Inter-ViOUS et MURAT n°34 : Carole Epinette, la photographe à rencontrer au Week-End Murat!

Publié le 2 Mars 2025

            

 

Après Franck Courtès qui nous avait raconté avoir fini dans un lit avec Jean-Louis, après Frank Loriou, dont nous avons parlé à de nombreuses reprises  (et ce n'est pas fini), voici à l'honneur  un troisième œil, un autre regard, celui de Carole Epinette. Par le nombre d'occasions qu'elle a eues de "shooter" Jean-Louis, et le caractère iconique de certaines photos, elle occupe, avec Frank Loriou, une place particulière dans la carrière du chanteur, qui aura été pourtant sous l'objectif des plus grands : Mondino, Rheims, Sieff, Richard Dumas...

Carole est donc photographe rock depuis au moins 25 ans (pour les plus grands magazines et journaux notamment Best, Rock and Folk, Libération, Le Monde), et même très rock car les amateurs de "heavy métal" la connaissent bien pour ses clichés de Metallica, Motörhead, AC/DC, Manson. Elle a aussi saisi  saisi sur le vif ou en coulisses  les Sex Pistols, Alain Bashung, les Stones, Indochine, James Brown, The Cure, Pete Doherty, Bowie, et bien d’autres encore. Mais dans ses livres et expositions, elle laisse souvent une place à l'Auvergnat, comme dans son ouvrage Rock is dead en 2017 ou sa dernière exposition parisienne (café Caumartin, d'octobre 2024 à janvier 2025).  

Carole Épinette est  installée dans le Lot et c'est un indice pour trouver ses centres d'intérêts autres que la musique... 

 

On avait déjà été en contact pour une participation au Week-end Murat en 2024, mais ça n'avait pas été possible... Carole a fait en sorte que cela le soit cette année, un grand merci à elle, qui comme tous les artistes présents, s'engage à nos côtés par amour, fidélité, à Jean-Louis Murat et par sympathie pour l'événement bénévole et amical. Ceci n'empêche pas de vouloir vivre de son travail et c'est aussi important pour nous de faire le maximum pour les artistes présents (d'où l'augmentation du pass cette année). C'est pourquoi il vous est proposé de faire l'acquisition de photos de Carole (tirages d'art, authentifiés, numérotés - 30 exemplaires maximum, de différents formats, nus ou contre-collés professionnellement sur plaque alu Dibond) à un prix tout-à-fait raisonnable (par rapport aux prix proposés par des agences) et livrables le week-end (ou non).  Si vous êtes intéressés, Carole vous proposera une sélection d'une trentaine de photos. Veuillez la contacter à rockisdeadphotos[...]gmail[...]com  ou en passant par la zone de contact du blog. Il est aussi possible de demander de vous faire tirer le portrait !

Carole Epinette, Rock fictions, livre paru en 2018 au Cherche-midi, avec des textes de Nothomb, Doherty, Thomas VDB, Bernard Minier.  

PS: Je fais le choix de ne pas illustrer cet article avec des  photos de Carole, et encore moins les inédites, pour privilégier leur utilisation dans la presse. 

 

Bonjour, Carole !

 

 

- Je ne vais pas vous faire répéter comment vous êtes devenu photographe, puisque vous l'avez raconté  ailleurs, avec  la presse hard rock  (Hard N’ Heavy, Rage). Avez-vous rapidement travaillé pour des labels ? Est-ce que c’est un travail différent ?

C. Epinette: Oui j’ai assez vite travaillé pour des labels. Le travail n’est pas différent. Il nécessite toujours de l’écoute sur les besoins, de la variété dans les images… Il est indispensable d’être créatif car les photos vont servir à alimenter toute la presse, les supports de communication pour la promotion (plv, album, affiches, etc..)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Xroads avec la discographie signée par Yann Giraud, notre conférencier de cette année!

 

- On connaît particulièrement votre session avec Murat en 2011 pour Grand Lièvre, mais vous  l’aviez déjà photographié en 2009 en concert et je crois déjà chez lui ? Comment s’est passée cette rencontre ?

C. Epinette: Je l’avais rencontré et photographié trois fois avant la séance de 2011 : en mai 2009 pour son concert à la Cigale à Paris (j'avais aussi assisté aux répétitions, à la balance avant ce concert) puis chez lui en Auvergne en juillet 2009 et enfin pour son concert au Bataclan à Paris en Avril 2010.

La rencontre chez lui en 2009 a été mémorable. C’est son label Universal qui m’avait demandé d’aller faire une séance chez lui car Jean-Louis avait beaucoup aimé mes photos live de la Cigale et il était prêt à me rencontrer. Il m’a fait entrer dans son jardin, en tenue débraillée, n’a pas ouvert la bouche et a passé au moins deux heures à m’observer interagir avec ses enfants et sa femme. J’ai beaucoup ri avec sa fille car j’avais avec moi le Lonely Planet du Costa Rica que je feuilletais pour un voyage prévu quelques jours après, je lui montrais les photos et lui expliquais ce que je souhaitais faire là-bas. Avec Justine nous avons beaucoup parlé des animaux… Je ne faisais pas attention à Jean-Louis parce que je sentais bien qu’il était en phase d’observation et que, surtout, il fallait le laisser à son rythme, sans rien presser.

Au bout d’un moment, il est venu me voir et il m’a dit qu’il était d’accord pour faire les photos. Son appréhension était palpable, je sentais que c’était vraiment quelque chose pour lui de se prêter au jeu du portrait photo. Pour que cela soit plus doux pour lui,  j’ai demandé à Justine d’être mon assistante photo et de tenir mon flash sur trépied… Cela a occasionné quelques sourires de Jean-Louis et quelques inquiétudes de ma part quand le flash était dirigé à l’opposé de lui !

J’ai travaillé vite pour « libérer » Jean-Louis de ce moment difficile pour lui. J’ai été touchée de ce qu’il m’a confié sur les émotions que cela créait en lui et sur son rapport à l’image.

Pour finir,  il m’a dit: « tu restes dîner en famille » ? 

Quelque chose s’était ouvert entre nous …. Je crois que je peux lui donner le nom de CONFIANCE.

 

- Est-ce que le travail avec Nikola Sirkis a été un élément de connexion ? (vous figurez sur ce qu’on peut considérer comme le plus gros succès public de Bergheaud : l’album Paradize d’Indochine!)

C. Epinette:  Aucune idée. Il ne m’en a pas parlé... ou je n’en ai pas gardé souvenir.

 

-  Est-ce qu’il y avait un lien particulier avec Jean-Louis ? Est-ce que le côté rock dont vous veniez a pu lui plaire ?

C. Epinette: Oui il y a eu je crois un lien particulier. Je vous ai raconté notre première « vraie » rencontre en 2009.

Cela a vraiment ouvert la porte à une relation de confiance. C’était très beau à mes yeux de le voir s’ouvrir comme cela. J’ai été émue de sentir au départ un homme méfiant, que l’on venait déranger dans sa grotte... qui prenait le temps de sentir, d’observer comme le ferait un animal… puis d’un coup de lâcher son appréhension et de s’ouvrir… dans la confiance.

 

- Vous avez fait une des rares couv du Cours ordinaire des choses avec Cigare magazine ! A l'intérieur du magazine,  il  y a la photo de Murat fumant le cigare (le tirage est commandable, même si le tirage de fumée n'est pas recommandable!). Il s'agit d'une commande pour cette revue ?

C. Epinette:  Durant la séance photo Jean-Louis a eu envie de fumer, j'ai suivi son envie et j'ai profité de la fumée. Je n'ai pas le souvenir si c'était ou non une demande spécifique de sa part.

 

 

 

 

 

-  J'aime beaucoup une photo dont la lumière  me renvoie à un western fordien. Cheveux longs période Cours ordinaire des choses, mais le cadre est le même que la pochette de l'autre album américain de JL : Mustango (on reconnaît la chaîne). Vous y aviez pensé ?

C. Epinette: Pas du tout ! je ne connaissais pas l'album Mustango au moment où j'ai fait cette première séance photo avec jean-Louis. 

Il est important de savoir que pendant une séance photo, je me laisse inspirer dans l'instant par ce qui se présente. J'ai rarement des idées de cadrages en amont puisque je m'adapte à ce qui passe dans l'instant. 

Je peux par exemple avoir l'idée de rapporter des waders pour faire des photos dans l'eau mais je n'ai pas le cadrage ou la lumière dans la tête à ce moment là, ni l'endroit précis d'ailleurs. Sur place, je regarde, je ressens et c'est parti !

 

- Parlez-nous justement de cette session de 2011 vraiment fameuse, avec Murat habillé dans le Servière (le sympathique garde du lac, qu’on retrouve au téléphérique l’hiver, n’approuverait plus), et dans ce que j’ai appelé son antre (le fameux grenier), ou en bord de route..

C. Epinette: En 2011 c’est directement Jean-Louis qui m’a appelé, pas son label. J’ai beaucoup souri au téléphone parce que j’ai été un peu « cash » avec lui. Je lui ai dit que cette fois-ci, si j’acceptais,  ce serait une vraie longue session, que j’avais plein d’idées, que je voulais le prendre en photo au milieu du lac.. que je voulais des portraits serrés, que je souhaitais aller à plusieurs endroits etc etc. J’ai mis la barre un peu haut en m’attendant à des discussions avec lui, à devoir « marchander » un peu sur mes envies… et non ! Il m’a répondu « oui tout ce que tu veux, j’ai confiance maintenant ». Eh bien … ça m’a coupé la chique !

Ce moment a été si précieux…

J’avais apporté les waders de mon amoureux pour que Jean-Louis puisse aller dans le lac tranquillement. Il a tout accepté, c’était un moment léger et intense en même temps… joyeux et profond… tellement de gratitude pour tout ça.

Libération

 

-  On découvrira des photos restées inédites prises chez lui. Est-ce que cet environnement était trop privé pour qu’il les retienne ?

C. Epinette: C’est lui-même qui m’a proposé des photos dans son antre… cet espace où il composait … là où il y avait ses guitares, ses écrits, son énergie de musicien, d’artiste de génie.

Il me semble que certaines photos ont été retenues dans une sélection mais qu’elles n’ont peut-être tout simplement jamais été utilisées. Je ne suis pas certaine de cela. 

 

-  Et puis, il y a beaucoup de photos live. Des souvenirs de ces concerts ?

C. Epinette: Je n’ai pas de souvenirs particuliers en live si ce n’est d’avoir fait attention à ne pas me mettre sous son nez... à respecter son espace… à le laisser exulter sur scène et à simplement être un témoin discret de ce spectacle... en tendresse amicale. 

 

-  Est-ce qu’il y en a une photo qui vous est particulièrement chère ?

C. Epinette: Oui… Celle où derrière la fenêtre de chez lui il regarde ses montagnes chéries… des gouttes d’eau ruissellent, sa main est posée sur la vitre… comme un au revoir… Je la trouve très poétique.

Cette photo, choisie par ses plus proches, a accompagnée le cercueil durant la cérémonie. 

A chaque fois que je la regarde depuis, elle m’émeut... encore plus…

 

- Les photos derrière la vitre sont en effet très belles, elles invitent à de nombreuses interprétations (notamment vos clichés, de manière évidente avec ses montagnes qui se reflètent) et  ce n'est peut-être pas un hasard si la photo préférée de F. Courtès a été prise ainsi (la photo qu'il nous a prêtée pour Aura aime Murat, et la première édition du Week-end).  Est-ce que vous avez utilisé des techniques photographiques particulières (j'ai cru voir qu'il y avait des outils spécifiques)?

C. Epinette: Pas de technique particulière pour cette photo....j'ai été inspirée par l'amour et la sensation de nostalgie que j'ai ressentie en Jean-Louis lorsqu'il regardait ces montagnes. Cette nostalgie qui est accentuée par sa main posée sur la vitre.

-  Et une photo de Murat que vous auriez aimé avoir fait ? Vous appréciez beaucoup Jean-Lou Sieff…

C. Epinette: Oui, j’aime beaucoup Jean-Lou Sieff, c’est l’un des photographes qui m’a donné envie de faire ce métier, tout comme Sebastiano Salgado … mais ce n’est pas parce que j’aime les nus de Sieff que j’ai eu envie d’en faire avec Jean-Louis !

 

- Vous appréciez beaucoup l’Afrique où vous avez eu l’occasion de travailler et voyager, notamment pour les animaux. Murat étant un peu prisonnier de son étiquette américano-auvergnate, on sait peu de choses sur son intérêt pour ce continent à part un séjour en Egypte (Marie Audigier a sans doute contribué à sa connaissance de l’Afrique noire par la suite) comme celui pour l’Asie (un peu plus documenté malgré tout). On l’a dit intéressé un temps par le bouddhisme . Est-ce que ça a pu être d’objet de discussion avec lui ?

C. Epinette: Nous n’avons pas évoqué le bouddhisme… Dommage j’aurais adoré échangé à ce sujet avec lui et lui raconter mes nombreux voyages et expériences en lien. 

 

-  Murat est un modèle pour certains dans le fait de mener carrière en restant en « province » . Vous avez choisi aussi de vous installer loin de Paris… Ça vous rend la vie professionnelle sans doute plus compliquée ?

C. Epinette: J’ai décidé de m’installer en Dordogne en 2012. Oui cela a changé beaucoup de choses à ma vie pro mais c’était un choix mesuré. Je continue de faire des portraits. Tant de personnes ont envie de garder un souvenir d’elles, ou de se voir d’une façon qu’elles n’avaient encore jamais expérimentée. Je tente d’être toujours le témoin de ce que l’autre à à m’offrir de lui/d’elle et quand la confiance s’installe tout peut se passer…  Il y a juste à cueillir.

Ce qui a changé c’est que les personnes que je photographie maintenant sont moins « célèbres » que les rock-stars que j’ai côtoyées pendant 25 ans mais qu’est-ce qu’elles sont magnifiques ! 

Ce qui m’intéresse, c’est la rencontre de l’humain... de cette sensibilité, de ce rayonnement à l’intérieur de chacun.e.

 

- Avez-vous lu La dernière photo de Frank Courtès ? Comprenez-vous qu’on puisse abandonner la photographie (du fait du marché tourné vers le portrait, entre autres affres du secteur - la presse peu délicate ?)   Aimeriez-vous travailler sur d'autres sujets (on trouve quelques photos de nature sur votre site) ?

C. Epinette:   Non, je n’ai pas lu ce livre.

Oui, le monde de la photo a changé avec l’arrivée du numérique, avec cette culture de « l’image gratuite » que véhicule internet.

Je comprends que l'on ait envie d’arrêter si on est tourné sur le passé et si la nostalgie gagne sur le moment présent. Oui c’est vrai que le lien était autre avant mais la Vie est mouvement… Tout bouge.

Le passé n'est plus et le futur pas encore là... Ce qu'il est proposé de vivre c'est le présent... Alors profitons en de ce moment. 

Je crois que ce qui est important c’est de ressentir de la joie dans ce que l’on fait. Si elle n’est plus là... Oui, il est vital de bouger… pour retrouver cet élan vital.

 

 
Merci Carole!  On fait court car les spectateurs du Week-end Murat, yes sir! auront ainsi l'occasion de vous poser en direct d'autres questions pendant les deux soirées.   Et on laisse le mot de la fin à Frank Loriou:
 
Je ne connais pas personnellement Carole Epinette mais je connais bien sûr son travail. C’est une vraie photographe rock, dans le plus noble sens du terme,  qui a fait beaucoup de portraits dans les coulisses des concerts, et shooté de très grands noms.  J’ai découvert son travail dans Rock&Folk, notamment. Elle a aussi fait de très belles sessions, comme avec Jean-Louis Murat dans le lac du Servières, en avril 2011. Ma première session avec JL Murat a eu lieu quelques mois plus tard,   en juillet 2011, où je suis venu faire des images pour la promotion de l’album Grand Lièvre, notamment la photo dans la prairie avec le manteau noir, qui fut affichée en 4x3 sur les quais du métro. Je ne connaissais pas les photos de Carole Epinette, ni même leur existence, mais je connaissais bien le lac, et j’ai proposé à JL Murat d’aller faire des images là bas. À quoi il me répondit qu’il venait justement de s’y plonger, quelques semaines auparavant ! Mon estime pour le travail de Carole Epinette n’en a été que plus grand encore, qu’elle ait repéré tout de suite ce si beau lieu ! Par la suite, Jean-Louis a choisi que je sois le seul à le photographier pendant une dizaine d’années, après s’être photographié lui même pendant aussi longtemps, et je lui en suis extrêmement reconnaissant. Je pense que je l’ai aidé à retrouver le goût et l’envie de ce que peut apporter un photographe, par son regard extérieur. Progressivement il a recommencé à s’ouvrir à d’autres photographes, et c’est bien naturel.  À chaque session je n’étais jamais certain de faire la prochaine, c’était à chaque fois un cadeau, une surprise,une nouvelle aventure !
 
 
 

Magic! Rolling stones et Grand Seigneur

Rédigé par Pierrot

Publié dans #week-end Murat, #inter-ViOUS et MURAT

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