On va vous susciter des regrets... en vous parlant de la mini-tournée de Jennifer Charles et Oren Bloedow qui vient de s'achever. Les amis américains de Jean-Louis et de la famille, ont gagné l'aéroport, l'avion n'a pas fait bang bang mais a filé droit direct United States... en laissant dans l'air et dans la tête des spectateurs les souvenirs d'un doux american kissing [bon, il se peut qu'il soit encore possible de croiser Jenny dans les musées parisiens ce matin, si j'en crois son instagram!) . Notre correspondante parisienne a assisté au 2e concert parisien.
Paris, un soir de juin qui ressemble déjà à l’été. Les bars et leurs terrasses font le plein autour des monumentales portes Saint-Martin et Saint-Denis. Sur le boulevard de Strasbourg, L’Archipel, qui accueille ce soir pour leur deuxième date les Elysian Fields, avec Matt Low et Guillaume Bongiraud, voisine avec les illustres théâtres populaires. Ambiance intimiste dans la petite salle bleue, tout en longueur, la scène à un bout, le bar à l’autre. Le petit écran blanc en fond de scène finit de rappeler la salle de cinéma… Et de fait le spectacle de ce soir aura un grand pouvoir d’évocation.
Alors que les derniers spectateurs arrivent, soudain noir total… Des bruits de pas, des grillons… Ambiance de soir d’été, d’où surgissent les notes du violoncelle de Guillaume Bongiraud, pour un superbe premier morceau joué pizzicato. Suivent deux autres compositions, avant qu’il ne cède la place à Matt Low, « de Moulins-sur-Allier » : belles mélodies, textes introspectifs et souvent mélancoliques, ponctués d’adresses au public toutes en autodérision. Alors que Guillaume le rejoint pour son dernier morceau, s’amorce ce qui fera aussi toute la séduction de cette soirée : on n’assistera pas vraiment à une succession de prestations – première, deuxième partie… - mais chacun tour à tour sera invité à revenir sur scène pour jouer avec les autres, dans un climat qui ressemble à de l’amitié, et qui ne peut qu’envelopper la petite foule du public, si proche de la scène.
Vient le tour d’Elysian Fields, pour son dernier album, Transience of life, sorti en 2020, inspiré d’un roman de l’auteur chinois Cao Xueqin, qui raconte l’histoire mythique d’un amour maudit, épopée qui semble être l’équivalent de l’œuvre de Shakespeare pour la Chine du 18ème s. Jennifer Charles et Oren Bloedow disent avoir trouvé, dans cet univers si lointain et étranger, une proximité avec leurs thèmes de prédilection – et de fait les titres des chansons fixent tout un programme : Transience of life, Vain longing, Sorrow amidst joy, A life misspent, Separation from the dear ones… autant de variations sur l’amour condamné, l’impermanence de toute chose, la désillusion, le chagrin… La scène vient magnifier l’album qui joue de la rencontre entre deux mondes, pour nous plonger dans une atmosphère vaporeuse et onirique. Oren à la guitare ponctue les morceaux de sonorités orientales, Jennifer, étirant infiniment son chant, joue de sa voix si langoureuse et de la grâce expressive et mystérieuse de ses mouvements, dans une interprétation spectaculaire et théâtrale, entre le jeu et la danse. Accompagnée par Oren à la guitare ou au piano, elle dit le regret et la mélancolie – le « Helas, helas » de Union of enemies résonne magnifiquement. Mais le groupe excelle aussi dans les ruptures de ton et rythme, et la guitare de Oren sonne régulièrement très rock, pour des passages très enlevés. Les morceaux s’enchaînent sans guère d’interruption ni d’adresses aux spectateurs, comme pour nous laisser plongés dans cette atmosphère de sombre rêverie, et jouer de la puissante capacité du duo à faire naître en chacun des images. Pour le morceau final de l’album, The birds scatter to the wood. Jennifer demande d’ailleurs le noir, « like in a movie », et danse dans la pénombre sous l’écran où défilent des images de paysages. Bientôt elle sort de scène, et toujours dansant remonte la salle, frôlant des spectateurs émus, pour laisser Oren au piano conclure magnifiquement. C’est fini pour l’album, mais pas pour le spectacle, puisque Matt Low est invité sur scène pour jouer avec Oren et Jennifer son titre Saut de l’ange – il les remercie dans un anglais surjoué de frenchy de Moulins. Le rappel réunit tout le monde, pour une reprise enthousiasmante de Black Acres. Remerciements en français et en anglais… Et invitation à finir la soirée ensemble, au bar du fond de la salle
Je m’éclipse assez vite… mais la grâce, la chaleur, le charme infini de cette soirée n’ont pas encore fini de m’accompagner.
F.
Merci Florence! Merci à Matt Low d'avoir organisé cette mini-tournée qui a vu le groupe fréquenter la beauté des VINZELLES, la nouvelle place to be in le 6/3, le bois de SAOU... et le Blois du chato'do ce week-end.
Jennifer et Oren sont à retrouver sur Mustango.
Jennifer sur A bird on a poire
Oren est également sur Babel (chant soviet)... aux côtés de Matt Low et Guillaume Bongiraud (au sein des DELANO ORCHESTRA).