C'est étrange, non?, que les anglais utilisent le terme COVER pour REPRISE. Une reprise (pas terrible non plus ce nom), ce n'est pas un couverture, un couvercle, une protection. C'est tout le contraire, une ouverture, une découverte, un risque... Faire re-vivre une chanson et pas l'étouffer, comme les troubadours, les mères puis les enfants de leurs enfants, transmettaient les ritournelles et les chansons aux générations futures.
J'ai fait une recherche rapide, et il se trouve que le terme Cover dans le cadre du commerce musical peut effectivement s'assimiler à une couvercle, on y trouvera donc peut-être l'origine de cette appellation: " Titre à succès que les compagnies de disques font enregistrer à l’un de leurs poulains dans le but de concurrencer la version originale.Les covers subissent souvent la censure par remodelage de paroles jugées trop dérangeantes ou obscènes : c’est le cas, entre de nombreux autres, de Shake, Rattle and Roll de Big Joe Turner qui sera un tube national dans la reprise propre et aseptisée qu’en donnera Bill Haley quelques mois plus tard". On est dans ce cas-là, loin de mon idéalisme... mais on se rappellerait sans doute moins de Big Joe Turner sans Bill Haley (à ce sujet, je vous avais déjà conseillé le documentaire sur la chanson alléluia de Cohen).
Pour les plus courageux, la citation ci-dessus vient d'un article savant mais très intéressant Christophe Kihm, « Typologie de la reprise », Volume !, 7 : 1 | 2010, disponible ici.
Et donc, où est-ce que je veux en venir, c'est à quel sujet?, dans quel état j'erre?
Euh, alors, oui, le point de départ du jour, c'était l'interview de Pierre Andrieu, auteur du livre "les jours du jaguar" (édition le boulon) sur Radio Grand Brives par Guillaume Lebouis, mon Meymacois (comme la chanson de Piaf) préféré.
Un moment agréable entre deux grands admirateurs de l’œuvre de JLM:
PS: On retrouve ce soir Guillaume à Tulles et demain (7/11) à Périgueux avec son groupe City of exiles (avec Sébastien Miel -la famille Tellier- et Matthieu Pigné - autre muratien, le batteur écrivain, dont je me suis enfin procuré le polar qui vient de sortir en poche).
Cette actualité était donc l'occasion de publier le passage de Pierre Andrieu lors du Week-end Murat, yes sir 2025! Il a été invité pour l'accompagner par Alexandra Issartel du groupe Shezlöng. Le groupe sera au Lieu-Dit (Clermont-Ferrand) avec les excellents Montanita (on en a parlé plusieurs fois) samedi 8/11 à partir de 19 heures. Montanita également aux Vinzelles le 21/11.
Ils ont clôturé la très longue soirée tribute, et c'était presque le milieu de la nuit lors de leur passage, ce qui explique l'assistance qui s'était clairsemée. C'était l'évidence qu'ils terminent la soirée... car ils avaient choisi de jouer "les jours du jaguar", qui a rythmé la fin de tant de concerts de Jean-Louis... Et on commence là-dessus... J'adore vraiment le début, la guimbarde, le sifflement et le feulement félin d'Alexandra. Et ces vidéos bénéficient toujours du son sorti de la console de Théophane Bertuit (studio polyphone).
Ils avaient commencé leur prestation par Jim,j'ai fréquenté la beauté... et vu que le public en réclamait encore, "foule romaine" en rappel... toujours en version "électrique brut", avec la stratocaster de Pierre Andrieu (qui n'a pas le vécu scénique des autres participants, et a dû vivre cette longue soirée avec le trac).
2) D'une cover à une autre... Le camarade Nesles que l'on avait interviewé lors d'un précédent album a livré sur instagram une reprise de "Foule romaine". Je me suis permis de la capter pour youtube. Il voulait saluer ainsi le livre de Frank Loriou, Photorama.
Le dernier disque de Nesles vient de sortir, il s'appelle Barocco. Il sera en concert à l'Archipel le jeudi 21/11. Florence nous avait livré un compte-rendu élogieux d'un concert parisien en janvier 2024 alors ne le ratez pas!
3) Milla et Marc Aymon nos invités suisses du week-end Murat ont rejoué ensemble en Suisse... et Murat était au programme... Je vous laisse découvrir l'endroit de leur prestation.... Le lac souterrain de Saint-Gontard!
4) Petit rappel : Matt Low et son Douharesse en tournée.... ça sera toujours d'actualité en 2026 (vous pouvez le contacter pour des concerts à domicile).
En attendant encore deux dates: en Belgique (16/11 : L'Ancienne Fée Verte, Anlier (Belgique ) et le 15 dans la Nièvre, avec Alain Bonnefont!
LA MUSIQUE ORIGINALE EN PLUS
Puisqu'on en est à parler du Week-end Murat, saluons l'actualité d'Adèle Coyo et des Belfour présents en 2023.
Et Belfour, le duo qui a clôturé le premier week-end Murat, sort une nouvelle chanson. Super démarrage pour le clip qui a déjà dépassé les 14 000 vues... et le paysage auvergnat est convoqué:
Cette chanson, c’est l’enfance dévoré à pleine dents, le bonheur de courir à l’air libre, de dépasser les frontières. Nos frontières à nous, c’était la chaine des Puys. Nous étions à la fois attirés mais effrayés par ces volcans qui pouvaient se réveiller à tout moment.
Et puis, ça nous tenait à cœur que Mémé/Janine participe à notre clip. Depuis longtemps, on répète dans la cabane au fond de son jardin à Olby, petit village Auvergnat au pied du Puy de Dôme. Mémé elle nous appelle souvent le midi pour venir manger comme si on avait 10 ans. Grâce à elle, on reste un peu des grands gamins jouant au fond de son jardin.
1) Après Didier Varrod, Olivier Adam, on termine cette série d'articles "Bibliographie" avec une autre pointure... Laurence Boccoloni et son livre Showtime, souvenirs du chaos chez KERO.
On avait déjà croisé Laurence Boccoloni ici car ses souvenirs avec Jean-Louis Murat avaient déjà suscité des articles dans la presse people et tv... On savait à l'époque qu'elle devait en parler à nouveau dans son prochain livre. Celui-ci est sorti en mars 2025. Antonin me l'a rappelé et je me le suis donc procuré... On n'en apprend pas beaucoup plus, mais c'est néanmoins sympathique et agréable d'avoir une telle description de Jean-Louis Murat qui passe même à l'improviste saluer Bernard Lenoir et Laurence.
Je ne me suis pas attardé sur le reste du livre mais les quelques pages sur la musique sont amusantes (rencontre avec Jim Kerr et le grand classique du livre de souvenirs rock : la rencontre avec Lou Reed, un vrai minotaure journalistique - note pour plus tard: idée d'article Combats de Minotaure: L. Reed/ Murat, le pire souvenir des journalistes? Mais Lou Reed l'emporterait haut la main! ). Le récit d'un voyage pleins de péripéties à Los Angeles pour la radio est assez tordant... dont l'anecdote suivante: Laurence doit interviewer Jimmy Page, ils l'attendent dans un hôtel avec pas mal de gens, elle parle mal anglais et indisposée par le bruit et les fumées de ganja, passe une heure avec un gars qu'elle pense être du management de Jimmy Page... et finalement fuit... Quand elle fait part à son accompagnatrice de sa déception de ne pas avoir pu voir Jimmy, celle-ci lui dit: "mais tu as discuté avec lui pendant une heure!!?"... Elle ne l'avait pas reconnu. Il semble que son seul souvenir est qu'il lui a parlé de l'artiste français qu'il aime bien: Gainsbourg. Le jour suivant, elle se fait draguer par Robert Palmer...
2) On passe à un gros rattrapage sur la promo de PHOTORAMA de Frank Loriou mais d'abord, une annonce :
Une nouvelle rencontre aura lieu à PARIS pleine de douceur, moelleuse, puisque ça sera une rencontre LO - LO ou FLo-FLo... F. LOriou et F. LO. Le 26 novembre, 19h à la Librairie de Paris, place clichy.
Presse:
Et plus conséquent, dans ROCK AND FOLK, par F. Basterra:
Ici, l'OLIVIER est un marronnier du blog (j'ai déjà dû la faire celle-ci), je parle de l'Olivier ADAM. Le dernier épisode était en 2023 mais vous en retrouverez quelques autres dans cet article. qui portait sur Tout peut s'oublier, livre que j'avais apprécié et chroniqué. Murat y apparaissait en épigraphe... Chanson de la ville silencieuse est aussi recommandé (tiens, la mort de JL justifierait peut-être une relecture "muratienne" après celle que j'avais faite en 2018. A l'époque, la sortie de Travaux sur la N89 rentrait déjà en résonance avec l'ouvrage nous avait dit Olivier).
Encore une fois, aucune de mes alertes médias ne m'avait orienté vers le nouveau livre Et toute la vie devant nous sorti en août (encore un signe du peu d'intérêt porté à Murat en dehors du cercle habituel?), mais il y est bien souvent question de musique, et de Murat dans ses pages. Merci à Laure Desbruères de nous en avoir glissé un mot l'autre soir. Olivier Adam sera aux Vinzelles le 14/11 (réservation ici).
Bon, le fait est que je devrais m'intéresser à tous les livres d'Olivier Adam tant l’œuvre de Jean-Louis Murat fait partie de son paysage, décor, de son intimité (même celle de son couple avait-il dit), et qu'elle est finalement peut-être toujours présente... Rappelons que Grégoire Bouillier nous avait appris que c'est suite à une discussion avec lui que l'hommage à Jean-Louis à la Maison de la poésie a vu le jour.
Si Murat est convoqué cette fois, c'est que le livre est l'histoire de trois amis sur 40/50 ans de leur vie, et qu'il sera question énormément de leur rapport à l'art, à la pratique artistique. Murat sera présent dans la construction de Paul, double d'Olivier Adam déjà présent dans plusieurs ouvrages. Celui-ci devient donc romancier, l'autre garçon se consacre à la peinture pendant un certain temps avant de disparaître (oui, on est bien dans un livre d'Olivier Adam, sans parler de la Bretagne). L'héroïne, elle, aurait pu être actrice ou chanteuse, mais s'oriente vers le social. Le récit dans cet aspect-là m'a un peu interrogé, tant j'imagine plutôt les artistes porteurs du feu sacré, qui ont une intime conviction de ce qu'ils doivent faire, qui sont les "monstres" dont je parlais en fin du précédent article. Ici, place aux doutes, aux hasards, aux rencontres... et c'est sans doute assez juste. On peut trouver des exemples facilement de personnes devenues écrivains sur le tard je pense.
Le côté monstrueux de l'artiste (cette appellation m'est peut-être propre) est néanmoins présent dans la façon dont le personnage écrivain va piocher son inspiration dans la vie de ses amis. Comme dans Les lisières, les parents vont refuser de lire les livres qui dévoilent trop de leur intimité et de leurs erreurs et les amis se déchirer par moment. Je ne l'avais pas pris comme tel, mais un passage du livre pourrait mettre mal à l'aise les muratiens. Acte de brigandage littéraire cette fois d'Olivier Adam lui-même : les circonstances du décès de Jean-Louis Bergheaud sont clairement reprises pour décrire la mort d'un des parents des personnages (On reste malgré tout assez loin du côté sordide de l'affaire Desplechin/Denicourt dans le livre et l'inspiration d'O. Adam).
Olivier a accepté de me répondre à ce sujet:
-L' allusion au décès apparaît clairement dans votre livre. Était-ce une façon de faire écho au propos du livre sur les emprunts du romancier à la vie réelle? (et comme dans le livre, ça peut être choquant, ma coéquipière sur le blog m'a fait ce retour)
- Disons qu’il s’agit d’une illustration parmi d’autres de ma façon de procéder. Et de ma foi en l’impureté chimique du roman. Se superposent dans ce passage plusieurs « fantômes ». Comme toujours je tords, mélange, recompose. Et évidemment, tout vient de quelque part. J’ai bien sûr pensé au décès de Murat pour cette scène. Comme il est pas mal cité par ailleurs, il y a un système d’échos qui traverse le récit. Que certains entendent (ceux qui savent savent) et d’autres non. Mes livres jouent sur plusieurs niveaux. Ils sont très codés, cryptés, sous l’apparence de l’évidence et de la fluidité. Du côté des chanteurs, il y a des invariants, un clin d’œil caché (au delà de la citation de son nom) à Dominique A. Bien sûr Murat. Daho d’une manière ou d’une autre (par exemple dans Chanson de la ville silencieuse, où je prête à mon personnage certains épisodes tirés de sa vie). (Je sais par ailleurs que Murat n’aimait pas Daho et ça m’amuse d’autant plus de les faire cohabiter). Pour la scène en question, effectivement, Murat est en filigrane, mais mélangé à deux autres personnes « tirées » de ma vie… la mère d’un amie très proche. Et un ami de mes parents(cycliste patenté) décédé dans des circonstances assez similaires, qui m’avaient beaucoup marquées adolescent. Dans ce livre, il y a des éléments très recomposés et réinventés. Et d’autres quasi autobiographiques (si tant est que l’autobiographie existe, ce que je ne crois pas.). L’épisode du faux producteur par exemple (même si « dans la vraie vie » le « groupe » était composé de mon frère, de ma compagne et de moi-même), la soirée du Goncourt raté (même si je mélange deux finales « perdues » de ce prix), la fête du BDE de l’université etc etc. D’autres sont inspirés directement de la vie de proches que j’ai connus et connais pour certains encore (Sarah et le prof de théâtre, même si tout est inversé : dans la vraie vie c’était un coach sportif, alors que dans le bouquin c’est la version fictive de Paul…). Etc etc
Et dans ce joyeux mélange, il y a aussi tout ce que je tire d’autres œuvres ou que je vole à des gens que je ne connais pas directement.
À quoi s’ajoute quelques trucs que je crois inventés mais dont je m’aperçois en fait qu’ils viennent de quelque part et de quelque qu’un, mais j’ai juste oublié (il n’est pas rare que le quelqu’un en question me le rappelle…)
Et sûrement, mais ce n’est même pas sûr, quelque part, quelques lignes « purement » inventées. Voilà, en gros. Ah oui, un petit exemple de truc un peu codé que personne ou presque ne voit : Paul essaie de jouer le "basket Ball" de Sheller. Puis il se rabat sur "l’ange déchu". Sheller Murat. Bon. Ceux qui savent savent. Ceux qui voient voient. C’est presque une coquetterie. Mais en même temps c’est un passage de relais que j’ai vécu dans mon propre apprentissage. Sheller, puis Murat. Bien sûr j’ignorais à l’époque qu’ils étaient liés… Idem par exemple, dans dessous les roses pour la scène où le narrateur découvre que son père écoutait Dominique A. Écho direct à la chanson Manset de Dominique. Alors que dans la vraie vie, étrangement mon père écoutait Manset (ma mère détestait et c’est comme ça que moi je l’ai découvert). Bon, j’arrête là. Mais des trucs comme ça, ou j’emprunte à la fois à ma vie, à celle des autres, et aux artistes que j’admire, et même à leurs œuvres, il y en a presque à chaque page.
Merci Olivier !
Je n'avais pas tilté au clin d'oeil qu'il nous faisait en réunissant Sheller et Murat (mais la mention de Basket Ball est deux pages avant celle de Murat). NDLR: Sheller est un des "découvreurs" du chanteur, il est venu le voir en concert à la Bourboule et aidé le groupe Clara en les embauchant pour faire des jingles pour Europe1. Voici l'extrait :
Et voici l'extrait sur le décès:
Autre mention anecdotique :
Je retire mon œillère du blog muratien (ce n'est pas vraiment l'essentiel ici) pour dire quelques mots du livre.
Et toute la vie devant nous ne désarçonnera pas les fidèles lecteurs d'Olivier Adam car les thèmes chers à l'écrivain sont présents : la disparition comme on l'a indiqué, les gens de peu, les classes sociales, le romancier et son inspiration. La particularité de l'ouvrage sera peut-être à trouver dans le côté générationnel, la mienne. Les personnages ont l'âge d'Olivier Adam, un an ou deux de moins que moi, et c'est une plongée dans la musique, les événements politiques et sociaux que nous avons vécus (notamment les attentats, #metoo sur la fin). Cela m'a beaucoup évoqué le deuxième livre de Florent Marchet (sans surprise, on est dans la famille, avec Arnaud Cathrine) dans cette tentative clinique de plongée dans nos années collège, lycée. Cela passe beaucoup par le nom d'artistes ici alors que Marchet citait la télé, les produits du supermarché... On aura le droit d'y trouver du plaisir par moment, le plaisir de l'identification... ou du désintérêt puisque finalement, on a vécu tout ça, et certains préféreraient découvrir la vie d'un paysan du Cantal - ou d'un fermier du col de la croix saint-Robert -, voire d'un glouton du Kamtchatka... Ah, je n'ai pas placé mon adjectif préféré : séculier.
L'exercice de style du livre est de faire un récit, au passé, à deux voix qui s'adressent -littéralement- l'une à l'autre, un récit de 50 ans de vie et d'une amitié exceptionnelle, dans lesquelles deux drames particuliers interviennent, éléments plus romanesques que la sociologie "des lisières" qui sert également de fond (d'ailleurs, le personnage tient à retourner à la fin sur les lieux de son enfance). L'un permet à l'auteur de réagir à l'actualité, Le consentement de Vanessa Springora est évoqué par exemple. Les lecteurs découvriront donc comment les personnages se dépatouillent de tout ça. Personnellement, je me suis interrogé : comment une amitié aussi forte peut-elle être synonyme d'autant de non-dits à la fois face à des difficultés et aux sentiments ? C'est par l'art que deux des personnages s'exprimeront... mais est-ce suffisant dans leur cas ? Ces réflexions m’amènent à nouveau à Grégoire Bouillier*, et ce qu'il aurait fait lui de ces événements, Grégoire qui est aussi un "pilleur" (la fin de son dernier livre pouvait aussi être déplaisant à ce titre). La confrontation au réel, à soi, et à sa vie, est moins direct chez Olivier, mais il est romancier, et au fil de ses livres, il nous en aura dit tout autant sur lui.
*je le fais sans scrupule: Olivier fait référence au "Le syndrome de l'orangerie" dans le livre! "la référence aux nymphéas de Monet semblait explicite. Alex avait toute une théorie à leur sujet. Ces toiles étaient des tombeaux. Monet y cachait un cadavre".
PS: Photo d'illustration "et toute la vie devant nous- et Murat derrière" par Frank Courtès, devenu lui aussi.... écrivain de sa vie...
Avant-propos. Quand je parlais dans le compte-rendu de la soirée des Vinzelles de mon besoin d'anonymat, c'est que le blog fait l'objet de beaucoup d'attentions depuis quelques mois. Avec des bons côtés mais aussi par moments une certaine pression (latente essentiellement) sans parler de celle que mon caractère m'impose. Je suis donc dans l'obligation d'être très vigilant dans mon propos. C'est bien embêtant car je n'aime pas trop réfléchir... et mon penchant naturel est de m'épancher sur les histoires muratiennes dont j'ai connaissance... mais c'est impossible.
Ces derniers mois et jours, j'ai lu des remarques ou des critiques car je ne parlais pas de certaines choses, voire des injonctions (certains allant jusqu'à parler de déontologie!). Tout d'abord, ici, c'est un blog, amateur et non officiel. Je ne suis soumis à rien, si ce n'est à ma propre éthique, et je rappelle que je ne vends rien (j'achète... et c'est vraiment foutre son argent en l'air parfois). Même si j'ai revendiqué d'être "exhaustif" ("toute l'actualité"), je ne l'ai jamais été, notamment quand Didier Le Bras œuvrait. Il y avait une concurrence qui est restée assez saine et parfois stimulante sur certains sujets. Murat ne m'appartient pas*, et tout le monde en fait ce qu'il en veut. Plein de choses existent en ligne, et ma subjectivité intervient... (*Je rappelle que je refuse le titre de fan numéro 1 de Murat qu'on m'accole parfois... et encore moins leader d'une communauté et Stan - mot que je découvre dans le Varrod dont on va parler).
J'essaie en tout cas d'être le plus rigoureux et honnête possible ce qui ne va sans doutes. Par exemple, j'ai notamment été amené à m'interroger sur les interviews. Je m'en suis rendu compte par exemple à propos de celle d'Alain Artaud en 2011 qui commet une ou deux imprécisions. Ce n'était pas bien grave en 2011, du vivant des acteurs, mais maintenant, je m'interroge sur la publication de témoignages qui ne seraient pas recoupés et j'en ai quelques-uns à retranscrire. J'avais par exemple critiqué Sébastien Bataille et son interview d'Hebey qui n'était pas mise en perspective et soumise à un regard critique dans ce qui s'affiche comme une biographie journalistique.
Je réfléchis tout en vous écrivant... Je crois que le blog reste un outil à la disposition des biographes et auteurs et que c'est à eux de faire le tri, mais pour autant, je n'offrirai pas de tribune libre ici. En revanche, les commentaires sont ouverts. Le blog a été créé pour être un espace de liberté, la mienne mais aussi celle de tous. De fait, Marc Besse vient d'utiliser cette possibilité (avant-dernier article) en réponse à Denis Clavaizolle (sur mon mur facebook), intervention qui a suscité une réponse de Yann Bergheaud et de l'Institut JLM sur fb également. J'ai été l'étincelle sans doute parce que j'ai été le premier à mentionner le livre, le feu aurait pris sans doute quelques jours ou semaines après.
En tout cas, depuis des mois,je cherche des éléments, je me demande si je dois avoir un rôle, et depuis quelques jours, me tracasse de savoir si je dois traiter de la situation, pourquoi, comment et dans le contexte d'une forte affluence de visiteurs... et la réponse est non, même si mon traitement de l'actualité n'est pas transparent je pense. J'en reste donc à ce fait: il y a trois ayant-droits, ils doivent agir ensemble.
Je fais des chansons d'incertitude, je ne suis sûr de rien. Si on essaye de coller sur moi un carcan de certitudes, ça ne tient pas, ça déborde dans tous les sens. JLM
J'en reviens donc à mon vrai hobby... avec à nouveau de la bibliographie (et on en aura encore dans la semaine). Malheureusement, ce n'est pas l'occasion de retrouver tout-à-fait la bonne humeur.
Après Rock La France, 60 ans de guitares et d'électricité chez Marabout, dans lequel il était si peu question de Murat (sous prétexte qu'il aurait été réducteur de le mettre dans la case "rock" - c'est à lire ici), on attendait que Didier Varrod qui a co-dirigé cet ouvrage se rattrape. J'ai surveillé chaque année la programmation de l'hyper week-end Festival dont il s'occupe et qui a mis l'honneur Gainsbourg, Balavoine, Françoise Hardy... sans avoir connu satisfaction. Son livre La chanson française, un peu, beaucoup, passionnément était l'occasion de remettre Murat à l'honneur. Un commentaire sur instagram m'a valu une réponse : "vous allez sûrement encore être déçu... mais Murat est bien là". Avec ce "là" seul, j'ai donc mis le livre sur mon dos quand il est passé à ma portée (cette phrase ne va pas m'inciter à lui donner une note).
Étonnons-nous en premier lieu, enfin moi, ça m'étonne, que, même si Didier Varrod a une jolie plume (on pourra lire les mots de 1989), le livre soit co-écrit avec Martin Soudan. Peut-être qu'on pourra trouver là une explication à certaines impressions données par la lecture. Certes, l'objectif est d'apporter une vision un peu sociétale mais vaguement, en composant aussi un livre de souvenirs, le tout en évoquant une bonne partie du paysage musical français actuel et passé (je pense qu'on peut noter la faible présence de Brassens, Le Forestier, Jonasz). On a un peu l'impression de se retrouver dans les émissions sur la chanson française sur France 3, auquel Didier participe régulièrement et de rester cantonné au très haut de l'iceberg (fallait-il intituler le livre "la variété française"?), par exemple, quand il est écrit qu'il y a très peu de chansons anti-macrons (Michel Kemper en a pourtant fait un livre!).
L'élément intéressant (parfois agaçant - le premier concert de Téléphone considéré comme l'acte de naissance du rock français) est de voir quel est le fil qui va être tiré à chaque chapitre... Le microclash Armanet/Sardou est le point de départ pour parler de chansons engagées, Charles Trenet sortant de prison nous amène à Eddy de Pretto ("l'un des artistes gays les plus importants de l'histoire de la pop mondiale" sic), de Aya Nakamura à la cérémonie d'ouverture des JO, on en arrive aux quelques français qui remportent du succès à l'étranger. Le chapitre "Gilbert Becaud, premières culottes" parle des chanteurs qui ont suscité une vague "fanatique" (Cloclo, Bruel dont le "cassez la voix" aurait été écrite un soir de frustration aux Franco...) pour en arriver à la téléréalité. Henri Salvador conduit à parler de ceux qui ont dû se défaire d'un malentendu (Anne Sylvestre, Olivia Ruiz, Nino Ferrer, Christophe). Le chapitre "Charlotte ouvre la maison Gainsbourg" conduit à parler des fils/fille de. Et c'est donc via Souchon qu'on nous amène à Jean-Louis Murat, Souchon ainsi considéré comme le père de toutes les voix sensibles de la chanson (Delerm, Marchet, De La Simone, et Dominique A, même s'il a dit que Murat avait été décisif pour lui et Varrod le rappelle lui-même).
Le paragraphe sur Murat commence très bien... mais à la moitié, il y a ce "jusqu'à", qui est à même de le discréditer pour misogynie et sexisme, rappelant les propos sur Angèle, certes déplorables... A cette évocation, je me permets toujours de rappeler cette autre phrase dite quelques temps plutôt par le chanteur : "j'ai demandé à Camille et Angèle de chanter à mes côtés [...] Je suis assez bluffé par Angèle, on dirait Lio période Banana Split, mais avec Bac +12" (inrocks 2019), mais tous les lecteurs du livre n'en seront pas informés. Cela m'a attristé, car cela arrive quelques jours après que j'aie eu un échange avec Antoine Couder à ce sujet, tant sur le documentaire disponible sur radiofrance que sur son texte de présentation. Je pense qu'il est injuste de discréditer Jean-Louis Murat à ce sujet et d'autant plus que son œuvre n'a pas la place qu'elle mérite (sans pour autant le nier, Morgane Imbeaud parle dans son témoignage dans les jours du jaguar de son aspect "vieux jeu"). Manset qui est juste cité dans le livre, sera prochainement dans l'actualité, et Didier Varrod l'apprécie, or les propos du livre de Wisut kasat de GM me posent plus de problème que toutes les pochades de Murat... qui pour le coup a dit ne pas avoir aimé le regard que portait Gérard sur les femmes lors de leur rencontre! L'autodestruction médiatique de Murat fait encore son effet après sa mort, alors qu'aucun faits et révélations ne viennent ternir son image. Au contraire... Bref.
Edit: Quelle place occupent les femmes dans votre vie ? JLM La place numéro un. De ma grand-mère à ma fille, en passant par ma mère ou ma femme, je les aime toutes. Je ne vis entouré que de femmes. Mon manager aussi, c'est une femme. Je m'entends beaucoup mieux avec les femmes qu'avec les hommes. On dirait que je les comprends mieux. (femme actuelle, 2006)
[Didier m'a gentiment répondu sur instagram en indiquant que je n'ai pas compris et qu'il exprimait juste des regrets sur le propos de Murat et sans me répondre sur GM. Vous serez juges]
Je vous laisse découvrir le paragraphe...qui est par ailleurs paresseux. Murat parlait effectivement des "seconds couteaux"... mais il aimait avant tout Dylan, Cohen et les Rolling Stones, la soul, et tant d'autres (mais pas tant que ça Calexico?). Par ailleurs est citée comme unique chanson dont il serait l'auteur... "le charme"... signée Alain Bonnefont ! Quel dommage de la part de Didier Varrod qui nous a si bien parlé de Jean-Louis, notamment lors de son décès, et qui nous a valu le concert des 50 ans d'Inter... Allez, il va se rattraper, il va se rattraper... On attend.
Il est aussi question de Jean-Louis Murat à propos de Regrets avec Mylène Farmer. Avec une interprétation assez iconoclaste : Murat aurait accordé avec ce titre de la légitimité à Mylène dans la sphère des Inrocks. En 1991, le boss C. Fevret lui posait pourtant cette question : "Ton image souffre de quelques collaborations… douteuses. Mylène Farmer dernièrement, qui t’a demandé de chanter en duo. Es-tu flatté ou gêné ?". C'était bien sûr plutôt un énorme coup de pouce médiatique de Farmer à Murat (La chanteuse ayant par ailleurs financé le film Murat en plein air). Par la suite, Didier Varrod parle de la dernière tournée pour évoquer le never/more qui s'affichait sur le grand écran à la fin. Rappelons, nous, que sur ce grand écran, Mylène Farmer a souhaité débuter le show par un hommage à Jean-Louis. Un beau symbole, au vu de tout ce qu'incarne Mylène Farmer -oui, parce que personne ne va, à chaque occasion, rappeler la concernant qu'elle aime Onfray-, et qui pourrait être en mesure de laver en partie l'image médiatique de Murat. Oups, je m'agace, je m'agace, mais j'ai une excuse, je suis privé de sport...
A propos de Mylène Farmer, il est longuement question de la soirée hommage au Hyperweek-end (on s'en passerait). Et Didier n'élude pas la question de la difficulté de faire admettre les reprises, auprès des fans comme de Pascal Nègre qui aurait dit ce jour-là: "maintenant, on se rendra enfin compte qu'il est presque impossible de reprendre ses chansons". Vous voyez ce que ça m'évoque... Dans cette partie, est mentionnée Biolay interprète de regrets avec Marie-Flore "troublante projection de Murat" (je glisse que Benjamin vient de redire que Jean-Louis était un modèle -je vous mets ça tout en bas).
Le nom de Murat est encore présent au sujet d'Anne Sylvestre, lorsqu'il est question des artistes qui nous la font redécouvrir: "En 2019, Jean-Louis Murat confie aux Inrocks qu'Anne Sylvestre est sa chanteuse préférée et reprend "Un mur pour pleurer", chanson gigantesque qu'il fait alors découvrir aux auditeurs de France Inter".
Pour en revenir au livre dans sa globalité, on apprend quand même des choses de droite et de gauche: pour ma part, une anecdote entre Mitterrand et Balavoine (quelques mois après la rencontre sur une plateau télé), le nombre de fois où Claude François a failli mourir avant de changer son ampoule, et le titre de Libé à sa mort (Claude François : a volté), le sens caché du "jardin extraordinaire" de Trenet, le standardiste de Polydor tué par un "fan" de Mylène alors qu'il y était DA... et quelques beaux souvenirs (son interview anisée de Gainsbourg) ou anecdotes (Jane Birkin, qui débarque à Paris, fille au pair, dans l'immeuble de Piaf, le jour de sa mort...et les photogrraphes la prennent pour F. Hardy...). Je veux mentionner aussi le premier chapitre qui parle des Francos et revient sur la brouille avec Foulquier, ce qui intéressait tant Matthieu Guillaumond, notre grand amoureux de chansons et des ondes publiques. L'occasion donc de reposter cette photo : lui et Didier, avec moi et Marie Audigier... un matin "de concert" (50 ans d'Inter). On était si heureux de fêter ça avec cet événement.
LE LIEN EN PLUS
Je n'ai pas suivi tout à fait le bon fil pour intégrer l'article ci-dessous à l'article, mais je vais quand même le partager et contrebalancer mon angélisme lebrasien. Vous verrez vous-même le lien avec ce qui est évoqué ci-dessus. Je répète : j'ai fait ce blog en partie par fascination par les contradictions de Jean-Louis Murat et pour le "monstre" qu'est un artiste en général (on en reparlera dans un des prochains articles bibliographiques très rapidement), l'âme obsédée par l'oeuvre à laisser, l'aède décrit par Bayon, "son frère de laid"... plus que par l'artisan. Donc voici ce "et quand bien même!"
Le Monde l'époque, lundi 27 janvier 2025
Le dilemme: Peut-on aimer l’art de ceux que l’on condamne moralement ?
Entre ceux qui appellent à boycotter les créations culturelles d’hommes « monstrueux » et ceux qui veulent « séparer l’œuvre de l’artiste », le fossé n’a jamais semblé si profond. Continuer à aimer l’art de ceux qui nous indignent est une gymnastique tourmentée, constate Valentine Faure
On pourrait raccrocher ce dilemme à l’actualité – celle, par exemple, qui a vu l’annulation de la projection du Dernier Tango à Paris (1972), de Bernardo Bertolucci, par La Cinémathèque, à la suite des protestations d’associations féministes, qui par ailleurs n’en demandaient pas tant (mais plus simplement une contextualisation du film, qui comporte une scène de sodomie simulée, tournée sans que l’actrice Maria Schneider en ait été prévenue). « Personne n’aurait pris satisfaction à voir ce film dans ces conditions-là. Je pense que même les cinéphiles n’ont pas nécessairement envie de se retrouver dans une ambiance de guerre civile. Personne n’a rien à y gagner », déclarait au Monde le président par intérim du Centre national du cinéma et de l’image animée, Olivier Henrard. Mais toutes les annulations, mises en garde, tous les procès et condamnations ne règlent pas – pas toujours – le malaise qui se pose quand on aime, encore, l’art de ceux qui nous révulsent moralement.
L’écrivain et rappeur Gaël Faye parlait le 4 décembre 2024 au micro du journaliste Mouloud Achour, qui lui posait la question : que faire de ces « idoles », R. Kelly, P. Diddy, Michael Jackson, ou plutôt que faire de leur musique, maintenant qu’on sait ce que l’on sait ? « On brûle nos idoles peu à peu , se désolait l’écrivain. On ne peut plus accepter que ces choses-là passent, se dire “ce n’est pas grave”. » Ce n’est pas de boycott dont Gaël Faye parlait, mais du rapport intime que l’on a avec un artiste : « Je n’arrive plus à écouter Michael Jackson. Et je le dis avec peine. Quelque chose s’est brisé en moi. » Pour lui, la question ne se pose pas comme un dilemme : c’est presque à regret qu’il n’arrive plus à aimer ce qu’il a aimé.
C’est justement l’amour qui est au centre de l’excellent essai de l’écrivaine et critique Claire Dederer Les Monstres. Séparer l’œuvre de l’artiste ? (Grasset, 2024), consacré à cette question. L’amour de l’art quand il se teinte de culpabilité, de dégoût, mais quand malgré tout il persiste. L’amour des films de Polanski, en ce qui concerne l’autrice américaine. Claire Dederer admet que, même après avoir appris les crimes commis par son réalisateur préféré, elle prit conscience qu’elle les aimait toujours autant. « Je voulais être une consommatrice vertueuse, une féministe dans les actes, mais, dans le même temps, je voulais être une citoyenne du monde des arts, l’opposé d’un philistin ,écrit-elle dans son dernier ouvrage. Pour moi, la question, l’énigme, consistait à savoir comment répondre à ces deux injonctions similaires, en apparence contradictoires. »
Le récit suit les déambulations de l’autrice dans cet espace où se rencontrent une œuvre, son auteur et son public. On partage les allers-retours de Claire Dederer lorsqu’elle se demande où commence la monstruosité ; si abandonner son enfant pour créer – comme Doris Lessing ou Joni Mitchell – range ces femmes du côté des monstres ; si elle n’a pas adoré ces femmes précisément parce qu’elle les trouvait un peu monstrueuses. S’il peut exister un rapport « vertueux » à l’art. Si elle-même – ancienne alcoolique – n’a pas fait des choses un peu monstrueuses. Si elle n’aurait pas été meilleure autrice si elle l’avait été davantage.
On y trouve de drôles d’idées. Celle de Martha Gellhorn, par exemple, journaliste, écrivaine et accessoirement troisième épouse de Hemingway, qui pensait plutôt qu’ « un homme doit être un grand génie pour compenser le fait d’être aussi répugnant en tant qu’humain » . Que, autrement dit, c’est le monstre qui a besoin de se transformer en artiste, et non l’artiste qui peut tout se permettre.
Et Claire Dederer se demande donc « que faire de l’art des hommes monstrueux » : « La première pensée qui nous vient à l’esprit est de boycotter cet art – la solution progressiste qui consiste à retirer notre argent et notre attention. » Mais nous ne devrions pas aborder ce dilemme en consommateurs, prévient-elle, ni exercer notre moralité par ce que nous choisissons de « consommer » ou non. En fait, « l’art que vous consommez ne fait de vous ni une mauvaise ni une bonne personne. Il faudra trouver une autre manière de vous accomplir » .
A une consommation « vertueuse » de l’art, elle oppose un autre paramètre : la beauté. Principe fragile, si on l’oppose à la moralité. « Et pourtant, la beauté compte.Et on ne décide pas la beauté. Elle nous frappe. »
En 1990, la dramaturge américaine Pearl Cleage publiait l’essai Mad at Miles(« en colère contre Miles », Cleage Group, non traduit) .Elle y examine sa relation – car c’est cela qui nous lie à certains artistes – à la musique de Miles Davis, qui était très violent avec les femmes. Partant de sa propre expérience de victime de violences, elle s’interroge : « Est-ce qu’on peut faire l’amour en écoutant un “vieux disque de Miles”, alors que le jour où il l’a enregistré, il a peut-être passé sa matinée à mettre des baffes dans la gueule de l’une de nos sœurs ? » L’amour de Pearl Cleage est personnel, sa haine l’est également.
Il se passe avec ces œuvres que l’on aime avec tourment la même chose qu’avec les gens que l’on continue d’aimer, même si parfois ils nous blessent. «“Le problème, c’est que vous l’aimez toujours.” Cette phrase décrit des relations si fréquentes avec notre famille, notre partenaire dans la vie, parfois même avec nos enfants, écrit Claire Dederer. Que faire des gens terribles que nous aimons ? La plupart du temps, nous continuons à les aimer tout de même. » Prétendre que cet amour n’existe pas ou qu’il ne devrait pas exister, cela n’aide en rien. Aimez ce que vous aimez, nous dit-elle. Cela n’excuse personne.
LA NOTE DE BAS DE PAGE EN PLUS PROMISE:
Biolay dans les Inrocks:
L’année prochaine, ce sera le 25e anniversaire de ton premier album, Rose Kennedy (2001).
Cela me paraît dingue. Un sacré bail. Surtout par rapport à la durée de vie de certains artistes qu’on écoute encore. Au-delà de la chance incroyable de pouvoir faire encore ce métier, c’est aussi le temps qui permet de constituer une œuvre. Je déteste tellement ce fils de pute de Mark Chapman de nous avoir tué John Lennon à 40 ans, il nous a privés d’au moins 20 ans supplémentaires de la discographie de Lennon. Hubert Mounier, c’est pareil, parti trop tôt. Je pense tout le temps à lui. Regarde la longue discographie de Jean-Louis Murat ou d’Étienne Daho, qui restent des modèles.
Et bien, c'est une semaine pleine d'actu! Rappelons donc quand même le documentaire sur France Culture dimanche 17h puis podcastable! (et on vous signale un joli texte sur la page de l'émision), mais passons aux nouvelles du jour qui remplissent encore la catégorie "bibliographie" du blog :
- Le roman de Murat de Yann Bergheaud sortira chez ALBIN MICHEL. C'est une première surprise que Murat intéresse enfin une grande maison d'édition, sans faire injures au BOULON, qui s'affiche "résolument rock".
Broché 210 pages ISBN: 978-2-226-50707-5
À paraître le 02/01/2026
Il est dit: "Fils de Jean-Louis Murat, l'auteur évoque son père, son oeuvre, son exploration des différents genres musicaux, ses inspirations, entre autres." Le titre m'évoque ce qui sera dit dimanche sur France culture par Carla Bruni, "Jean-Louis Murat est un personnage romanesque".
C'est déjà affiché sur tous les sites de ventes de livre, en précommande chez certains.
Je ne ferais pas mon job si je ne précisais pas que tout récemment, on a entendu et lu certains saluer la discrétion de Justine et Gaspard (les autres ayants-droits -néanmoins présents lors des événements autour du livre de Frank Loriou-). Après le week-end Murat qui a aussi été fait l'objet d'un certain adoubement, le livre de F. Loriou est lui aussi sorti dans la sérénité et l'approbation de tous, on espère donc qu'un chemin a été trouvé...
Plus que jamais: Murat en librairie (photo à la médiathèque de Rosny, rencontre racontée ici).
- Dans les autres livres parus en auto-édition ou des éditeurs plus modestes, il faudra donc rajouter celui (un autre tome est prévu je crois) de Zoubida Berrahou. Elle était membre des groupes facebook et y a déjà fait part de son histoire avec l'oeuvre muratienne. La France est pour elle "le pays de la liberté, de la littérature et de l'imaginaire", mais c'est bien de la république démocratique et populaire d'Algérie qu'elle nous écrit (où elle est professeur d'économie à l'université), une vision qu'on espère donc iconoclaste, loin du "germanopratisme" qu'elle critique par ailleurs.
LE LIEN EN PLUS POUR LE LIVRE QUI EST DEJA SORTI
- Dans les différents journaux du groupe CENTRE FRANCE (dont l'Eveil de la Haute-Loire, la montagne...):
Franck Loriou, photographe et graphiste, a conçu plus de 300 visuels pour des artistes français. Des Dominique A, Bertrand Burgalat, Brigitte Fontaine, Arthur H, Miossec, Peter von Poehl, Arno, Ultra Orange, Oxmo Puccino, Yarol Poupaud, Rachid Taha, Kent, Arman Méliès, Luke, Les innocents et bien d'autres encore. Avec Jean-Louis Murat, ce sont vingt années de collaboration qu'il a décidé de mettre en images et en mots. C'est Photorama. Musicalement, Franck Loriou a découvert JLM à travers Dolores (1996); professionnellement, c'est après avoir bossé sur des albums de Tiersen d'abord, puis Manu Chao (Clandestino) qu'il a été envoyé en mission spéciale en Auvergne, sur les hauteurs d'Orcival. « La première rencontre c'était pour Mustango, en 1998; j'ai pris le train pour Clermont avant d'aller à Douharesse. Je connaissais à peine son oeuvre, pas du tout l'homme, et nous voilà chez Jean-Louis, à manger en famille Un grand moment, un jour de mars, gris et pluvieux [] Jean-Louis était un peu le seul pour lequel on faisait le voyage en fait. En temps normal, ce genre de choses se gérait au téléphone. En ce sens-là, il demandait quelque chose de spécial, et l'obtenait. J'ai toujours trouvé ça très fort chez lui. Il était à part. Il n'était pas soumis, il avait créé un autre rapport »
Qu'est-ce qu'une bonne pochette, une bonne image de disque ?S'il y a une réponse ? « Compliqué, effectivement. Il y a des pochettes ratées qui deviennent cultes parce que l'album l'est. Je pense à Nirvana, never mind avec le bébé dans l'eau. On aurait pu considérer cette image d'un mauvais goût absolu si l'album avait été mauvais. En chanson c'est différent. Une belle photo ne fait pas une belle pochette. Une pochette doit durer dans le temps. Souvent, c'est un peu un tableau, une composition, quelque chose avec de la matière. On devrait pouvoir l'afficher chez soi. Jean-Louis n'était forcément ok pour ap-
paraître à chaque fois. Quand il le faisait c'était une concession, le plus souvent.
Alors qu'il était tellement beau ! -Oui. Mais tu vois, il se méfiait de la beauté, et de la sienne en particulier. Moi, je fais également très attention à cela. Un artiste trop beau, c'est parfois compliqué puisque l'on considère souvent que le beau colle au superficiel, ce qui n'est évidemment pas vrai. J'essaie de le rendre beau pour de bonnes raisons. Je m'explique : s'ils sont très beaux je vais essayer de les replacer dans une forme de normalité, c'est pour cette raison que j'utilise souvent le flou; j'essaie que l'on soit moins sur la plastique que sur la captation d'un regard.
Quelle est la dernière pochette sur laquelle vous avez travaillé Jean-Louis
et toi ? La vraie vie de Buck John, en 2021. Elle est douloureuse. C'est la pochette post-covid, la seule sur laquelle on est resté à distance tous les deux. Nous l'avons travaillée avec des photos prises par son entourage; j'en suis néanmoins très fier. Mais j'ai le regret immense de ne pas l'avoir vu à ce moment-là et de ne jamais l'avoir revu du coup. C'est la vie. Je crois que la dernière fois en vrai c'était sur la session photo d 'Inamorento , la session en général d'empire dans les champs.
C'est cette série de photos où il apparaît en caleçon ? -On revient à l'espiègle. Nous avons passé plusieurs jours chez lui à repousser le moment où il faudrait faire des images. Je le voulais avec ce costume noir Et il est apparu, au bas des escaliers avec la veste, la chemise ok, mais en bas, un short de cycliste; et medisant : bon on ne fait que du portrait, d'accord (sourire) !!!
Et il savait donc que tu allais le faire en pied ! - Oui, bien sûr ! Et il a même choisi celle-là pour être, plus tard l'affiche de promo de l'album dans le métro parisien. Il aimait déstabiliser, s'amuser.
Revenons-en à Buck John. - Cette pochette, j'ai réalisé cela en travaillant sur le livre : c'est presque la couverture d'un roman d'aventure. Jean-Louis étaitun éternel ado, Buck John c'est un héros de BD. Jean Louis devient un personnage de livre d'aventure pour ado,quelque chose de ça, je trouve ça très beau comme si la boucle était bouclée
Que peux-tu dire de cette aventure Murat ? J'ai eu une chance inouïe de côtoyer ce grand homme, cet intellectuel, cet artiste d'une exigence rare, d'une intelligence rare, d'une sincérité rare; et de l'avoir vraiment rencontré. C'était beau.
- Sud Ouest dimanche - Gironde
dimanche 12 octobre 2025 176 mots, p. 28
Murat, une vie en «photorama»
Stéphane C. Jonathan
Disparu il y a deux ans, le musicien et artiste auvergnat Jean-Louis Murat continue de fasciner et d’intriguer. Frank Loriou l’a bien connu et ouvre aujourd’hui ses archives. Photographe et graphiste spécialisé dans le domaine musical, il a réalisé les pochettes de disques essentiels («Clandestino» de Manu Chao, «Le Phare» de Yann Tiersen, mais aussi Dominique A, Arthur H, Brigitte Fontaine…). Pendant près de vingt ans, il a entretenu avec Murat une relation privilégiée et réalisé le visuel de neuf de ses albums. Des sessions photo en argentique qui ont participé à l’image publique du musicien.
Pour accompagner les 150photographies présentées dans un luxueux livre carré, Frank Loriou livre un texte de 20pages, un «journal extime» qui lève le voile sur leur complicité. La succession de vues – parfois redondantes – de chaque session témoigne de la connivence entre le photographe et son sujet, parfois cabotin mais toujours authentique
- Dans Plugged ( de M. Veillet)
- Enfin, une petite séquence vidéo avec La Montagne:
Voilà, je suis allé aux Vinzelles, lieu charmant et accueillant.
Samedi 11 octobre s'y déroulait la première soirée de lancement du livre Photorama, avant celle de jeudi à Paris.
jeudi 16 octobre entre 18h et 20h. Rencontre et signature, avec la participation de JP NATAF, qui chantera plusieurs morceaux de Jean-Louis Murat- Polka Factory 12 rue Saint Gilles, Paris 03).
Comme je le disais au moment de l'annonce de la soirée, j'étais content d'arriver à une soirée Murat en n'ayant "qu'à me mettre les pieds sous la table"... Par contre, passer incognito est devenu difficile, même si je remercie tous ceux qui ont salué l'intérêt de ma petite "occupation". C'est toujours très touchant.
Après un petit repas très agréable, nous avons pu écouter Frank Loriou interrogé par Christophe Basterra, instituteur, mais toujours chroniqueur musical (au solide bagage). Les deux semblaient assez intimidés, l'un précisant n'être aucunement spécialiste de Murat, et l'autre, pas forcement le plus légitime ou le plus intéressant pour évoquer Jean-Louis alors que Denis Clavaizolle, Alain Bonnefont, Laure Desbruères. étaient présents. Une façon pour lui de les inciter, peut-être, à livrer leur témoignage à leur tour, mais ce préalable et de nombreux autres propos tenus au cours de la discussion, révèlent bien l'humilité de Frank.
Je ne vais pas faire un compte-rendu exhaustif, je diffuserai peut-être l'audio un de ces quatre. De mémoire donc (mais celle de toute la rédaction de surjeanlouismurat.com) :
La première question, "quelle a été votre réaction à la mort de Jean-Louis Murat?", permettait peut-être d'évacuer l'émotion. La réponse a été sobre mais un peu étranglée. Elle a permis à Frank de dire que ce livre était une façon de prendre acte de cette mort, d'enfin faire le deuil.... même si le titre Photorama qui lui est venu tout de suite souligne le fait que ce livre fait revivre le chanteur (cette succession d'images anime le personnage, un peu comme un folioscope -ou feuilletoscope /flipbook-). Et pour le photographe, cela a fait resurgir tous ces moments. Autre phase de deuil : le besoin d'écrire, qui a été la phase première de l'élaboration du projet.
La glace une fois rompue, on voit que F. Loriou a l'habitude de parler de son travail devant un public. Il est très bon conteur, sait distiller l'anecdote et nous fait souvent rire, notamment à propos de Buck John, du projet de titre initial "l'année du blaireau", et de l'idée de pochette de Jean-Louis, pour le moins farfelue. Frank témoigne du travail en commun, et c'est très intéressant. Il raconte comment les deux aimaient se mettre en danger, en ne préparant rien et en laissant advenir le bon moment. Il ne pouvait jamais entendre les chansons avant, mais discutait beaucoup avec Murat - exception faite de Baby Love, joué intégralement devant lui, et l'on apprend pourquoi la pochette est rouge et violette ! Il est beaucoup question de projets abandonnés ou avortés, ce que Frank acceptait sans broncher, conscient que les choses naissent aussi des tâtonnements et des refus, et révélant une belle capacité à s'effacer et se mettre au service de l'autre.
C'est une relation à part qui est évoquée. Frank, citant Emmanuel Plane (dont on avait parlé), s'amuse de l'image de Jean-Louis, qui terrifiait visiblement pas mal de monde dans la profession : "je travaille avec le Minotaure !". Et pourtant, c'était sans doute l'artiste dont il était le plus proche. Il l'explique par ce qui les rapprochait, le goût du travail, le fait de venir d'ailleurs (de Bretagne pour Frank) et d'être en décalage avec les professionnels de la profession.
"La seule confession sincère est celle que l'on fait indirectement, en parlant des autres", a écrit Cioran. C'est ce qu'on pouvait ressentir dans ce témoignage d'amitié et d'admiration très vibrant. Nous découvrons Frank, par sa façon de parler de Jean-Louis mais aussi de Laure, partie prenante du travail sur les pochettes, par son admiration devant la liberté de Murat, et la poésie de ses textes (qu'il pouvait lui expliquer vers par vers !), lorsqu'il parle de sa joie à être "convoqué" à Douharesse; dans sa sobriété tendre et souriante, son attention constante à la justesse de son récit, fait depuis sa place, singulière, parmi d'autres qu'il a toujours le souci de mentionner. JP Nataf le dira en ouverture de son concert : on était bien en sa compagnie. Un peu tristes, mais vraiment bien.
PHOTORAMA DE LA SOIREE (la projection sur le mur a souvent rougi Frank ou le transformait dans ce cheyenne automne, en indien aux peintures guerrières mais ouf, Les Cherokees considéraient le rouge comme la couleur du succès et du triomphe).
- Pour le reste de la soirée, on avait pu deviner qu'il y avait des surprises : un piano et une guitare électrique étaient sur la scène... et Denis Clavaizolle et Olivier Nuc déjà dans les lieux.
JP Nataf que je commence à avoir vu un certain nombre de fois semble très intimidé et il n'aura pas sa bonhommie et son humour habituels. Il arrive d'une résidence en Normandie et semble fatigué, et n'a pas pu vraiment répété selon un post de Vinzelles. Vu que j'adore absolument son activité solo, j'attendais beaucoup du moment... et j'avoue une petite déception. Mais ses réinterprétations assez osées de "Chanter est ma façon d'errer", "Le troupeau" (comme à la Maison de la poésie), "Le voleur de rhubarbe" valaient bien le voyage, même si c'était fragile. Olivier Nuc et Denis l'ont rejoint ensuite pour des versions un peu plus fidèles et un jam un peu préparé. Olivier Nuc livre des jolies interventions de guitare solo... et chantera même "Fort alamo" (me revoilà comme il y a 9 ans à la soirée Livre unplugged à laquelle Frank avait assisté.. et m'avait photographié!). The big surprise, et peut-être le moment le plus émouvant arrive ensuite : entendre Denis chanter... Le train bleu. Voici un extrait :
Morgane qui vient d'arriver les rejoint pour Foule romaine, "Nu dans la crevasse" et "si je devais manquer de toi" en rappel. Ca m'a paru court mais 11 titres quand même... Je diffuserai peut-être un audio.
On se retrouve rapidement pour la suite du reportage en Auvergne, les Faubourgs de la soirée "Photorama" (en souvenir d'autres virées autour de concerts: Vercors , Belledonne... ou dans le Sancy après un koloko.
On retrouve Olivier NUC dimanche sur France CULTURE à 17 heures (cf article précédent). Quand je lui ai dit que je l'avais écouté plusieurs fois parler de Jean-Louis cette semaine -en écoutant cette émission-, c'était touchant de voir comme cela était important pour lui, et il était fébrile avant d'entendre ce qui avait été retenu par A. Couder. Je l'ai rassuré!).
Le livre de Frank Loriou "Photorama" est disponible à partir d'aujourd'hui. Ceux qui l'ont précommandé l'ont reçu pour certains dès lundi. Le Boulon, la maison d'édition rock, sort donc avec lui un troisième ouvrage consacré à Jean-Louis Murat, tous très différents.
Le format du livre de celui de Frank est le même que celui de Pierre Andrieu (dont la couverture était déjà illustrée par le photographe), ce qui permettra de les réunir aisément dans la bibliothèque ou votre cabinet de curiosités à côté du petit caillou volcanique ramassé au Sancy, du billet de concert Olympia en l'an 2000 et du chewing-gum ramassé au koloko 2014 -ah oui, quand même? vous êtes bien atteint, vous alors-. De fait vu le gabarit modeste, cela permet aussi d'avoir un livre de photos à un prix raisonnable.
Le titre a un côté un peu technique (c'est les Frère Lumière qui ont créé ce nom pour un procédé visant la reproduction complète de l'horizon), mais cela reflète l'idée de Frank de donner à voir l'intégralité de son travail avec Murat (on ne découvrira pas de photos prises dans l'intimité de rencontres estivales). L'intimité, on va la retrouver dans le texte très joliment écrit qui ouvre le livre. Il est question des coulisses des sessions, des secrets de confection des pochettes (la photo de Mustango, le blaireau de Toboggan...), et on aura donc envie de faire des allers-retours entre le texte et les photos dont il est question. Ne pas avoir à faire cette manipulation aurait été agréable mais si Frank n'a pas fait le choix de morceler son propos, c'est qu'il nous livre un vrai récit, son histoire avec Jean-Louis, faite de beaucoup d'avanies au départ (2 pochettes que Jean-Louis finalement saborde), d'une longue période de silence puis d'une belle amitié et d'instants familiaux (souvenir d'un Jean-Louis conduisant sa voiture sur les chemins... avec 4 enfants installés dans une remorque, se faisant secouer comme au manège). Cette amitié qui se renforce alors que Frank arrive avec ses enfants, cela peut évoquer ce qui a pu aussi se passer avec son fils quand il est devenu père. Il est d'ailleurs évoqué une discussion à propos de son fils mais Frank n'en dévoile pas la teneur. Le texte est intime, très sensible, dévoile un peu le "Jean-Louis Bergheaud" chez lui, mais pas question pour Frank de trop en dire... Par contre, on a au programme de jolis détails, des informations intéressantes sur certaines chansons ("Kids" dont il livre une interprétation) ou des anecdotes amusantes. Je vous en livre une : un jour à Paris, fagoté comme l'as de pique, Jean-Louis Murat pense avoir perçu dans le regard d'une dame qu'elle l'avait pris pour un SDF... Il décide aussitôt de rentrer dans un magasin et se rhabille de la tête aux pieds de vêtements neufs!
Le livre se poursuit donc avec toutes les photos liées aux différentes sessions que nous connaissons, et c'est assez intéressant et amusant de voir ce qui a été tenté par Frank et Jean-Louis (des idées viennent de lui)- ici ou là certains regards, certaines bouilles où Jean-Louis Bergheaud apparaît - ou de deviner ce qui a valu aux clichés de se faire écarter par Murat pour la promo.
J'étais aussi impatient de découvrir la préface de Photorama, signée par Charles Pépin.
Il a eu envie de parler d'un instant qui l'a marqué. Il s'agit de la séquence dans laquelle Jean-Louis Murat réagit vivement aux propos de la rédactrice en chef d'un magazine people chez Ruquier, un samedi soir sur la terre. Première réaction : ah, mais pourquoi revenir là-dessus alors que j'ai toujours regretté que ce soit une des vidéos avec Murat les plus vues sur les tubes (ça serait bien que ce soit une de ses chansons, non?)... mais le philosophe en tire bien-sûr une analyse efficace et juste, n'insistant pas finalement pas tant sur les paradoxes du personnage (un peu quand même : côté bourru vs l'amour courtois), que sur son entièreté. Je ne veux pas trop en dire pour vous laisser découvrir ce textes de 3 pages. Deux petites remarques tout-de-même: Charles Pépin insiste sur des chansons que Murat reniait un peu ("Sentiment nouveau", "le lien défait"), -je n'en tire pas de conclusions, l'oeuvre doit échapper à son auteur de toute façon. Et Charles Pépin fait la confidence que la proximité qu'il avait avec la voix de Jean-Louis (dont il est assez souvent question) lui avait donné l'envie de lui écrire un texte de chanson. Frank lui a alors proposé d'organiser une rencontre, qui n'a pas pu se faire puisqu'on était en 2023, mais en lui disant que "Murat ne chantait que ses propres textes"... Et sur ceci, j'émets une réserve (tout en faisant l'hypothèse qu'il s'est agi pour Frank de faire une réponse diplomatique ou protectrice). Si un philosophe (un pédagogue qui plus est comme Onfray) lui avait apporté un texte écrit pour lui, je pense qu'il aurait été honoré de la démarche et aurait pu le mettre en musique (comme il a chanté Rose, Chloé Mons et quelques autres). J'indique bien "le mettre en musique" (pas le mettre sur un album).
Frank LORIOU, Photorama, édition le BOULON, 204 pages, 09/10/2025, ISBN 248727078, 0,8780.kg.
Ps: merci à Frank de me faire figurer dans les remerciements (avec mon nom dans le civil. Deuxième fois qu'il se retrouve imprimé à côté de ceux de Varrod et Vergeade*, ça vous pose un homme, ça. - "être "de quelque chose", ça pose un homme, comme être "de Garenne", ça pose un lapin" comme le dit Alfonse Allais-.
*Un article sur le livre signé FV est disponible dans LES INROCKS de cette semaine.
Première soirée de lancement aux Vinzelles (complet) samedi mais possibilité de s'y faire dédicacer le livre en fin de journée + 2e Soirée à la librairie de la Polka Galeriele jeudi 16 octobre entre 18h et 20h. Rencontre et signature, avec la participation de JP NATAF, qui chantera plusieurs morceaux de Jean-Louis Murat
Polka Factory 12 rue Saint Gilles, Paris 03 / Métro Chemin vert
Puisque le livre de Frank Loriou nous emmène dans le Sancy (notamment avec quelques photos paysagères), nous allons y rester un peu, pour un autre livre, sorti il y quelques années. Le découvrir, pour une muratienne amatrice de Marie-Hélène Lafon, c'était bien sûr partir sur les traces de l'univers de Jean-Louis Bergheaud... Florence D. nous écrit:
Il est des lieux presque familiers sans qu’on n’y ait jamais mis les pieds.
Celui-là, je l’ai rencontré à l’orée du récit de François Cassingena Trévedy (Cantique de l’Infinistère, dont Pierrot nous a parlé en 2016), qui y débute sa traversée de l’Auvergne. A travers l’enthousiasme de Marc Aymon qui s’y est régalé le lendemain de sa prestation au Fotomat pour le Yes sir ! 2025. Je l’ai souvent aperçu de loin au hasard de balades. Et enfin un samedi d’été devant la librairie Rémy de La Bourboule, où Corinne Legoy dédicaçait le livre qu’elle lui a consacré.
A la prochaine montée vers le col de la Croix Saint Robert, la prochaine descente depuis les crêtes, une halte s’imposera, enfin, à la ferme de l’Angle.
La ferme et l’auberge de l’Angle, donc. Depuis 1932, quatre générations s’y sont succédé, auxquelles Corinne Legoy, historienne, et surtout familière des lieux, donne la parole dans ce livre.
Par le carnet de Blaise d’abord, l’arrière grand-père né en 1897. Il y a raconté pour ses enfants et petits-enfants ses pèlerinages à Notre-Dame de Vassivière, de l’autre côté du massif, entre 1915 et 1967. Histoire de transmission, document précieux, très émouvant et remarquablement écrit d’un pèlerin, d’un paysan, d’un marcheur et grimpeur (mais uniquement de « montagne à vache » dit-il !), confronté aux caprices de la montagne, au brouillard, observateur attentif et toujours émerveillé de ces lieux pourtant tant de fois parcourus. De 1915 et la première montée, hasardeuse et épique, du jeune homme parti pour son premier pèlerinage avec son frère (qui mourra à la guerre quelques mois plus tard), au travailleur pressé par les travaux qui l’attendent, au père puis au grand-père heureux de monter en famille, dans ce rapport très physique au paysage, on voit défiler toute une époque, disparaître un monde. Il donne à entendre les conversations entre paysans dans leurs ascensions, les commentaires sur les vaches en estive, les recommandations des parents, les discussions après la messe. Il raconte le changement de la montagne et des pratiques, l’arrivée du téléphérique en 1937, les blocs de béton et les pylônes qui progressivement envahissent les pentes, les chemins délaissés et disparus. La métamorphose des hommes et des femmes, qui en moins de vingt ans ont abandonné « bonnets bergères » pour les unes, biaudes et larges chapeaux pour les autres. Il évoque le travail quotidien, la recherche de moutons égarés dans des courses interminables mais qui font de bons jarrets,le travail pour le syndicat agricole. En perspective, le Front populaire, deux guerres (et on apprend au début du livre, par le récit du colonel Rémy, résistant, comment il a caché puis fait descendre des maquisards, à quelques pas du Mont-Dore occupé par les nazis). On découvre un personnage très attachant, soucieux de précision, revenant sans cesse sur la question de la fidélité de la mémoire - il souligne d’un trait de crayon les faits dont il est certain. Le récit est souvent enlevé et parfois drôle, quand il raconte la panique qui saisit les passagers lors de leur premier voyage en téléphérique, ou ses contorsions à l’église pour cacher une grande déchirure sur le fond de son pantalon : il a fait une chute spectaculaire sur un névé…
Puis l’autrice a interrogé les générations suivantes. Ceux qui sont partis, devenus bergers ailleurs et qui parlent avec passion de leurs bêtes et des estives. Ceux qui sont restés, ceux qui sont arrivés. On découvre le quotidien, les difficultés, l’attachement à ce lieu, à ces paysages, aux bêtes, l’engagement pour un élevage respectueux, les évolutions du métier, les interrogations sur l’avenir. Ces paroles s’entrecroisent, se font écho, se complètent, et témoignent joliment de la confiance faite à l’autrice, l’amie.
Pour compléter ce très beau livre, outre la préface d’Alain Corbin et la couverture dessinée par Etienne Davodeau (encore un marcheur… qui a dû passer pas loin lorsqu’il a traversé la France de Lascaux à Bure pour sa BD Le droit du sol), deux films sonores de Philippe Busser, pour entrer de plain-pied dans l’intimité de ce monde, de ces vies. Comme Blaise dans son carnet qui multiplie les notations sensorielles, bruits, odeurs, sensations du vent ou la pluie sur la peau, on entend la nature, le travail, la vie quotidienne. Bruits de pas, de l’eau, du vent au sommet du puy de l’Angle, des enfants qui jouent, de cochons qui grognent. Entrelacement, comme dans le livre, des voix de toutes ces générations, lectures du carnet de Blaise, voix de ses enfants et petits-enfants guettant le sanglier, récit de la mise en place de la première croix au sommet du puy de L’Angle, et, particulièrement émouvante, une séquence où Virginie, qui tient aujourd’hui la ferme avec sa sœur, explique à une vache que son veau va partir.
Et, inévitablement, viennent à l’esprit la voix et les chansons de Jean-Louis Murat. Sans doute d’ailleurs a-t-il connu ce lieu et ses habitants (et le livre ?) : Blaise évoque un trajet à pied du Mont Dore à Orcival, 18 km, par « la Roche qui chante », la Sanadoire. Cette parole des paysans, qu’on entend si rarement, en tout cas dans son évocation précise d’un quotidien – avec, et ce n’est pas le moindre attrait de ce livre, son vocabulaire -, d’un rapport au travail, aux animaux, aux paysages, et, en perspective, à la ville (Virginie parle très joliment de l’odeur des vaches sur les vêtements). Ce passé qu’il a connu et vu disparaître. Ce monde de sensations. Ce rapport ambivalent au lieu de l’enracinement.
A découvrir, donc, avant de monter goûter la truffade et les cœurs à la crème !
Corinne Legoy, Le monde de l’Angle. Voix paysannes 1915-2020. Avec deux films sonores de Philippe Busser. Préface d’Alain Corbin. Bleu autour, 269 p., 27 €
Je suis passé au magasin pour acheter le dernier S. Bataille sur Eicher (j'aime me faire du mal?)... et la pêche a été correcte. Ps: on découvre le nouveau single du chanteur aujourd'hui - sans surprise, mais joli.
[Les résas sont ouverts pour la soirée aux Vinzelles! Il faut le faire par mail en indiquant Soirée Murat- démerdez- vous un peu pour une fois ]
1/3) On commence par un magazine spéciale (c'était vendu dans le rayon presse) dans la série "vivons sur le dos des fans gogos": sur Mylène Farmer. Une petite mention de "regrets":
2/3) On passe sur un livre que j avais déjà repéré lors de mon dernier passage mais dont j'avais oublié les photos. Frederick Rapilly chez rock and folk editions "Indochine Dizzidence Rock n Roll". Il est bien-sûr question de "un singe en hiver" et "karma girls"
3/3) Enfin, un autre livre sur Mylène Farmer, chez Grund, signé Olivier Cachin, sur des tubes.... avec une photo pleine page de Jean-Louis.
Le LIEN EN PLUS
un long article sur le livre de Cédric Barré sur le site Benzine
C'est bien troussé et M. J Barbarossa est extrêmement mesuré et juste dans ses propos:
"On pourra rappeler également l’existence de la « Bible » des amateurs de JLM, à laquelle Cédric Barré dit avoir abondamment puisé, le site www.surjeanlouismurat.com, dit aussi « le blog de Pierrot », toujours alimenté par le mythique Pierrot bien connu des Muratophiles."
Je connaissais la passion de Grégoire Bouillier pour Muragostang, mais il a fallu sa présence à la Maison de la poésie (la soirée est née d’une discussion entre Olivier Adam, Olivier Chaudenson et lui-même) pour me décider à en savoir plus (et aussi que mes yeux tombent sur son livre Le Syndrome de l’Orangerie dans une librairie quelques jours avant l’événement). Expérience étonnante que de voir cette bouille débouler sur la scène en ouverture de la soirée, et d’entendre ce flow, le même qui s’échappait des pages que je lisais quelques instants auparavant dans le TGV ! Son discours muratien tout à fait réussi, où se nouaient déjà des liens avec son œuvre, a conquis l’assistance. Une petite dédicace plus tard, j’apprenais que Grégoire était un lecteur des blogs muratiens, et le principe d’une interview était accepté. Avec le sérieux, le professionnalisme et l’exigence de certains membres de l’équipe (je n’ai pas dit maniaquerie), il fallait se préparer… et nous étions face à une montagne : les 1800 pages du Dossier M, son masterpiece, Charlot déprime, Rapport sur moi, Le cœur ne cède pas (912 pages), L’Invité mystère… Paulo a réparti le travail équitablement : à lui Le syndrome de l’orangerie (432 pages - passionnantes quand on s'interroge sur ce qu'est un artiste, une œuvre, les questions d'intentions et d'inspiration), à Penny Florence le reste. C’est elle la professionnelle après tout. Très vite, d’ailleurs, elle a été aspirée par cette œuvre foisonnante, conquise (et aussi régulièrement interloquée, agacée, on dialogue avec de tels livres) par la folie douce de Grégoire, sa liberté, sa fantaisie et son humour, ses jeux avec le lecteur et avec la littérature. Dans son enquête sur un fait divers ou sur un tableau, sa tentative d’épuisement d’une immense histoire d’amour, sa participation à une manifestation des Gilets jaunes, son travail d’introspection ou ses analyses d’une réjouissante intelligence, il questionne toujours la littérature, son pouvoir, ses cadres et ses formes qu’il parcourt et se plaît à faire éclater. Ne vous laissez pas intimider par l’épaisseur des volumes, allez-y voir ! Comme il le répète souvent, il n’y a pas de gros livres, il n’y a que des lecteurs pressés. La lecture est addictive, parole de lecteurs, qui ont même transmis le virus à leurs proches. Et dans la perspective muratienne, vous verrez : que d’affinités et de points de rencontre (on vous laisse encore en découvrir au fil des livres -Tarkovski, la figure de Zorro et Don Diego de la Vega et Alceste et Philinte -le reason why-... )!
in situ (@surjeanlouismurat)
D'abord petit mode d'emploi: nos petites discussions off me paraissaient si intéressantes, parfois amusantes, que nous avons choisi de les insérer (avec l'accord et relecture de Grégoire). L'interview sort donc un peu de la forme habituelle, rendant aussi hommage à la liberté de fond et de forme des ouvrages de celui-ci. Ces off/in apparaissent d'une autre couleur. Enfin, les nombreuses références/allusions aux œuvres de Grégoire sont explicitées par des morceaux choisis en fin d'article.
Donc, ça a débuté ainsi :
19/12/24 - Bonjour Grégoire,
Il nous a fallu un peu de temps pour nous préparer...Plonger dans votre œuvre.. Et tenter de nouer les liens entre tous ces M.… La vôtre (du Dossier M), Monet, M aussi comme Musique dites-vous et Murat (qui a eu sa M. aussi - prière pour M-) et le nôtre de M/Matthieu que nous a évoqué votre Le Coeur ne cède pas...
On avait hésité à vous proposer de vous voir à Paris ce début décembre, mais je trouvais intéressant de correspondre par écrit avec un écrivain. Si vous en êtes d'accord, nous procéderons question par question de manière à être spontané et voir où vous allez nous emmener. Nous n'avons pas de contraintes de bouclage, et vous pouvez répondre à vos heures perdues. J'espère que cela vous convient.
G. Bouillier: Hello Pierrot, Bien reçu ton mail ! (oui, je te tutoie...). Tu préfères donc qu'on fasse ça par mail. Pas sûr que cela m'arrange (j'ai plein de trucs à faire...), mais bon. Il faut tout de même qu'on se mette d'accord sur un certain nombre de questions, faute de quoi on peut encore y être en 2030 🙂. Disons 10 questions ? Ça te va comme ça ? Je t'enverrai ma première réponse dès que possible.
1 - Le principe de l' "Inter-ViOUS et Murat" est de tisser des liens avec Murat, mais vous avez écrit : "Je m'intéresse plus à la musique qu'aux musiciens”. Est-ce que c'est une explication au fait que vous ayez été un muratien discret? (Les discrètes évocations de Murat dans Le dossier M vous auraient déjà permis de rentrer dans le cercle... Même intime).
G. Bouillier: Depuis toujours, je fais une différence entre vouloir écrire des livres ou vouloir devenir écrivain. Je n’ai jamais voulu devenir écrivain. Certainement pas ! Car il s’agit d’une posture sociale. Alors que la littérature, c’est au-delà de la société. Cela concerne l’être humain, la liberté, les sentiments, l’infini... Et cela vaut évidemment pour la musique, la peinture, tous les arts. C’est pour ça que je m’intéresse plus à la musique qu’aux musiciens. Ou plutôt, c’est la musique qui, parfois, me fait m’intéresser à un musicien et non l’inverse ! C’est façon de prolonger le mystère. D’augmenter le goût. Plus j’en sais sur une pomme, plus j’aime en manger. Ce que je préfère chez Murat, c’est donc sa musique. Cela fait-il de moi un muratien discret ? Je ne sais pas. Aimer (le mot est faible) Hot Rats (de Frank Zappa), Big Fun (de Miles Davis), les Variations Goldberg par Glenn Gould ou Muragostang (de Murat, donc), c’est finalement super intime. Pour vivre heureux vivons caché, non ?
2 - Cette première question était inspirée de l'histoire d’Éric Reinhardt... Vous n'avez pas cherché à rencontrer Jean-Louis Murat (avec lequel, comme on le verra, on peut trouver des nombreux liens avec vous, biographiques notamment)? L'avez-vous vu en concert, vous qui justement aimez particulièrement Muragostang, la captation d'un concert qui se voulait chaque soir différent ? (on fera le lien avec Santana ou le jazz).
G. Bouillier: Cela fait longtemps que je ne vais plus voir de concerts. A 65 ans : ce n’est plus vraiment de mon âge. Alors que j’ai vu tous les concerts de Zappa entre 1971 et 1978, lorsqu’il venait à Paris. Sauf exception choisie (New York Dolls, Kid Creole, Iggy Pop…). Murat, c'était prévu, j'avais très envie, mais cela ne s'est pas fait. Mais tu as raison (oui, je te tutoie...) : j'affectionne particulièrement les live, où le temps se dilate davantage qu'en studio. Je préfère Muragostang à Mustango. Quant à rencontrer JLM, bon, il aurait fallu qu'on se croise, qu'on boive des coups ensemble, que ce soit imprévu... Il est rare qu'une rencontre ait lieu lorsqu'elle est préméditée.
- Je pense que Jean-Louis vous aurait sans doute invité à un concert si vous lui aviez transmis le livre ou parlé de lui à l'occasion du Dossier M (vous faites 4 références à lui dans le livre tout de même). Vous avez vu que sur les réseaux sociaux, Laure Desbruères avait écrit qu'elle aurait aimé discuter avec Jean-Louis du Syndrome de l'orangerie ? J'ai supposé hier que le « dossier Sophie Calle » n'était peut-être étranger à l'envie/le besoin de rester à l'extérieur de ce cercle (L. Masson a fait collaborer Murat - via deux extraits de chanson - au projet "Prenez soin de vous")... J'insiste un peu là-dessus (c'est lié à mon côté fan sans doute) parce que, finalement, à la Maison de la poésie, vous étiez le seul à ne pas avoir rencontré JL, et vous avez donné l'impression d'en être le plus proche.
G. Bouillier: Cela m'aurait bien plu qu'il lise Le Dossier M, que le livre lui plaise, qu'on entame une petite camaraderie… Olivier Nuc m'a dit qu'il pouvait embarquer un ami pour des discussions jusqu'à plus d'heure ; cela m'aurait bien plu.
Bref.
Tu as raison : les diners respounchous, où j’ai pu croiser le gratin de la culture, ont laissé des traces... Je pensais que discuter avec des artistes serait passionnant, vivant, intense – pas du tout ! Ce fut tout le contraire. Une vraie déception... Mais j'ignorais (il est vrai que je n'ai pas épluché tous les participant(e)s au projet de S. C.) que L. Masson avait embarqué Murat dans cette piteuse (et cependant flamboyante) exposition artistique consistant à dézinguer un pauvre type dont le seul tort avait été de plaquer Sophie. Et j’ignorais que Murat y avait répondu favorablement, donc. Comme quoi, on fait tous des erreurs...🙂
Où trouver des gens avec qui le temps devient un tout petit peu intense et personnel ?
Je cherche encore...
Mais bon, cela vient aussi de moi, je suppose.
Rebref.
C'est gentil de me dire qu'à la Maison de la poésie, tu as eu l'impression que j'étais le plus proche de JLM. Sans doute un effet de la distance, justement.
Mais c'est parce que j'aime vraiment sa musique, j'aime le gars (du moins le peu que j’en sais). Il me touche à un endroit qui est inconditionnel chez moi. Ce n'est pas tous les jours qu'on aime de façon intérieure (j'insiste) un artiste. Je veux dire : où on se reconnait soi-même, là où on ignorait pourtant qu'on était. Je ne sais pas si je suis clair... Sachant qu’il n’y a pas que Murat. J’aime pareillement Zappa, Miles Davis, même Véronique Sanson… Cela en dit peut-être davantage sur moi que sur eux.
Rererebref.
Tu persistes à me vouvoisser. C'est pour l'article ? En tout cas, je te tutoie. Et vu que j'ai un peu de temps, je me prends au jeu, comme tu peux voir...
3 - Reprenons : Dans les éléments biographiques communs, on trouve les errances de jeunesse, le caractère autodidacte, la peinture, la confrontation au suicide, la sexualité - mais arrêtons-nous au divorce : voyez-vous aussi chez Murat l’enfant de divorcés, comme vous le voyez chez Kurt Cobain et Nirvana ? Vous parlez dans Le Dossier M de leur façon de mêler, dans un même morceau, le désir mélodique et la rage qui conduit à son saccage, et vous dites y reconnaître ce qu'il y a de "psychotique" en vous, et plus largement, les sentiments de toute une génération d'enfants de divorcés, écartelés entre leurs contradictions liées la guerre que se mènent leurs parents. Plus largement, ces liens ont-ils pu jouer dans votre attachement à Murat ?
G. Bouillier: Je me suis rendu compte que la plupart des artistes que j'aime sont des autodidactes. Ce n'est sûrement pas un hasard. Les autodidactes, ils savent leurs immenses lacunes, ils savent qu'ils marchent sur du sable, ce qui fait qu'ils souffrent d'un défaut de légitimité qui les rend fragiles et, de ce fait, les oblige à donner tout le temps le meilleur d'eux-mêmes. Rien de moins paresseux qu'un autodidacte ! D'un autre côté, les autodidactes savent qu'ils ne doivent rien à personne. Ils ont suivi leur voix intérieure et ils ont inventé leur façon de faire envers et contre tout, faisant les choses à leur idée. C'est important de faire les choses à son idée ! Donc il y a de l’orgueil aussi. C'est important aussi l'orgueil. C'est un autre mot pour se sentir libre. Personne ne peut vous la faire à l'intimidation. En fait, c'est très social cette histoire. Les autodidactes, en général, ils ne viennent pas des couches aisées de la société. Ils savent donc le fossé qui les sépare non seulement de leur milieu d'origine qu’ils ont quitté, mais aussi du milieu de la culture qu’ils ont intégré et qui est largement celui des classes dominantes. Je comprends que JLM ait pu déplorer que les paysans du coin n'en avaient rien à foutre de sa musique... Et je comprends aussi son dédain pour les artistes installés qui, eux, sont des paresseux qui méprisent le public car ils vivent la musique comme une rente. Tout ça, ce sont des rapports de classes. Et impossible d'y échapper. Il faut relire Martin Eden, de Jack London. Il a tout dit des immenses espoirs et des terribles désillusions de réussir dans un monde bourgeois qui n’est pas le sien.
J'ignorais que les parents de Murat avaient divorcé. Il avait quel âge ? En tout cas, Nirvana est arrivé au moment où, dans les années 1990, sociologiquement, les enfants de parents divorcés sont devenus une génération à part entière, et la première du genre. Et je crois, en effet, que cela s'entend dans leur musique. Dans ses carnets, Cobain raconte que, quand il était gosse, il avait écrit sur un mur de sa chambre : "Je hais maman, je hais papa, papa hait maman, maman hait papa, ça me rend tellement triste." C'est à ce moment-là qu'il a vrillé, c'est-à-dire qu'il est devenu Kurt Cobain : un être en miette, balloté de droite et gauche, sans domicile fixe, dont la musique prend en charge toute cette détresse, ce pourquoi elle a touché au cœur cette nouvelle jeunesse que leurs père et mère avait psychiquement écartelée. Sauf que lui a réussi à faire entendre dans sa musique, au sein d'un même morceau, et la douleur et la rage, comme une réconciliation impossible entre maman (les Beatles ?) et papa (le punk ?). Je connais très bien cet écartèlement de l'enfant, dont l'unité a été mise en pièce. Je ne suis pas surpris que Murat fasse partie du club. Lui aussi oscille sans cesse entre papa rock et maman folk, à la recherche d'une synthèse idéalisée, sauf qu’il est trop tard. Ce n’est pas seulement musical, c’est existentiel aussi. C’est même à ça qu’on reconnait les vrais artistes : ils sont psychiquement dans leur art et non seulement esthétiquement. Chez Murat, il me semble toutefois que la rage a, musicalement, pris la forme d'une infinie nostalgie, d'une tristesse impardonnable. Juste après Nirvana, il y a eu le spleen Portishead, n’est-ce pas ?… Et je ne parle de la dualité entre le docteur Jean-Louis (le musicien tout en vulnérabilité) et mister Murat (l’homme public cognant sur tout ce qui bouge). En tout cas, les parents de Neil Young ont divorcé lorsqu’il avait 14 ans... Tout se tient !
- Murat avait 14 ans au divorce des parents.
-G. Bouillier: Divorce à 14 ans, donc. Et mariage à 17. Assez fou quand on y songe...
4 - Murat et toi construisez une œuvre à partir de l'intime, avec un impératif vital (une pratique quotidienne de l'écriture, les œuvres, les carnets), avec un questionnement de soi (on entend la voix de Freud dans “Aimer n’est pas querelle”, chanson dans laquelle il dialogue avec lui-même…), et on peut retrouver certains mécanismes communs comme la série/la répétition, le zoom/face caméra. Par contre, là où Murat va écrire une chanson ou un album, tu peux écrire 1000 pages si elles sont nécessaires pour aller au bout de ta recherche. Le dépressif Murat condense et métaphorise : ce lâcher-prise te fait-il du bien, toi qui te dis plutôt névrosé ?
G. Bouillier: Qui n’est pas névrosé ? (rires !) Qui dit né dit né-vrosé, non ? C’est le propre de l’être humain et mettre en scène ses névroses, c’est juste établir un rapport de franchise avec qui on est et ce qu’on fait. Les gens dangereux sont ceux qui sont agis par leurs névroses mais qui ne veulent surtout pas le savoir. Murat, il parle à hauteur d’homme. D’intériorité à intériorité. Entre force et faiblesse. Dans une espèce de nudité aux antipodes de ceux qui tissent des rapports marchands avec autrui. C’est pour ça qu’il me touche. Je n’en ai rien à fiche de la Dordogne, je vis à Paris depuis que j’ai l’âge de 2 ans, ma campagne, c’est la ville, c’est le ciel barré par les immeubles, ce sont les rues, les cafés, le métro, les voitures et les caniveaux, les néons la nuit ; mais quand Murat chante « Dordogne, ma femme Joconde, mon unique au monde », je comprends tout. Je sais ce qu’il veut dire. Je le ressens au plus profond de moi. Sa Dordogne devient universelle précisément parce qu’elle exprime chez lui quelque chose d’absolument intime. C’est tout le paradoxe. Maintenant, gare au malentendu. On m’a beaucoup rangé dans l’autofiction, mais c’est une bêtise. On croit que je parle de moi dans mes livres mais, au vrai, je pars de moi. Je pars de moi pour aller vers les autres, vers la littérature, vers je ne sais quoi qui n’a pas de nom et que l’écrire me permet justement de découvrir. Ce n’est pas moi le sujet. Je m’en fous de mézigue. Je ne me pose pas la question de savoir qui je suis, d’où je viens, etc. : je suis ce que je fais (et ce que je refuse de faire, qui est tout aussi important !). Moi, je ne suis que le point de départ, l’émetteur. La question de savoir d’où on parle est cruciale car elle permet de faire le tri dans qui dit quoi exactement. Et ce qui me plait chez Murat, c’est que j’entends d’où il parle. Là-dessus, il ne triche pas. Ce n’est pas narcissique, c’est juste qu’il part de lui, de ses expériences et de ses émotions, de ce qu’il connait et de ce qu’il ignore, ce qui s’appelle la générosité. Le cadeau que nous offre Murat avec ses chansons, il ne l’achète pas dans un magasin, il le fabrique de ses mains. Qui peut-dire d’où chante Julien Doré? Alors que Véronique Sanson, par exemple dans « Le Maudit » ou « Vancouver », je sais d’où elle chante. Cela s’entend. J’aimerais d’ailleurs savoir ce que Murat pensait de Sanson, s’il en pensait quelque chose… Je pense à ça parce que, dans le concert donné à La Maison de la poésie pour l’anniversaire de la mort de Murat, Jeanne Cherhal a un phrasé percussif au piano très Véronique Sanson. Bref.
Sur la pratique de l’écriture, je ne suis pas du tout graphomane. C’est seulement lorsque je me lance dans l’écriture d’un livre que mon quotidien devient le livre que j’écris et que le livre que j’écris devient mon quotidien. Rien d’autre n’existe à ce moment-là, quinze heures par jour, sept jours sur sept. Ce qui est une euphorie sans nom, assez proche de l’hystérie ! Mais j’ai alors le sentiment que mon existence sur Terre se trouve enfin justifiée. C’est existentiel, avant d’être littéraire. C’est comme tomber amoureux, mais pour de vrai, pour la vie… (rires) Rien à voir avec un flirt ou un coup d’un soir. À ce moment-là, j’entre dans un espace-temps qui n’a plus rien à voir avec l’espace et avec le temps de la vie ordinaire. Je continue de payer mes factures de gaz et de râler contre la malfaisance de l’époque, mais cela n’a plus aucune espèce d’importance car j’ai mieux à faire. J’ai à vivre ma « vraie vie ». Celle dont Proust dit qu’elle est « absolument vécue » et je vis cette intensité de l’écriture à fond, car écrire est pour moi une façon de voyager le plus loin possible, de lâcher prise, comme tu dis, d’exister enfin, tout simplement. Mon modèle, c’est Ulysse et son Odyssée qui dure dix ans. Tout s’improvise dans le temps de l’écriture. Mon rythme, c’est l’épopée. Tout ça pour dire que je suis incapable d’écrire des chansons. Dans cet exercice, il y a un côté « 5 minutes douche comprise » qui ne me convient pas (rires). J’ai essayé une fois : Stephan Eicher voulait s’émanciper de l’univers de Djian et, via Sophie Calle, le hasard a fait qu’il m’a demandé quelques chansons. Comme il est très gentil, il s’est excusé, en tant que Suisse allemand, de ne rien comprendre à mes textes, ils étaient trop compliqués pour lui, il n’était pas Bashung... Il avait raison. Mes textes étaient des exercices de style, des jeux sur les mots, des facilités langagières. L’émotion était factice. C’est là où Murat m’impressionne ! J’aurais adoré le voir travailler, écrire, composer. Le travail, on n’en parle jamais. On ne le montre jamais alors que c’est le plus intéressant. Ce qui m’intrigue, c’est que Murat a pu dire qu’il aurait aimé être écrivain, qu’il avait un livre en projet… Je ne sais pas ce qui l’en empêchait. Sinon le format qui, dans le cas d’un livre ou d’une chanson, impose justement des modalités techniques et psychiques, dans lesquelles on se retrouve ou pas. Puisque tu ne me poses pas la question (🙂), je me souviens d’une chanson que j’avais écrite qui s’appelait « Nitouche ma sainte ». Je pensais à M à ce moment-là… Ça disait des trucs comme : « Si toi aussi tu nages la brasse indienne / colportes des tonnes de sel / effrayes les chouettes / la nuit le jour / sans demander ton reste / sans demander ma main / C'est bien la peine c'est pas la joie / Si toi aussi tu prends l’argent comptant / la monnaie des singes / caresses la frange des forêts / l’orée des mouches / le jour la nuit / sans lâcher un soupir / sans fâcher mes ballons / C'est bien la peine c'est pas la joie », etc. Pfff. Tu vois le genre…
G. Bouillier: Bon, tu m'obliges à bosser avec tes questions qui en contiennent plusieurs à chaque fois ! (c'est pas du jeu car on avait dit 10 questions...). Tu fais plus simple avec les prochaines ?
G. Bouillier: Génial son article sur Sanson ! Un vrai article de musicien sur une musicienne. "Elle traite les syllabes comme des notes" : voilà une clé ! Rigolo qu'il dise qu'elle "cède à une tendance actuelle de la chanson autobiographique intimiste et introspective". CQFD dans son cas, non ?... Merci en tout cas d'éclairer si bien ma lanterne. J'ai croisé avant-hier J. Cherhal et elle sort un nouveau disque. Je lui avais dit pour son jeu au piano très VS et elle m'a confirmé son amour pour elle. (j'adore cette histoire où VS a révélé qu'elle avait cherché à engager un tueur à gages pour assassiner Stills tellement elle n'en pouvait plus qu'il la batte et la terrorise. Cela ne coûtait pas très cher, a-t-elle dit en rigolant. Mais elle a renoncé, non pour des raisons morales, mais parce que, dixit, avec la chance qu'elle a, elle se serait fait toper à tous les coups.
5 - Sur la forme, on peut aussi évoquer dans ce qui vous rapproche, toi et JL Murat, les tentatives de sortir du cadre, des formes (tu apprécies Travaux sur la N89 ?), l'improvisation (en musique, peinture), la difficulté avec la promo, comme le fait de ne pas avoir peur de sortir du bon goût, de dégueulasser l'ouvrage ("saboter les fins de ses chansons" par exemple as-tu dit), parfois par l'expression d'une pure fantaisie (tes textes sont ponctués d'humour). Murat est néanmoins resté dans un système et un marché du disque, dans lequel il se sentait peut-être un peu prisonnier. Avec la littérature, la liberté est beaucoup plus grande, même si les lecteurs ou les libraires veulent te brimer sur la longueur des livres?
G. Bouillier: Murat, il n’a pas beaucoup d’humour, non ? La mélancolie est rarement drôle et la joie que dispense sa musique, elle ne rigole pas vraiment. C’est sûr que je suis bien plus fantaisiste que lui ! C’est peut-être lié au format des chansons : on ne peut pas faire exister plusieurs registres en si peu de temps. Quand j’écris, l’humour vient en contrepoint. Il faut l’installer, ce qui prend du temps. Pour moi, l’humour n’est pas cette soi-disant politesse du désespoir, non, c’est une preuve de vitalité. C’est la joie qui s’oppose aux pulsions de mort. Chez Murat, je pense que la vitalité, elle n’est pas dans ses textes mais dans sa musique. Maintenant, sur la prise de risque artistique, d’aller sans cesse voir ailleurs si on y est, ça me parle énormément. Je n’avais pas vraiment accroché à Travaux sur la N89 (rien de plus conservateur qu’un fan !), mais j’avais aimé que Murat veuille se frotter à l’électro. L’idée, c’est bien sûr de se réinventer en permanence. D’ailleurs, il n’y a pas un seul Murat. À la Maison de la poésie, on a pu entendre son côté variété ("Regrets"), son côté pop ("Papillon"), son côté rock ("Nu dans la crevasse"), son côté intimiste dépressif ("Le cafard"), son côté country-folk ("Le troupeau"), son côté engagé ("Gilet#4"), etc. Sortir du cadre : c’est juste une nécessité. Un principe de survie. Je suis allé voir l’expo Rothko et ça me trouble beaucoup qu’après avoir trouvé sa formule picturale, Rothko ait peint pendant 40 ans, jusqu’à la fin de sa vie, le même tableau, en faisant juste varier les couleurs. Cela me fascine ; mais très peu pour moi ! Je ne sais pas si j’aimerais trouver ma formule, mais ce n’est pas le cas, donc l’aventure continue. Cette insatisfaction, je la retrouve chez Murat. Comme une façon de broyer le mors qui nous scie la bouche et le cœur. Une intranquillité qui, pour être fatale, est aussi un moteur. Chez lui, cela confine à l’autodestruction lorsqu’il sabote en live la fin de ses chansons. Cela m’émeut humainement à chaque fois, alors que c’est musicalement assez nul… Cela étant, je ne sais pas jusqu’où Murat est resté prisonnier du marché du disque, mais il se peut qu’il y ait moins de pression dans l’édition. Peut-être parce que, du moins en France, la littérature jouit (pour combien de temps encore ?) d’une espèce de prestige que n’a pas la chanson. Je ne sais pas. Je sais seulement que l’internet, les Spotify et autres Deezer, etc. ont, en plus d’éparpiller façon puzzle l’écoute de la musique, changé économiquement la donne et je connais pas mal de musiciens qui rament… Pour ma part, je pensais que les 2000 pages du Dossier M (sans oublier le site internet !) serait trop gros, trop déjanté, trop tout - hé bien non. Il faut dire que mon éditrice chez Flammarion, Alix Penent, est une véritable éditrice. C’est-à-dire qu’elle considère que son boulot n’est pas de faire en sorte que les livres soient commercialement compatibles mais, au contraire, de faire en sorte que le marché accepte des livres tels que les miens. Pour cela, elle met en place des stratégies pour que le livre existe et qu’il ait le maximum de chances d’être lu, même par les journalistes...
6 - Dans Un rêve de Charlot, tu chroniques comme Murat l'épisode Gilets jaunes (avec la même idée d'aller y voir). On y trouve un discours de ta part sur la marchandisation de la culture, la fin de l'intelligence, la disparition de la mémoire, l'absence d'artistes engagés, très convergents avec certains propos de Murat, mais tu ne fais pas référence à la chronique muratienne. Cela t'avait-il échappé à l'époque ? (Murat a regretté le peu d’écho que cela avait suscité).
G. Bouillier: Ce qui m’avait frappé au moment des gilets jaunes, surtout au début du mouvement, lorsqu’il s’agissait d’une révolte spontanée, épidermique et venant de très loin, c’est le silence des élites artistiques. Okay, ce n’était pas une surprise si on songe à leur fuite rocambolesque dans leurs super maisons de campagne lors de l’épidémie de Covid (quelle farce !). N’empêche, j’ai eu honte de faire partie de ce silence. Cela a été une sensation très physique, très sanguine. Je préfère largement avoir des problèmes avec mon environnement qu’avec ma conscience. Donc, je suis allé voir le bordel sur les Champs-Élysées, histoire de me faire ma propre idée et de raconter ce qui s’y passait. Comme disait l’autre, c’est l’émeute qui fait le peuple et non l’inverse. D’où ce petit livre, qui n’est pas le meilleur de ce que j’ai écrit, mais il a le mérite d’exister. On peut rigoler mais, pour moi, si l’art a une fonction sociale, c’est celle de défendre l’individu, quel que soit son sexe, sa religion, sa position sociale, etc. Ce peut être moi ou n’importe qui. Ma compagne m’a dit un jour qu’en lisant Bukowski, elle s’était sentie défendue. J’aimerais qu’on puisse dire la même chose de mes livres. C’est cela qui est politique. Tous mes livres prennent la défense d’individus et c’est aussi ce que je ressens quand j’écoute Murat. Je me sens défendu en tant qu’être humain. Concernant sa chronique musicale des Gilets jaunes, je l’ai découverte bien plus tard. Elle m’avait totalement échappé à l’époque. J’imagine qu’on n’en a pas beaucoup parlé à ce moment-là et faut-il s’en étonner ! Pas plus qu’on a parlé de mon Charlot déprime (qui est l’anagramme de « l’Arc de triomphe »)... Bon, on aura au moins été deux à ce moment-là. Youpi ! (rires) J’ai aimé que JP Nataf et Jeanne Cherhal aient fait le choix de chanter Gilet#4 à la Maison de la poésie. Si j’avais entendu cette chanson quand j’écrivais mon petit Charlot, j’aurais peut-être fait signe à JLM, je lui aurais peut-être envoyé mon bouquin. En tout cas, j’aurais sûrement mis ce passage en exergue : « Dis donc c’est toi / Qui m’as dit loser / Toi le puceau / Au moins je connais / Le plaisir à perdre / Pauvre idiot ».
G. Bouillier: 16/02/25 Hello Pierre,
Juste te dire que je pense toujours à toi, mais je n'ai pas trouvé le temps de répondre aux questions 7 & 8. Mais ça va venir...
7 - Tu as cité Rothko, à propos de la dernière exposition parisienne, et je tombe sur un article à ce sujet intitulé "un marais sans nymphéas" !!.... Non, ce n'est pas une question cachée, juste un petit clin d'œil pour lancer le thème de l'eau. Dans Le Syndrome de l'orangerie, c'est un thème important, elle y est morbide, dormante, mais c'était déjà présent dans d'autres livres (Laurence / l'eau rance, le Rêve de Charlot qui se déroule partiellement dans un univers liquide, la rencontre avec M. racontée dans les carnets avec l'image de l'eau vive..) Chez Murat le montagnard, la res-source poétique, l'eau (le grand O comme dirait Pascal Torrin) est aussi centrale mais elle y est généralement vive et féminine (à quelques exceptions près : - "Dans quel marigot allez-vous nous jeter", "Nous venions fouiller la nuit la vase des marais", "l'étang noir de nos songes", Ophélie - dont il est question dans le livre).
Ne trouverait-on pas dans ce motif de l'eau un point commun avec Murat, une fascination commune peut-être ? Est-ce que c'est une récurrence qui te frappe en l'écoutant, qui te parle ?
G. Bouillier: L’eau, oui. Il y a les eaux vives, les eaux mortes… Je peux aller à la campagne ou à la montagne, mais c’est à la mer que je me sens le mieux. Quand j’arrive en Bretagne, c’est immédiat : mes cellules vibrionnent, je me sens vivifié, plein d’iode, c’est comme s’il y avait des endorphines dans l’air. En Bretagne, la lumière est d’une franchise totale. Je regrette de ne pas mieux connaitre la montagne car les rares fois où j’y suis allé, la beauté m’a saisi. Mais bon, la mer, l’océan, ce sentiment de l’infini à perte de vue… Rien qui bouche la vue ! Sur un bateau, on sent que la mer est totalement indifférente au sort des êtres humains. C’est une expérience assez ontologique. L’été, je vais dans une toute petite ile en Grèce et, bon, j’aime bien nager mais je m’ennuie vite. Je n’aime pas les efforts solitaires, courir, tout ça. Je sais que Murat adorait le vélo mais très peu pour moi. Se faire mal dans les côtes : pffff ! Alors que je peux jouer au foot ou au badminton pendant des heures. Ce que j’aime dans le sport, c’est le jeu, l’émulation collective, le match contre un adversaire et non contre soi-même. Alors que je suis seul quand j’écris et j’adore ça. Tout le contraire de Murat qui joue de la musique à plusieurs et fait du sport en solitaire… Pour en revenir à l’eau, j’ai trouvé un truc génial pour ne pas m’ennuyer : je nage avec des écouteurs de nage. Et le bonheur ultime, c’est de nager en écoutant Muragostang. C’est absolument euphorisant. J’ai alors l’impression de devenir parfaitement liquide. Je pourrais nager jusqu’aux côtes anglaises… En revanche, les étangs, les mares, les trous d’eau, je n’aime pas du tout. Je trouve ça dégueulasse. Cela me fait peur. J’imagine tout de suite des monstres. Une eau qui ne donne pas envie de se baigner : beurk ! Il m’est arrivé de me baigner dans des lacs et c’était comme affronter l’obscurité. La densité de l’eau est trop bizarre. Elle ne porte pas du tout. On dirait qu’elle veut vous entrainer par le fond... C’est Monet qui avait un truc avec les eaux dormantes, les eaux stagnantes, Ophélie, les âmes mortes... Lamartine disait que « l’eau est la matière du désespoir » et, en ce sens, Monet était romantique. Comme Murat, à sa manière.
8 - Le terme de vitalité t'est cher, et tu nous as dit comme pour toi, Murat est la vitalité même, mais dans le livre, j'ai été frappé par ta description de Monet en Charon (le passeur des enfers), qui m'a immédiatement évoqué les mots de Bayon à l'enterrement de JL Murat, le décrivant comme un aède (ça nous ramènerait à Homère... mais non, pas de question cachée... fini), qui lui aussi descend pour nous en enfer. Voici comment j'avais restitué son propos :
Il dit qu'il est celui qui descend, "ramasse l'esprit", et fait les allers-retours entre les deux mondes, il relie Murat à Nerval (citant "El desdichado" : "Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron / Modulant tour à tour sur la lyre d’Orphée / Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée."), Baudelaire ("c'est la mort qui console hélas et qui fait vivre"), cite encore un vers de Poe. C'est la charge du poète de parler de la mort, "il la prend sur son dos"... Il évoque ensuite les vierges noires qui sont importantes en Auvergne, bien que dans la basilique d'Orcival elle ne soit pas ainsi, souvenir d'une discussion avec Jean-Louis, et dans la tradition, c'est Isis. Il indique qu'on ne trouve pas de référence à l'Egypte* dans l'œuvre de Murat* (il cite alors l'Abyssinie, l'empire du nord, Taormina) mais que finalement, à Douharesse, entre les roches, on est dans une sorte de vallée des rois, où tel un Alceste, il a voulu "chercher sur la terre un endroit écarté / où d'être homme d'honneur on ait la liberté", il a construit, creusé une nécropole pharaonique, il cite sa chanson "ma demeure, c'est le feu". Et à travers les mots que maîtrisaient si bien Jean-Louis, avec la thématique du sacré qui traversait aussi son œuvre, s'accomplissait un miracle. Même si Jean-Louis pouvait "être cruel envers lui-même, comme avec les autres, beaucoup avec les autres", il avait fait don de soi, et nous aidait à être épargné :"Toute cette mort paradoxalement traversée par ses mots devient consolation". Murat a accompli "sa mission qui n'est pas donnée à tout le monde", il a transformé la mort en quelque chose d'autre... "la perpétuation".
Alors quand pour tout le monde, Monet est le symbole de la féérie, tu l'associes à la mort, et pour Murat, dont toutes les chansons parlent de mort selon Bayon, tu l'associes toi à la vie ?
G. Bouillier: Je ne connaissais pas le texte de Bayon. Il est très beau. Il est surtout très juste lorsqu’il relie Murat à Nerval et Baudelaire. Murat, il n’arrête pas de parler de la mort du point de vue de la vie et de la vie du point de vue de la mort. C’est cela qui me touche le plus chez lui. Il est des deux rives. Celui qui fait passer les âmes. Et il est aussi d’hier et de maintenant, du passé le plus mythique et du quotidien le plus trivial. Il n’arrête pas de faire des allers-retours dans le temps, à travers les limbes de ses émotions, comme un fantôme qui aurait un corps. Dans Nu dans la crevasse, toute la première partie de la chanson est dans la veine de la poésie symboliste et, tout à coup, la chanson ramène à la vie quotidienne, avec des phrases très terre-à-terre du style « si Marlène Passe / Dites-lui que son homme traîne à Chamonix » ou, « l’autre jour à la Poste / J’avais une mine atroce ». Quand j’entends ça, je jubile. Je suis transporté. Je suis à la fois aux anges et sur terre. C’est tout simplement magnifique. Il y a un art de l’évasion, de l’élévation chez Murat. Ses chansons ne cessent de prendre leur élan pour nous emmener au plus haut des cieux et, en même temps, elles n’oublient jamais la matérialité des choses. C’est comme si elles n’étaient jamais dupes de leur beauté. Qu’elles s’en méfiaient et refusaient de se prendre au jeu de la poésie avec un grand P. Et c’est en cela qu’elles deviennent réellement Poésie ! C’est ce va-et-vient entre le rêve et la réalité, sans choisir ni renoncer à l’un comme à l’autre qui, pour moi, est le grand art de Murat. Ce qui le rend absolument unique. Ce n’est pas donné à tout le monde d’être à la fois mort et vivant. C’est quantique, finalement. Murat, c’est le chat de Schrödinger (rires).
9 - Une petite dernière question : as-tu commencé à travailler à un prochain livre?
G. Bouillier: Pour répondre à ta dernière ( !) question : non, rien en vue, je vis le désœuvrement, je le vis à fond ! C'est la période pendant laquelle je recharge mes batteries (mon inconscient). Preuve que celui-ci a beaucoup donné dans Le Syndrome (ceux qui enchaînent tout de suite (comme JLM !), je me dis que, finalement, ils ne doivent pas donner tant que ça pour repartir tout de suite, ils ne sont pas allés au bout...)
Bref.
Des bises.
À bientôt.
Grégoire
Interview réalisée par mails du 19/12/2024 au 18/05/2025 (relecture).
Un grand merci, Grégoire ! Amitiés
Cette interview, comme précisée dans l'introduction, ne serait pas ce qu'elle est sans le travail de Florence D., notamment sur les notes.
NOTES
1(Les discrètes évocations de Murat dans Le dossier M vous auraient déjà permis de rentrer dans le cercle... Même intime).
· Murat apparaît en effet à plusieurs reprises dans Le Dossier M.
“Bang Bang” fait partie de la longue liste des morceaux préférés de Grégoire : « Me rappelle de M comme musique. C’est-à-dire que je me rappelle qu’elle était ma Lonely Woman, ma Favorite Thing et mon A Love supreme. (…une page plus loin…) mon Bang Bang (He shot me down now / I hit the ground) et mon Bang Bang (Tous vos désirs me dominent / Tous vos rires tous vos enchantements / Chaque geste / Même inutile / Mêle au désir un affolement)
(…)
Car ce ne sont pas juste mes morceaux préférés. Tous ensemble, ils racontent une histoire, ils dessinent une constellation, ils expriment des choix, ils témoignent d’un désir, d’une aspiration, d’une approbation, de refus aussi (souligné) et on croit penser à tout, mais on oublie ses play-lists préférées. On croit qu’elles accompagnent notre existence (pour faire la fête, quand on est triste, etc.) mais c’est notre existence qui les accompagne. C’est nous le bruit de fond de la musique. Notre être est d’abord musical et ma collection de CD et de vinyles : elle est mon lien immatériel avec l’univers, mon lien le plus chaleureux et le plus historique. Elle constitue mon message au monde, à l’image du Voyager Golden Record que la NASA embarqua à bord des deux sondes Voyager qui, en 1977, furent envoyées à travers l’espace, avec l’espoir que des extraterrestres les repèrent et reçoivent le message dont elles étaient porteuses - sauf que ce “disque d’or de l’humanité” contient une majorité de musique allemande, ce qui n’est pas mon cas. Les extraterrestres n’écouteront jamais mes playlists et ce dont elles sont porteuses. Tant pis pour eux.
Plus loin, Grégoire Bouillier rêve d’amour courtois et convoque les troubadours du Moyen-Âge chers à Murat… et Murat lui-même.
« Je voulais la réciprocité des désirs ! L’amour courtois, au sens le plus médiéval du terme. C’est-à-dire que je voulais qu’à « la guerre des sexes elle mette fin en m’accordant sa chair et son anneau », comme le chantait au XIème siècle un poète du fin’amor (Guillaume d’Aquitaine). Je voulais follement qu’elle m’aime et l’amour ne se force pas. Je voulais qu’elle soit ma femelle au jardin d’acacia et qu’elle soit en même temps ma dame de cœur et, par-dessus tout, je ne voulais pas qu’elle dise non en me laissant le soin d’entendre oui, comme si elle s’en remettait à moi de ses propres désirs et refusait d’y prendre la moindre part, refusait toute responsabilité et s’arrangeait pour se disculper de ce qui pouvait arriver, préférant à la vérité qui était la sienne le confort que je la lui extorque et pas de ça avec moi ! Pas elle ! »
On retrouve Jean-Louis Murat dans le livre 2 où, M perdue, il multiplie les aventures, et s’attaque au cliché de la misère sexuelle de notre époque.
« Les femmes n’ont jamais été aussi avenantes, aussi sexuellement autonomes que de nos jours. Ce n’était pas le cas il y a cinquante ans, où les jeunes gens et spécialement les jeunes filles étaient entretenus dans une ignorance des choses du sexe confinant à la terreur. A la superstition. Je ne dis pas que chacun rigole tous les jours et s’envoie en l’air comme on claque des doigts ; mais personne n’a rigolé tous les jours, que je sache. L’homme est un animal frustré par définition. Ne serait-ce que parce qu’il lui est interdit de baiser sa mère (ou son père, ou ses enfants). Même au glorieux temps de la décadence de Rome, nombreux devaient être ceux et celles qui se les mordaient sévère. En attendant, jamais je n’avais « vu autant de colombines à minuit / de femmes au monde incertain / faire autant fi des lois de l’hymen / jamais autant vu le paradis avec dames / de nomades à bigoudis / autant de chamades finalement / de femmes nous trouver si sots ». Comme chante joliment l’autre (Jean-Louis Murat) et je suis bien d’accord.
L’une des conquêtes de Grégoire glisse subrepticement des petits cailloux dans la poche des garçons qui lui plaisent.
« C’était sa façon de créer des situations imaginaires. De fabriquer du trouble. De s’inventer des histoires. De tisser des liens hors des sentiers épuisés de la séduction, afin de susciter quelque chose dans la réalité, d’où il pouvait peut-être sortir un miracle. Pourquoi ne pas s’en remettre à un caillou, quand rien ne marche véritablement entre les êtres ? Quand les relations humaines sont triviales et sans mystère ? Un fois le garçon (ou la fille) parti sans savoir qu’il emportait avec lui son secret subrepticement glissé dans sa poche, elle se demandait combien de temps le petit caillou allait rester enfoui sans que personne ne le remarque. Combien de temps avant qu’il soit découvert ? Que deviendrait-il alors ? Et s’il restait indéfiniment dans la poche de la veste ou du manteau, que ce soit dans une penderie ou parce qu’un trou au fond de la poche l’aurait fait glisser dans la doublure ? Si, pour toute la vie, il avait trouvé son destinataire ? Si elle ne s’était pas trompée ? L’idée lui plaisait infiniment. Il faisait sa joie, tout intérieure. C’était comme dans la chanson : « Je voulais te dire / Ne pleure pas Caillou / Je t’aime ».
Enfin, vous souvenez-vous de cette métaphore du vin à la maison de la poésie (voir ci-dessous)? Elle était déjà présente dans Le Dossier M, pour parler d’une rencontre amoureuse comme une révélation…
“M.
La lettre M.
M comme quoi ?
Comme le vin qui fait découvrir le vin.
Je ne peux pas mieux dire.
Un jour, on boit un vin qui fait découvrir le vin.
On avait déjà bu du vin; on en appréciait certains et moins d’autres; on n’avait rien bu.
On le découvre ce jour-là.
Ce jour-là, un vin nous fait découvrir le vin et c’est inoubliable. C’est une révélation pour la vie. On se rappelle de ce vin toute sa vie; On garde son goût intact. Il devient notre goût. Son nom et son millésime sont maintenant les nôtres. C’est une expérience fondamentale à notre niveau individuel des choses. Ce vin nous a ouvert les portes d’un monde que nous ne soupçonnions pas. Il nous a ouvert les portes d’un paradis sur terre. Ce vin n’est pas seulement du vin : il est le vin qui fait découvrir le vin. Il est l’éternité allée, avec sa robe, sa longueur en bouche, ses arômes, ses notes, son corps, son âme. Il est désormais notre étalon. Notre barre la plus haute. Un secret nous a été révélé et nous mourrons en emportant avec nous la saveur de ce vin qui nous fit découvrir le vin. Ou ne mourrons jamais.
(...)
Un jour, on lit un livre qui fait découvrir la littérature. On entend une musique qui fait découvrir la musique. On voit un tableau qui fait découvrir la peinture. On assiste à une corrida qui fait découvrir la corrida. On aime un être qui nous fait découvrir l’amour et, dans mon cas, ce fut M.
J’avais aimé auparavant; mais c’était auparavant. je n’avais rien vu de l’amour. Je n’imaginais même pas. Je parlais sans savoir.
D’où vient ce vin qui nous fait découvrir le vin ?
Pourquoi celui-ci et pas un autre ?
Qu’a-t-il d’unique ?
Qu’exige-t-il de nous ?
M comme - quoi ?”
5. (Sur la forme, on peut aussi évoquer dans ce qui vous rapproche, les tentatives de sortir du cadre, des formes (tu apprécies Travaux sur la N89 ?), l'improvisation (en musique, peinture), la difficulté avec la promo…)
Dans Le Dossier M se manifeste en effet la plus grande liberté. Il s’ouvre d’ailleurs par une épigraphe de John Coltrane :
“Je pars d’un point et je vais jusqu’au bout”
(la lecture des épigraphes au début de chaque chapitre est d’ailleurs un des nombreux plaisirs que réserve le livre !)
Pour dire cette histoire, il faut inventer un genre littéraire. Le dossier :
“Signifiant ici genre littéraire à part entière, au même titre que le roman, le conte ou l’essai. Car s’il nous manque une case, il nous faut l’inventer de toute pièce. Pas le choix. Qui marche dans les pas qui ne sont pas les siens ne va jamais bien loin. Il ne trace pas son chemin. Le Dossier M, donc.”
Le livre est aussi complété par des pièces mises à disposition sur un site.
“Il s’agit de ne plus me sentir à l’étroit. De repousser les murs, de ne plus être contraint par l'objet livre. de faire ce que j’ai à faire, comme je dois le faire, comme j’en ai envie.”
“Et qui sait, ai-je pensé dans mon lit. Voilà qui pourrait relancer la littérature. Voilà qu’elle pourrait profiter d’Internet au lieu d’en pâtir, ai-je souri dans le noir. D’autres pourraient d’ailleurs reprendre l’idée. L’améliorer. C’était peut-être le début de quelque chose.
En attendant, je ne veux pas écrire comme on prend le TGV : en filant tout droit, comme on dit “filer droit”; en traversant les paysages sans les voir, sans y aller voir, sans possibilité d’ouvrir la fenêtre, comme si tout ne faisait que défiler, saisi par la vitesse, l’auteur dans son fauteuil, sur des rails, dans une ambiance climatisée, jamais ivre.
Littérature de TGV.
Comme disait l’autre (Angus MacLise, batteur du Velvet Underground) : "Je refuse qu’on me dise à quel moment commencer et quand arrêter". Raison pour laquelle il quitta le Velvet juste après un concert où le groupe avait été payé pour jouer un temps que d’autres avaient défini à l’avance, selon des impératifs qui n’étaient pas les siens et qui n’avaient même rien à voir avec la musique.”
La difficulté avec la promotion est longuement formulée dans le livre 2.
« Dans les premiers temps, la curiosité l’emportait. Monter sur une estrade ? Parler dans le micro ? Passer à la télé ? Cela ne se refusait pas. C’était comme passer l’épreuve de je ne sais quel feu. Comment allais-je me débrouiller ? Parviendrais-je à supporter la pression ? Croirais-je que j’étais devenu quelqu’un parce que je passais à la télé ? Il s’agissait de me connaître moi-même. Il faut se voir dans certaines situations pour en avoir le cœur net.
J’ai vu. Je ne me suis pas senti devenir quelqu’un d’important ou de spécial. D’un côté, cela m’a rassuré sur mon compte ; d’un autre côté, je n’ai pas dépareillé. Je me suis comporté comme si la télé n’était pas le temple du pouvoir, avec tout ce que cela implique. Une fois l’émission terminée, j’étais plutôt amer. Soulagé aussi. Je transpirais sous les bras, mais je m’étais bien gardé de le dire à l’antenne.
Si je m’étais vu à la télé en même temps que j’y passais, je sais que j’aurais fait la grimace. Je me serais tiré la langue. J’aurais jugé ma complaisance avec la plus extrême sévérité et, ne voyant rien d’autre qu’un pitre de plus, je me serais envoyé mentalement des tartes à la crème en pleine poire.
Que faire ?
Faire du scandale ? Mais le scandale profite au spectacle. Il le renforce. La séquence finit par alimenter le zapping et les réseaux soi-disant sociaux.
Rester calme et posé ? Mais personne ne vous écoute, vous passez totalement inaperçu, vous êtes complètement balayé.
Chercher à développer un propos ? Mais vous êtes tout de suite ennuyeux, pontifiant et, de toute manière, il n’y a pas le temps.
Tout est prévu, tout est verrouillé. Les dés sont pipés au départ et à l’arrivée.
Vous êtes forcé de parler dans la langue de l’ennemi. »
6. (On y trouve un discours de ta part sur la marchandisation de la culture, la fin de l'intelligence, la disparition de la mémoire, l'absence d'artistes engagés, très convergents avec certains propos de Murat.)
Dans Charlot déprime, Grégoire Bouillier se rend à une manifestation des gilets jaunes à Paris. A l'origine de cette décision, son petit diable intérieur qui s’agite alors que depuis trois semaines les manifestations s’enchaînent.
“T’es écrivain oui ou non ? qu’il m’a jeté au visage. Car ils sont où, les écrivains ? qu’il s’est mis à fulminer dans tout l’appartement. Eux qui se passionnent tellement pour les individus, décrivent si bien leurs drames, tentent follement de réparer le réel, biopiquent à tout-va, auto-fictionnent à cent à l’heure… Ils sont où ? Ils sont morts ? Ils ont peur ? Ca ne les intéresse pas ? Pourquoi ? Ils sont du côté de la domination ? C’est donc vrai ? Serait-ce possible alors ? Ils ont des doutes ? mais j’en ai moi aussi ! N’empêche ! Aucune solidarité envers des Français qui ont osé répudier dans les urnes un néofascisme partout à la hausse et qui en sont si mal récompensés, d’où leur jaune cocu ? Ces messieurs-dames préfèrent s’offusquer à la télé de la montée des populismes plutôt que de soutenir le populo dans la rue, comme si ce n’était pas lié ? Ils n’ont pas le sentiment que le marché les nie aussi ? Les appauvrit financièrement et intellectuellement ? Réduit les œuvres de l’esprit à des produits interchangeables tous les six mois et la critique à un simple contrôle qualité ? Tu veux que je te dise (il pointe à cet instant un index accusateur vers moi), ces gens dans la rue, ils font le boulot à ta place, alors qu’ils en ont moins les moyens que toi (et je ne parle pas seulement d’argent). Ils prennent des risques - financiers, mais aussi physiques, psychologiques et juridiques - tandis que toi ? Muet tu restes ? Bien au chaud et à l’abri ? Le regard perdu sur la ligne bleue de la création ? Soucieux de vanter le meilleur des êtres confrontés à la dureté de la vie pourvu que cela reste de la littérature ? Merde alors ! Il n’est pas possible que le courage de s’élever contre l’ordre économique vienne uniquement de ceux qui en souffrent. Il n’est pas tolérable que le sentiment de sa propre dignité et de la dignité envers autrui vienne uniquement de ceux qui sont les plus méprisés. Ce n’est juste pas possible. Ce serait une honte intellectuelle de trop. Ces gens, ils se dressent contre ceux qui nient leur existence, mais aussi contre le primat de l’économie sur toutes les activités humaines - celles artistiques comprises - et l’incroyable censure qu’elle exerce sur les corps, sur les imaginaires, sur la vie des individus, sur leurs sentiments, sur leur psyché et leurs relations aux autres.”
Un rêve de Charlot, qui suit Charlot déprime, reprend le propos. C’est ici tout le cynisme d’un dirigeant qui s’exprime.
“Parce que nous portons des costumes-cravates, vous pensez que nous sommes des gens responsables, raisonnables, hypercultivés et soucieux d’idées supérieures. Mais nous sommes des punks, monsieur Charlot ! Nous avons détruit la culture en la réduisant à un marché; nous avons aboli la mémoire à force d’images et de paroles; nous avons annihilé a conscience en infantilisant tout le monde; nous avons remplacé l'intelligence par la morale; nous avons sapé la dignité humaine avec les people; nous avons anéanti le sens des mots grâce à la communication; nous avons même rendu les causes inutiles aux effets. En un mot comme en cent, nous avons tout APPAUVRI : les gens, la planète, les relations humaines, les idées, les plaisirs, l’usage du monde… Parce que cet appauvrissement est la condition de notre enrichissement. Ce que nous appelons “restructurer”. Ah ah ah.”
Que faire ? Y aller voir. C’est la décision qui ouvre Charlot déprime.
“Ecrire consiste à sortir, ce coup-ci. A aller dehors voir ce qu’il en est réellement. Si j’y suis ou pas. Constater de visu la teneur du récit qui, depuis trois semaines (et ce n’est apparemment qu’un début), fait effraction dans l’ordre fictif des choses. Ne pas être écrivain juste en pensée. Pas seulement sur la page. Aller sur le terrain. Raconter et non m’exprimer. Raconter ! Seule façon de me faire ma propre idée. De ne pas rester dans le flou, le vague, le confort des images télévisées. Le spectacle de l’émeute. Les commentaires patentés. Mes idées toutes faites aussi. Ma tendance à intellectualiser et à déplorer ensuite que la réalité contredise mes illusions. Seule façon d’apporter mon soutien, pour ce que cela vaut (pas cher assurément, mais pas moins que celui d’une majorité de Français, d’après les sondages). Ou plutôt, préciser la nature de mon soutien. Me le préciser à moi-même. Le confronter à ce qui se passe. A ce qui est. Il y a des rendez-vous qu’il ne faut pas manquer avec son époque. Même si je sais, pour l’éprouver dans mes fibres, la répugnance qu’il y a à rallier la foule quand on pense depuis le début que son salut passe par la solitude du travail. Sans parler de détestation de porter un uniforme, fût-il un gilet jaune. Et puis, à bientôt soixante ans, ce n’est pas très raisonnable (...)”
7. (Dans Le syndrome de l'orangerie, l’eau est un thème important, elle y est morbide, dormante, mais c' était déjà présent dans d'autres livres (Laurence / l'eau rance, le rêve de Charlot qui se déroule partiellement dans un univers liquide, la rencontre avec M. racontée dans les carnets avec l'image de l'eau vive..))
Dans L’Invité mystère, le narrateur raconte sa rencontre avec Laurence... où il retrouve le récit fait par ses parents des circonstances de son infection par des staphylocoques dorés, contractée lorsqu’il était enfant, et qui lui a fait perdre le goût.
“La vérité, c’est que je n’ai conservé aucun souvenir de mes staphylocoques dorés. Ou plutôt, je n’ai d'autres souvenirs que ceux que fabriquèrent mes parents en évoquant très souvent ce haut fait de mon enfance comme l’une des grandes peurs de leur vie. Leur version n’a jamais varié. A savoir qu’on les attrape en buvant de l’eau croupie et que j’avais dû les contracter en léchant la vitre du train qu’il fallait prendre, chaque dimanche soir, pour revenir de chez mes grands-parents. “Tu portais toujours tout à ta bouche”, affirme ma mère.
Quelque vingt-cinq ans plus tard je rencontrai une jeune fille dans un train qui me ramenait de Berlin; elle dormait, rencognée contre la vitre du compartiment; lorsque je passai dans le couloir, elle ouvrit les yeux et ce fut comme si elle m’amalgamait à son rêve : l’instant d’après, elle était derrière moi, s’accrochait à chacun de mes gestes et m’aimait pour les sept années à venir d’un amour virulent qui me prit à la gorge dès qu’elle me sauta au cou. Elle s’appelait Laurence, faute peut-être que “l’eau croupie” soit un prénom. Souffrait aussi d’une maladie de peau.
Lorsque je réalisai que cette rencontre reconstituait dans les moindres détails ce que mes parents m’avaient dit sur la manière dont j’avais attrapé des staphylocoques dorés, j’éclatai de rire. Et cessai aussitôt de désespérer d’un amour qui m’était apparu jusque-là invincible et funeste. Le choc amoureux qu’avait constitué notre rencontre était en réalité un choc toxique.”
Une partie du Rêve de Charlot se déroule aussi dans un univers liquide (et à la Eyes Wide shut) :
"Un couloir. Au sol un épais tapis rouge. Des appliques en acier chromé, fixées au mur, diffusent une lumière trouble et ouatée. Entre elles, des zones d’ombre, comme de brusques baisses de tension, de fugitives plongées stroboscopiques dans l’abîme. J’avance avec la sensation de marcher sur l’eau. J’arrive dans une grande pièce, sorte d’immense rotonde aux murs dorés et mouvants, ou bien liquides, je ne sais pas, une sensation d’équivoque en tout cas. Seuls ou par petits groupes, des hommes se tiennent debout, un verre de cognac ou un cigare à la main. Des femmes sont assises sur de grands canapés couleur fauve, la plupart dans des postures étudiées et buvant une coupe de champagne. Tous les invités portent un luxueux masque vénitien ou de commedia dell’arte, parfois assorti de grandes plumes, de dentelle noire, d’un tricorne. Certains hommes ont, comme moi, un gilet jaune passé sur leur habit. On les remarque d’autant mieux que les autres, bien lus nombreux, sont vêtus de grandes toges à capuche, le plus souvent noires, à la façon de maléfiques Pénitents. Les femmes, elles, sont toutes habillées de manière sophistiquée, avec des robes longues largement échancrées devant ou dans le dos, même celles dont la silhouette trahit un âge plus ou moins avancé. Personne ne parle ni ne bouge, ou très lentement. On dirait des automates attendant qu’on actionne le mécanisme qui les animera. Ou des algues dans un aquarium."
L’eau vive est, elle, multiple et amoureuse. Dans Le Dossier M, Grégoire reprend une réflexion notée dans ses carnets après sa rencontre avec M.
“Je te rencontre et il n’y a pas besoin d’explication. Liquide, l’eau ne s’explique pas. Elle n’en a pas besoin. Il lui suffit de s’écouler, fraîche et vive, par mille petits ruisseaux dévalant les montagnes, depuis les cimes enneigées jusqu’aux fleuves et enfin l’océan, avant de s’évaporer quelque part au large, de monter au ciel et, au sein des nuées, de cristalliser, de se ressourcer elle-même, d’enfler et de se gorger de nouveau, jusqu’à ce qu’entraînée par son poids et l’attraction terrestre, elle retombe sous forme de flocons et enneige les mêmes cimes et ainsi de suite. (...) Depuis toi, tous mes états d’esprit sont ceux de l’eau : à la fois liquide et gazeux et solide. Je suis son cycle tout en un. (...) Je voudrais que la volonté considérable que tu mets à me résister, tu la mettes considérablement à m’approuver.”
8. (Le terme de vitalité t'est cher, et tu nous as dit comme pour toi, Murat est la vitalité même, mais dans le livre, j'ai été frappé par ta description de Monet en Charon (le passeur des enfers), qui m'a immédiatement évoqué les mots de Bayon à l'enterrement de JL Murat, le décrivant comme un aède (ça nous ramènerait à Homère... mais non, pas de question cachée... fini), qui lui aussi descend pour nous en enfer.)
Dans Rapport sur moi, après une rupture amoureuse et quelques mois d'errance pendant lesquels il se laisse guider par des voix qui lui parlent, Grégoire Bouillier découvre L'Odyssée : un "miracle", lu "en une seule nuit transfigurée".
"Jamais auparavant je n'avais connu semblable expérience avec un livre, et par la suite non plus. C'était comme si j'offrais mon visage au soleil. Chaque vers semblait écrit à mon intention et s'infusait en moi, s'écoulant par mes yeux et mes oreilles. J'étais la lecture même.
Ou plutôt, c'était L'Odyssée qui me déchiffrait. Car tout s'éclairait soudain à sa lumière. D'inouîes coïncidences surgissaient entre ce que je lisais et ce que je vivais, les frontières étaient abolies et je pouvais voir entre les lignes par où moi-même j'étais passé. En filigrane des aventures d'Ulysse se révélaient les miennes, non pas identiques, mais reprises. Charybde et Scylla, les boeufs du Soleil, le cyclope... J'avais à ma manière vécu tout cela. Je pouvais citer les lieux et les dates. Renouer les fils. Les voix que j'entendais n'étaient pas celles des morts qui accaparent Ulysse descendu aux enfers ? A moi aussi les âmes des héros avaient cherché à raconter leur histoire. j'étais donc descendu en enfer ? Alors L'Odyssée était l'oracle qui m'enseignait mon avenir... Il me fallait parfois poser le livre pour reprendre ma respiration."
Bibliographie
Rapport sur moi, éditions Allia, 2002. Prix de Flore 2002.
L'Invité mystère, Allia, 2004
Cap Canaveral, Allia, 2008
Le Dossier M, Flammarion, 2017. Prix décembre 2017
Le Dossier M, Livre 2, Flammarion, 2018
Le Dossier M, édition augmentée ( !), 4 volumes chez J’ai lu
Charlot déprime suivi de Un rêve de Charlot, Flammarion, 2019
Le Cœur ne cède pas, Flammarion, 2022. Prix André Malraux 2022, choix Goncourt de la Pologne 2022, prix Balzac 2023
Le Syndrome de l'Orangerie, Flammarion, 2024
- L'interview de Grégoire à la maison de la poésie en début de soirée: (mon compte-rendu ici : " Et finalement Grégoire Bouillier et Eric Reinhardt s'agitent en gogo danseurs sur "Le cri du papillon" au deuxième rappel" )
Il a travaillé avec Jean-Louis Murat depuis Mustango (9 pochettes comme celle de Polly Jean, Muragostang) puis à nouveau à partir de Grand Lièvre. Il a également collaboré avec - liste loin d'être exhaustive - Yann Tiersen, Manu Chao (clandestino), Olivia Ruiz, Thomas Fersen, Arthur H, JP Nataf, Luke, Miossec, Holden, Juliette, Louis Bertignac, Brigitte Fontaine, et aussi avec le magazine Rock and Folk, tout en poursuivant un travail photographique plus personnel (le livre Tout est calme en 2009). Une belle chronique vient d'être consacrée à son travail avec Dominique A, à écouter ici.
On a bien sûr régulièrement parlé de lui ici au fil des promos, mais aussi de ses expositions (où il choisit toujours de faire figurer Jean-Louis Murat), d'interviews, de la promotion de Robi dont il était coproducteur du disque et qui participa à Toboggan, ou de rencontres (il était à la Maison de la poésie en décembre, et on a exposé des tirages originaux lors des deux précédentes éditions du Week-end Murat, yes sir!). Encore récemment, je l'ai invité à parler de Carole Epinette, notre invitée (le 20 et 21 juin 2025 à Clermont). Je garde un souvenir amusé de notre première rencontre à la soirée "Murat- Livre Unplugged" de 2015 au cours de laquelle j'eus l'honneur de me faire tirer le portrait subrepticement à l'aide d'un petit appareil de poche ! Souvenir amusé et... avec le recul, émouvant car je m'aperçois que son regard était déjà attentif et sensible à notre petite communauté et au lien unissant ceux qui aiment Jean-Louis Murat (ce dont parlait Grégoire Bouillier à la maison de la poésie).
Il m'a fait l'amitié d'échanger sur la sortie du livre il y a quelques semaines et l'honneur de me laisser vous l'annoncer aujourd'hui en avant-première, ce qui est avant tout pour lui une façon d'offrir la primeur de la nouvelle aux "fans". Ainsi, il m'a indiqué qu'il avait envie avec ce livre de "partager son trésor d'images" , rendre public l'ensemble des clichés pris avec Jean-Louis (certains inédits mais aussi "les variantes" de ceux qui ont été diffusés. C'est ainsi que le livre en contient 150 !). Au-delà du cadeau pour nous, il s'agit aussi pour lui de faire vivre la mémoire de Jean-Louis Murat, le maintenir dans l'actualité, et que "les gens l'écoutent", la promo donnant lieu sans doute à des événements. A noter que le livre est publié par le BOULON, la maison d'édition qui a déjà sorti ceux d'Antoine Couder et de Pierre Andrieu (le livre de Frank en reprend le même format - 21×21 cm - afin qu'ils puissent se rejoindre dans nos bibliothèques, d'autant que la couverture de celui d'Andrieu était déjà une photo signée Loriou).
Frank, lui, a choisi la photo prise dans la maison d'EMILE, le voisin. Un très beau moment qu'il a immortalisé ("de grâce" selon ses mots de 2014), avec un Jean-Louis plus fragile qu'en cow-boy à chapeau de paille, aux prises avec ses fantômes (il s'est assis pour la première fois à la place attitrée d'Emile). Ses mains, plus celles d'un paysan que d'un pianiste, me renvoient à celles - les mêmes - photographiées par Jean-Lou Sieff en 86/87.
Vous pourrez vous procurer cette photo pour un coût réduit par rapport aux prix habituels de tirages, en choisissant l'option DELUXE : le livre + tirage d'art, numérotés et signés, vous sont proposés en précommande à partir de la semaine prochaine (le 21 mai) sur le site du Boulon (120 euros). Le livre seul sera lui à 38 euros et n'est pas concerné par cette précommande. Sortie le 9/10/2025.
Il sera possible d’avoir une dédicace personnalisée pour ceux qui le souhaitent, "notamment pour les participants du week-end Murat" m'indique Frank (Nous organiserons cela le 20 et 21 juin à Clermont).
Le livre n'est pas exclusivement photographique, Frank a pris la plume pour la première fois pour nous raconter en détail leur collaboration et les moments vécus à Orcival. J'ai lu les premières pages qui nous réservent déjà anecdotes amusantes et petites révélations, c'est donc très prometteur. On avait eu quelques bribes via des interviews, notamment en 2014.
La préface est également alléchante : celle du philosophe et écrivain Charles Pépin, bien connu des auditeurs de France Inter mais bien au delà (ses livres sont traduits dans 30 pays). Je ne l'avais pas identifié comme muratien, mais Alex Baupain avait repris "Si je devais manquer de toi" dans son émission "Sous le soleil de Platon" (en août 2023) et il avait également partagé sur son facebook la soirée de la Maison de la poésie. Il ne connaissait pas personnellement Murat, mais j'ai envie de tisser un lien : Jean-Louis, autodidacte de la philosophie, lecteur de Nietzsche, Günther Anders, chérissait Michel Onfray, non pas en iconoclaste penseur, mais pour son rôle de passeur et de professeur (université populaire), et Charles Pépin est un des grands "vulgarisateurs" actuels (sur Inter mais aussi via des conférences dans les cinémas Mk2).
Voici le texte promo de... PHOTORAMA, puisqu'il s'agit du titre choisi.
La date de sortie du livre de Frank ne lui permet pas de nous le présenter au Week-end Murat, mais en plus de Carole Epinette pour la photo (il est possible de lui réserver des tirages je le rappelle. info ici), cette année, au rayon livres, nous compterons pour les dédicaces sur Cédric Barré avec Le moujik et sa femme (édition densité) et Patrick Ducher et Florence Couté et leur Entre Prince et Spring. Pierre Andrieu sera également présent samedi.
Frank Loriou a travaillé récemment pour la pochette de Nicolas Driot, qui sera un des participants du week-end! Cartographie du Coeur vient de sortir etest disponible partout. Release party le 16/05 dans la belle salle du fotomat à Clermont!