92/93… Après, on s’est retrouvé un peu tout seul.

Matthieu : C’est bizarre, qu’est-ce qui se casse la gueule à ce moment-là? Il n'y avait pas  encore internet…

Stéphane : Il y a pleins de groupes qui arrêtent à Lyon en tout cas… et puis, je ne sais pas… L’arrivée du rap ? Le côté alternatif qui arrive en force, le côté revendicatif.

Matthieu : Après, c’est vrai qu’en France, des groupes un peu new wave, ou post new wave, il n’y en a pas eu qui se soient fait connaitre ont sur la durée... A part Indochine.

Pierrot : Ceci dit, Le voyage de noz n’est pas vraiment resté sur ce créneau-là exclusivement.

Stéphane : Tu vois nous quand on commence en 86/87, on n’a pas de disque, même quand onfait le transbo. On fait une émission de radio, radio canut machin, et on fait 1500 personnes à côté.

La moitié des gens de la salle ne connaissait pas, mais était entrainé par d’autres : viens, tu vas voir c’est super bien.

Sly Il y avait un certain activisme de certains…

Pierrot : Et une cassette qui se repiquait dans les lycées. Dans ma classe, il y avait 4/5 personnes qui connaissaient le groupe, qui m’ont fait écouter.

Sly : Il y a une approche un peu « sacré » à l’époque, uncôté rituel, tu les sacralises… avec internet, c’est un peu parti.

Pierrot : Et puis, on parlait de sectorisation tout à l’heure,les Noz ont bénéficié d’un écho dans un certain milieu lyonnais,je me rappelle d’un grand bal, bien comme il faut, où il devait avoir plus de 500 personnes, et le Dj diffusait les Noz (91 sans doute).

Matthieu : En dehors de Lyon, ça a voyagé ?

Stéphane : Un peu, en fonction des opportunités… Il y avait un type qui nous faisait jouer en Suisse chaque année, alors, ça bougeait un peu là-bas. Dans les pays de Loire

Y’a d’autres régions où on n’est jamais allé… Marseille.

Je sais que à chaque fois qu’on est allé à Paris, bizarrement peut-être, on arrive avec le petit complexe de provincial,et chaque fois, un super accueil, et là tu te dis, qu’ à Lyon, putain, les gens y sont durs.

Pierrot : Et toi, Sly, tu as déjà à Paris, je crois, au Pop in, non ?

Sly : Euh, … attend, oui, en groupe la dernière fois. Bon, c’était un peu la galère, la sono était en vrac… et c’est vrai que c’est pour ça que j’arrête un peu… on parlait d’épuisement tout à l’heure… Je suis plus sélectif maintenant. Mais à Paris, surtout des bons souvenirs,ça se passe plutôt bien. Et la Belgique, c’estmagnifique, l’envie des gens, le côté bien rock and roll… et au niveau des groupes, c’est un super vivier.J’ai des potes qui ont un duo punk quis’appelle Pétula Clarck, et je vous les recommande chaudement. Ils tournent beaucoup partout en Europe. Je ne sais pas comment ils se débrouillent, c’est autogéré complétement.

Matthieu : A Clermont, on a le Raymond Bar, qui fait partie d’un réseau de salles "alternatives" en Europe. Ils arrivent à avoir des gens qui viennent d'un peu partout, avec 150 à 200 concerts par an.  L’entré est à 5 euros, la bière à un euro…

Il y a encore des gens qui arrivent à tourner, et à avoir des dates.

Stéphane : Aujourd’hui, à ce que je vois, pour tourner, il faut un produit très typé. Notre nouvelle violoniste, elle a un groupe, que des filles. Elles font du punk celtique, elles sont 5 filles, toutes en kilt…. Le programmateur dit : vous faites quoi ? On est 5 filles, on fait du punk celtique, - ok, je prends pour mon festival. C’est clair, Quand tu es le Voyage de Noz, et bien…

Sly : Le cul entre pleins de chaises

Matthieu : Même en matière de critique musicale, il faut coller des tonnes d'adjectifs….ranger dans des catégories.

 

Stéphane : Toutes les musiques hard core, ça tourne hyper bien. J’ai un pote quitourne dans toute l’Europe.

Pierrot :Et puis les groupes un peu java, word tzigane...

Sly : Voilà, il y a pleins de créneaux, mais il faut savoir rentrer dans la bonne case…

Matthieu : Il n’y aurait pas moyen de trouver une étiquette ?

Stéphane : Je n’ai pas l’impression… et puis, on peut faire un morceau tout doux au piano, derrière un truc qui envoie…

Du coup, certains forcés de s’étiqueter, choisissent des appellations sui generis : Sly était présenté aux belles journées comme du « folk pastoral et de la power pop »,

Pierrot : Avec Bonne Espérance, peut-être que… Il y avait un truc qui n’a pas été vendu suffisamment. En tant que fan, j’ai un gros regret là-dessus…

Stéphane : Cet album-là, j’ai l’impression qu’on l’avait un peu typé volontairement avec tout ce qu’on aime, et puis il ne s’est rien passé derrière. C’est un autre métier de communiquer.

Pierrot : Il n’y a pas eu de clip ou de vidéo non plus.

Matthieu : Et sur internet, vous êtes présents ?

Stéphane : Pas tellement. Et puis sur cet album, l’idée c’était justement de faire de l’anti-communication. A cet époque, où tout le monde, tu vois tout ce que le chanteur a mangé à midi, et quand il va aux chiottes et machin, tout est filmé, l’idée, c’était justement on montre rien, avec l’idée de créer le désir par l’absence.

Pierrot : Bon, il y avait eu un gros travail de teasers, très chouettes,  avec des vrais petits films publiés chaque jour… mais derrière…

Sly : Les gens qui publient des trucs toutes les 30 minutes sur Facebook, je n’y crois pas trop. On parlait du côté sacré de la musique, et là ça démystifie le truc..

Stéphane : Bon, il y a des gens qui le font bien, mais François et les Déjà Vu, par exemple, ils se sont épuisés… pour peu de résultats. Que d’efforts…

Matthieu : Dans une émission de Taddéi,  à la question "qu’est-ce qui marque l’époque?", un invité a répondu « le making of ». C'est vrai que dans tous les domaines, il faut présenter le « making of » de ce qu’on fait.

Sly : C’est dommage parce que la distance a du bon.

Stéphane : Oui, on perd de la magie. Si tu vois l’envers du décor…

Matthieu : Le storytelling, c’est la même chose : raconter comment on a fait le truc… une fausse sincérité.

Stéphane :Après, il y a des gens, comme Mylène Farmer, qu’on ne voit pas à la téloche…

Matthieu : Mais faut pouvoir se permettre de le faire... Dans ce cas-là,  la discrétion devient carrément un outil marketing.

Stéphane: Ou même Murat...

Pierrot : Oui, sauf qu’il trouve un concept à raconter pour chaque album, un truc à raconter pour les médias.

Sly : Il s’en tape, je pense de tout ça.

Pierrot : Je pense qu’il y réfléchit quand même, à ce qu’il va dire, même si c’est des conneries, il n’y croit pas une seconde.

Sly : Bon, il n’envoie pas des photos sur instagram non plus…

Pierrot : Les noz, vous avez été quand même bien organisé, avec des sites internet, des newsletters papier puis emails, un forum qui était très actifet où on s’est bien amusé.

Matthieu: Christophe Pie, le copain de Murat, a raconté ça : il a fait un album solo pour se prouver à lui-même qu’il pouvait le faire, mais une fois terminé, il s’est rendu compte qu’il n’avait pas du tout envie de faire la promo, que ce travail-là ne l'intéressait pas.

Stéphane : Et puis, ça prend énormément de temps de faire des choses dans le domaine-là. Nous, on n’a pas le temps. On essaye déjà d’avoir le temps pour bien faire des chansons.

Sly : Et puis, on ne sait pas faire forcement. Par contre, la question du clip… c’est important, les gens regardent plus qu’ils n’écoutent, et le clip, je trouve ça stimulant, intéressant. Je vais en refaire un, avec la même personne qui avait réalisé celui de Trampoline.

Stéphane : Et du coup, tu participes ?

Sly : Oui, j’ai des idées de départ, on en discute. Jusqu’à présent, c’est à la débrouille, mais c’est fun à faire.

Matthieu : Et on parlait de direction artistique tout-à-l'heure, là, au fond, c’est quelqu’un d’un domaine artistique proche du tien qui apporte un autre regard sur ce que tu fais.

Sly : Et j’n’envisage pas ça du tout dans une logique putassière. C’est un support différent, un support créatif différent, et comme un autre, les gens achètent la musique sur YouTube.

 

Pierrot : Et toi, les clips, Stéphane ?

Stéphane : Je n’ai aucune idée visuelle en général. Et je ne suis pas du tout patient et les clips, c’est des trucs qui prennent des plombes.

Matthieu : Tu n’as jamais eu envie de confier le travail à quelqu’un ?

Stéphane : On en a fait quelques-uns.

Pierrot : Notamment j’empire qui avait pour décors la demeure du chaos.

Stéphane: C’est un truc que je ne maitrise pas bien…. Je n’ai pas cette exigence-là. Je suis rarement content. J’empire, je trouve que c’est moyennement réussi. Moi, j’aurais fait un truc complétement différent. On est aussi trop gentils parfois, on aurait dû dire ce n’est pas ça qu’on veut… mais il n’est pas nul hein. Et puis, c’est toujours pareil : on fait ça sans moyen, avec des gens qu’on paye comme on peut. Le clip du signe pour l’époque c’était un beau clip.

Pierrot : Il était dans la sélection des Victoires de la musique… grâce à mon pied, qu’on voyait très bien. Ici même il y avait une structure métallique, avec150 figurants, pendant deux jours. Et c’est vrai que la force des Noz à l’époque c’était de pouvoir réunir une telle tribu comme ça.

Toi Sly, tu as un petit noyau de fans ?

Sly : Oui, un petit peu, mais justement, ma difficulté, ceux qui me suivent se lassent un peu : quand est-ce que tu sors cet album ? Ça fait 5 fois que tu le dis…

Pierrot : (rires) Ah, ça me fait penser à quelqu’un ça (Les NOZ)

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Merci à tous!

Interview réalisée le 21/01 (retranscription corrigée par chacun des intervenants).  Photos: Surjeanlouismurat.com

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- On attend l’actualité de Sly Apollinaire (sa Page facebook).

- Mathis: Jeudi 17 mars, soirée Buzzique Live (Bron)   Le 17 février, il était invité à la soirée spéciale Virage Radio au Ninkasi Kao avec Brigitte et Jain. Il y aura une date parisienne au printemps normalement. 

Mathis  et l'aventure de son album réalisé avec de belles pointures, comme Yan PECHIN! A LIRE ICI

- Le VOYAGE DE NOZ  le Mardi 15 mars,  au Transbo, pour avoir la chance de voir l'un des plus grands "frontman" du rock (selon Laurent Cachard)

Page facebook de NELLIE OLSON   et du Voyage de  NOZ

Dernière indiscrétion : Stéphane avait l’idée au départ de rejouer l’album « L’homme le plus heureux du monde », et a sollicité le retour de LIZ COTAM, la violoniste anglaise qui faisait partie du groupe. Elle a hésité… mais a finalement renoncé, cela joue trop fort pour elle désormais! Ella Beccaria, sa remplaçante, n’a pas ce genre de problème .

Ci-dessous medley vidéo:

Sly Apollinaire, Voyage de Noz et Mathis: rencontre lyonnaise.

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Les questions rituelles de l’inter-ViOUS ET MURAT- à SLY APOLLINAIRE :

Mon album préféré de Murat : Ce n'est pas très original, mais je dirais Mustango, pour son climat, Jennifer Charles & Calexico, le premier écouté et celui qui a le plus de valeur sentimentale pour moi. J'aime aussi beaucoup Lilith, découvert juste après, pour son contraste entre extrême douceur et énergie rock.

Mes 3 chansons préférées : Jim (là encore, pas très original) pour les raisons citées plus haut. Le Train Bleu, pour le texte et la mélancolie familière. La Bacchante, pour l'arrangement de cordes à tomber.

Une chanson de mon répertoire évoquant Murat : Un morceau intitulé "Dans le Lit Du Doux", qui sera présent sur mon futur album. Musicalement, c'est une sorte de grand écart entre Murat et Led Zep. Et le texte a ce côté "régionaliste" qu'on trouve chez Murat, puisqu'il fait référence à la rivière d'Ardèche où je me baigne depuis mon enfance.

Souvenir de concert : J'ai vu Murat pour la 1ère fois au Ninkasi, période Mokba, un set très contrasté avec de grands pics d'intensité clairement rock'n'roll. Puis je l'ai revu au théâtre de Villefranche il y a quelques mois (10 ans plus tard!) et j'ai adoré son nouveau groupe plein de feeling, notamment le bassiste.

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Rédigé par Pierrot

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT

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Publié le 15 Février 2016

Il y a quelques jours nous vous annoncions la nouvelle colloboration de Jean-Louis Murat avec un jeune artiste: Eryk. e.   Peu enclin à utiliser le téléphone qui m'aurait permis de réaliser son interview, j'ai demandé à M. de prendre la main.  Il a fait mine de rechigner bien-sûr... avant d'effectuer avec le talent qu'on lui connait, un travail fantastique en quelques jours.  Un mois avant la sortie du disque  "Seize", voici donc la toute première interview  d'Eryk e (désolé de la publier un quinze...).  

Eryk E, opus 1
Toubib or not toubib a musician...

 

Eryk E publiera dans le courant du mois de mars un premier album intitulé Seize, collection de chansons à l'écriture sobre et soignée, construites autour d'un piano d'allure classique. À l'instar de celui (opposé) d'une sophistication plus ou moins alambiquée, le choix de la simplicité a ses avantages et ses inconvénients. Côté risques, celui de verser dans – ou pire : de ne jamais réussir à quitter – le banal, le mièvre, le quelconque. En un mot, de donner dans la chanson "bof". Quand les choses se passent mieux, une forme d'épure peut au contraire mener vers l'intemporel et l'universel – le jamais-démodé, parce qu'en-dehors des modes. Fort heureusement, il existe entre ces deux extrêmes un vaste espace où chacun peut chercher à nicher ses aspirations esthétiques.
L'album d'Eryk E, dans sa simplicité apparente, offre d'ores et déjà à l'oreille quelques attraits de toutes natures. Un bouquet de mélodies qui ne demandent qu'à être fredonnées, des approches originales dans le traitement de certains sujets, une tessiture vocale feutrée en harmonie avec la production, une seconde voix étonnante qui déterritorialise les morceaux, des contrastes subtils (entre texte et mélodie ou à l'intérieur d'un même texte), l'ombre d'un Murat qui plane avec ses tourments essentiels ("qu'est-ce qu'être heureux ?", "quel est ce jeu ?", "que fais-tu mon cœur?"), une bal(l)ade parisienne belle à se jeter dans la Seine, des nuances dans la noirceur (ici désespérée, là élégiaque, ailleurs vénéneuse ou plus simplement tragique), la délicatesse d'un harmonica qui surgit quand on ne l'attend pas, etc. Autant de pistes stimulantes, de tâtonnements prometteurs, d'épiphanies gracieuses... Si l'année (20)15 nous avait enjoints – groggy et chancelants – à scander "Je suis Charlie", l'album
16 nous inspirera plutôt un paisible "Je suis Charmé". Par les temps qui courent, ne boudons pas notre plaisir...
Retour à présent sur le parcours musical de ce nouveau-venu âgé de quarante-sept ans. En seize points, afin d'être raccord.

1. Paralysée d'un côté (grévistes par milliers, pénuries multiples), en totale ébullition de l'autre (barricades, négociations au sommet). Telle apparaît la France en ce samedi de printemps. Nombreux sont celles et ceux qui ont eu la sensation de naître – symboliquement, existentiellement – en Mai 68.  Même dans le domaine plus circonscrit de la chanson, certains y ont fait leurs tout premiers pas : Renaud écrit "Crève salope" dans la Sorbonne occupée, Clerc et Manset publient leurs premiers 45 tours – tandis que les manifestants détournent "Paris s'éveille" et essuient leurs yeux rougis en écoutant "Rain and Tears"… Eryk Eisenberg, lui, est réellement né en mai 68, le samedi 25. Il lui faudra néanmoins attendre quelques années pour goûter aux joies des défilés et des AG sans fin.

2. Une date de naissance fait-elle un destin ? Sans doute pas. Il n'empêche que du côté de Cagnes-sur-Mer, un esprit de fronde postsoixanthuitarde semble régner certains soirs, le tout jeune Eryk ayant déjà compris qu'aux alentours de 20h00, il y a nettement mieux à faire qu'aller dormir… S'ensuit un concours de ruses et de stratagèmes entre le gamin et des parents plutôt compréhensifs, jusqu'au jour où le père, guitariste amateur, trouve un moyen efficace pour que son fils accepte de se coucher : le bercer avec du Brel et du Brassens. Une stratégie dont s'amusera, bien plus tard, celui qui fait désormais profession d'endormir les autres : "C'est finalement un grand paradoxe, car leurs textes puissants incitent au contraire à l'éveil, à l'agitation intérieure, à l'effervescence, aux réflexions profondes, à la révolution !"

3. D'auditeur à acteur, le pas est vite franchi, selon un parcours somme toute classique. Formation au piano à partir de dix ans (Bach et Rachmaninov restent parmi ses compositeurs préférés), clavier dans plusieurs groupes de rock, apprentissage en solo de la guitare. "La musique, ça a été vraiment très, très intense dans ma vie, émotionnellement parlant, à partir du moment où j'ai commencé." Dès le début (11-12 ans), il essaye de composer des petits airs. Un peu plus tard, stimulé par la créativité de ses amis du groupe de rock symphonique Psychose, avec lequel il joue parfois, il créé ses premières chansons et s'inscrit à la Sacem, alors qu'il est à peine majeur (il y dépose entre autres "Si tu savais"). "Je me faisais plaisir avant tout, j'avais un petit 4 pistes, je faisais mes petites maquettes, c'était chouette." Pilou, guitariste et batteur de Psychose, se souvient d'un garçon "adorable, avec de très bons textes".

4. Eryk grandit dans la région niçoise, mais entretient dès cette époque des liens étroits avec l'Auvergne, où il vit aujourd'hui. "Ma grand-mère maternelle était originaire d'Égliseneuve-d'Entraigues, mes parents avaient racheté une maison en 75 dans ce village et j'ai passé toutes les vacances de mon enfance là-haut." Il y fait d'ailleurs monter ses potes de Psychose pour un concert dans la salle des fêtes. Mais c'est en Indonésie, lors d'une nuit d'insomnie (tiens, donc…), qu'il écrira à l'âge de quarante-cinq ans un texte inspiré par le souvenir du cimetière de ce bourg du sud-Puy-de-Dôme, où reposent quelques uns de ses aïeux. Ce sera l'une des premières chansons de l'album à venir.

Eryk, avec un débardeur à l'effigie de Renaud, dans la maison familiale d'Égliseneuve.

5. Attiré par la médecine ainsi que par le métier de vétérinaire, Eryk pousse pourtant un cran plus loin sa passion, en s'inscrivant en Fac de musique. Il suit des cours d'harmonisation et de composition, s'essaye au jazz et à la musique expérimentale, enseigne lui-même le piano… Son objectif est alors de devenir professeur, tout en écrivant des chansons à côté, avec l'espoir – qui sait – de réussir à en vivre. Mais l'engagement dans les manifestations étudiantes de fin 86 perturbe quelque peu son année : "On a passé 3-4 mois à occuper la Fac de lettres de Nice, ce qui est une de mes plus grandes expériences politiques et humaines. J'ai des souvenirs émus de mes nuits passées dans la salle des profs qu'on occupait, à dormir sur mon perfecto et j'ai adoré. J'ai vécu cette année-là comme un 68 bis" Tandis que les périodes d'ébullition politique suscitent parfois une inclination romantique pour la marginalité, Eryk garde la tête sur les épaules et – lucidité ou manque d'audace ? – voit se profiler une carrière d'enseignant plutôt terne, avec des fantômes de chansons et des frustrations plein ses tiroirs… Il rétropédale et choisit la médecine, qu'il ira étudier à Paris, avec sa compagne.

6. L'implantation en plein Quartier latin le confronte avec la mythologie du lieu. Son goût pour la chanson rive gauche, la littérature, le jazz, Ferré, Hugo, Paris, etc. trouve naturellement à s'y épanouir. Ce coup de foudre (il dit être tombé "éperdument amoureux" du Quartier latin) se cristallise autour d'un nom : Vian. Boris, d'une part, dont le poème "Je voudrais pas crever", entendu un jour à la radio, interprété par Pierre Brasseur, le bouleverse : "J'ai vraiment flashé sur ce texte qui m'habite et qui me poursuit depuis." Alain, d'autre part, dont la rencontre, dans sa petite boutique du numéro 8 de la rue Grégoire de Tours, le marque profondément. Quelque temps plus tard, il mettra en musique le poème de Vian et l'enregistrera sur cassette, sans pouvoir – hélas – le faire écouter au frère du chanteur, entre-temps décédé. C'est également dans ces années qu'il écrit deux quatrains sur la guerre de 14, inspiré par les récits de son père et par un morceau de Le Forestier qu'il adore, "Les lettres". Il ignore qu'il vient de donner naissance à l'embryon de "Seize", la chanson qui fournit son titre à son disque. Ne se doute pas non plus qu'il lui faudra attendre 2015 pour réussir, après avoir remanié le poème original, à y associer une musique.

7. Il faut dire que les études de médecine exigent une grosse implication, d'autant qu'il s'interdit d'échouer, par loyauté envers sa famille qui le soutient financièrement. Il se concentre donc sur ce cursus et laisse de côté la composition. Sans regrets. "La médecine m'a littéralement passionné et je suis extrêmement heureux d'avoir fait ce choix a posteriori, parce que c'est un domaine dans lequel je me suis beaucoup, beaucoup investi – et je continue à le faire." S'il ne compose plus, il trouve toutefois le temps de jouer, s'adaptant parfaitement à l'esprit carabin tel qu'on l'imagine… mais en restant exigeant quant à l'écriture : "J'étais le pianiste officiel de la chorale de chansons paillardes de la Salpêtrière. C'était excellent, parce qu'il y avait des mecs qui étaient férus de chansons paillardes, avec des textes fantastiques. J'allais répéter dans la salle de garde de la Salpêtrière qui s'appelait la Charcoterie, du nom de Charcot, une petite salle de garde dans laquelle il y avait des fresques extraordinaires..." Cette bande de garçons-charcotiers aura même droit aux honneurs d'une émission de Laure Adler, sur France Culture : "La salle de garde, chapelle païenne" (en novembre 1994).

8. C'est peu de temps après qu'il s'installe à Clermont-Ferrand pour y faire sa spécialisation. Dans l'optique d'un voyage aux États-Unis pour aller présenter sa thèse, il s'inscrit à un cours d'anglais. Mais dès la séance d'évaluation initiale, il s'aperçoit que son professeur est aussi passionné que lui par Brassens. Ce saxophoniste de l'Oklahoma, Mark Delafleur, devient alors pendant trois ans son partenaire au sein La Mauvaise herbe, duo qui adapte le répertoire de Brassens dans des versions décalées et jazzy. Ensemble, ils donnent une cinquantaine de concerts, dont le plus marquant reste sans doute celui du 31 décembre 1998, où le tandem réveillonne en chanson à… Washington D.C. Même si ce n'est probablement pas à cette occasion qu'Eryk accomplit le plus de progrès en langues... "Au début de la soirée, nous étions seuls à comprendre les textes en français des chansons. Mais vers le milieu du concert, les fûts de chênes californiens aidant, nous avons nous-même commencé à avoir quelques difficultés..."

Présentation de La Mauvaise herbe, lors de son passage à La Baie des Singes, en 2000.

9. Après le départ de son acolyte (qui lui envoie parfois des cartes postales), la décennie suivante est plus calme pour le jeune médecin sur le plan musical. Loin de se tourner les pouces, il travaille à la publication d'un ouvrage de synthèse en anesthésie régionale échoguidée, domaine dans lequel il passe aujourd'hui, selon ses confrères, pour "un leader d'opinion reconnu et respecté". Mais côté musique, son activité se raréfie, à l'exception des chansons parodiques qu'il propose lors de congrès d'anesthésistes, dont il devient au fil des ans la coqueluche. Il y détourne joliment son cher Brel ("Ne le pique pas") ou raconte les mésaventures d'un brave anesthésiste, victime d'un chirurgien odieux ("Laisse béton"). Bien qu'il révèle lors de ces prestations une plume habile, une ironie plaisante et une certaine aisance sur scène, la perspective de publier un album paraît à présent bien loin.

10. Deux rencontres professionnelles vont changer la donne. La première est liée à son désir d'élargir ses compétences d'anesthésiste en s'intéressant à l'hypnose. Nous sommes au début des années 2010 : "J'ai fait une formation d'hypnose qui a duré à peu près un an et durant cette formation, j'ai rouvert certains domaines de mon esprit. Très rapidement, je me suis rendu compte que je changeais moi-même, que je n'appréhendais plus les événements et les relations interhumaines de la même manière. Ça m'a permis de modifier ma façon d'être, je pense, et c'est extrêmement instructif et positif dans plein de domaines – notamment le domaine créatif. J'ai recommencé à pouvoir écrire quelques musiques, mais sans avoir beaucoup de contraintes. Y avait pas de cahier des charges, je laissais les choses se faire et, finalement, rien n'aboutissait vraiment, mais je sentais que j'avais une capacité à écrire plus qu'auparavant." Le compositeur Eisenberg vient d'entrer en salle de réveil...

Eryk Eisenberg, de la clinique (ici en compagnie d'un patient)...

11. La deuxième rencontre, qui a lieu dans les mêmes années, est avec l'un de ses patients, un certain Jean-Louis Bergheaud, plus connu sous le nom de Murat. "J'aimais beaucoup ce qu'il faisait, mais je ne connaissais pas grand-chose de lui. Des chansons qu'on entendait à la radio essentiellement… c'est-à-dire pas grand-chose et pas forcément les plus intéressantes" Il semble qu'humainement, le courant passe bien entre le médecin-anesthésiste et l'auteur de "J'ai pas sommeil". "Je suis extrêmement curieux de tout ce qu'il a pu faire, vivre… Ce n'est pas de la curiosité mal placée, mais c'est passionnant de voir quelqu'un qui a une telle expérience de la musique, une telle expérience de la littérature – c'est un boulimique de lecture, quelqu'un qui a une culture immense, qui connaît énormément de choses… À chaque fois qu'on se voit, moi en tous cas, j'en tire un bonheur intense, parce que c'est passionnant de l'entendre, puis de sentir des choses... Il est plein d'émotions, c'est un homme qui est à fleur de peau… Après on interprète ça – c'est de la psychologie à la petite semaine –, cette carapace qu'il a – est-ce que c'est vraiment une carapace, j'en sais rien – si c'est pour se protéger de son émotivité ou pas, j'en sais rien, mais ça pourrait l'être... En tous cas, moi, j'adore cet homme, parce qu'il me passionne."

12. Le médecin et le musicien deviennent amis, si bien que le premier présente au second certaines de ses tentatives d'écriture – son poème de 1988 sur la Grande Guerre et son adaptation de Vian. "Je trouvais que cette musique était celle qui était la plus aboutie et, sur un plan littéraire, ce texte sur la guerre de 14 était celui qui était le plus abouti. Donc, finalement, je lui ai montré ce que je considérais de mieux de ce que j'avais fait." Murat le complimente, puis le pousse à persévérer, au point de lui suggérer de concevoir un album. Le Dr Eisenberg se montre très sceptique et doit en outre terminer la deuxième édition de son livre. Un travail "compliqué, douloureux, fastidieux". JLM lui laisse le temps, puis revient à la charge. En septembre 2014, le médecin-mélomane accepte le challenge et commence à composer quelques thèmes et à les harmoniser. Les textes lui posent plus de difficultés, il envoie donc trois musiques seules à Murat. "Une semaine après, je reçois un mail, trois textes. Ouah ! Je lis ça, je me dis : 'Mais c'est pas possible…' J'étais vraiment dans un autre monde…" Murat se mue alors en directeur artistique, incite son protégé à garder la même dynamique de création, balaye ses doutes, lui prescrit la fameuse règle des 3T (Tempo-Tonalité-Tructure, déjà en vigueur à ses débuts…) et, comme il l'a fait avec d'autres (cf. le témoignage récent de Matt Low), l'invite plus que jamais à lâcher prise, à ne pas se brider, à laisser s'exprimer ses émotions... Eisenberg accepte de le suivre : "Je suis parti aveuglément dans une relation de confiance avec lui et c'était génial. J'ai vécu – enfin, je continue, parce que nos relations sont toujours du même ordre – et je vis un rêve éveillé."

13. La majorité des dix chansons de l’album sont écrites par Eryk entre décembre 2014 et juin 2015, avec pour fidèle partenaire son premier instrument, le piano. Si ses capacités techniques sont réelles, lui chez qui l’un de ses professeurs détectait un potentiel de concertiste, il se sent limité comme compositeur. Le travail sur ses nouvelles chansons constitue donc aussi pour lui une auto-formation accélérée : "Auparavant, en tant qu'instrumentiste, j'avais tendance, en composant, à retomber un petit peu toujours sur les mêmes suites d'accords, sur des intervalles assez reproductibles et je m’enfermais systématiquement dans une sorte de grille qui ressemblait trop à celle que j'avais faite juste avant. À la lumière un peu de ce qu'on peut voir dans le système d'écriture automatique ou dans les écritures des cadavres exquis, j'ai commencé à essayer de trouver un début de thème et ne pas m'inscrire dans sa suite logique, essayer simplement d'entendre avant de jouer, d'entendre mentalement ce que pourrait donner cette suite d'accords, ce thème-là, avant d'essayer de le jouer. Parce que je me rendais compte que j'étais prisonnier de mes doigts et pas de mon esprit. Donc, finalement, j'ai laissé mon esprit guider mes doigts et pas mes doigts guider mon esprit. Étant un musicien tout à fait moyen dans le domaine de la composition, j'ai découvert cette technique, alors qu'elle aurait peut-être dû être à la base. Elle a émergé avec ma propre expérience."

... à la scène, guitare bien en main.

14. Quoique Murat lui ait répété que les chansons étaient la priorité et que le travail sur les arrangements viendrait plus tard, Eisenberg reste tout de même soucieux de ne pas s’enfermer dans un schéma piano-voix trop restrictif. Il souhaite que ses morceaux soient habités par une "tension", difficile à obtenir avec un simple clavier. Les orchestrations et le travail en studio participeront donc de cette recherche. Murat place quelques accords de guitare ici ou là, Denis Clavaizolle apporte claviers et bruitages, Julien Quinet pose sa trompette aux endroits opportuns, Stéphane Mikaelian donne une touche jazzy au morceau final... Mais deux musiciens occupent une place particulière dans ce processus : Gaëlle Cotte et Guillaume Bongiraud. Désireux d’associer les sonorités du violoncelle à son piano, Eisenberg sollicite le jeune membre du Delano Orchestra, dont il connaît et admire le travail. Bongiraud lui envoie en retour ses parties de violoncelle composées à partir des maquettes, notamment ces trois pistes de cordes superposées sur "Les lieux", qui donnent encore "la chair de poule" au médecin quand il en parle. La chanteuse Gaëlle Cotte, elle, est une copine depuis plus de dix ans. Il adore sa voix, son enthousiasme et la laisse donc improviser à sa guise.  À l’écoute de l’album, on se dit que ce sont probablement ses interventions qui éloignent le plus les chansons de leur cocon  originel et contribuent à cette "tension" recherchée par le compositeur.

15. Quand on interroge celui qui est donc devenu Eryk E sur ses projets à court terme autour de Seize, il reste relativement vague. Démarcher des labels, se produire sur scène... Mais il ne veut pas se précipiter. Il suffit pourtant de creuser un peu pour comprendre que sa motivation est grande : "Je continue à écrire parce que j'ai le secret espoir d'en enregistrer un deuxième, je pense, en septembre prochain. Je trouve que c'est un bon rythme, je vais me calquer sur celui de Jean-Louis. Ouais, si je peux en faire un par an, ça me plairait bien." En l’entendant, un doute nous effleure soudain. Ce quasi quinqua aux faux airs de hipster (dégarni), avec qui nous discutons agréablement depuis plus d’une heure, serait-il, sans que nous n’y ayons pris garde, un illuminé ? Un inconscient ? Un doux dingue ? Non, juste un scientifique qui a fait sienne cette phrase de Brel (placée en exergue de son livre) : "On est un accident biologique qui fait ce qu’il peut." Et s’explique en ces termes : "Biologiquement parlant, je crois que c'est inscrit en moi. Après j'en fais ce que je peux – c'est bien, c'est pas bien, ça plaît, ça plaît pas, c'est un autre problème. Mais en tous cas, je ne peux pas faire autrement qu'essayer de faire quelque chose avec la musique. Donc si j'arrive à trouver le moyen de le faire – c'est surtout les moyens financiers, parce que ça coûte un peu, quand même, de faire un disque en autoproduction –, si cet aspect-là est envisageable, eh bien j'ai vraiment la volonté, parce je me suis donné beaucoup, beaucoup de plaisir à le faire et je crois que c'est en train de devenir quelque chose d'indispensable à mon équilibre."

16. Ce vendredi 12 février 2016, Eryk joue pour la première fois ses chansons en public, dans un lieu éphémère ouvert le temps du Festival International du Court Métrage de Clermont. Dans une ambiance sonore et visuelle peu propice à l’écoute attentive de la musique (euphémisme), il joue la sienne, assis derrière un beau piano Pleyel des années 50. À ses  côtés, on retrouve Gaëlle Cotte, Guillaume Bongiraud, ainsi que le guitariste Frédéric Leclair et un ami qui se joint à eux pour quelques chœurs. Ce dernier n’est d’ailleurs pas le seul, puisque Eryk, souriant et sans trac excessif apparent, réussit avec l'aide de Gaëlle à associer quelques spectateurs aux chœurs du titre "Seize", rejoué en clôture d'un set particulièrement chaleureux. Puis il s'en retourne dans le public, recevoir les premières réactions de ses proches, avant d'assister avec plaisir aux passages d’autres clavieristes un Babx brillant, un Cascadeur lyrique et une Morgane Imbeaud vaillante et touchante, lorsqu’elle se met au piano pour trois titres, vers 1h00 du matin, tout juste descendue de son train... Que le nouveau venu Eryk E qui les précédait sur la scène soit parvenu, pour sa première apparition en public, à ne pas faire tache au milieu d’un tel plateau, est déjà de très bon augure pour la suite...

Eisenberg s'est fait une devise de la phrase de Brel mentionnée plus haut. Mais un autre propos du même auteur, qu'il citait voici quelques années, nous paraît tout aussi important : "Brel a dit en 1973 lors de sa 'Radioscopie' avec Jacques Chancel sur France Inter : 'Je crois qu’un artiste, c’est quelqu’un qui a mal aux autres...' Je ne suis pas plus artiste que beaucoup d’entre nous, mais oui, c’est vrai que j’ai le douloureux sentiment que cette phrase me raconte un peu." Cette modestie qu'affiche le néo-chanteur n'est pas la moindre de ses qualités. Quand tant de projets souffrent d'une boursouflure et d'un décalage entre leur contenu et tout ce qui l'entoure, l'humilité et le sens de la mesure de sa démarche sont à mettre à son crédit. De sa créativité future, des progrès qu'il saura accomplir, de sa motivation profonde (il a déjà en projet, dans un coin de sa tête, d'adapter des poètes qui lui sont chers) et de sa capacité à se coltiner avec ce "mal aux autres", source d'inspiration incontournable de tous ceux qu'il admire, dépendra la possibilité pour lui d'accéder à de plus hautes ambitions, à tous les niveaux. Pour l'heure, laissons le profiter de ce nouveau départ dans sa vie en lui souhaitant bonne chance. Et que Dieu se charge des taureaux...

**********

Un grand merci à Eryk Eisenberg pour sa disponibilité et sa confiance. Les deux chansons extraites de son album actuellement disponibles sont à écouter ICI. On pourra suivre son actualité sur sa page Facebook.

Nos chaleureux remerciements vont également à Pierre André, dit Pilou (auteur de la photo prise à Égliseneuve-d'Entraigues), Lionel Rousset de La Baie des Singes, Thibault de L'Hacienda et Fabrice Borie du Transfo.

 

LE LIEN EN PLUS

Lui aussi porte un prénom à l'orthographe particulière (comme le disait Yves Simon à propos de Juliet Berto), lui aussi a croisé la route de Jean-Louis Murat, lui aussi écrit des chansons, lui aussi a publié un livre... et il s'apprête à en sortir un nouveau (en attendant son prochain album, attendu pour cette année). Vous aurez reconnu (ou pas) Silvain Vanot qui signe Johnny Cash, I walk the line, chez Le mot et le reste. Le livre est annoncé en librairie pour le 19 mars. D'ici là, on peut toujours réécouter l'une de ses dernières créations, la très belle "Lucie", filmée il y a tout juste un an à Clermont...

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Rédigé par M

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT

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Publié le 11 Janvier 2016

 

Il y avait de quoi avoir les foies pour ma première interview en bugne à bugne: mon invitée du jour, en plus d'être une chanteuse parisienne, que l'on a qualifiée d'underground -elle définit elle-même le projet comme de la "pop protéiforme"-, est 1- une charmante femme, 2- philosophe, auteur et... 3- journaliste: après Philomag, elle signe désormais des articles pour LIBERATION (je n'ai pas eu le temps de lui parler de Mr. Qu'entends-tu de moi-Bayon). Qui plus est, la rencontre se déroulait en backstage du festival Les Belles journées (Bourgoin-Jallieu) en septembre dernier, à 15 mètres derrière de la scène... une heure après son propre set, alors que les Baden Baden finissaient le leur. J'étais un peu étourdi par le champagne, la musique, et le bruit de la pluie comme celui de mon coeur tout aussi battant... Et ce fut malgré tout une rencontre très sympathique et plaisante, comme l’annonçaient les quelques mails échangés en amont.

LA FELINE, alias Agnès Gayraud, m'a conquis avec son dernier disque "Adieu l'enfance". Je vous ai déjà parlé d'elle ici. Elle a accepté avec bon coeur de se plier aux principes de l'Inter-ViOUS ET MURAT, les questions rituelles comme cette recherche de dénominateurs communs entre elle et J.L. Bergheaud... Il faut dire que LA FELINE a choisi dans le texte de présentation (sur son site et pour les concerts) de voir son nom associé à celui de Murat: "Elle évoque Brigitte Fontaine ou Jean-Louis Murat pour l’écriture, Jeannette ou Julee Cruise pour la naïveté sensuelle, Deux ou les Young Marble Giants pour le goût des sons synthétiques minimaux".

Elle est en tournée en ce mois de janvier, pour quelques dates via la Souterraine, et notamment dans le 6-3 (au Baraka à Clermont et à Issoire). Les dates sont à retrouver ci-dessous. 

 

photo: Loïc H. Rechi

photo: Loïc H. Rechi

J'ai proposé ce matin à Agnès de nous parler de David Bowie dont on vient d'apprendre le décès (en attendant son article demain pour Libé):

La mort de David Bowie, c'est une tristesse infinie. Il a compté pour moi dès l'enfance – ma grande sœur avait un grand poster de lui dans sa chambre, elle était fan au dernier degré – « I'm an aligator, I'm à papa-mama coming for you », ces mots de « Moonage Dream » faisaient mon ravissement quand j'étais petite. Et puis ado, la période berlinoise, quelle fascination. Et l'adulte ne peut qu'être touchée, et admirative, de cette voix qui a faibli sans que l'ambition esthétique de Bowie ait été diminuée d'un iota avec ce dernier album qui subjugue tout le monde. J'imagine qu'il faut s'attendre à ce que nous perdions beaucoup de ces génies émergés dans les années soixante dans les quelques années qui viennent. On se demande que va devenir la pop maintenant que tous ceux qui ont fait son plus grand âge de gloire disparaissent. Autre chose sans doute. Mais David Bowie restera, je le crois, quand même : c'est l'avantage de la musique enregistrée, elle conserve la voix des morts, ils continuent de nous parler.

 

- Alors, vous sortez de scène,comment cela s’est passé ce soir, avec ces circonstances météo un peu difficiles ?

La Féline : C'est un peu décevant cette pluie torrentielle, pour un festival en plein air, forcément! Tu es embêté pour les gens sous la flotte. Mais je me suis dit qu’on allait essayer de donner le plus de chaleur possible, en compensation! Je devrais me dire cela à chaque fois, remarque, même quand il ne pleut pas. Mais je pense que le concert s’est bien passé, on était heureux de jouer, on était contents d’être là comme on dit… Je trouve l'expression un peu cliché mais mais je n'en ai pas d'autre!

- Et puis si tu aimes l’univers de Jacques Demy, tu peux trouver un certain charme à la soirée… avec tous ses parapluies….

La Féline : Ah ah, moui, je m’en serai passée…

- Le principe de ce festival « indé pop », ça te parle ? c’est quoi l’indépendance ?

La Féline : L’indépendance, ça a d'abord un sens économique aujourd’hui en France. C’est le fait que l’industrie a pris un coup dans l’aile, et qu’il y a moins de confiance, en général donc beaucoup de gens voués à se développer tous seuls et qui pourtant sont intéressants ; mais parce qu'ils font des choses qui ne peuvent pas séduire immédiatement un très large public, soit parce qu'elles sont plus exigeantes, soit parce qu'elles sont un peu bizarres ou imparfaites aussi... Moi c'est ce que je préfère, l'exigence, la bizzarerie, l'imperfection, mais ce n'est pas ce qui fait du like massif sur Facebook ou sur YouTube. Du coup, l'indépendance, c'est une position de faiblesse, de faiblesse économique parce qu’on n’est pas invités sur tous les festivals ni sur Europe 1, parce qu'on revient moins dans les suggestions de vidéos YouTube. Mais la force de l'indépendance, à un certain moment, c'est de revendiquer cette position de faiblesse, comme une position, non pas subie mais conquérante. Ce moment où tu regardes le top des charts sans envie et où tu es fier de faire autre chose. Même si ce n’est pas ce qui se vend le plus, c’est un certain idéal, l'idéal d’une musique qui est à la recherche d’une certaine beauté plus ou moins fragile. Moi, c’est comme ça que je le vois en tout cas, le moment où on retourne la nécessité en vertu.

- Justement, pour parler d’indépendance et d’exigence, est-ce que la Féline passe en radio ?

La Féline : Je sais que France inter a pas mal passé deux ou trois titres. France Culture m'invite souvent aussi. Didier Varrod, ça fait quelques années qu’il connaît et soutient : ça compte bien sûr, des tas d'autres groupes n’ont pas cette chance. Beaucoup de radios indépendantes aussi (Radio Campus, Autre chose plus FM, Radio Pulsar à Poitiers, on a été énormément soutenu par l'antenne bordelaise de Radio Nova), et puis, un peu partout à travers le monde, CISM au Quebec, je suis même passée à la télé nationale brésilienne, du coup, je crois que la deuxième nationalité de mes fans sur Facebook après français, c'est brésilien! FIP aussi passe un peu toutes les chansons d'Adieu l’enfance, qui n'ont été diffusées nulle part ailleurs : « Le Parfait Etat », « La Ligne d’Horizon », « Zone ». J’aime beaucoup cette souplesse, pourquoi toujours passer le même morceau ? C'est beaucoup plus souple qu'un titre matraqué en rotation. Le matraquage est une vieille technique de l'industrie culturelle : plus tu écoutes une chanson, plus elle a des chances de te plaire, du moins de te rester dans la tête, et c'est le plaisir de la reconnaissance qui te fait penser ensuite que tu l'aimes bien, même si elle te hérissait au départ. C'est très peu musical au fond comme logique : on est dans des zones réflexes de la psycho-acoustique!

- Bon alors, on peut dire « merci Didier Varrod ! » (comme on l’a écrit souvent ici… même s’il est contesté par ailleurs)…

La Féline : Oui, mais moi, je ne lui dois que du bien… alors je ne vais pas le critiquer!

- On va passer aux questions rituelles :

Ton histoire avec Murat ?

La Féline : J’imagine que ma découverte de Murat, c’était avec « Regrets », c'était la variété de l’époque, c’était connu, et j’aimais beaucoup, parce qu’il y a a ce côté ce romantisme noir, qu'on retrouve chez Mylène Farmer. Le Murat que j’aime aujourd’hui est plus «crasseux », c’est celui de Cheyenne Autumn, de « La fin du parcours » dont je te parlais, de quelques titres comme ça, la reprise de Tony Joe White [NDLR: Bobbie Gentry en fait], du Moujik et sa femme. Donc des disques que j’ai découverts plus tardivement, après 20 ans.

Ce que j’aime en tous cas chez Murat, c’est sa façon de chanter et c’est marrant parce qu’on m’a dit que sur certaines chansons, ça faisait penser à une façon de chanter de Murat.Je pense qu’il y a un côté plus doux chez la Féline, mais ça me va, je suis flattée. A mon sens, c’est le seul en France qui arrive à faire un genre de Léonard Cohen en français. C’est-à-dire une forme de folk assez masculin, peut-être un peu à la limite de la misogynie parfois, à la limite de la mauvaise foi  – c'est pas désagréable dans le rock le mauvais esprit – sans être donneur de leçons. Y a un côté mauvaise langue au seuil de l'existence, c’est quelque chose que j’aime beaucoup chez Léonard Cohen : cette façon d’avoir une vision du monde à la fois très désabusée et un peu ironique, sexualisée aussi, mais presque métaphysique. Ce n’est pas du cynisme, c’est au fond très poétique tout en étant très près de choses concrètes qui peuvent être un peu sales, ou un peu sexuelles ou de relations humaines pas très nettes. En fait, j’aime beaucoup ce côté pas net chez JLM. Quand il dit « je vis dans la crasse, je suis dégueulasse et alors ? », sacrée punchline, non? (rires) Et je trouve que le français sonne de manière un peu inhabituelle, parce qu’il a cette élégance littéraire, en fait, c’est ça : ce n’est pas les Béruriers noirs, on sent cette culture littéraire et en même temps ce côté crasseux, et ça c’est rare.

- Merci, et ton album préféré de Murat ?

La Féline : Ah, ça sera quand même Cheyenn Autumn… Sans doute pour l’équilibre parfait entre quelque chose d’assez pop et cette crasse littéraire, mais aussi peut-être parce que je connais moins les disques récents, mon choix est donc biaisé!

- Toi aussi, tu penses qu’il a sorti trop d’albums, tu as arrêté de suivre ?

La Féline : Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il a sorti trop de disques. De fait, il y a une certaine prolixité, mais qui fait partie du personnage et qui est intéressante aussi : ce n’est pas quelqu’un qui sacralise ce qu’il fait, c’est quelqu’un qui fait de la musique, et il en fait sans s’arrêter, et effectivement, j’ai peut-être moins été attentive à ces derniers disques, j’ai plus cristallisé sur certains disques mais ça parle plus de ma façon d'écouter que de sa façon de produire.

- Et tes trois chansons préférées, ça serait ?

La Féline : Mmm, je dirais « Fort Alamo », « La fin du parcours », « Les Hérons »…

- L’as-tu vu en concert ? Quels sentiments, souvenirs ou anecdotes ?

La Féline : Non, jamais vu Murat en concert. J'aime le lire en interview par contre, revoir des séquences télévisées où il fait son dandy d'Auvergne, hyper séducteur et brusque, il me fait toujours marrer. Son franc-parler, sa mauvaise foi, c'est drôle, et rare, et parfois juste aussi.

- Tu perds ta carte de fan alors.. désolé (rires)

Inter-ViOUS ET MURAT- n°19: LA FELINE

- Tu disais tout-à-l'heure qu’on t’avait fait la remarque que ton chant faisait penser à Murat sur un titre, y a-t-il dans ton répertoire un titre inspiré par Murat ou du moins qui te l’évoque ?

La Féline : On me l’a dit à propos de « La Ligne d’horizon », où vraiment le chant paraissait proche, et aussi sur « T’emporter », mais c’est le Murat des débuts je pense, presque new wave.

- Alors, au départ, j’avais prévu une interview par mails, et j’avais prévu une petite torture je dois dire : Baptiste Vignol pour son livre « le top 100 des chansons que l’on devrait tous connaitre par cœur » a demandé à 276 artistes et quelques spécialistes, plus ou moins qualifiés (moi), la question suivante :« pouvez-vous me confier la liste de vos 10 chansons préférées, celles qui vous accompagnent, que vous auriez aimé écrire, enregistrer, peu importe vos critères ? » et je trouvais amusant de vous la poser à mon tour puisque Aline, Robi et Valérie Leulliot, tous présents hier, y ont répondu. Alors, Baptiste proposait d’y consacrer un quart d’heure, c’est peut-être difficile là…

La Féline : Ah, je vais essayer ! Alors… Je mettrais… allons… « Eternelle » de Brigitte Fontaine, je mettrais « Le beau bizarre » de Christophe, (hésitations)... « L’innocence » de Nino Ferrer, « Avant l’enfer » de Dominique A, « Epaule Tattoo »… non ! « Heures indoues » de Daho. J’en ai combien là ? [on n’a pas compté]... « Les gauloises bleues » d’Yves Simon, « La question » de Françoise Hardy… Tout ça c’est un peu vieillot faudrait que je mette des choses plus récentes… Mais ils font partie de mes classiques disons.

- Bon, en fait dans le livre, on voit un peu ceux qui ont voulu faire un clin d’œil à des copains, d’autres qui ont cherché aussi à affirmer quelque chose : Romain Guerret avec des choses assez variété, ou Goldman qui choisit une chanson de GOLD…

La Féline : Y’a un morceau d'Adamo que j’adore aussi : « La nuit ». Je crois que j’en ai 10!

- Pour sortir du français, tiens, j’ai vu que tu adorais « Porque te vas »,c’est un titre que j’apprécie beaucoup aussi.

La Féline : Ah, oui, Jeannette! On ne connaît pratiquement que ça d'elle, mais elle a fait d'autres disques. Je me rappelle avoir entendu une chanson sur son père, assez émouvante. Mais « Porque te vas », c'est vraiment un idéal pop ; l’espagnol est une langue tellement pop, complétement sous-développée en France, on devrait chanter en espagnol parfois aussi! Puisqu’on chante en anglais.

- Mais tu es germanophone, non (pour travailler sur Adorno) ?

La Féline : Un peu, je parle surtout le Adorno! (rires). Par ma mère qui est d'origine andalouse, je suis surtout hispanophone. D’ailleurs, dans le disque que tu viens de prendre, il y a une chanson en espagnol : « Pirópos ».

 

- Aux jeux des petits dénominateurs communs entre toi et Murat, j’ai fait une petite liste : le Japon, Anne Sylvestre…

La Féline : Anne Sylvestre... J’aurais dû mettre parmi mes chansons classiques « Les gens qui doutent ». Et « Sous quelle étoile suis-je né » tiens, ou « Michael » de Michel Polnareff.

- Il y a aussi Baudelaire, Louise Labé, la carte du tendre que vous adorez…

La Féline : Ah, ça ne m’étonne pas que tu me dises que l’on retrouve ça chez Murat. Je ne connais que quelques poèmes de Louise Labé, j'avais un beau volume de ses textes, je dois l'avoir encore quelque part. Ça fait partie de ces livres que tu ouvres une fois, où tu tombes sur un texte qui te bouleverse tellement que tu ne réouvres jamais le livre tout en décidant de le chérir à vie. Il y a ce poème sur les tourments de l'amour extrêmement direct et sensoriel, avec ce vers qui m'est resté « j'ai chaud extrême en endurant froidure »... Et la carte de tendre,  oui, aussi! J'ai un faible pour les cartographies de l'esprit en général, de Freud à Abby Warburg, il y a quelque chose de primitif et de civilisé dans ce geste auquel je crois beaucoup. Comme une intuition un peu naïve, un peu enfantine, mais qui touche bel et bien quelque chose de la vérité. Il l'évoque où Murat la carte du tendre?

- Il la survolait en parachute dans un de ses clips,c’est une référence ancienne du type de celles qu’il adore. Vous aimez par contre les Smiths, la ville et la nuit… ce qui n'est pas le cas de Murat sans doute...

La Féline : … Morrissey, Johnny Marr, bien sûr. Mon adolescence a été bercée par The Queen is dead. « I know it's over » et « Some girls are biger than others », ça forge ton âme d'adolescent(e).

- Le Japon, tu l’aimes surtout pour la Bd (Murat lui ce n’est pas son truc non plus)

La Féline : Oui, j’aime le manga, je dois avoir des goûts plus pop que Jean-Louis… Ozamu Tezuka pour moi, c'est un auteur aussi important que Céline ou Gombrowicz.

- Un autre point commun, ça serait vos origines modestes…

La Féline : Oui… enfin, pas par mon père, mais j’ai été élevée par ma mère, qui était ouvrière, d'origine espagnole, mais elle a toujours beaucoup lu et m'a transmis, sans pour autant être musicienne, une grande sensibilité à la musique.

 

- Alors, justement, ton album s'intitule Adieu l'enfance, un thème cher à Murat qui aime évoquer son enfance, mais lui semble ne pas lui avoir dit adieu, tant dans son œuvre que dans son discours médiatique, en restant dans son pays, en contant le monde paysan… [le set d’H BURNS débute]

La Féline : Oui, mais quand je dis « adieu l’enfance », ça ne veut pas dire que je veuille renoncer à l’enfance, ou à tout ce qui m'en reste, ça voulait simplement dire que, dans cette chanson, je voulais aller au bout du sentiment de tristesse qui me restait de l’enfance. L'enfant, c’est le stade ultime chez Nietzsche, bien sûr que personne ici ne veut renoncer à l'enfant en soi! Mais l’idée de l’album, c’était d'aller au bout d’une émotion, sans faire la dialecticienne justement... parce que l’enfance éternelle, c’est aussi l’enfer, non?

 

 

- Murat aime la philosophie. Dernièrement, il a parlé avec passion de Gunther Anders…Je ne sais pas si tu le connais ?

La Féline : Oui, un peu, il y a ce texte important sur « l’obsolescence de l’homme », c'est un grand critique de la culture allemande du 20e siècle... Mais quand tu connais Adorno, c’est mieux… (Rires) Non, j’exagère… En fait, je ne connais pas beaucoup.

-En tout cas pour Murat, ça a été un coup de foudre, et il fonctionne un peu ainsi :quand il a ce « coup de foudre » pour un auteur, delire l’intégralité de son œuvre (Nietzche par le passé)…Est-ce qu’Adorno sur lequel tu travailles a été aussi « un choc » pour toi ?

La Féline : En tout cas, c’est un auteur sur lequel je travaille depuis maintenant près de dix ans, et je ne m'en lasse pas vraiment. J'ai commencé par son texte le plus métaphysique et le plus difficile Dialectique négative, puis son esthétique, puis sa sociologie qui est un peu empesée de freudo-marxisme, pleine d’exagérations, mais qui, dans sa radicalité, reste assez puissante. En ce moment, je réfléchis sur la pop en rapport avec ses écrits sur la musique légère, c'est passionnant. C'est à la fois un vieux ringard insupportable et en même temps, un genre de mauvais esprit rafraîchissant si je puis dire. Je n'en parlerais pas en terme de coup de foudre… c'est plutôt devenu un genre de compagnon intellectuel démoniaque qui me fait avancer dans la pensée.

 

- Donc sur Adorno, comme un bon cancre que je suis, je suis allé voir la page wikipédia et je suis tombé sur la phrase « Il cherche à comprendre comment certaines structures mentales conduisent à la formation de cette personnalité autoritaire, qui contient potentiellement le germe du fascisme »)… et j’ai pensé de suite à la chanson « Chant Soviet » de Babel sur le fascisme qui sommeille en chacun en nous… Murat aurait-il lu Adorno ?

La Féline : Ça n'est pas impossible, non? En tous cas oui, dans les travaux d'Adorno, il y a cet enjeu là, qui résonne pas mal avec le durcissement identitaire que nous vivons aujourd'hui en France : se demander comment quelque chose comme le nazisme a pu arriver, comment l’Amérique des années 40 n'est pas en reste sur ce qu'Adorno appelle le caractère autoritaire, cette tendance sociale à la soumission aux normes, aussi arbitraires soient-elles, et au désir de punir ceux qui ne s'y soumettent pas. Ça prend parfois un tour exagéré dans la critique du monde démocratique pseudo-libéral dont parle Adorno : quand tu lis La Dialectique de la Raison, c'est presque 1984 de Geroge Orwell, c’est une sorte de dystopie philosophique, sauf que ce n’est pas de la fiction. En tout cas, il y a vraiment chez lui cette volonté de chercher dans les individus les germes qui peuvent à un moment les rendre inhumains et de faire que la philosophie nous préserve de ça, autant que possible, sans non plus s'imaginer que la philosophie a réponse à tout.

- Et toi, est-ce que la philosophie pourrait t’inspirer un titre ?

La Féline : J’ai tendance à séparer… Pour moi la philosophie, c’est un savoir, il y a des auteurs, des thèses, des livres, j’en ai lus certains, mais ça reste une position d’autorité, ou du moins de réflexivité, qui demande du temps, des médiations, ça ne marche pas vraiment avec l'instantanéité des chansons. Alors que quand je fais de la musique, je n’ai pas d’autorité à avoir sur les gens, ni de distance réflexive à mettre en scène, je veux les émouvoir, je ne veux pas leur dire « tu devrais savoir ça » ou même je ne veux pas leur dire « comprenez-moi d’abord après on verra », c’est à moi d’aller vers eux. C’est un donc un chemin tout à fait différent. Il y a quelque chose d’assez viril dans la philosophie pour moi et au contraire, chez moi, l’expérience de la musique est assez féminine (je ne dis pas ça pour genrer les choses spécialement, c'est plutôt une question de pôles, et je me permets tout à fait de circuler entre les deux). Je pense que je cherche une sorte de fusion avec les gens par la musique, pas vraiment la discussion, ni l’autorité doctorale que peut avoir la philosophie…Voilà. C'est marrant parce que je suis en train d’adapter un morceau de Robert Wyatt, « Alliance », qui est un morceau très politique, très donneur de leçons, et j’essaye d’en faire une version française crédible à mes yeux, or, pour ça, il faut que j’aie un discours politique, philosopho-politique et voir comment je suis capable de le chanter. C'est extrêmement difficile! Mais ça rejoint un autre problème qui est le tabou du politique dans la chanson française « de bon goût ». Comme les cinéastes de la Nouvelle Vague qui ne voulaient pas montrer les ouvriers ni les immigrés dans les années 60 – et il y en avait pourtant ! – , la pop issue de Gainsbourg est plus à l'aise dans le détachement que dans l'engagement. Certes, l'engagement dans la chanson française a parfois de bien gros sabots qu'on n'a pas envie de porter... Mais le pur détachement ne me satisfait pas non plus... Il faut trouver autre chose!

- Alors, on va garder Wyatt pour la prochaine interview… parce que Murat l’aime beaucoup, il l’a interviewé pour Télérama, et il aurait gardé le contact. Je reviens au parallèle philo/musique : quand tu enseignes, être sur l’estrade devant des étudiants, ou sur une scène, est-ce que c'est comparable?

La Féline : Ça fait un certain temps que je n’enseigne pas, ou ponctuellement, pour pouvoir faire de la musique, mais oui, il y a une part de show dans les deux cas, c’est sûr. Mais il y a une nette différence entre enseigner les théories des autres et chanter sa chanson. Quand tu chantes ta chanson vraiment, t'es à poil. Alors que parler de Hegel, ça va... Bon, oui, c’est compliqué Hegel, mais, mais si tu fais un cours sur Hegel tu ressens une légitimité incomparable à celle que tu peux ressentir en chantant ta petite chanson. Toi, tu penses que Hegel, c'est génial, fascinant, essentiel. Alors que ta chanson, est-ce que c’est génial ? Est-ce que c’est important? Est-ce que c’est intéressant ? Est-ce justifié que tu montes sur scène et que les gens t’écoutent sous la pluie durant 45 minutes ? Ça, c’est plus difficile.

 

Inter-ViOUS ET MURAT- n°19: LA FELINE

- Comme il est dit dans la chanson de JLM « Murat c’est un héros de cinéma », comme La Féline. Murat allant lui jusqu’à insérer du Ford ou du Tarkovski dans ses titres ou faire un peu l’acteur.Tu es très cinéphile? Partages-tu quelques goûts communs avec Murat ?

La Féline : Ah, oui Tarkovski, Solaris... Ou Ford, La prisonnière du désert, etc. Difficile là aussi de ne pas s'accorder à dire que c'est génial. Mais là aussi la question, c'est qu'est-ce que tu en fais, à l'échelle de ta musique. Pour moi, La Féline de Tourneur a pratiquement constitué une charte esthétique au départ, avec cette idée de quelque chose de mystérieux, qui ne se donne pas tout-à-fait et qui est en même temps relié à des pulsions humaines fondamentales. Le cinéma permet ça, le noir et blanc, une sorte de sobriété absolue pour décrire un volcan. C'est pourquoi c'est pratiquement mon art favori… Non : la musique est plus forte au sens où elle m'émeut davantage, me travaille plus, mais, en terme fantasmatique, le cinéma est au centre.

- Dans le livret de ton album, tu as mis un texte, un récit, qui est une sorte de porte d'entrée à l'esprit des onze chansons. Je n’aime pas forcement ça dans l'idée, Manset avait fait une fois collé à l’album un texte sur chaque chanson et c’était assez catastrophique…

La Féline : Ah oui, Manset, j’aurais dû mettre une de ses chansons dans ma sélection, j’adore).

- On est deux ! Je suis très fan… Pour en revenir à ma question, est-ce que tu ne penses pas qu’il y a une dictature du storytelling pour sortir un album ? Je parle souvent de Burgalat qui disait qu’il avait un album prêt, mais qu’il ne pouvait pas le sortir, parce qu’il n’a rien à en dire. Murat lui est assez fort pour trouver quelque chose, puis dire, oui, c’est pour les journalistes…

La Féline : Oui, il y a une contrainte qui est clairement journalistique, parce qu’il faut «pitcher », il y a cette nécessité de « pitcher », les gens n’ont pas le temps d’écouter les disques. Et pour pouvoir exister en France aujourd’hui, il faut forcement vouloir incarner quelque chose de plus que de la musique. Bon, cela a toujours été un peu le cas, en rock, ce n’est pas nouveau, mais il y a cette part de communication de soi dans laquelle certains musiciens peuvent être très mauvais alors qu’ils sont des génies dans leur art, et c’est révoltant qu'ils restent dans l'ombre.

Pour le texte de l'album « Combinaison absente », j'avais cette histoire, et j’avais cette photo, et il y avait ce côté science-fiction, un côté émouvant, et puis j’ai quand même l’habitude d’écrire des petits textes sur mon blog, et c’est un disque assez littéraire, alors, après tout, je me suis dit : cela fait une entrée et en même temps, c’est un texte autonome, on peut le lire sans écouter le disque. Je n’adhère pas du tout au storytelling comme une contrainte pour sortir un disque, de pitcher comme ça, c’est une sorte de peopleisation du métier de musicien, mais sur ce disque, j’avais l’impression d’un chemin, d’un chemin parcouru pour arriver à ces chansons et il me semblait que pour que le gens soient touchés par elles, il fallait que je leur indique ça.

- Oui, surtout que tu as peut-être mis un peu de temps pour te trouver, folk, électro..

Oui, mais il est possible que j’y revienne d’ailleurs. La petite part eighties des synthés, les boîtes à rythme, c’est la musique de l’enfant que j’étais, c’est la musique que j’aimais entendre à la radio, la musique qui passait. Pour autant, ce n’est pas du tout un disque revivaliste, « Le Parfait état » qui clôt le disque, c’est assez folk, « La ligne d’horizon » pareil, « Dans le doute » il y a une ligne de basse,mais au fond,ce n’est pas un disque de new-wave, ou de revival 80's, ce sont les gens qui n'écoutent pas attentivement qui disent ça. Ce sont des chansons, avant tout, jouées avec les moyens du bord du moment, un synthés JX3P et une boîte à rythme.

Après, oui, j’ai mis quand même du temps, j’ai travaillé avec d’autres musiciens qui étaient très doués, j’étais un peu dans l’attente de leur avis, et au bout d’un moment, eux-mêmes m’ont dit « vas-y arrange tes chansons seule et c’est là qu’une vérité va émerger». Et ça a eu lieu et Xavier Thiry a réalisé le disque avec moi mais en étant totalement à l’écoute. Donc, oui, du temps à se trouver, mais ce n’est jamais fini je pense. Je passe mon temps à chercher, je passe mon temps à trouver. Il n’y a pas un moment où tu arrives à un truc « voilà, c’est super, c’est moi », parce que tu changes, t’interprètes les choses. D’ailleurs, quand j’ai commencé, j’avais une chanson un peufolk qui s’appelait « Mystery train », qui a eu pas mal de succès parce qu’elle est assez immédiate, et un jour en concert, je l’ai chantée, et je n’y croyais pas du tout, j'ai cessé de la chanter. Je la rechanterai peut-être. Peut-être qu’un jour, je ressentirai la même chose avec « Adieu l’enfance », je n’y croirais plus, et il faudra faire autre chose.

- Pour la voix, tu prends des risques, avec un certain lyrisme, et je me demandais tout à l’heure en t’entendant si tu avais pris des cours de chant classique ?

La Féline : Non, par contre, j’ai toujours chanté, enfant… Mais je n’ai jamais pris de cours.

 

- Sur « Rêve de verre » ( que tu chantais tout à l'heure sur scène à capella), on penseà Camille et aussi du fait des « risques » que tu prendssur la voix (notamment sur « Zone »), est-ce une artiste que tu apprécies ?

La Féline : Oui, c’est quelqu’un que je respecte, avec cette audace qu’elle a de miser uniquement sur sa voix. Il y a aussi un certain idéal de l’autonomie du chanteur qui est quelque chose de rare dans la pop. Le chanteur, habituellement, n’est jamais autonome, il est perdu sans son groupe. La variété, qui vénère les chanteurs, c'est aussi beaucoup un art de l'orchestration.

Concernant « Rêve de verre », l’inspiration est un peu plus mystique, médiévale, elle est un peu gothique je dirais, pour employer le bon terme, au sens où c’est une espèce d’innocence mais qui parle de la mort ou de la désillusion, donc quelque chose de très pur qui évoque en même temps la décomposition. Pour moi, il y a cette tension-là.Ce n’est pas juste un jeu vocal.La mélodie, je l’ai enregistrée dans une église, avec un dictaphone. J’ai eu une éducation religieuse, enfant, je reste émue par les chapelles vides, la résonance des lieux de culte.

- Dernier nom sur lequel je voulais t’entendre, c’est Christine and the Queens. Ton côté électro peut l’évoquer, mais c’est aussi par rapport à ses ventes de disques qui ont atteint un niveau phénoménal, on voit de temps en temps les classements et c’est toujours surprenant et déprimant…

La Féline : C’est très bien pour elle, la seule chose qui est regrettable en France c’est qu’on a l’impression que les gens n’achètent qu’un disque par an. Il y a d’autres choses tout aussi valables!

- Alors, on parlait d’indépendance tout à l’heure, peux-tu nous parler de ton label ? J’ai vu qu’il s’agit de celui de Nicolas Comment (fan comme nous de Manset)

La Féline : C’est le label de Marc Collin, qui est une personne très intéressante, très cultivée musicalement et qui est le seul, quand je lui ai présenté le disque, qui était complètement preneur. Alors que jusqu’ici, je n’avais eu soit que des très indés qui ne trouvaient pas ça assez indé, soit des majors qui trouvaient ça trop bizarre. Et lui, il s’est contenté de dire «c’est super ». Voilà, c’est un petit label, il n’y a pas eu énormément de moyens mais le disque a touché plus de gens que ce que j’avais fait jusqu’ici. Et j'ai conservé mon indépendance, Marc ne m’a rien imposé. J’ai fait la pochette que je voulais, le texte que je voulais. Il m’a complétement fait confiance.

- Et Manset, alors ? On peut y revenir…

La Féline : Comme Murat, Manset a aussi ce truc crasseux et mystique à la fois, une part de romantisme mais version réactionnaire disons, avec lequel humainement je pense que j’aurais un peu de mal, mais qui artistiquement, est souvent saisissant. Il peut frôler le ridicule parfois avec son côté côté mégalomaniaque, « Royaume de Siam », « Je suis dieu»… De « Animal on est mal » à « Comme un légo », il y a des dizaines de chansons géniales. C’est vraiment quelqu’un que j’admire beaucoup pour la radicalité de son parti pris, de sa vision du monde, avec cette petite part d’exotisme bizarre, de pessimisme profond. On le compare parfois à Cabrel, mais il y a un fossé énorme, ne serait-ce que pour ce pessimisme absolu, et la vision qu'a Manset de la production, ce n’est pas du tout le même parti-pris… Avec Mondkopf, on a fait une reprise de « Comme un guerrier », on en a fait une première version et on en fait une autre là, pour trouver l'équilibre qu'on cherche. Je ne sais pas si ça plaira à Gérard (rires), mais bon! J’adore ce morceau et justement ça m’intéressait, moi qui vient d’un truc très doux, La Féline, de me risquer à cette chanson qui est à la fois très virile, mais aussi très universelle.

- Alors tes projets à venir ?

La Féline : Déjà, cette collaboration avec Mondkopf, ça va être beaucoup moins «chanson » disons, plus axée sur la texture des sons, plus dense, plus bruitiste aussi. Et puis un nouvel album qui se prépare. J’ai écrit une série de chansons et je pense qu’on va être rejoint pas un batteur sur scène. J’ai envie, après l'album Adieu l’enfance de retrouver un son un peu plus acoustique.

- Tu parlais d’écriture, tu as un blog… et selon l’expression de Murat, est-ce que tu aurais suffisamment de suite dans les idées pour écrire un roman ?

La Féline : Non, clairement, pas un roman. L'écriture d'un roman implique un souffle long. Je vis avec un romancier et je vois bien cet élan qu’il faut. Je suis moi, à la fois comme lecteur et comme auteur, beaucoup plus adepte de la forme brève, et d’ailleurs, la chanson en est une. Dans le blog, j'écris sur mes amis musiciens, ou pour Libé, des chroniques où j'essaie de faire d'analyser ce que j'écoute, plutôt que de dire j'aime ou j'aime pas. La forme longue, à laquelle je me confronte en ce moment, c’est plutôt une forme théorique, une forme philosophique sur l’esthétique de la pop. Mais c'est encore différent.

 

Interview réalisée le 12 septembre 2015 dans le parc des Lilattes à Bourgoin-Jallieu. 40 minutes de discussion. Relecture par A.Gayraud de janvier 2016.  www.surjeanlouismurat.com

 

La deuxième édition du Festival "les Belles journées" aura lieu le 9 et 10 septembre 2016!

 

Les prochains concerts de LA FELINE:

- 14/01,TOULOUSE, Connexion Live, Fête Souterraine w/ Eddy Crampes et Cliché
- 15/01, MONTAUBAN, Nukind Coffee House, Fête Souterraine
- 16/01, CLERMONT, Le Baraka, Fête Souterraine
- 17/01, LE CHAMBON S/ LIGNON, La Gargouille,  Sérénade et lectures souterraines
- 19/01, VALENCE, MISTRAL PALACE
- 21/01, LAVAL, 6PAR4, w/ Bertrand Belin
- 29/01, ISSOIRE, Salle Claude Nougaro

On retrouvera LA FELINE le 15 mars au Tambour à Rennes, et une première partie en solo d'Arman Meliès à l'Ubu le 18 mars.

une phrase en audio de l'interview:

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Rédigé par Pierrot

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT

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Publié le 16 Août 2015

Festival "Les Belles Journées", interview !

Pour obtenir une accréditation-presse pour la première fois, je me suis laissé soudoyer par l'attachée de presse pour faire un article pour annoncer le festival : LES BELLES JOURNEES, "festival de rock indé" à Bourgoin-Jallieu, le 11 et 12 septembre, au parc des Lilattes, première édition...
En réalité, j'étais tellement content  de découvrir cette initiative de ma métropole micro-régionale, et surtout cette programmation, que j'avais déjà facebooké sur l'événement et invité mes contacts lyonnais à l'événement. C'est tout naturellement que j'allais bien sûr en parler aussi sur le blog, et faire ma petite part pour promouvoir l'événement...  d'autant plus que j'espère  réussir à vous proposer quelques contenus exclusifs... notamment une petite surprise aux lyonnais (un petit clin d'oeil au musicien Jean-Louis Bergheaud qui faisait le reporter musical... mais chut).
Vous n'avez donc pas fini d'entendre parler du festival ici-même...

 

Et voilà que... alors que je prenais contact sur facebook avec le programmateur du festival afin d'en savoir plus sur le concept de "rock indé", et ses choix, celui-ci m'apprenait qu'il avait été très fan de Murat, qu'il était un ancien de Virgin... et...et... qu'il avait eu son quart d'heure de "célébrité muratienne" (une petite minute en fait)!  C'est dans cette vidéo  à partir de la 5e minute:

 

E

Oui, le programmateur du festival LES BELLES JOURNEES est:

LAURENT TOQUET  dont Ruquier lit une lettre publiée dans les Inrocks dans cette émission de 2006.

Voici donc sa mini "inter-ViOUS ET MURAT".

E

eParc des lilattes

en configuration concerts estivaux, ou virades de l'espoir (les services techniques sont rôdés).

 

e

Interview:

 

  • Alors, bonjour Laurent Toquet, avant d'aborder le festival, vous m'obligez à évoquer Murat... Quelle est votre histoire avec Murat? 

E

Mon histoire avec Murat remonte à bien longtemps, en 1987 exactement. A cette époque, je travaillais comme disquaire à Lyon chez Jelmoli exactement.

J'avais commandé ce 45 tours: "Si je devais manquer de toi" au commercial de chez Virgin qui connaissant bien mes goûts musicaux, m'avait préciser que l'univers de ce chanteur, Jean Louis Murat, devrait me plaire. Et en effet, ça m'a beaucoup plu et j'ai du en vendre pas mal à ma clientèle, car je le passais en boucle dans le magasin. Après, j'ai systématiquement commandé tout ce qui sortait de lui, pour mon plaisir et pour le magasin aussi.

En 1988, je quitte mon poste de disquaire chez Jelmoli pour aller travailler en tant que commercial chez la maison de disques Virgin France.

Je viens donc de réaliser mon rêve de l'époque: travailler pour ma maison de disques préférée qui distribue tous les labels que j'aime: Virgin, 4AD, Beggars Banquet, Mute, Rough Trade...

Dans le cadre de mon boulot, je reçois donc tous les disques qui vont sortir avant tout le monde, pour les faire écouter aux disquaires en avant première et les motiver sur les projets.

C'est ainsi que, jusqu'en 1992, je vais beaucoup parler et écouter du Murat au fil des sorties de ses disques, je vais le rencontrer aussi quelques fois rapidement au siège de chez Virgin,

place des Vosges à Paris, mais il n'est pas très bavard à cette période, pourtant nous avons une grande passion en commun: le vélo et tout ce qui touche au cyclisme en général.

En 1992, je quitte Virgin pour aller travailler chez Universal, mais je continue à me procurer les albums de Murat à chaque fois qu'il en sort un (et dieu sait qu'il est prolifique l'animal).

J'ai commencé à décrocher un peu début 2000, car je trouvais que sa production baissait très nettement en qualité et qu'il ne se remettait guère en questions, pour revenir vers

lui ces dernières années, trouvant sa production à nouveau intéressante, mais ses disques ne me procurent plus tant de frissons et d'émotions que ceux des années 90.

Faut dire que j'ai vieilli, lui aussi... Voilà!

e

  • Petites questions rituelles: Votre album préféré? si vous pouvez me citer 3 chansons? et bien sûr pourquoi ce choix?

E

Sans aucune hésitation: DOLORES.

Tout me touche dans ce disque à fleur de peau. Du moindre mot à la pochette, je me sens complètement en osmose avec cet univers mélancolique et poétique.

Son écriture est fine, originale, la production musicale impeccable, tous les instruments se complètent parfaitement, c'est beau, totalement maîtrisé tout en étant un peu fou. Quel disque!

Après j'aime presque autant: Le manteau de pluie, Vénus et Mustango et le live in Dolorès couplé avec le Murat en plein air.

Chansons préférées:

Très difficile à choisir pour moi, il y en a tant que j'adore.

- "Perce-Neige" pour ce rapport incroyable avec la nature, les animaux, le climat et les états d'âme d'un homme tellement lucide, ici étalés toutes en finesse, qui se dégagent de ce titre.

- "L'éphémère" parce que personne ne sait parler des femmes donc d'amour, de la nature et de ce qu'elle dégage comme ambiance, comme force, de l'instant d'un émoi suspendu, comme Jean-Louis Murat.

On sent chez lui une âme de "paysan", je pense que j'ai la même que lui, alors forcément cela nous rapproche.

- "Avalanche" cette reprise de Cohen est absolument envoutante, étonnante, très éloignée de l'original, complètement revisitée, c'est très fort car l'original est un chef-d’œuvre et Murat en a fait une nouvelle chanson.

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Photo L. Toquet (collection personnelle)

Photo L. Toquet (collection personnelle)

 

 

  • Dernière question rituelle que j'allais oubliée: un souvenir particulier de concerts? une anecdote?

E

- C'est simple: le 20 décembre 93 au Transbordeur à Lyon, au bout d'un certain temps et d'un concert un peu soporifique (Murat a l'air très fatigué), l'ami jean-Louis fait entrer sur scène l'actrice Elodie Bouchez, toute jeune à l'époque, elle semble vraiment intimidée, je crois qu'il chante une chanson ensemble mais je ne me souviens pas de quel titre. Puis Murat se met à parler, à délirer sur l'Auvergne, ses montagnes, sa campagne qu'il va retrouver incessamment sous peu et qui lui manquent tant en tournée.

Cela dure un sacré long moment, ses paroles sont incompréhensibles, il marmonne et semble oublier que le public est là, suspendu à ses lèvres, vraiment très déroutant.
Voilà! C'est un souvenir particulier que je n'ai pas oublié.

 

e

  • Peut-être le 23 décembre plutôt... puisque c'est le concert qui a donné lieu au disque Murat Live...  Passons maintenant aux BELLES JOURNEES. Le festival se présente comme un "festival de rock indé"? Comment  définissez-vous le rock indé? Est-ce uniquement d'être signé chez un petit label et Pias peut-il être considéré encore comme un petit label?

E

Oui! J'ai souhaité que le festival est une ligne artistique précise (j'en assumerai les conséquence si cela ne marche pas), pour plusieurs raisons:

La première c'est d'annoncer la couleur, de ne pas avancé masqué, de se différencier des autres qui pratiquent allègrement le mélange des genres souvent n'importe comment et à n'importe quel prix.

La deuxième c'est de donner la chance à des artistes encore en "développement" qui ne sont pas très médiatisés, aussi de montrer que de nombreux groupes français de pop et de rock sont à la hauteur des anglais.

La troisième c'est que ce genre de musique est celui que je préfère et dans lequel j'ai le plus de contacts ce qui est important quand on est programmateur d'un événement.

Pour le moi le "rock indé" est une étiquette un peu bateau mais c'est tout de même celle qui définie le mieux la programmation des Belles Journées.

Ce n'est pas tant une question de label, c'est surtout une question de médiatisation. Beaucoup d'artistes estampillé "rock indé" sont sur des gros labels distribués par des Majors.

Pour moi l'indépendance commence par ne pas se soumettre au diktat des gros médias, ne pas céder à la tentation de faire n'importe quoi pour sa promotion.

C'est donc une question d'état d'esprit avant tout.

Par exemple Murat qui a toujours été (à part Pias aujourd'hui) chez des Majors du disques est complètement "indé", on ne le voit pas sur TF1, ne l'entend pas sur NRJ, il ne fait guère de concessions, assume ses convictions, c'est ça pour moi l'indépendance. Idem pour Dominique A ou Saez qui est pourtant un gros vendeur de disques.

En ce qui concerne Pias, oui pour moi c'est une maison de disque indépendante, la plus grosse certes! Mais l'on ne peut les considérer comme une Major telles Universal, Warner ou Sony.

Ils font avant tout de "l'épicerie fine" même si ils distribuent de très gros artistes et de très gros labels. Là aussi, c'est avant un état d'esprit.

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Le grand Alice Botté(avec Higelin) au Parc des Lilattes en 2013

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  • vous le soulignez, sans parler des risques météo de faire un festival en extérieur en septembre, vous avez fait un choix exigeant... sans un très grand nom (disons des personnes qui ne font pas que la couverture de magic! Vous avez cité vous-même 3 artistes assurant une certaine affluence ou retentissement médiatique). Est-ce que vous avez pensé inviter un de ces chefs de file ?

E

Il est évident que la météo va jouer un rôle important, mais c'est un risque à prendre, comme dans tous les festivals qui se passent en plein air. Espérons que les cieux nous seront cléments ces deux soirs là, donc que la chance sera de notre côté. Si nous n'avons pas un très grand nom comme vous le précisez, c'est uniquement pour deux raisons: beaucoup de têtes d'affiches contactées n'étaient pas disponibles à cette date ou plus en tournée (Dominique A, Miossec, Cats on Trees...), ou alors trop chères pour notre budget (Saez, The Do, Daho...). Quant à Murat, il était passé aux Abattoirs au printemps, donc pas possible de le reprogrammer. Je tiens à préciser tout de même que pour moi: Aline et Isaac Delusion sont deux "têtes d'affiche" tout à fait présentables même si effectivement pas très connues du grand public.

e

  •  Vous disiez être prêt à assumer vos choix... mais il est difficile d'installer un festival dès une première édition. La Mairie s'est-elle engagée sur plusieurs années?

E

La mairie (à moins d'un fiasco total) s'est engagée pour plusieurs années, en fait sur la totalité du mandat. Oui! Nous savons qu'il est difficile d'installer un festival dès la première année, encore plus d'être rentable. Nous pensons arriver à une certaine reconnaissance et renommée à partir de la troisième édition, idem pour l'équilibre financier. Lorsque je dis que je suis prêt à assumer mes choix, je veux dire que: étant donné que cette programmation est la mienne, que personne ne me l'a imposée, si le public n'est pas au rendez-vous, soit je serai certainement obligé d'ouvrir la prog à d'autres styles de musique plus commerciales pour les années suivantes, soit je quitterai mes fonctions si la ligne artistique et "l'esprit" du festival doivent trop varier par rapport à mes convictions, soit je serai viré tout simplement n'ayons pas peur des mots.

 

  • On a une répartition égalitaire entre artistes ou groupes chantant en anglais et en français (Autour de Lucie, Robi et Aline le vendredi et Baden Baden et la Féline samedi). Est-ce une donnée qui vous importait (je pense que pour Murat, être "indé français", c'est aussi revendiqué son travail sur cette langue) ?

 

La répartition quasi égalitaire entre artistes chantant en français et en anglais est voulue car j'aime autant les deux. Je suis très sensible aux textes français, étant très accroc aux mots et à la qualité de la sémantique, mais je dois avouer que la pop chantée en anglais par des français possède un charme un tantinet suranné qui me plaît, de plus la langue de Shakespeare au niveau de la rythmique est idéale pour le rock.

e

  • Dernière question que je me sens obligé de poser (vous pouvez me répondre "en off", "en in" ou en semi-off!!). Je suis un peu surpris que le festival s'organise semble-t-il sans lien avec les Abattoirs... mais je viens de voir que c'était un équipement CAPI (i-e de l'intercommunalité sur l'agglomération)... alors, pour poser une question: Est-ce qu'une synergie est possible à l'avenir avec cette salle qui devrait représenter le rock dans l'agglo (même si on pourrait rêver d'un dynamisme plus important, façon coopérative de mai : la capi compte 100 000 habitants, Clermont 130 000)?


L'histoire est assez simple. Bien évidemment, au départ nous souhaitions complètement travailler en collaboration avec les Abattoirs. En fait on voulait faire le festival sur trois jours (un aux Abattoirs, deux dans le parc des Lilattes en plein air), nous sommes donc allés présenter le projet à José Molina le directeur des Abattoirs pour savoir ce qu'il en pensait et si cela l'intéressait de travailler avec nous. Et là, après plusieurs heures de discussion, il nous a dit que le projet ne l'intéressait pas, qu'il n'y croyait pas, que le rock indépendant c'était pas son truc et que le budget n'était pas suffisant. Nous avons donc du faire sans lui, donc sans sa salle et sans son équipe.

 

 

 

Un concert au parc en 2014 (photo du courrier liberté). joli coin, non?

Un concert au parc en 2014 (photo du courrier liberté). joli coin, non?

Sur le  concept de rock indé, et ses contours flous, vous pourrez écouter cette émission de radio:

https://soundcloud.com/nofunshow/le-rock-inde-une-vue-de-lesprit  "Par essence déconnecté d’une industrie qui a sû les amadouer à coups de labels indie, le clan des non alignés mérite-t-il encore son statut spécial ? Animé par Nico Prat avec Adrien Toffolet, Christophe Moracin (Domino), Thomas Rozec (France Info) et Guillaume Benfeghoul (tourneur)"

 

- Laurent Toquet a sorti deux livres, dont une biographie de Nick Drake. infos ici.

- SITE OFFICIEL DU FESTIVAL:  http://www.bellesjournees.fr/

 

- LA PROGRAMMATION:

Deux articles à ce sujet : COURRIER LIBERTE et chez les amis de SOUL KITCHEN

 

 

 

Festival "Les Belles Journées", interview !
Festival "Les Belles Journées", interview !

Deuxième jour:

Festival "Les Belles Journées", interview !
Festival "Les Belles Journées", interview !

Une programmation vraiment emballante, dans la pop et la qualité, et pour un pass 2 jours pas cher du tout: 30 euros en prévente!

 

 

 

 

- Finissons par un  "Point Muratien", puisque ça m'amuse de le faire...

Robi a été créditée sur Toboggan, et elle est proche de Frank Loriou... mais un autre musicien présent est présent sur un album de Murat.... Je vous laisse 5 secondes pour réfléchir. C'est le batteur de H Burns : le fils de Denis Clavaizolle... qui interprète des pleurs de bébé dans Cheyenn Autumn !! C'est resté un beau bébé...

H Burns est produit par Frank Annese, patron des différents dérivés de SO FOOT... et muratien.

Aline et Valérie Leulliot ont repris sur scène du Murat (Valérie avec l'équipe de Frère animal). 

Du côté de LA FELINE, c'est le texte promo qui évoque l'écriture de Murat : "Elle évoque Brigitte Fontaine ou Jean-Louis Murat pour l'écriture ciselée".

Les Baden Baden ont repris du Dominique A, mais ils sont signés chez NAIVE, maison dirigée depuis quelques semaines par Marie Audigier.

Quant à 49 Swimming Pools, c'est le groupe d'Emmanuel Tellier, journaliste ex-Inrocks et Télérama, où il s'est peu illustré en parlant de Murat certes... mais avec un de ses précédents groupes CHELSEA, il faisait partie de la compil CONTRESENS aux côtés de Murat (inédit "n'attends rien").

Enfin, bien sûr, n'oublions pas de préciser que Murat a été invité 4 fois sur Bourgoin (au théâtre Jean Vilar et aux abbatoirs).    C'est tout pour le moment!  Alors, à très vite sur Bourgoin-Jallieu!

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Rédigé par Pierrot

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT

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Publié le 8 Juillet 2015

Il y a quelques jours a fleuri sur mon mur fb la photo suivante:

TOUT EST DIT par Bertrand Betsch, et une nouvelle date!

Ce n'était pas la journée de l'amour, du free hugs... mais dans le microcosme microscopique des amateurs de bonne musique dans lequel le réseau social m'a amené, on fêtait l'arrivée du CD bonus offert aux "microcultivateurs" (crowfunding) du nouvel album de BERTRAND BETSCH qui paraitra en 2016 ("la vie apprivoisée"). C'est à croire que j'étais l'ami des "200 familles" qui devenaient possesseur de l'objet.

Et pourquoi j'en parle? Ah, oui, c'est dans le titre...

Et bien, c'est un album de reprises... et le "BB" Toulousain y chante "tout est dit".

 

Bertrand Betsch est le chanteur avec lequel je suis "ami" fb depuis le plus longtemps, on s'est croisé sur la route de Manset et de Florent Marchet, qu'il apprécie beaucoup... Pour Manset, certainement plus que Murat... si bien qu'il n'a pas franchi le pas de le reprendre sur ce disque. Il m'a toutefois dit qu'il y travaillait... pour la scène ou un disque. Un titre déjà repris par un autre ami commun il y a quelques années.

 

Alors, il fallait bien que je pose LA question à Bertrand.. Pourquoi ce titre?

-  "Parce que c'est mon préféré. Texte limpide, mélodie superbe. Pour info je n'aime que la première période de Murat, jusqu'à Dolores. Et encore, seulement certains titres. Après j'ai décroché. Disons qu'après Dolores j'ai décroché car les textes sont devenus obscurs à mes yeux et que musicalement cela me parlait moins. Pour moi son meilleur titre reste "Suicidez-vous le peuple est mort". Pour ce qui est de son travail récent j'ai surtout apprécié certaines chansons de l'album "Bird on a poire" composées par Fred Jimenez. J'adore notamment "Petite luge". Je trouve que Murat a une voix merveilleuse mais que ses chansons ne la mettent peut-être par encore assez en valeur. Sinon j'avoue que le personnage me plaît assez. J'aime les grandes gueules et j'ai en horreur le discours ultra policé adopté par la quasi totalité des artistes. Après il dit parfois des choses irritantes [...]. D'une manière générale je dirais que je suis un amateur occasionnel de Murat. La plupart de ses albums recèlent souvent un ou deux titres que j'aime, le reste n'étant clairement pas pour moi.".

Voilà pourquoi je ne lui ai jamais proposé d'inter-ViOUS ET MURAT...  Le fait est qu'il a peut-être aussi voulu faire plaisir à ses fans... qu'il sait très amateurs de Murat.  Son avis, il le garde d'ailleurs parfois pour lui, par  "peur d'être blessant ou du moins irrévérencieux" envers eux. Le fait est que sur son mur, Bertrand est toujours plus soucieux de partager ses émotions que ses énervements, et c'est bien agréable.

J'ai quand même essayé de creuser son avis sur la production plus récente de Murat:

- je trouve que ce qu'il fait est de qualité. C'est juste que cela ne me touche pas et que je préférerais toujours la simplicité et l'évidence [mélodique] du Lien défait à ce qu'il a pu faire par la suite.  Il connat bien le problème: J'ajouterais qu'un certain nombre de mes fans ne jurent que par mon premier album et que pour eux je ne ferai jamais mieux".

 

La version de Tout est dit de Bertrand est très réussie:  guitare sèche sur débuter pour accompagner sa voix de grand garçon de 15 ans, puis petite guitare électrique douce sur le refrain, et petit son flûtant de synthé, et arrivé de choeurs en "ou ou ou" sur le 2e refrain et sur le reste du titre... et le synthé se fait xylophone pour finir, puisque que quand tout est dit, il faut mettre un point final. 

Je vous fais languir... et ce n'est pas fini: pas d'écoute du titre pour aujourd'hui!

On ne le trouve pas sur le net... mais il est possible de se procurer le CD, dans la limite des stocks (200), en adressant un chèque de 15 euros au label de Bertrand :

LES IMPRUDENCES, L'AUTRE LABEL

3 Rue Aignan Serres

31120 LACROIX FALGARDE

FRANCE

 Le label, outre Bertrand, a signé kiefer et Sébastien Polloni ( de Clermont! Il a travaillé avec G. Cantillon - Kaolin).

Si le disque suscite un engouement, il pourrait  être réédité à une centaine d'exemplaires supplémentaires.

 

CHRONIQUE DU DISQUE par l'ami Sy!,  sur Froggy:

http://www.froggydelight.com/article-16345.html

 

  • LE LIEN EN PLUS :

Un petit visionnage du clip de Sébastien Polloni, tourné à Clermont ("caveau des anges")... parce que décidemment, "on traine et on s'ennuie" dans ses rue..

 

 

 

  • NOTA BENE:

UNE NOUVELLE DATE... pour MURAT .... à MONTMORILLON, près de La Trimouille, et de Brigueil Le Chantre, au dessus de Lathus St-Remy, là où coule la Gartempe, sur la D727A... Vous voyez?

t'ain! Vous êtes nuls en géo. Pour le certif, faudra repasser! C'est dans la Vienne (dans le triangle entre Poitiers et Limoges et Chateauroux).... On se rapproche du sud-ouest... mais toujours pas!

http://www.centre-presse.fr/article-400165-la-mjc-en-fete.html

le 7 octobre, à la MJ... Claude Nougaro. (la veille, les Ogres de Barback).

Samuel, le président de la structure, qui se dit "un mélange de géographe et de paysan" (une définition pas mauvaise pour Murat...), m'a contacté pour en parler, et il est impatient! Il me dit que "Montmorillon est une petite ville assez sympa, centre d'une Cité de l'Ecrit et des métiers du livre et assez facile d'accès malgré tout" (une vingtaine de boutiques dans la cité médiévale, un lieu qui plaira sans doute beaucoup à Murat, en espérant qu'il y trouve de quoi nourrir son inspiration!).

Samuel me dit également : "La venue de Jean-Louis Murat est le concert d'ouverture de notre 50ème saison à la MJC de Montmorillon. Ce sera sa seule date entre Loire et Gironde si je ne me trompe pas".

C'est un événement majeur pour eux. On leur souhaite bonne chance... et bravo d'inviter l'exigeant Murat!

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Rédigé par Pierrot

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT

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Publié le 27 Avril 2015

 

 

Après vous avoir proposé l'interview de Philippe BARBOT (à lire ici) à l'occasion de la sortie de son dernier livre BACKSTAGE, j'ai pensé intéressant de publier ses articles sur Murat.

 

ŒŒŒŒ1)  Philippe ne garde pas de souvenir de la première interview indiquée comme coréalisée avec Anne-Marie Paquotte (l'article de 1984 qui a tant compté pour Murat à lire ici). C'est peut-être qu'il n'a en fait écrit que l'intro où l'on reconnait son style. Voici donc la première page de l'article:

Telerama  (propos recueillis par PAQUOTTE et BARBOT-Intro sans doute de P. Barbot

Telerama (propos recueillis par PAQUOTTE et BARBOT-Intro sans doute de P. Barbot

Philippe Barbot (suite): ses articles

2) la première rencontre en Auvergne:

Philippe Barbot (suite): ses articles
Philippe Barbot (suite): ses articles
Philippe Barbot (suite): ses articles

3) Rencontre pour LILITH en 2003

"Lilith", nouvel album de Jean-Louis Murat

"Je ne suis pas fanatique de l'espèce humaine, c'est vrai"

En vingt-cinq ans d'expérimentations musicales, le rebelle auvergnat a peaufiné un univers à part, ténébreux et bucolique. Rencontre à flanc de coteau avec un artisan de la chanson un peu ronchon, mais vachement attachant.

On dirait la chanson des Beatles The Fool on the hill... Du haut de son promontoire auvergnat, face à une chaîne de volcans éteints depuis des lustres et tout juste bons à illustrer la pub d'une eau minérale locale, Jean-Louis Murat regarde le monde tourner. Avec la commisération du sage et l'agacement du rebelle. Ça fait déjà près d'un quart de siècle que le pâtre bourru de la chanson française joue les francs-tireurs marginaux. Après des débuts obscurs, à la fin des années 70, dans un groupe de rock intitulé Clara, puis un baroud solo entre déconnade punk et manifeste nihiliste (Suicidez-vous le peuple est mort, son premier 45 tours en 1981, jamais réédité depuis), le voilà qui mène une carrière à la longévité insolente, prolixe et dolente à la fois, comme un Manset new wave ou un Neil Young hexagonal. Depuis Cheyenne Autumn, son premier « vrai » album, il y a quatorze ans, Jean-Louis Bergheaud alias Murat (le nom d'un village du coin) a multiplié les expériences. Musicales, de Dolorès, un album électronique et solitaire enregistré en chambre, au Moujik et sa femme, retour à l'épure cinglante du trio rock, en passant par Mustango, escapade américaine mêlant sons et images. Poétiques aussi : qui d'autre que ce maniaque de la stance qui balance aurait pu mettre en musique, avec clavecin, luth et viole de gambe de rigueur, les vers perdus d'une obscure poétesse du XVIIe siècle, Mme Deshoulières, en compagnie de l'actrice Isabelle Huppert ?
Bref, le Murat des champs est un animal malaisé à cerner. Un dahu insaisissable qui caracole avec la même aisance nonchalante des coteaux pierreux du rock'n'roll aux vallées austères de la chanson de geste, d'un duo avec Mylene Farmer à des hommages à Leonard Cohen et Joe Dassin, en passant par un groupe de copains de bistrot, les Rancheros. Un campagnard urbain, un citadin rustique qui a naguère consacré un site Internet entier aux vaches, ces doux ruminants qu'il affectionne particulièrement, et est capable d'interrompre une interview pour observer une armada de mammifères à cornes galopant à flanc de colline. « Des fois, une bête se fait piquer par un taon et c'est la panique dans tout le troupeau. Faut être vigilant... » Attablé au bord d'un lac montagnard, au-dessus de Clermont-Ferrand, à quelques encablures de la ferme restaurée dans laquelle il s'exile pour concocter chansons, peintures et confitures, Jean-Louis le candide grognon parle de son dernier album, un double CD intitulé Lilith. « Pas un double CD, un vrai triple album vinyle ! corrige l'esthète. Y en a pas eu beaucoup dans l'histoire du rock : Woodstock, Yes, George Harrison... En fait, je n'ai pas fait exprès : c'est seulement au mixage final que je me suis aperçu qu'il y avait vingt-trois morceaux qui tenaient debout. Alors j'ai tout gardé. »
Comme pour le précédent opus, Le Moujik et sa femme, Murat a conservé la formule, à la fois simple et efficace, du trio basse-guitare-batterie, tout juste épaulé par quelques cordes arrangées par Tindersticks, le buggle du jazzman Stéphane Belmondo et des choeurs signés Camille, China et Jule. L'oeuvre, à la fois sobre et lyrique, entre folk-rock courtois et ballades rauques, s'articule autour d'un personnage de femme, Lilith. La troisième muse du troubadour, après Vénus et Dolorès, titres de deux de ses anciens albums : « Lilith, c'est la première femme d'Adam, l'anti-Eve. Au départ, Dieu fabrique un homme et une femme à partir de la boue. Il fait Adam et Lilith, et ça tourne à la catastrophe, un véritable fiasco : Lilith est incontrôlable, elle fait les quatre cents coups... Alors Dieu recommence, il prend une côte d'Adam et il fabrique Eve. Voilà le symbole qui a conditionné toute notre société et illustre les problèmes actuels du statut de la femme : elle ne peut être l'égale de l'homme puisqu'elle a été fabriquée à partir de lui. Lilith, dans la tradition hébraïque, ainsi que tous les prénoms qui comportent un double - (Lola, Lolita, Liliane, Leïla, ou la Layla chantée par Clapton), c'est la femme maudite, la pute, la salope. En opposition à Eve, la sainte, qui représente les valeurs familiales chrétiennes. Lilith, c'est l'inspiratrice des poètes, aussi. On retrouve son image chez les romantiques, au XIXe siècle : la femme à chevelure noire, libre, indépendante, la sexualité incarnée. C'est pour ça que les féministes américaines ont choisi Lilith comme symbole. Est-ce qu'une femme doit être une Lilith ou une Eve ? Moi je préfère les Lilith... »
Jean-Louis Murat, ou le seul auteur français à oser articuler le mot « testostérone » dans un couplet, ou à caser « gastéropode, gentiane et Poulidor » dans la même strophe. Une écriture qui ne s'embarrasse plus ni de rime ni de métrique, qui ressemble à une éruption de mots, jetés pêle-mêle, têtes par-dessus culs, âpres comme certaines piquettes du cru, coupants comme de la roche volcanique. Quelque chose comme le croisement de Ronsard, de Villon, de La Fontaine, de Brel, de Céline, de Dylan.
Avec, en leitmotiv rituel, des allusions aux mondes végétal et animal, qui associent jaguar et réséda, épervier et dahlia, cormoran et rhubarbe, grive et salsifis... « C'est vrai, mes chansons ressemblent à la fois à des bestiaires et à des herbiers : il y a même une fille, sur un site Internet, qui s'est amusée à répertorier tous les noms de plantes ou des bestioles que je citais. L'écriture, c'est très mystérieux, ça me dépasse. Des fois, quand je corrigeais les textes sur la pochette de l'album, je me disais mais merde, où es-tu allé chercher tout ça, toi ? Pourtant, je me sens de plus en plus à l'aise dans l'univers poétique ; ça me paraît infini, j'ai l'impression de faire mes premiers pas. »
Dans son antre bougnat haut perché, à des kilomètres du premier bistrot, entre collection de socs de charrue et home-studio boisé décoré de guitares (il en possède trente-six), Murat se réveille chaque matin et, spartiate, se colle au boulot : peinture, écriture de poèmes, de chansons, un exercice quotidien qui lui sert, assure-t-il, d'échauffement quasi métaphysique. L'homme écrit debout, comme d'autres jouent du piano, il a même une théorie là-dessus, à propos de cette créative station verticale : « Flaubert écrivait debout, paraît-il. Je me suis rendu compte que les chansons écrites dans la position assise passaient moins bien quand je les chantais debout sur scène. Il y a une façon de porter la voix qui est différente. Quand tu es debout, tu chantes beaucoup moins pour toi. Maintenant, quand j'écoute n'importe quel disque, je suis capable de reconnaître si la chanson a été écrite assis : ça pue la chaise... »
L'artiste peint, donc. Des kilomètres de toile, paraît-il, mais qu'il conserve farouchement hors de la vue des importuns, rejoignant ainsi involontairement la confrérie des musiciens barbouilleurs, de Captain Beefheart à Nino Ferrer, en passant par Manset et Bowie.
« La peinture m'intéresse, au moins autant que la musique, mais c'est à usage perso. Je ne suis pas un peintre, je peins, c'est tout. De même, je fais du vélo, mais pas le Tour de France. La peinture m'aide beaucoup pour la musique. On se voit de l'intérieur, on voit ses défauts, ce qu'on vaut. Quand je regarde mes toiles, je vois comment je fais des chansons. C'est comme une partition. Et puis la chanson est un métier de branleur, faut bien que je fasse d'autres trucs. »
Faire de la chanson son métier, à en croire Murat, c'est aussi dépassé que vouloir être savetier ou rémouleur. Un boulot désuet, un artisanat ingrat, voué à la disparition. Ça le fait râler, le Jean-Louis. Avec ce mélange d'analyse judicieuse et de mauvaise foi patentée qui fait, entre autres, son charme pervers... « Je crois qu'il y aura encore deux ou trois générations de chanteurs français et que ce sera terminé. La fête est finie, on n'existe quasiment plus. On est en roue libre, y a plus personne qui pédale. On va se diluer dans l'Europe, il n'y aura plus que de la chanson folklorique ou de la musique industrielle, de la variété internationale, de préférence anglo-saxonne. Moi je me sens un peu l'éboueur de la chanson, je ramasse tous les restes, je récupère. Je pille l'épave, le site archéologique. Je me vois comme une sorte d'ethnologue, de géologue, d'historien. Nous sommes dans un pays qui se déclare antiaméricain tout en bouffant de la sous-culture américaine jour et nuit. Et dont la plus pâle imitation est Johnny Hallyday. Je veux bien reconnaître qu'il a du talent, qu'il chante bien, mais c'est comme si Chaliapine n'avait interprété que la Danse des canards ou Rubinstein joué Oxygène de Jean-Michel Jarre pendant soixante ans. Et on pense défendre l'exception culturelle en aimant Johnny Hallyday ! Notre pays est un peu fou, il a besoin d'un psy. Quand on fait une activité artistique, on ne sait plus où se situer. Moi, je ne comprends rien. Je ne sais pas ce que veulent les gens, ce qu'ils ont envie d'entendre. Peut-être des trucs qu'ils ne comprennent pas. Ou qui ne disent rien. Ça nous pénalise beaucoup, nous les chanteurs français. Par exemple, il faudrait que je vende deux cent mille albums pour gagner mon indépendance. Là, je fonctionne à perte. C'est ce que dit le patron de ma maison de disques : "Toi, tu feras comme Van Gogh, tu rapporteras quand tu seras mort." »
Jean-Louis Murat a la réputation, dans le métier, comme on dit, d'être un sacré emmerdeur. Un empêcheur de marketer tranquille. Quand on lui reproche d'y aller un peu fort, de manquer de diplomatie, de ne ménager ni la chèvre ni le chou mais de les bouffer tout cru, lui, le fan de Dylan et de Neil Young, a une réponse toute prête : « S'exprimer comme ça, ça fait partie de la musique que j'aime. Le rock'n'roll, c'est le contraire du politiquement correct. C'est comme balancer un larsen. Jouer avec la saturation, ça suppose un certain comportement, un certain caractère, donc un certain franc-parler. Le rock est une musique de la franchise, pas de faux cul. C'est pour ça que c'est immortel. Pas comme la variété... On me dit souvent que je suis méchant et misanthrope, mais c'est faux. Y a pas plus gentil que moi, je suis même un vrai nigaud. Je ne suis pas fanatique de l'espèce humaine, c'est vrai, mais j'en aime quand même une bonne moitié : tout ce qui est féminin... ».


Philippe Barbot

4) La rencontre Murat/Wyatt retranscrite ci-dessous (Barbot consacre un chapitre de son livre à cet épisode et à Wyatt en particulier):

http://disco-robertwyatt.com/images/Robert/interviews/Telerama1997/index.htm

5) Le bougon fécond, critique de Parfum d'acacia (à lire dans l'interview)

6) A bird on a poire:

Philippe Barbot (suite): ses articles

7) Mockba 1 CD Labels n°2882 2005

« J'écris une chanson tous les matins en me levant. » On peut penser ce qu'on veut de Murat, mais pas le taxer de vantardise. La preuve, l'effarante prolixité de l'Auvergnat boulimique, qui enchaîne avec un dédain superbe pour les us et coutumes commerciaux disques, livres et DVD. Pour tenter de résumer, quelques mois après un disque solo, un autre en duo avec Jennifer Charles, un DVD d'inédits et un bouquin de photos, revoilà le pâtre bougnat avec une cargaison de projets dans sa besace. Un nouvel album, d'abord, baptisé MOCKBA (Moscou) et qui, malgré son titre, n'est nullement la suite du Moujik et sa femme. Plutôt un disque au charme slave et suave, où les acolytes habituels du chanteur, le bassiste Fred Jimenez et le batteur Stéphane Reynaud, partagent l'espace sonore avec des pépiements d'oiseaux, de magnifiques arrangements de cordes, et la présence de Carla Bruni et de Camille pour deux duos gais et délicats.

On y retrouve, sous une pochette au goût discutable (Murat barbu et yeux bandés, entre colin-maillard et peloton d'exécution), la propension de l'olibrius à la pop douce-amère, ses halètements au vibrato caressant et à la diction ouatée, et ses textes chantournés célébrant des amours courtoises mais crues. Parmi eux, trois textes empruntés à Pierre-Jean de Béranger, poète et chansonnier parisien du XIXe siècle, à qui Murat consacre par ailleurs un autre CD, intitulé 1829, onze poèmes mis en musique. Comme si ça ne suffisait pas, l'insatiable JLM publie également un bouquin de dessins et poèmes, annotés et illustrés, avec un DVD et un CD encartés, le tout intitulé 1451 et narrant les processus de création de l'ermite de la Croix-Morand. Qui est actuellement en tournée. « C'est comment qu'on freine ? » demandait jadis Bashung. « Suffit d'accélérer », répond Murat.

Philippe Barbot

8) Et le dossier MURAT, avec la couverture (cf l'interview de P. Barbot). Carte blanche Juillet 2005... Je vous mets les trucs principaux :

Philippe Barbot (suite): ses articles
Philippe Barbot (suite): ses articles
Philippe Barbot (suite): ses articles
Philippe Barbot (suite): ses articles
Philippe Barbot (suite): ses articles

JEAN-LOUIS MURAT

Autoportrait

L'artiste à travers ses doubles

Roger-Viollet Le maréchal Murat qui a inspiré au poète son pseudonyme.

"Une sorte de Ziggy Stardust napoléonien, de cow-boy impérial, avec un look spectaculaire, toujours entre femmes et festins."

Le brigand, le guerrier et le champion cycliste

J'ai toujours été fasciné par l'univers des chevaux, de la chevalerie. Western, cape et épée... Une passion qui me vient de ma petite enfance. Je suis persuadé qu'on n'échappe pas à sa préhistoire, ce quelque chose d'enfoui, d'avant soi, insaisissable, étrange. J'ai été élevé chez mes grands-parents en Auvergne, entre deux restes de châteaux forts, on prétendait même qu'un mystérieux souterrain les reliait. Aujourd'hui encore, ce qui m'intéresse, c'est ce qu'il y a en dessous, ce qui est enfoui, les cavités, les sources. Sans le savoir, on piétine peut-être des milliers de Lascaux ou de chapelles Sixtine...

Aymerigot Marchez le brigand légendaire

Ma grand-mère était un peu sorcière, elle connaissait des incantations secrètes pour arrêter les orages ou les incendies, elle disait qu'elle avait rencontré le Diable. Dans le village où je passais mes vacances, on racontait qu'un brigand légendaire, une sorte de Robin des bois local nommé Aymerigot Marchez, avait jadis enterré un trésor. Tous les étés, avec les copains, on allait à la recherche de ce trésor caché. J'ai grandi dans cette ambiance de mystère et d'aventure. Aujourd'hui encore, elle m'accompagne et m'inspire.

Quand j'ai enregistré mon premier 45 tours, Suicidez-vous, le peuple est mort, en 1981, la maison de disques m'a demandé sous quel nom elle devait le publier. J'ai répondu que je voulais m'appeler Aymerigot Marchez, le brigand de mon enfance. Evidemment, ça m'a été refusé... Alors j'ai choisi le pseudonyme de Murat, à cause d'un village auvergnat, mais surtout du maréchal d'Empire.



Joachim Murat le guerrier élégant

Un sacré personnage : grand, 1,81 mètre, beau, brun aux yeux bleus. Un voyou à la malice gasconne, mais surtout un guerrier extraordinaire, élégant, arrogant, une sorte de Ziggy Stardust napoléonien, de cow-boy impérial, avec un look spectaculaire, toujours entre femmes et festins. On raconte que sur les champs de bataille il se faisait suivre par une caravane de chariots remplis de fringues. Lorsqu'il est entré à Rome, il s'était fait confectionner un costume délirant, à l'orientale, avec des plumes et des dorures, qui avait nécessité le travail de cinquante couturières. Il pouvait changer de costume deux ou trois fois au cours d'un même combat. On s'arrêtait pour le regarder passer... Ce qui ne l'empêchait pas de se trouver toujours au coeur de l'action, là où ça chauffait le plus. Sabre au clair, il a participé à toutes les campagnes napoléoniennes, Italie, Egypte, Allemagne, Russie. Joachim Murat était le meilleur cavalier de son temps, descendant des Mourads, les guerriers arrêtés à Poitiers par Charles Martel. Ça ne l'a pas empêché de se laisser manipuler par son épouse, la très belle et très ambitieuse Caroline, soeur de Bonaparte, qui refusait de se contenter du royaume de Naples. D'où ses divers ralliements et trahisons, entre Napoléon et Louis XVIII, qui ont fini par provoquer sa perte. Lorsqu'il est mort, fusillé en Calabre en 1815, il a dirigé lui-même le peloton d'exécution. Un moment, il avait pensé se réfugier en Amérique pour s'y tailler un royaume : Murat, roi de Californie, ça aurait eu de l'allure...



Jean-Louis Bergheaud l'autodidacte dangereux

Donc, je m'appelle Jean-Louis Murat. Pour l'état civil, c'est Bergheaud. J'avais un ancêtre, un héros de la famille, qui était un zouave de la guerre de 14-18, un héros ultra décoré. Mais je ne sais toujours pas qui je suis vraiment. Pas étonnant que les gens aient du mal à m'appréhender. J'ai la réputation de quelqu'un de dangereux, une sorte de misanthrope parano qui dit du mal de tout le monde. En fait, je suis atteint de schizophrénie productive. Je suis aliéné à ma langue, façonné par ma culture. J'aime les formules assassines, j'essaie de faire preuve de créativité langagière, que ce soit dans mes chansons ou dans mes interviews. Pour un bon mot, je suis prêt à déclencher une guerre mondiale ! Ma machine inconsciente crache des mots et n'a aucune limite, je suis capable de dire des trucs effroyables. La dimension morale de la langue m'échappe complètement. Je ne suis ni sévère, ni jaloux, ni amer, juste un autodidacte qui pense que les choses doivent être dites. J'ai toujours voulu être poète. La poésie, c'est typiquement incorrect. Baudelaire, Rabelais sont des auteurs incorrects. La poésie, c'est faire cracher toute sa beauté au Mal. Mais aujourd'hui, elle est devenue une langue étrangère perçue par une minorité, comme le patois auvergnat de mon enfance. Le travers majeur de l'époque, c'est qu'il faut toujours montrer une belle âme, être poli, bien-pensant. Par exemple, on ne peut plus faire le bègue ou prendre l'accent africain sans se faire taxer d'ignoble raciste. En fait, ce sont les âmes laides qui dirigent le monde, en se faisant passer pour de nobles coeurs. Comme tout le monde, j'ai une face sombre, au moins 50 % de mon individu, mais je ne cherche pas à la dissimuler.



Lance Armstrong le chevalier du Tour

J'ai du mal à me situer dans ce qu'on appelle le monde de la chanson. Elle ne fonctionne, comme le cinéma, que sur la nostalgie collective. Les Choristes, Amélie Poulain ou le jazz manouche, c'est la même imposture. Pour moi, le grand art en chanson serait de ne pas écrire pour les esprits fins et délicats. Je me sens plus brutal que délicat. La finalité de mon job de chanteur, c'est d'être populaire. Je me sens en porte-à-faux avec ça. Je ne suis pas démocrate, je ne crois pas à un collectif de la médiocrité. Je suis persuadé que si l'on se laisse aller à la facilité, il faudra tôt ou tard en payer le prix. Le plus grand laisser-aller que je m'autorise, c'est, parfois, d'être obscur. Mais, je crois que c'est Nietzsche qui a dit ça, un esprit de premier ordre ne doit jamais avoir peur d'être ennuyeux.

Pour moi, vivre, c'est écrire. J'écris par volonté de rejeter le plus loin possible tout ce qui veut mourir en moi. Je hais les forces de mort partout en action. Le seul remède pour moi, c'est d'être excessif, de faire de l'excès un art de vivre, un combat contre les faux-semblants et l'hypocrisie. J'ai la nostalgie d'un temps où l'on se battait pour l'honneur. Aujourd'hui, quelqu'un comme Lance Armstrong personnifie ces valeurs, courage, droiture, bravoure. Rien que son prénom, Lance, évoque l'époque de la chevalerie. Quand il chevauche son vélo, on dirait Lancelot dans les Pyrénées. Une véritable épopée. Deux siècles après Joachim Murat, il est l'un des derniers guerriers.
Propos recueillis Philippe Barbot

Télérama n° 2896 - 14 juillet 2005

9) 2006 Taormina :

23 août 2006

Têtes de mules

Murat et Miossec : les deux ombrageux sortent chacun un album. L’un décline sa mélancolie suave, l’autre égrène ses amours en rade. Et ils persistent…

Soit deux personnages de la chanson d’ici, « indés » comme on dit, c’est-à-dire peu dépendants des modes et des courants, des ventes et des vents, des parades et du paraître. Deux artistes dissemblables, plus cousins ennemis que frangins complices, mais liés par la même impérieuse nécessité : se raconter sans compter, se mettre à nu sans se dévoiler, désabusés sans abus, passionnés et patients. Chantres du vague à l’âme et de l’alarme qui divague, baladins de l’amour vache, vain, parfois vil. Arpentant aussi les mêmes terres désolées mais fertiles, les mêmes bocages musicaux, poussière blues et herbes folk, ornières rock aux buissons épineux. Jean-Louis Murat et Christophe Miossec, le Bougnat et le Brestois, têtes de mules lyriques et artisans à la pudeur impie, publient donc, à une semaine d’intervalle, leurs nouveaux albums respectifs. Taormina pour le premier, adepte des noms de femmes ou de lieux (Dolores, Vénus, Lilith, Polly Jean, Croix-Morand, Moscou), L’Etreinte pour le second, spécialiste de la sémantique laconique (Boire, Baiser, Brûle, A prendre).
Cimes et sentiers pierreux pour l’Auvergnat misanthrope, comptoirs et récifs écumants pour le Breton noctambule. Tous deux s’exprimant à la première personne du singulier (je), pour s’adresser à une personne singulière (tu), amoureux courtois ou amant courtaud. « Ne pleure pas, je t’aime », dit l’un ; « Je ne pleure pas, aime-moi », implore l’autre. Miossat et Murec, parfois emmêlés, jamais confondus. Taormina, donc, cité balnéaire sicilienne choisie comme emblème du quinzième album (avec les live mais sans compter DVD et premiers enregistrements « reniés ») d’un Murat prolixe et ombrageux. Paysage accueillant et désormais familier d’un folk-rock aux accents de Neil Young, sculpté par les fidèles Fred Jimenez (basse) et Stéphane Reynaud (batterie), avec un Jean-Louis à la sobre efficacité guitaristique. Des chœurs féminins parfois, pour appuyer cette voix au suave trémolo chuchotant, diapason de séducteur caressant à l’élégance dionysiaque. « Tout ce qui mène au tombeau ici-bas devient beau et fait la mélancolie des gens de mon pays », scande un Murat plus mutin que morose, à la langue toujours aussi chantournée. « La mélancolie c’est communiste, tout le monde y a droit de temps en temps », réplique Miossec dans L’Etreinte, son sixième album. Qui se distingue par ses cordes, ses bois, enregistrés sous la houlette de Jean-Louis Pierot (Valentins), avec la participation du groupe belge Zita Swoon et de Gérard Jouannest, pianiste, compositeur et ancien accompagnateur de Brel. Avec, immuable quoique aguerrie, cette voix un peu pâteuse, à la diction chantonnée et à la poésie délicatement crue, aux mots fouettés par les embruns, aux mélodies parfois atonales mais irrésistiblement attachantes. Et ce personnage d’amoureux repenti et penaud, qui a oublié de payer la Facture d’électricité mais ne renie pas ses crimes et ne « chipote pas sur le châtiment », dédie une ode à sa maman et affirme qu’on peut tout faire et tout dire le temps d’une chanson.
Pas question ici d’improbable match entre un Ronsard terrien et un Bukowski marin. Plutôt d’heureuses similitudes, malgré les dix ans d’âge et les divers paysages qui séparent Jean-Louis Murat de Christophe Miossec. Au hasard des titres (L’Heure du berger pour l’un, Le Loup dans la bergerie pour l’autre) et des dédicaces où tous deux sacrifient à la fibre paternelle (Caillou pour Jean-Louis, Bonhomme pour Christophe). A chacun la manière de faire et défaire l’amour (Est-ce bien l’amour ? s’interroge l’un, « L’amour, c’est plus lourd que l’air » répond l’autre ), de se « démarier » (Murat) ou d’y « laisser sa peau » (Miossec). Dans le disque de Miossec, il y a une chanson qui s’intitule La Grande Marée. A la fin de celui de Murat, on entend des vagues et des mouettes. Comme deux pêcheurs lançant inlassablement leurs filets, deux pécheurs qui ont choisi de ne jamais se défiler.

Philippe Barbot

- Fin de l'épisode de TELERAMA...

10) On retrouve ensuite P. Barbot en maitre de cérémonie pour deux FORUMS FNAC parisiens (il en existe des enregistrements pirates)... et à la rédaction du texte promo du cours ordinaire des choses et de Grand Lièvre (à lire ici).

Sur le COURS ORDINAIRE DES CHOSES:

« I love songs ! » Cette enthousiaste exclamation a jailli de la bouche de chacun des musiciens qui ont participé au nouvel album de Jean-Louis Murat. Des musiciens qui en ont pourtant vu et entendu bien d’autres, car à Nashville, Tennessee, la cité où le moindre chauffeur de taxi a déjà enregistré au moins deux disques, la musique, c’est peu de dire qu’on connaît. « I love songs … » A peine revenu de là bas, il en est encore tout retourné, Jean Louis Murat. Comme il dit, « je me suis senti comme un poisson dans l’eau, j’ai su dès les premiers jours que j’étais au cœur du sujet : l’amour des chansons. »
Un bougnat chez les cow-boys ? Mais qu’allait donc faire notre trouvère auvergnat dans la patrie de la country music ? Assouvir un fantasme, se frotter à la mythologie, effectuer une sorte de pèlerinage obligatoire, de retour à la source d’émotions adolescentes qui, affirme t-il, ont donné un sens à sa vocation de chanteur et musicien. « Bizarrement, je n’ai jamais été un grand fan de country music, avoue Jean-Louis, mais ça fait une bonne dizaine d’années que j’avais cette envie là : enregistrer à Nashville ».
La décision a été prise en quelques semaines, presque par hasard, résultat d’un coup de fil fortuit avec son fidèle ingénieur du son, Christophe Dupouy. Pas le temps de tergiverser ni de peaufiner, voilà Jean-Louis débarquant au studio Ocean Way, celui de Willie Nelson, Robert Plant ou The Raconteurs, avec une douzaine de chansons en poche. « Je les ai jouées aux musiciens, juste guitare-voix, avec un petit métronome, et tout s’est enchaîné simplement ». Le résultat ? Rien à voir avec Jean-Louis Murat endossant la défroque de Johnny Cash ou de Tony Joe White. Si slide guitar et bottleneck habillent la plupart des chansons, on y retrouve, intacte et comme transcendée par ce nouvel équipage, la veine lyrique du créateur de « Fort Alamo » ou du « Cri du papillon ». Onze odes muratiennes à l’intemporalité frémissante et aux stances fulgurantes, entremêlant amours courtoises et émois organiques, lumières ombrageuses et nuits pyromanes, flammes et glaces, chaud et froid, anciens et modernes, cœur, chair et âme à l’unisson vibrante.
A l’image du premier extrait, « Comme un incendie », brulôt aux envolées guitaristiques incandescentes, dont le refrain donne son titre à l’album, « Le cours ordinaire des choses ». Explication du responsable : « C’est ma façon de signifier que tout me paraît ahurissant »

« Chanter est ma façon d’errer » informe ailleurs Jean-Louis Murat, entre héritage classique et vagabondage novateur, au diapason d’une « Mésange bleue » qui fera, on prend date, partie des futurs fleurons du loustic. Errer, entre hasard et erreur, plus « M Maudit » que chevalier à la triste figure. Murat maudit, Murat bénit, mais jamais oui-oui. Priant Sainte Taïga (« donne nous la sève, donne nous la joie »), vision d’un Far East disparu, ou s’apitoyant sur « Lady of Orcival », immuable icône de pierre ornant la basilique de son terroir, avec la ferveur d’un mécréant mystique.
Nashville oblige, le disque est aussi lardé de fantaisies caracolantes (« Comme un cow boy à l’âme fresh » et son fiddle endiablé), ou roucoulantes (« Falling in love again », espiègle mais respectueux clin d’œil à Elvis), gratinées (« 16 h, qu’est ce que tu fais ») ou satinées (« La Tige d’or », métaphore sexuelle que n’aurait reniée ni Ronsard ni Eluard). Sans oublier « Ginette Ramade », drame paysan aux faux airs du « Marie Jeanne » de Dassin, mixé avec la voix d’une prédicatrice locale.
Le tout porté par l’enthousiasme des musiciens du cru, cordes et frettes en goguette, loin des clichés réducteurs du genre, et illuminé des épousailles vocales avec la choriste Cherie Oakley. Un disque, malgré son titre, peu ordinaire et résolument à part dans l’œuvre du barde prolixe. Un disque qui donne envie de s’exclamer, tout comme les gaillards de Nashville, là bas dans le Tennessee : « I love songs ! »

On participé à l’enregistrement en février 2009 : Ilya Toshinskiy (guitare acoustique, mandoline, banjo), Dan Dugmore (guitare électrique, pedal steel, steel guitar), John N. Hobbs (piano, B3, wurlitzer, rhodes), Cherie Oakley (choeurs), Shannon Forrest (batterie, percussions), Eddie Bayers (batterie, percussions),Mike Brignardello (basse), Michael Rhodes (basse), Carl Marsh (arrangements cordes), Larry Franklin(violon)...
Ces musiciens exceptionnels ont travaillé notamment avec Linda Ronstadt, James Taylor, Crosby Stills Nash and Young, Alison Krauss, Taylor Swift, Willie Nelson, Jerry Garcia, John Fogerty, Roy Orbison, Dolly Parton, Randy Travis, Lynyrd Skynyrd, R.E.M, Al Green, Dusty Springfield, etc.

Un DVD de 45 mn « Falling in love again », documentaire-fiction de Laetitia Masson, tourné à Nashville pendant l’enregistrement et à Paris, avec Elsa Zylberstein, accompagne le disque dans l’édition limitée en digipack.
Open disc sur l’édition standard et sur l’édition limitée : 2 titres inédits + des bonus exclusifs
Application i-phone à télécharger gratuitement à parti
r du 21 septembre

« Le Cours Ordinaire Des Choses »

11) Voici enfin en pdf une ultime interview de 2011 pour le compte de ROLLING STONE. fichiers en pdf:

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Rédigé par Pierrot

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT

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Publié le 22 Avril 2015

(collection personnelle de P. BARBOT)

(collection personnelle de P. BARBOT)

            J'ai été lecteur de TELERAMA dans le berceau familial durant pas loin de 30 ans (à croire que c'est par fidélité au rendez-vous du mercredi que j'avais opté un temps pour une carrière de Tanguy). A réception, j'allais directement jeter un oeil sur la chronique oscillante d'Alain Remond (plus facile à trouver, et qui permettait de faire un point sur le dernier Apostrophe et l'interview d'Irène Frain ou de Claude Hagège...). Je dois même avoir encore quelque part une collection en feuilles arrachées de ces "MON OEIL"...

           Et, 2e acte, je filais sur les chroniques de disques signées: Anne-Marie Paquotte et Philippe Barbot... Ça fait moins classe que NME, et même Rock and Folk comme panthéon? Le livre "BACKSTAGE"  sorti il y a quelques semaines revenant sur les plus belles rencontres de la carrière de Philippe montre en tout cas qu'il a rencontré les plus grands, et souvent avec des résultats passionnants. Et c'est aussi un artiste qualifié d'"audacieux" par Bertrand Louis (avec lequel il vient de travailleur son 2e album). 

        Jean-Louis Murat figurant au sommaire du livre "Backstage" (édition Philippe Rey),  j'ai  saisi cette actualité pour lui proposer une interview... avec l'idée de revenir avec lui sur les grands épisodes de ce feuilleton vieux de 30 ans: "Murarama et Barbortgeaud" (série presque aussi palpitante que "les feux de l'amour", presque aussi rebondissante que "amour, gloire et beauté, et spirituelle qu'"amuracalement vôtre"... enfin, si on est passionné). On verra que Philippe Barbot est bel et bien à positionner au côté des Bayon, des Olivier Nuc, Jean Théfaine, comme les grands Saint-Simon du règne médiatique de Murat 1er... ce qui n'exclue pas une certaine distance.      PS: Quand ça fera la queue pour répondre à mes questions, promis: je ferai moins dans le dythérambique)

 

- Dans l'article suivant (à lire ici), retrouvez la plupart des articles signés Philippe Barbot (interviews, chroniques...), ceux évoqués ci-dessous et les autres chroniques d'albums notamment.

 

Bonjour Philippe, 

- Vous étiez depuis 2 ans à Télérama quand Anne-Marie Paquotte signait une des rares chroniques de PASSIONS PRIVEES... Est-ce à ce moment-là que vous découvrez Jean-Louis Murat?

Ph. Barbot: Non, je crois ne l'avoir découvert qu'à la sortie de "Cheyenne Autumn". Mais Anne-Marie, outre une belle personne, a toujours été une dénicheuse de talents, une amoureuse passionnée de la chanson, souvent en avance sur tous les médias.

- D'ailleurs, vous étiez selon Wikipédia chef du service musique, aviez-vous des discussions pour savoir quelles disques devaient être chroniqués (à l'époque, cela devait déjà être limité à 2/3 par semaines).

Ph. Barbot: Je n'ai été petit chef-chef que bien plus tard. A l'époque, j'étais simplement détenteur de la rubrique rock (qui s'appelait "Pop" au début...). Chaque chroniqueur a toujours été libre de choisir ses coups de coeur... ou ses coups de gueule. Je suis sûr qu'il en est encore de même aujourd'hui.

- Cette chronique d'Anne-Marie de Passions Privées, Jean-Louis en a beaucoup parlé, et à sa mort, à 54 ans, il a diffusé un inédit "Mille-morts"... Est-ce qu'ils avaient une relation particulière?

Ph. Barbot: Particulière, je ne sais pas, sinon que l'une admirait l'autre et que l'autre avait une tendresse spéciale pour elle : c'est la première journaliste, à ma connaissance, à avoir chroniqué son album. Il l'a dit à plusieurs reprises (notamment à sa mort), et a toujours gardé pour elle une grande affection. Il m'a même proposé que nous nous rendions un jour tous les deux sur sa tombe. Peut-être cela se fera t-il...

A.M. Paquotte

 

 

- Elle chronique les disques de Murat jusqu'au Moujik, mais vous signez ensemble un entretien le 9/10/91 (l'introduction est je pense de vous). Etait-ce votre première rencontre? Des souvenirs en particulier?

Ph. Barbot: Je ne me souviens pas de ce papier de 91... Ma première vraie interview de Jean-Louis dans Télérama date de 1996 (l'album Dolorès, un de mes préférés). C'était la première fois que j'allais chez lui en Auvergne. Je me souviens qu'il m'a accueilli (je venais de faire plusieurs heures de voiture) en me proposant de m'offrir à boire... de l'eau. Mais quand je suis reparti, après moult autres libations, il a bourré mon coffre de confitures maison. Je me souviens aussi de sa théorie sur la façon d'attraper les mouches. Et d'une fan qui habitait non loin de chez lui et le harcelait.

 

Inter-ViOUS ET MURAT- n°18   : Philippe BARBOT

- Cette histoire de fan n’est pas dans l’article, ni fait mention de votre corruption en pots de confiture… Je retiens de cette interview de 96 ces propos sur le rap «Je suis passionné par les recherches de certains producteurs de rap, comme Dr Dre…. il y a des artistes qui sont l’équivalent des grands solistes de jazz ». La reprise d’I AM est semble-t-il le seul témoignage de cet intérêt pour le rap… A l’époque, vous chroniquiez NTM et étiez fan hardcore de PRINCE… Est-ce que ce style vous a intéressé ou vous intéresse encore ?

 

Ph. Barbot: J'ai aimé les débuts du rap. Je me souviens d'un séjour à New York, en 1980 au cours duquel j'ai vu et entendu pour la première fois des gamins rapper dans la rue. Ca m'avait scotché. Ensuite, il y a eu le tube de Sugarhill Gang, dont j'ai acheté le maxi 45 tours. Chez nous, Solaar et IAM m'ont intéressé, autant d'un point de vue littéraire que musical. Je me suis même offert l'un des premiers samplers (de marque Akai) histoire de m'initier au truc. Aujourd'hui, le style, surtout français, me lasse. Question d'âge sans doute…


- J'essaye de parler de Manset à chaque interview... et là, pas besoin de chercher un prétexte: dans cette interview de 91, vous lui parlez de Manset,et vous faites souvent le lien avec lui dans vos chroniques (dans l'introduction de 91, vous parlez de Manset New wave), Murat vous répond en le taclant sévèrement mais dit aussi qu'il l'aime beaucoup. Qu'est-ce qui les rapproche et les différencie ?

 

Ph. Barbot: Vous devez savoir qu'à l'origine Jean-Louis désirait collaborer avec Manset sur la réalisation de son premier album. Les deux hommes se sont rencontrés quelques heures en studio et ça n'a pas collé. Ce qui les rapproche, c'est évidemment une certaine forme de misanthropie sociale, de réserve protectrice, cette impression d'être une sorte de samouraï solitaire face à la vulgarité et la bêtise ambiantes. Ainsi qu'un goût pour la langue française implacablement chantournée. On pourrait gloser des heures sur leurs points communs... ainsi que sur leurs différences. Rien que musicalement, Manset adorait Bob Seger et l'Electric Light Orchestra (!), alors que Jean-Louis, c'est plutôt Leonard Cohen et Neil Young...

 

- Murat ne déteste pas non plus certains « gros groupes qui tâchent » (Family, Eagles, ZZ Top…).

Ph. Barbot: Pour moi, aucun rapport entre Family (avec cet extraordinaire chanteur qu'était Roger Chapman) et Eagles, de la variét' typiquement yankee. Quant à ZZ Top, c'est avant tout du blues rock velu et rigolo…

 

- Par « groupes qui tâchent », je voulais dire « groupes qu’on dénigre » un peu...

Pour le rapprochement, Murat dans l’article de 96 dit « on me compare souvent à Gérard Manset, sans doute à cause de mon côté ermite et de mes longues envolées, mes délires un peu lyriques ». Vous lui en reparlez –vous n’avez pas peur !- aussi pour Rolling Stone en 2011 : Murat dit cette fois que Manset a libéré quelque chose, « une pulsion littéraire » (et il fait la même comparaison qu’en 1991 entre Manset et De Gaulle). Petit point de rapprochement qui me vient : leur refus de la fausse modestie (hum hum), même si Murat parle un petit peu moins à la 3e personne (quoique Bergheaud évoque souvent Murat). Murat semble beaucoup plus soumis au doute… [pas de commentaire de la part de Philippe Barbot... qui a signé 3 interviews de Manset dans les années 80]

Revenons-en au fil historique : Est-ce qu'il y a une raison pour laquelle Murat passe ainsi de la chronique CHANSON à la chronique ROCK à partir de Lilith et que vous signez ensuite les chroniques de disques ?

 

Ph. Barbot: Aucune raison particulière sinon que j'ai du user de persuasion pour affirmer que Murat, c'était rock ! Façon de m'emparer du bonhomme...

- L'étape suivante est me semble-t-il la rencontre Wyatt/Murat en 1997 (qui fait la couv de Télérama)?
Vous avez choisi de l'évoquer dans votre livre "Backstage": Tous deux partagent le même goût de la simplicité dans facilité, de l'émotion sans emphase, de la mélancolie sans pathos". Murat a particulièrement bien préparé l'interview (on a vu récemment dans l'article signé Jean-Louis Bergheaud dans la revue CHANSONS) qu'il aurait fait un excellent journaliste musical). Depuis, Murat semble plus réticent à rencontrer ses idoles (Olivier Nuc a tenté d'organiser une rencontre avec Neil Young)*. Que pourriez-vous nous dire de plus sur cette rencontre ? (vous n'évoquez pas dans le livre que des années plus tard, Wyatt sera crédité dans votre premier disque). Que savez-vous de la relation que Murat et Wyatt ont maintenu?

*je pense à la rencontre possible de Tony Joe White quand il enregistrait le Cours Ordinaire des choses, à la session avec Crazy Horse ou sa déclaration sur Jimmy Page…

Ph. Barbot: Rien à dire de plus que ce qui est relaté dans le livre. Sinon que Jean-Louis était ravi de cette interview, un évènement unique je crois, et qu'il a sans doute gardé contact avec Robert. Grâce à cette rencontre, j'ai pu, en ce qui me concerne, réussir à obtenir sa participation sur mon album. Je le dois à Jean-Louis, finalement...

 

 

 

Inter-ViOUS ET MURAT- n°18   : Philippe BARBOT

- Cette année-là, le magazine fait éditer le cd « CARTIER-BRESSON » dont je suis un heureux gagnant à l’époque… (je ne sais pas si vous avez quelque chose à nous dire là-dessus).

Ph. Barbot: Pas grand-chose… Dans le même registre téléramesque, il me semble qu'il y a eu aussi une chanson inédite à propos d'un hors série Tour de France...

- Ah, ça ne me dit rien, et rien là-dessus dans les archives…

Ph. Barbot: Ok, c'est ma mémoire qui flanche, oubliez ça…

- Il y a eu un CD en 2004 « chansons à mi-voix », les chansons coup de cœurs des journalistes, où vous choisissez « Plus vu de femmes », « plus vu de femmes » qui s’il devait être publié en single, devrait flanquer une raclée dans les charts à tous les Kyo ou Calogero » disiez-vous dans la chronique du Parfum.

On en revient à 2003 pour Lilith où vous le rencontrez à nouveau (à l’auberge du Guery) … et il vous tient le fameux discours* sur les disques qui « puent la chaise » (Dominique A l’évoquait sur le plateau de Dordhain il y a 1 an ou 2). Murat en reparlait au moment de Tristan. Qu’en pensez-vous ?

* " L'homme écrit debout, comme d'autres jouent du piano, il a même une théorie là-dessus, à propos de cette créative station verticale : «Flaubert écrivait debout, paraît-il. Je me suis rendu compte que les chansons écrites dans la position assise passaient moins bien quand je les chantais debout sur scène. Il y a une façon de porter la voix qui est différente. Quand tu es debout, tu chantes beaucoup moins pour toi. Maintenant, quand j'écoute n'importe quel disque, je suis capable de reconnaître si la chanson a été écrite assis : ça pue la chaise... »"

 

Ph. Barbot: Ce me semble être typique de Jean-Louis, ce genre de déclaration : du pain bénit pour le journaliste. Je ne suis pas sûr que les Beatles se dandinaient en composant. En ce qui me concerne, j'écris, papiers ou chansons, assis. Peut-être que mes articles puent le fauteuil et mes chansons sentent le tabouret…

- Et nous voilà, en 2005, et ce dossier spécial « carte blanche » que vous lui consacrez, avec en couverture (C’est sa première et dernière), Murat posant en costume Galliano (JL nous a parlé de ce couturier qui a adopté l’Auvergne aussi en septembre dernier, je découvrais son intérêt pour la mode). On trouve notamment une autre rencontre : Murat/Angot, mais ceux-ci se connaissaient depuis 98 (en 2001, Murat lui chantait sur lit « aimer » sous la caméra de L.Masson). Est-ce que vous avez des souvenirs de cette carte blanche?

Ph. Barbot: Il avait accepté d'être photographié, et même de paraître en couverture du magazine, ce qui, à l'époque était compliqué car il refusait tout cliché qu'il ne fournissait pas lui-même (tiens, une autre ressemblance avec Manset), à condition d'être ainsi costumé. Je ne me souviens plus du prétexte de ce déguisement, peut-être une vague analogie avec le maréchal Murat dont il fait l'apologie dans l'un des articles. Pour cette carte blanche, je me suis rendu chez lui, puis nous avons été ensemble à Montpellier, assister à un spectacle chorégraphié de Christine Angot. Le lendemain j'ai fait l'interview croisée qui est parue dans le journal.

Inter-ViOUS ET MURAT- n°18   : Philippe BARBOT

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Vidéo de la séance photo et lecture d'un poème pachtoune: http://www.dailymotion.com/video/x2q0i7g_2005-telerama-jean-louis-murat-lit-de-la-poesie-pashtoune_music

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- J’ai relevé quelques propos dans ces pages de 2005… si cela vous inspire…

« Pour moi, vivre, c'est écrire. J'écris par volonté de rejeter le plus loin possible tout ce qui veut mourir en moi. Je hais les forces de mort partout en action.

Ma machine inconsciente crache des mots et n'a aucune limite, je suis capable de dire des trucs effroyables. La dimension morale de la langue m'échappe complètement. Je ne suis ni sévère, ni jaloux, ni amer, juste un autodidacte qui pense que les choses doivent être dites. J'ai toujours voulu être poète. La poésie, c'est typiquement incorrect. Baudelaire, Rabelais sont des auteurs incorrects. La poésie, c'est faire cracher toute sa beauté au Mal ».

Ph. Barbot: Je pense que ces propos (dont je partage absolument la première partie) expliquent clairement l'attitude de Jean-Louis face à certains médias et, en général, au "métier", son côté politiquement incorrect, "grande gueule qui ne respecte rien"…

 

- Et vous chroniquez encore Mockba (vous émettez un doute sur la pochette, que j’adore), le Parfum d’acacia… Et c’est votre départ de TELERAMA, puis c’est l’arrivée de Valérie Lehoux, parfois plus distante… et Murat rejoint la case « chansons »… alors qu’Hugo Cassavetti semble pourtant plus amateur (cf les émissions « les sonos tonnent » et "la dispute"). Un petit commentaire, notamment sur votre départ de Télérama ?

Ph. Barbot: J'ai quitté le journal en 2006, après plus de 24 années de bons et loyaux sévices, avec le sentiment d'avoir fait mon temps jusqu'à faire partie des meubles (ceux qu'on range parfois au grenier ou dans un placard), suite à un changement de direction avec lequel (le changement) je ne me sentais pas à l'aise. Anne-Marie était partie un an avant moi.

 

- En 2009, on vous retrouve en maitre de cérémonie d’un show case FNAC à côté de Murat… Murat vous assène :

« toi au moins tu t’es barré de tout ça, un jour tu as dit ras le bol de cette daube de Télérama, je me casse, tu as tout compris et tu as bien fait. Le niveau moyen des médias est tellement con que, soit je réponds rien, soit je joue la surconnerie, qu’est-ce que je pourrais leur raconter, y zen ont rien à foutre, ils s’en foutent. Une fois y en a un qui vient m’interviewer, il avait jamais écouté mes chansons, il connaissait rien de ce que je faisais… lamentable, tous pareils, alors je dis des conneries plus grosses qu’eux, par exemple un jour j’ai dit que les guignols étaient fascistes, hop le lendemain je retrouve ça en gros titres, ils sont tous aussi cons les médias, à part toi… ».

Avez-vous d’autres souvenirs de cette rencontre ?

 

Ph. Barbot: J'ai animé deux rencontres Fnac avec Jean-Louis, l'une pour "Le Cours Ordinaire" (Fnac Montparnasse), l'autre pour" Grand lièvre" (St Lazare, ou inversement),. L'exercice n'est pas très difficile tant il est disert et à l'aise avec le public venu boire ses propos avant la séance de dédicaces. Faut juste tenter d'intervenir de temps en temps. Je me souviens de l'une de ces interventions où, brusquement, il s'est mis à m'interdire de le tutoyer, juste pour rigoler…

 

- Concernant les propos ci-dessus, c’est assez représentatif des attaques de Murat (ponctuelles ou régulières ?) contre les médias, mais aussi le trio Inrocks/Télérama/Libé, des journaux qui jamais ne lui en tiendront réellement rigueur (un peu les inrocks). Qu’en pensez-vous ? Réel rejet politique ? Peur du succès qui le pousse à se couper de son public « traditionnel » ?

Ph. Barbot: Cf ce que je disais plus haut sur le côté "politiquement incorrect". Mais je pense au contraire que le succès, s'il ne l'obsède pas, ne fait nullement peur à Jean-Louis.

 

Inter-ViOUS ET MURAT- n°18   : Philippe BARBOT

- Enfin (pour en finir avec votre parcours avec Murat), on vous retrouve comme auteur de plusieurs «dossiers de presse» : Le Cours ordinaire et Grand Lièvre (je ne sais pas si vous en avez rédigé d’autres – Hugo en a fait je crois après vous). Que pouvez-vous nous dire de cet exercice (un « ménage » de journaliste musical) ? *

* vous avez fait aussi celui de « SANS MOI » pour Bertrand Louis, sans doute amicalement.

Ph. Barbot: Il m'arrive, comme beaucoup de journalistes, d'être sollicité pour écrire des "bios", soit par la maison de disques, soit par l'artiste lui-même. Libre à nous d'accepter ou de refuser, même si la plupart du temps ces exercices ne sont pas signés. La seule règle est, en principe, de ne pas chroniquer/critiquer le disque en question. Ce qui n'empêche pas parfois d'en profiter pour faire un papier informatif dans le registre "interview". En ce qui concerne Bertrand Louis, c'était en effet purement amical : d'ailleurs c'est lui qui a écrit la bio de mon nouvel album, album qu'il a réalisé.

 

- Murat dit souvent que pour chaque album, il faut un truc à raconter aux journalistes… Il est assez fort là-dessus. De son côté, Bertrand Burgalat dans technikart disait il y a peu avoir de quoi faire un disque, mais reculer parce qu’il n’avait aucun « storytelling » à proposer. Que pensez-vous de ce phénomène moderne qui renforce d’ailleurs le rôle du dossier de presse (qui sera gobé tel quel par des centaines de sites et les journalistes paresseux…) ?

 

Ph. Barbot: En tant que journaliste, j'ai toujours pensé que mon boulot n'était pas de servir la soupe mais de raconter des histoires, quitte à ce qu'elles se limitent parfois à des anecdotes. J'ai même poussé le vice jusqu'à en faire un bouquin…

 

- Dans ce livre, justement, Murat est évoqué, mais c’est avant tout Wyatt dont vous dressez le parcours. Vous êtes-vous posé la question de le faire figurer de manière plus importante? Cela m’interroge du coup sur la place que vous pouvez lui accorder au milieu de ce hall of Fame (où figure Bashung, Christophe, Dutronc, Higelin, Brassens) ? Qu’est-ce qui lui manque pour rentrer dans la « légende »

?

Ph. Barbot: Encore quelques années, peut-être. Et un éventuel tome 2 du bouquin…

 

- J’ai envie de vous poser la même question sur Manset, que vous avez interviewé plusieurs fois. N’y avait-il pas matière de nous conter quelques souvenirs ? (Je me demande en fait si, puisqu’on sent que vous avez voulu « rendre hommage », et toujours porté (à quelques remarques prêtes) un regard bienveillant (vous vous dites fan à plusieurs reprises), s’il n’y pas certaines choses qui vous ont empêché de traiter de Manset ?)

Ph. Barbot: Rien ne m'a empêché de parler de Manset (pas plus que de Souchon, Voulzy, Sheller, Annegarn, et autres artistes que j'apprécie) mais il fallait bien faire un choix, à moins de publier un bouquin de 500 pages.

 

- Le titre « Backstage » est en fait un peu trompeur, on pouvait s’attendre à des détails un peu plus « croustillant », mais il semble que vous vous y êtes refusé, ce qui est à votre honneur. D’ailleurs, dans le livre, vous vous racontez toujours comme un journaliste, et jamais comme l’ami de tel ou tel, est-ce que c’est important pour vous de conserver une distance « journalistique » avec les artistes, même si vous nous racontez les repas qui s’éternisent ?

Ph. Barbot: Le titre Backstage a été l'objet de longues tractations avec l'éditeur. J'aurais préféré un titre en français plus clin d'œil (genre "Héros et Vilains", allusion à un morceau des Beach Boys) mais au bout du compte je pense que Philippe Rey a eu raison. Le titre, même s'il peut être trompeur, claque et accroche. Et puis ça sonne mieux que "Coulisses", non ?

Quant aux amis, c'est affaire de vie privée. Les relations journalistiques, donc professionnelles, sont, elles, d'ordre public. La différence s'arrête là, mais elle est cruciale.

 

- Vous évoquez deux/trois fois dans le livre comme il est difficile de poser des questions originales (ça m’a relaxé du coup au moment de vous poser les miennes) , et vous portez parfois un regard amusé sur vos propres questions (ou vous décrivez comme avec Lou Reed comme une interview peut réussir sur un détail ou une question)… L’exercice de l’interview classique et de sa reproduction telle quelle vous a-t-elle moins intéressé tout au long de ses années que la rédaction d’un article relatant la rencontre ? Est-ce uniquement par plaisir de l’écriture ? Je ne crois pas d’ailleurs que vous vous soyez intéressé à la radio qui se prête sans doute mieux à cet exercice ?

Ph. Barbot: A l'interview classique, questions-réponses, j'ai toujours préféré l'exercice du portrait, émaillé de citations. Qui, il est vrai, oblige à un effort d'écriture, ce qui n'est pas pour me déplaire. Une interview, pour moi, est surtout une prise de contact qui, dans le meilleur des cas, peut aboutir à un dialogue (sauf dans le cas de Lou Reed…).

Quant à la radio, j'en ai fait il y a quelques années (France Bleu) et j'ai trouvé ça aussi physiquement éprouvant que diablement excitant.

 

 

Inter-ViOUS ET MURAT- n°18   : Philippe BARBOT

- Une des choses agréables du livre c’est cet effort de transmission, et cet amour de la musique qui transpire… Vous dites bien dans le livre que vous détestez quelques trucs dans le livre, mais on sent un regard bienveillant. Que pensez-vous des collègues qui se font un peu une spécialité de ne rien aimer ? (je pense à Ungemuth par exemple*). Quels sont les gens que vous appréciez ou les « grandes » plumes de « critic rock » en France ?

* qui déclare par exemple : « le rock français aujourd’hui ? N.U. : Je ne suis pas un bon client pour toi parce que je n’ai jamais écouté de rock français de ma vie, en dehors des Dogs et éventuellement de Métal Urbain. Le rock est anglo-saxon et les Français n’ont rien à y faire. Je trouve que les langues anglaise, italienne ou portugaise sont musicales, mais pas le Français ou l’Allemand. Moi, Wagner, je n’écoute que les ouvertures. Dès que ça chante, je m’en vais. « Le principe même de nouveauté, je n’en ai rien à foutre ! » -Il y a des groupes récents que tu aimes ? N.U. : Non, pas du tout ! Le principe même de nouveauté, je n’en ai rien à foutre ! »

 

Ph. Barbot: Je préfère la mauvaise foi talentueuse aux postures formatées. Les "rock critics" français (oxymore) qui ne se sont jamais remis de la lecture de Lester Bangs, m'amusent plus qu'ils ne m'agacent. Je me considère avant tout comme un journaliste, spécialisé musique par passion, non comme un critique exerçant sa plume par humeur. Pour les noms de confrères, je me contenterai de la réponse de Gainsbourg : no comment.

 

- Vous avez fait un disque de chansons en 2012, et vous avez dit que Murat avait été le premier à l’écouter… Pouvez-vous nous en dire plus ? Vous souhaitiez son avis en particulier ? Est-ce un hasard?

Ph. Barbot: Je lui ai glissé le disque discrètement dans son sac, dans les loges de je ne sais plus quel concert. Quelque temps après, il m'a envoyé un mail me disant qu'il avait apprécié, qu'il écoutait le disque sur la route en tournée, mais que maintenant, il fallait m'attaquer à la suite... Ce que j'ai fait, puisque mon deuxième album, Dynamo, réalisé par l'excellent Bertrand Louis, est terminé.

 

- Vous vouliez faire un deuxième disque différent. Le sera-t-il? et en quoi? Et quand va-t-il sortir? Toujours chez Believe?

Ph. Barbot: Le deuxième album est presque entièrement électro. Il a été joué et enregistré à quatre mains, en compagnie de Bertrand Louis. Il est aussi, je crois, beaucoup plus sombre que le premier. Vous pouvez en avoir un court aperçu (auditif et visuel), grâce au premier clip (ci-dessous).

Le disque sortira en digital chez Believe, sans doute à la rentrée. Pour le physique, pour l'instant sans label ni distribution, on verra. Si vous avez des idées, je suis preneur...

 

https://www.youtube.com/watch?v=FFQJNgQOOCk&feature=youtu.be

 

 

Merci Philippe Barbot!

Interview réalisée par mails du 28/03 au 04/04/2015 (ça n'a pas trainé). Il n'est pas question du livre "Coups de tête" puisque Philippe en ignorait l'existence. Désolé que les questions soient plus longues que les réponses. Ultime précision: j'ai acheté le livre "Backstage" (à la FNAC d'Annecy).

 

La suite avec les articles signés Barbot :

http://www.surjeanlouismurat.com/2015/04/philippe-barbot-suite-ses-articles.html

Inter-ViOUS ET MURAT- n°18   : Philippe BARBOT

LES LIENS EN PLUS:

-Site officiel:

http://phbarbot.com/

- Le blog de Philippe Barbot sur yahoo:

https://fr.news.yahoo.com/blogs/c-est-ma-tournee/

- Le livre Baskstage, http://www.philippe-rey.fr/f/index.php?sp=liv&livre_id=264

Avec sa plume alerte et amusante, on y retrouve les grandes rencontres de P. Barbot (avec que des très grands noms), un peu de coulisses, de vécu, la vie du journaliste qui n'en oublie pas d'être fan, mais surtout des mini-bios sélectives, des portraits... très intéressants, notamment pour ceux qui comme moi ne savent pas tout sur tout.

- Le premier album "Point barre": http://www.deezer.com/album/1418755

http://musique.fnac.com/a4060959/Philippe-Barbot-Point-barre-Exclusivite-Fnac-CD-album

 

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Rédigé par Pierrot

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT

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Publié le 26 Mars 2015

Comme notre politique éditoriale nous l'impose, nous essayons de vous tenir informés de l'actualité des artistes qui ont travaillé ou été proches de Murat. Matthieu, en fin limier de la news fraîche, a donc saisi l'occasion d'un concert de Silvain Vanot à Clermont pour l'alpaguer et organiser une rencontre.

On ne va pas vous refaire toute l'histoire de la relation Vanot/Murat, on l'a déjà évoquée sur ce blog (notamment ici, ici et , ce qui explique que Matthieu ne nous propose pas une "inter-ViOUS ET MURAT"). Mais on rappellera que Jean-Louis a chanté sur scène, comme l'indique le site officiel, une des chansons de Vanot, "Pétain FM" (si quelqu'un en possède une version, qu'il se fasse connaître, ou se taise... 5 minutes avant de nous l'envoyer !).

Après un "Live-report-portrait" (illustré par de jolies photos de Florenza – merci à elle !), vous pourrez écouter une interview réalisée avec Thibaud de Radio Campus. Vanot y tient des propos très élogieux sur Jean-Louis Murat (l'homme et le musicien), explique l'importance de Toboggan dans certains de ses choix récents, mais aborde aussi plein d'autres sujets : Rocksound (feu magazine made in Clermont à l'origine de sa rencontre avec Murat), Dominique A, Les Inrocks, le rock en français, Pain-Noir, le design sonore, et bien d'autres choses... Une très belle interview que je vous invite ardemment à écouter, même si cela nécessite d'avoir un peu de temps devant soi !

(En passant) Vanot brille

Silvain Vanot ne sera resté qu'une journée en Auvergne. Suffisant pour le voir chanter et l'écouter parler.

 

Clermont-Ferrand, les 14 et 15 février 2015. Il était étonnant de voir, par une belle soirée d'hiver et de Tournoi des 6 Nations (Irlande 18 – France 11), un artiste tel que Silvain Vanot se produire devant une cinquantaine de personnes, dans un petit restaurant du centre-ville. Lui qu'un journaliste du Monde (le même qui fit plus tard de Clermont la "nouvelle capitale du rock français") plaçait il y a vingt ans au sein du "triumvirat en vogue du moment" censé renouveler la chanson nationale, en compagnie de Dominique A (tête d'affiche du prochain Europavox) et Miossec (qui jouait, voici quelques semaines, devant une Coopérative de Mai bien garnie), aurait-il été tellement distancé par ses deux compères qu'il ne puisse prétendre à une audience plus large ? En un sens, la chose est compréhensible : Vanot n'a plus de maison de disques (ayant lui-même démissionné en début de millénaire, sans attendre de se faire virer), n'a pas sorti d'album depuis six ans et n'a aucune tournée en cours. Un Zénith impromptu aurait donc paru déplacé. Pourtant, on ne peut s'empêcher de songer qu'à l'heure où la scène pop-folk locale semble redécouvrir les attraits de la langue française (Pain-Noir s'est joliment lancé fin 2014 dans un style évoquant Bertrand Belin, Alexandre Delano vient de se jeter à l'Eau dans un registre pop plutôt prometteur et d'autres projets sont en préparation – avec peut-être, au passage, une belle surprise pour les muratiens...), il eut été intéressant d'accorder plus d'exposition au travail d'un musicien qui s'essaye au difficile exercice de marier sa langue natale avec les sonorités anglo-américaines depuis pas mal de temps déjà et avec un talent certain.

DES NOUVELLES de SILVAIN VANOT (live-report et interview inédite)

Rien dans ces lignes contre Les Arcandiers, charmant restaurant situé à deux pas de la Cathédrale, qui formait un écrin feutré et cosy pour la musique de Vanot. La décoration de ce bar à vin, avec son éclectisme de brocante, convenait d'ailleurs bien aux chansons du sieur, qui évoluent souvent entre des pôles contraires – la caresse et la griffure, le rock bruyant et la ballade bucolique. La date du concert était tout aussi pertinente et la vedette du soir avait le bon goût, en cette Saint-Valentin, de faire retentir dès son deuxième morceau "Les cloches de l'amour". Nous allions donc assister à un concert de chansons, ce qui n'était pas garanti sur le papier, puisque l'artiste s'est beaucoup consacré ces dernières années à la musique instrumentale, qu'il travaille en étroite collaboration avec des cinéastes, accompagne des musiciens d'horizons divers (de Mareva Galanter à Sport Murphy, le champ est large...), s'essaye à l'illustration sonore ou bien improvise en duo avec Noël Akchoté, guitariste de jazz dont la productivité discographique ferait passer Murat pour la pire des feignasses. Mais ce soir, équipé d'une guitare électrique, de quelques pédales et de deux harmonicas, Vanot a décidé de chanter. "Une rengaine, une chanson / Et les mensonges qu'elle égraine / En petits monceaux de frissons / Une rengaine pour nos peines / Les mensonges qu'elle égraine / C'est tout". On s'en satisfera largement.

DES NOUVELLES de SILVAIN VANOT (live-report et interview inédite)

Le voici donc parti pour interpréter quelques compositions issues principalement de ses deux derniers albums, Il fait soleil (2002) et Bethesda (2009). Une poignée de chansons d'amour dans des registres variés, une belle nouveauté prénommée "Lucie", des envolée de Sioux sur "Hawaii", une version inédite de "Rivière" à la guitare (alors qu'elle est superbement jouée au piano sur le disque)... Le récital se déroule sans heurts, le public se montre chaleureux, le chanteur plaisante volontiers, ironisant sur les tubes que ne sont jamais devenus ses morceaux ou rappelant qu'il possède la médaille de la Ville (comme tous les anciens jurés du Festival du Court métrage). Peut-on dire des chansons de Vanot, après plus de deux décennies, qu'elles auraient une spécificité qui sauterait aux oreilles ? Existe-t-il une Vanot's touch ? Si tel est le cas, peut-être réside-t-elle dans la faculté du songwriter à manier la naïveté sans s'y engluer. Vanot, en 2015, est capable de personnifier la femme aimée en rivière, d'assimiler un baiser à une bouée de sauvetage ou de chanter une amourette en barque sans que cela paraisse mièvre. Question de choix des mots associés à la bonne mélodie, comme dans toute chanson réussie ; d'un savoir-faire incontestable dans l'usage de tournures archaïsantes qui ne sonnent jamais faux ; mais encore, sans doute, d'une tendance à laisser traîner dans le voisinage de ce côté fleur bleue une certaine cruauté, qu'elle soit teintée de sarcasme ("Implacable") ou de fatalisme ("Égérie") ; enfin, d'une propension à régulièrement réactiver les liens entre sentiment amoureux et condition politique – il rappelle ainsi, en présentant l'un de ses anciens titres, qu'il n'a jamais vraiment su s'il y parlait d'amour ou de Pôle Emploi, et l'on pourrait sans difficulté retrouver pareille ambivalence ailleurs dans son œuvre.

"Deux-trois notes, quelques phrases pas trop sottes"... "Lucie", filmée ici par David Chambriard.

Au moment où l'on était sur le point de penser qu'avec ses couplets et refrains sagement ordonnés, sa guitare et son pupitre, Vanot donnait un vrai concert de hanhon française (l'expression, ironique, est de Loïc Lantoine), édulcoré de la hargne rock de ses débuts, il a la bonne idée d'augmenter le volume sonore et l'électricité de son set avec une reprise d'un titre du groupe Wire, enchaîné directement avec "Le soutien du Roy". Le concert bascule et Vanot va maintenant puiser dans ses premiers albums des morceaux qui suscitent chez plusieurs spectateurs des réactions de plaisir, le genre de plaisir procuré par un sentiment de familiarité ou, mieux, par des retrouvailles avec de vieux copains. Lesquels ont ici pour noms "L'instant que je guette", joué sans harmonica, "Sous ta fenêtre", tout en puissance et incorporant un couplet du classique "Scarborough Fair" ou "La vie qu'on aime", morceau cher à Bernard Lenoir, l'un des premiers découvreurs du chanteur au début des années 90. Lenoir, qui a la mémoire longue et l'amitié fidèle, au point d'avoir sélectionné Vanot sur le second volume de sa compilation L'Inrockuptible, écrivant à son propos : "Une belle sensibilité. Un artiste très touchant, pétri d'humanité." Autant de qualités qui transparaissent encore dans les deux inédits que Vanot glisse entre ses classiques et que l'on aimerait avoir l'occasion de réentendre plus attentivement, ce qui devrait être possible sur un prochain album prévu pour cette année 2015.

DES NOUVELLES de SILVAIN VANOT (live-report et interview inédite)

Après avoir simulé un passage par une loge imaginaire et avoir remercié l'impressionnant boxeur dont la présence massive rassure, en cette période où Vigipirate rougeoie jusqu'à l'écarlate, Vanot revient volontiers pour quelques titres supplémentaires. D'abord avec "Île-de-France", l'une des chansons les plus originales de son répertoire, hommage doux-amer à sa région d'adoption doublé d'une élégante variation autour de l’œuvre de Salvador, puis avec une nouveauté pour laquelle il sollicite le calme et l'attention de l'assistance. Un vœu pieux quand on joue dans un bar, un samedi soir. Mais il est loin le temps où Vanot pouvait prendre la mouche pour un manque de concentration du public, il interprétera donc cette composition, présentée comme douce et dure à la fois, dans un léger bruit de fond, pour les quelques spectateurs attentifs des premiers rangs. Ces bons élèves se verront même gratifiés d'un dernier titre, pioché dans le classeur utilisé par l'ex-professeur pour ses conférences sur l'histoire de la chanson américaine, en l'occurrence une reprise du standard "People get ready".
Ready, Vanot l'est encore le lendemain matin, après une courte nuit de sommeil, pour répondre aux questions de deux zèbres bien décidés à l'interviewer malgré son emploi du temps serré. Une heure et demie durant, il revient sur vingt ans de parcours musical, accepte volontiers d'analyser réussites et déconvenues, avec une capacité à l'autocritique qui ne verse ni dans l'aigreur revancharde ni dans un autodénigrement trop facile. Il se montre bienveillant, joueur par moments et toujours chaleureux quand il s'agit d'exprimer sa gratitude envers tel ou tel musicien croisé en chemin (Murat tout particulièrement). Avant de partir déjeuner avec son ami Gilles Dupuy (fan de la première heure et instigateur de son passage éclair en Auvergne), puis de s'en retourner dans l'atmosphère passablement plus polluée de cette Île, dite de France, qu'il chantait la veille...

DES NOUVELLES de SILVAIN VANOT (live-report et interview inédite)

Vanot nous l'a donc annoncé avec la calme détermination qui le caractérise : "Le disque existera et les gens qui auront envie de l'entendre l'entendront." Ce nouveau projet bénéficiera-t-il d'un lancement en fanfare dans le vaste auditorium de Radio France, à l'instar du dernier opus de Dominique A, son vieux compagnon de route et de (beaux) duos ? Probablement pas et, tout bien considéré, ce n'est pas si grave. Au contraire. Car à cinquante ans passés et avec plus de vingt années de carrière au compteur, Vanot est enfin débarrassé des multiples étiquettes approximatives dont il fut affublé depuis ses débuts, souvent avec les meilleures intentions. C'en est fini du "Neil Young normand" (Kent, 93), du "Clément Marot du rock" (Bayon, 97), du "rocker lettré" (Davet, 2002) ou du "mal-aimé des nouveaux chanteurs français" (Vergeade, 99), "chanteur minoritaire, au dossier de presse plus fourni que les relevés Sacem" (Bernier, 02). Il n'est plus le représentant d'une quelconque nouvelle vague, mais juste un artiste qui a beaucoup bourlingué (musicalement et géographiquement, les deux allant souvent de pair) sans y laisser toutes ses plumes, qui n'a sans doute pas produit d'album parfait, mais a réussi à semer sur sa route quelques très belles chansons, restées gravées dans la mémoire de plus d'un auditeur, et qui, en outre, ne s'est jamais privé de réfléchir à son métier. De sorte que sa position sur la scène francophone, tout en étant périphérique, est plutôt intéressante : ni porte-drapeau, ni poète maudit, Vanot est un outsider séduisant qui pourrait bien incarner un point de repère, au scintillement délicat, pour celles et ceux qu'excite encore le défi d'unir le rock (sous toutes ses formes) avec cette langue régionale parlée par quelques 200 millions de personnes sur la planète... Et à celui dont les trois quarts des chansons gravitent autour de la question : "Veux-tu encore de moi ?", il serait temps, pour tous ceux qui l'apprécient, d'apporter une réponse affirmative dénuée des réserves habituelles (sur son physique, sa voix, ses ventes de disques, etc.). Car en 2015, derrière son pelage poivre et sel et son sourire discret, Vanot n'est toujours pas vanné. Qu'on se le dise et qui l'aime le suive !

DES NOUVELLES de SILVAIN VANOT (live-report et interview inédite)

L'entretien avec Silvain Vanot, enregistré à Clermont-Ferrand, le dimanche 15 février 2015, à l'heure de la messe (d'où la présence inattendue d'un orgue liturgique) est à écouter ici :

https://www.mixcloud.com/La_mouche_d%C3%A9coche/rencontre-avec-silvain-vanot/

 

Rencontre avec Silvain Vanot by La_Mouche_Décoche on Mixcloud   (séquence sur Murat notamment vers la 52')

 

Dossier réalisé par Florenza, Thibaud et Matthieu.

*****

REMERCIEMENTS : Un grand merci à Silvain Vanot pour sa disponibilité et son accueil bienveillant à nos diverses sollicitations.

Merci à Gilles Dupuy d'avoir eu la bonne idée d'organiser ce concert, sans autre motivation apparente que le simple plaisir, aux Arcandiers de l'avoir accueilli, à Daniel Larbaud de s'être chargé du son, à David Chambriard pour la captation de "Lucie", à Radio Campus Clermont-Ferrand pour les moyens techniques, à L'Oreille Absolue pour la précieuse documentation, à Pierrot pour la liberté de manœuvre à peu près infinie.

Florenza et Thibaud, quoique rompus de fatigue et grippés, se sont révélés de vaillants et indispensables compagnons, la première derrière son Canon, le second derrière la console. Surjeanlouismurat.com les remercie chaleureusement.

*****

RAPPELS : Silvain Vanot dispose d'un site internet, où vous pourrez retrouver sa discographie et suivre son actualité, ainsi que d'un blog qu'il alimente de réflexions personnelles sur la musique.

Thibaud, qui a coréalisé ce dossier, anime toujours une émission bimensuelle sur Radio Campus Clermont-Ferrand, Le Petit Lait Musical, où il reçoit (principalement) des artistes de la scène clermontoise. Vous pouvez suivre sa programmation sur sa page Facebook et réécouter ses anciennes émissions sur le site de Radio Campus. Pour les étourdis qui l'auraient manquée, on signalera tout particulièrement sa longue rencontre avec Christophe Pie, enregistrée cet automne au domicile du musicien.

Enfin, du côté de Radio Campus Paris (N.D.L.R. : Paris est cette petite bourgade située au nord de Clermont-Ferrand), vous pourrez découvrir un nouveau titre de Silvain Vanot, "Je suis le carnet de route", retenu par l'émission La Souterraine sur une compilation parue au mois de janvier et disponible ici-même.

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