Interview dans le TELEGRAMME, pour le concert de LORIENT
Publié le 17 Avril 2013
Ce matin, sur FRANCE BLEU, un Murat bien dans ses espadrilles, apaisé:
On retrouve le même dans une interview dans LE TELEGRAMME pour son concert de LORIENT:
Jean-Louis Murat à Lorient. « Une lente glissade des âmes occidentales
Jean-Louis Murat sera sur la scène du Manège mercredi avec son dernier album sous le bras, « Toboggan ». L'auteur prolifique pose un regard acéré sur le monde qui l'entoure, très loin du bruit ambiant. Forcément salutaire.
Votre album paraît sombre, plus intime. C'est le reflet de votre état d'esprit ?
Quand j'écris des chansons, cela m'échappe un peu. Ce n'est pas vraiment un travail philosophique, je ne sens pas mes reins et mon coeur en composant des chansons. C'est plus l'âge, le pays, la période, l'histoire du moment qui m'influencent. Il y a une idée de glissade, de conscience de la réalité, des rapports. Je ne vais pas dire que c'est un disque de citoyen, mais un peu quand même.
Ce n'est pas un regard très joyeux.
Je n'ai jamais porté un regard très positif. Depuis mes premiers enregistrements, j'ai toujours eu une sensation pessimiste, et hélas qui se confirme. J'ai essayé en écrivant ces chansons de préserver mon intégrité, ma liberté de parole. J'essaye de toucher mon âme désespérément au milieu de toute cette décomposition qui est assez générale. C'est difficile de tenir quelque chose qui a du sens en trois à quatre minutes sur une chanson, de recouvrir la réalité de l'époque. Ce n'est pas une chronique du temps, c'est plutôt la lente glissade des âmes occidentales. C'est davantage cela qui m'obsède.
L'orchestration sur cet album est épurée. Sur scène, la formation est minimaliste. Pourquoi ?
Je crois qu'il ne reste plus que l'os des choses, donc je ne travaille plus qu'avec cela. La chair est un peu pourrie alors que je fais la musique de l'os, qui reste encore sain. J'en suis réduit à brosser le squelette.
Votre musique est en revanche apaisante, entre blues et folk. Comment travaillez-vous ? D'abord la musique, les mots ensuite ?
Je fais les paroles et la musique en même temps. Je n'arrive pas vraiment donner des explications a posteriori. Je réfléchis assez peu, j'essaye de rester instinctif et naturel. Sur ce dernier album, je me suis laissé aller. C'était un exercice zen pour moi. Je n'ai rien contrôlé, sans aucune idée préconçue. Il y a des réactions très positives sur ce disque. Je suis surpris et je me dis que moins je pense, plus je suis efficace.
Comment est reçu cet album sur scène ?
La réaction du public doit être proportionnelle à ma tenue, c'est moi qui donne le tempo. J'ai fait beaucoup de concert débraillé et là c'est le contraire. Les gens sont surpris. Je suis passé du pyjama au costume trois pièces. Mais je prends du plaisir sur scène. La passion n'est pas éteinte.
On ne parle pas de vous comme un chanteur populaire. Cela vous gêne ?
Ne pas être populaire dans une époque qui a mauvais goût ne me dérange pas plus que cela. On y pense seulement quand on est débutant. Je reste assez simple. Je demande à chaque album de financer le suivant. Je sais ce que peuvent être le succès et les revers dans le succès. Je sais - à mon grand âge - que ce qui compte dans ce métier, c'est de durer. Je dure obstinément. Après, j'ai un cercle peut-être mais je me rends rapidement compte dans mon rapport avec ma banque si je suis populaire. Ce n'est pas important. Je ne fais pas de la musique avec cette idée-là, pour gagner de l'argent.
Est-ce que vous écoutez la musique actuelle pour construire vos albums ?
Non, je n'écoute rien. Je ne suis pas vraiment au courant. Le meilleur de la musique populaire, de rock et de blues a déjà été produit. On ne fait que ressasser cela. La musique du ressassement, ppffff... J'écoute de temps en temps Robert Wyatt. Sur le dernier album (le Grand Lièvre), j'ai écouté les Eagles. C'est pour ne pas trop me perdre car l'écriture d'un album ressemble à une traversée dans la nuit alors je suis obligé d'avoir un phare qui brille au moins pour savoir où je vais. Mais je n'ai pas besoin de puiser, je suis suffisamment tarabiscoté, je me sens inépuisable dans l'imagination. Tout est idée de chanson.
Quel regard vous portez sur l'actualité (politique, la crise, les affaires...). Tout cela va très vite.
Je suis même surpris par la lenteur de la décomposition. Je l'ai toujours chantée. Le cadavre démocratique français met beaucoup de temps à crever. Toutes les époques vont dans le mur. La régénération me paraît impossible, on est toujours chez Proust.
Au Manège
Demain, à 20 h 30. Tarif : de 19 € à 22 €. Tél. : 02.97.21.32.21.
- Propos recueillis par Régis Nescop
LE LIEN EN PLUS :
MURAT en photos à MARSEILLE:
http://www.espace-julien.com/fr/archives/id-654-jean-louis-murat