Bibliographie: "la chanson française, un peu, beaucoup..." de Didier Varrod
Publié le 29 Octobre 2025
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Avant-propos. Quand je parlais dans le compte-rendu de la soirée des Vinzelles de mon besoin d'anonymat, c'est que le blog fait l'objet de beaucoup d'attentions depuis quelques mois. Avec des bons côtés mais aussi par moments une certaine pression (latente essentiellement) sans parler de celle que mon caractère m'impose. Je suis donc dans l'obligation d'être très vigilant dans mon propos. C'est bien embêtant car je n'aime pas trop réfléchir... et mon penchant naturel est de m'épancher sur les histoires muratiennes dont j'ai connaissance... mais c'est impossible.
Ces derniers mois et jours, j'ai lu des remarques ou des critiques car je ne parlais pas de certaines choses, voire des injonctions (certains allant jusqu'à parler de déontologie!). Tout d'abord, ici, c'est un blog, amateur et non officiel. Je ne suis soumis à rien, si ce n'est à ma propre éthique, et je rappelle que je ne vends rien (j'achète... et c'est vraiment foutre son argent en l'air parfois). Même si j'ai revendiqué d'être "exhaustif" ("toute l'actualité"), je ne l'ai jamais été, notamment quand Didier Le Bras œuvrait. Il y avait une concurrence qui est restée assez saine et parfois stimulante sur certains sujets. Murat ne m'appartient pas*, et tout le monde en fait ce qu'il en veut. Plein de choses existent en ligne, et ma subjectivité intervient... (*Je rappelle que je refuse le titre de fan numéro 1 de Murat qu'on m'accole parfois... et encore moins leader d'une communauté et Stan - mot que je découvre dans le Varrod dont on va parler).
J'essaie en tout cas d'être le plus rigoureux et honnête possible ce qui ne va sans doutes. Par exemple, j'ai notamment été amené à m'interroger sur les interviews. Je m'en suis rendu compte par exemple à propos de celle d'Alain Artaud en 2011 qui commet une ou deux imprécisions. Ce n'était pas bien grave en 2011, du vivant des acteurs, mais maintenant, je m'interroge sur la publication de témoignages qui ne seraient pas recoupés et j'en ai quelques-uns à retranscrire. J'avais par exemple critiqué Sébastien Bataille et son interview d'Hebey qui n'était pas mise en perspective et soumise à un regard critique dans ce qui s'affiche comme une biographie journalistique.
Je réfléchis tout en vous écrivant... Je crois que le blog reste un outil à la disposition des biographes et auteurs et que c'est à eux de faire le tri, mais pour autant, je n'offrirai pas de tribune libre ici. En revanche, les commentaires sont ouverts. Le blog a été créé pour être un espace de liberté, la mienne mais aussi celle de tous. De fait, Marc Besse vient d'utiliser cette possibilité (avant-dernier article) en réponse à Denis Clavaizolle (sur mon mur facebook), intervention qui a suscité une réponse de Yann Bergheaud et de l'Institut JLM sur fb également. J'ai été l'étincelle sans doute parce que j'ai été le premier à mentionner le livre, le feu aurait pris sans doute quelques jours ou semaines après.
En tout cas, depuis des mois, je cherche des éléments , je me demande si je dois avoir un rôle, et depuis quelques jours, me tracasse de savoir si je dois traiter de la situation, pourquoi, comment et dans le contexte d'une forte affluence de visiteurs... et la réponse est non, même si mon traitement de l'actualité n'est pas transparent je pense. J'en reste donc à ce fait: il y a trois ayant-droits, ils doivent agir ensemble.
Je fais des chansons d'incertitude, je ne suis sûr de rien. Si on essaye de coller sur moi un carcan de certitudes, ça ne tient pas, ça déborde dans tous les sens. JLM
J'en reviens donc à mon vrai hobby... avec à nouveau de la bibliographie (et on en aura encore dans la semaine). Malheureusement, ce n'est pas l'occasion de retrouver tout-à-fait la bonne humeur.
Après Rock La France, 60 ans de guitares et d'électricité chez Marabout, dans lequel il était si peu question de Murat (sous prétexte qu'il aurait été réducteur de le mettre dans la case "rock" - c'est à lire ici), on attendait que Didier Varrod qui a co-dirigé cet ouvrage se rattrape. J'ai surveillé chaque année la programmation de l'hyper week-end Festival dont il s'occupe et qui a mis l'honneur Gainsbourg, Balavoine, Françoise Hardy... sans avoir connu satisfaction. Son livre La chanson française, un peu, beaucoup, passionnément était l'occasion de remettre Murat à l'honneur. Un commentaire sur instagram m'a valu une réponse : "vous allez sûrement encore être déçu... mais Murat est bien là". Avec ce "là" seul, j'ai donc mis le livre sur mon dos quand il est passé à ma portée (cette phrase ne va pas m'inciter à lui donner une note).
Étonnons-nous en premier lieu, enfin moi, ça m'étonne, que, même si Didier Varrod a une jolie plume (on pourra lire les mots de 1989), le livre soit co-écrit avec Martin Soudan. Peut-être qu'on pourra trouver là une explication à certaines impressions données par la lecture. Certes, l'objectif est d'apporter une vision un peu sociétale mais vaguement, en composant aussi un livre de souvenirs, le tout en évoquant une bonne partie du paysage musical français actuel et passé (je pense qu'on peut noter la faible présence de Brassens, Le Forestier, Jonasz). On a un peu l'impression de se retrouver dans les émissions sur la chanson française sur France 3, auquel Didier participe régulièrement et de rester cantonné au très haut de l'iceberg (fallait-il intituler le livre "la variété française"?), par exemple, quand il est écrit qu'il y a très peu de chansons anti-macrons (Michel Kemper en a pourtant fait un livre!).
L'élément intéressant (parfois agaçant - le premier concert de Téléphone considéré comme l'acte de naissance du rock français) est de voir quel est le fil qui va être tiré à chaque chapitre... Le microclash Armanet/Sardou est le point de départ pour parler de chansons engagées, Charles Trenet sortant de prison nous amène à Eddy de Pretto ("l'un des artistes gays les plus importants de l'histoire de la pop mondiale" sic), de Aya Nakamura à la cérémonie d'ouverture des JO, on en arrive aux quelques français qui remportent du succès à l'étranger. Le chapitre "Gilbert Becaud, premières culottes" parle des chanteurs qui ont suscité une vague "fanatique" (Cloclo, Bruel dont le "cassez la voix" aurait été écrite un soir de frustration aux Franco...) pour en arriver à la téléréalité. Henri Salvador conduit à parler de ceux qui ont dû se défaire d'un malentendu (Anne Sylvestre, Olivia Ruiz, Nino Ferrer, Christophe). Le chapitre "Charlotte ouvre la maison Gainsbourg" conduit à parler des fils/fille de. Et c'est donc via Souchon qu'on nous amène à Jean-Louis Murat, Souchon ainsi considéré comme le père de toutes les voix sensibles de la chanson (Delerm, Marchet, De La Simone, et Dominique A, même s'il a dit que Murat avait été décisif pour lui et Varrod le rappelle lui-même).
Le paragraphe sur Murat commence très bien... mais à la moitié, il y a ce "jusqu'à", qui est à même de le discréditer pour misogynie et sexisme, rappelant les propos sur Angèle, certes déplorables... A cette évocation, je me permets toujours de rappeler cette autre phrase dite quelques temps plutôt par le chanteur : "j'ai demandé à Camille et Angèle de chanter à mes côtés [...] Je suis assez bluffé par Angèle, on dirait Lio période Banana Split, mais avec Bac +12" (inrocks 2019), mais tous les lecteurs du livre n'en seront pas informés. Cela m'a attristé, car cela arrive quelques jours après que j'aie eu un échange avec Antoine Couder à ce sujet, tant sur le documentaire disponible sur radiofrance que sur son texte de présentation. Je pense qu'il est injuste de discréditer Jean-Louis Murat à ce sujet et d'autant plus que son œuvre n'a pas la place qu'elle mérite (sans pour autant le nier, Morgane Imbeaud parle dans son témoignage dans les jours du jaguar de son aspect "vieux jeu"). Manset qui est juste cité dans le livre, sera prochainement dans l'actualité, et Didier Varrod l'apprécie, or les propos du livre de Wisut kasat de GM me posent plus de problème que toutes les pochades de Murat... qui pour le coup a dit ne pas avoir aimé le regard que portait Gérard sur les femmes lors de leur rencontre! L'autodestruction médiatique de Murat fait encore son effet après sa mort, alors qu'aucun faits et révélations ne viennent ternir son image. Au contraire... Bref.
Edit: Quelle place occupent les femmes dans votre vie ?
JLM La place numéro un. De ma grand-mère à ma fille, en passant par ma mère ou ma femme, je les aime toutes. Je ne vis entouré que de femmes. Mon manager aussi, c'est une femme. Je m'entends beaucoup mieux avec les femmes qu'avec les hommes. On dirait que je les comprends mieux. (femme actuelle, 2006)
[Didier m'a gentiment répondu sur instagram en indiquant que je n'ai pas compris et qu'il exprimait juste des regrets sur le propos de Murat et sans me répondre sur GM. Vous serez juges]
Je vous laisse découvrir le paragraphe...qui est par ailleurs paresseux. Murat parlait effectivement des "seconds couteaux"... mais il aimait avant tout Dylan, Cohen et les Rolling Stones, la soul, et tant d'autres (mais pas tant que ça Calexico?). Par ailleurs est citée comme unique chanson dont il serait l'auteur... "le charme"... signée Alain Bonnefont ! Quel dommage de la part de Didier Varrod qui nous a si bien parlé de Jean-Louis, notamment lors de son décès, et qui nous a valu le concert des 50 ans d'Inter... Allez, il va se rattraper, il va se rattraper... On attend.
Il est aussi question de Jean-Louis Murat à propos de Regrets avec Mylène Farmer. Avec une interprétation assez iconoclaste : Murat aurait accordé avec ce titre de la légitimité à Mylène dans la sphère des Inrocks. En 1991, le boss C. Fevret lui posait pourtant cette question : "Ton image souffre de quelques collaborations… douteuses. Mylène Farmer dernièrement, qui t’a demandé de chanter en duo. Es-tu flatté ou gêné ?". C'était bien sûr plutôt un énorme coup de pouce médiatique de Farmer à Murat (La chanteuse ayant par ailleurs financé le film Murat en plein air). Par la suite, Didier Varrod parle de la dernière tournée pour évoquer le never/more qui s'affichait sur le grand écran à la fin. Rappelons, nous, que sur ce grand écran, Mylène Farmer a souhaité débuter le show par un hommage à Jean-Louis. Un beau symbole, au vu de tout ce qu'incarne Mylène Farmer -oui, parce que personne ne va, à chaque occasion, rappeler la concernant qu'elle aime Onfray-, et qui pourrait être en mesure de laver en partie l'image médiatique de Murat. Oups, je m'agace, je m'agace, mais j'ai une excuse, je suis privé de sport...
A propos de Mylène Farmer, il est longuement question de la soirée hommage au Hyperweek-end (on s'en passerait). Et Didier n'élude pas la question de la difficulté de faire admettre les reprises, auprès des fans comme de Pascal Nègre qui aurait dit ce jour-là: "maintenant, on se rendra enfin compte qu'il est presque impossible de reprendre ses chansons". Vous voyez ce que ça m'évoque... Dans cette partie, est mentionnée Biolay interprète de regrets avec Marie-Flore "troublante projection de Murat" (je glisse que Benjamin vient de redire que Jean-Louis était un modèle -je vous mets ça tout en bas).
Le nom de Murat est encore présent au sujet d'Anne Sylvestre, lorsqu'il est question des artistes qui nous la font redécouvrir: "En 2019, Jean-Louis Murat confie aux Inrocks qu'Anne Sylvestre est sa chanteuse préférée et reprend "Un mur pour pleurer", chanson gigantesque qu'il fait alors découvrir aux auditeurs de France Inter".
Pour en revenir au livre dans sa globalité, on apprend quand même des choses de droite et de gauche: pour ma part, une anecdote entre Mitterrand et Balavoine (quelques mois après la rencontre sur une plateau télé), le nombre de fois où Claude François a failli mourir avant de changer son ampoule, et le titre de Libé à sa mort (Claude François : a volté), le sens caché du "jardin extraordinaire" de Trenet, le standardiste de Polydor tué par un "fan" de Mylène alors qu'il y était DA... et quelques beaux souvenirs (son interview anisée de Gainsbourg) ou anecdotes (Jane Birkin, qui débarque à Paris, fille au pair, dans l'immeuble de Piaf, le jour de sa mort...et les photogrraphes la prennent pour F. Hardy...). Je veux mentionner aussi le premier chapitre qui parle des Francos et revient sur la brouille avec Foulquier, ce qui intéressait tant Matthieu Guillaumond, notre grand amoureux de chansons et des ondes publiques. L'occasion donc de reposter cette photo : lui et Didier, avec moi et Marie Audigier... un matin "de concert" (50 ans d'Inter). On était si heureux de fêter ça avec cet événement.
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LE LIEN EN PLUS
Je n'ai pas suivi tout à fait le bon fil pour intégrer l'article ci-dessous à l'article, mais je vais quand même le partager et contrebalancer mon angélisme lebrasien. Vous verrez vous-même le lien avec ce qui est évoqué ci-dessus. Je répète : j'ai fait ce blog en partie par fascination par les contradictions de Jean-Louis Murat et pour le "monstre" qu'est un artiste en général (on en reparlera dans un des prochains articles bibliographiques très rapidement), l'âme obsédée par l'oeuvre à laisser, l'aède décrit par Bayon, "son frère de laid"... plus que par l'artisan. Donc voici ce "et quand bien même!"
Le Monde l'époque, lundi 27 janvier 2025
Le dilemme: Peut-on aimer l’art de ceux que l’on condamne moralement ?
Entre ceux qui appellent à boycotter les créations culturelles d’hommes « monstrueux » et ceux qui veulent « séparer l’œuvre de l’artiste », le fossé n’a jamais semblé si profond. Continuer à aimer l’art de ceux qui nous indignent est une gymnastique tourmentée, constate Valentine Faure
On pourrait raccrocher ce dilemme à l’actualité – celle, par exemple, qui a vu l’annulation de la projection du Dernier Tango à Paris (1972), de Bernardo Bertolucci, par La Cinémathèque, à la suite des protestations d’associations féministes, qui par ailleurs n’en demandaient pas tant (mais plus simplement une contextualisation du film, qui comporte une scène de sodomie simulée, tournée sans que l’actrice Maria Schneider en ait été prévenue). « Personne n’aurait pris satisfaction à voir ce film dans ces conditions-là. Je pense que même les cinéphiles n’ont pas nécessairement envie de se retrouver dans une ambiance de guerre civile. Personne n’a rien à y gagner », déclarait au Monde le président par intérim du Centre national du cinéma et de l’image animée, Olivier Henrard. Mais toutes les annulations, mises en garde, tous les procès et condamnations ne règlent pas – pas toujours – le malaise qui se pose quand on aime, encore, l’art de ceux qui nous révulsent moralement.
L’écrivain et rappeur Gaël Faye parlait le 4 décembre 2024 au micro du journaliste Mouloud Achour, qui lui posait la question : que faire de ces « idoles », R. Kelly, P. Diddy, Michael Jackson, ou plutôt que faire de leur musique, maintenant qu’on sait ce que l’on sait ? « On brûle nos idoles peu à peu , se désolait l’écrivain. On ne peut plus accepter que ces choses-là passent, se dire “ce n’est pas grave”. » Ce n’est pas de boycott dont Gaël Faye parlait, mais du rapport intime que l’on a avec un artiste : « Je n’arrive plus à écouter Michael Jackson. Et je le dis avec peine. Quelque chose s’est brisé en moi. » Pour lui, la question ne se pose pas comme un dilemme : c’est presque à regret qu’il n’arrive plus à aimer ce qu’il a aimé.
C’est justement l’amour qui est au centre de l’excellent essai de l’écrivaine et critique Claire Dederer Les Monstres. Séparer l’œuvre de l’artiste ? (Grasset, 2024), consacré à cette question. L’amour de l’art quand il se teinte de culpabilité, de dégoût, mais quand malgré tout il persiste. L’amour des films de Polanski, en ce qui concerne l’autrice américaine. Claire Dederer admet que, même après avoir appris les crimes commis par son réalisateur préféré, elle prit conscience qu’elle les aimait toujours autant. « Je voulais être une consommatrice vertueuse, une féministe dans les actes, mais, dans le même temps, je voulais être une citoyenne du monde des arts, l’opposé d’un philistin ,écrit-elle dans son dernier ouvrage. Pour moi, la question, l’énigme, consistait à savoir comment répondre à ces deux injonctions similaires, en apparence contradictoires. »
Le récit suit les déambulations de l’autrice dans cet espace où se rencontrent une œuvre, son auteur et son public. On partage les allers-retours de Claire Dederer lorsqu’elle se demande où commence la monstruosité ; si abandonner son enfant pour créer – comme Doris Lessing ou Joni Mitchell – range ces femmes du côté des monstres ; si elle n’a pas adoré ces femmes précisément parce qu’elle les trouvait un peu monstrueuses. S’il peut exister un rapport « vertueux » à l’art. Si elle-même – ancienne alcoolique – n’a pas fait des choses un peu monstrueuses. Si elle n’aurait pas été meilleure autrice si elle l’avait été davantage.
On y trouve de drôles d’idées. Celle de Martha Gellhorn, par exemple, journaliste, écrivaine et accessoirement troisième épouse de Hemingway, qui pensait plutôt qu’ « un homme doit être un grand génie pour compenser le fait d’être aussi répugnant en tant qu’humain » . Que, autrement dit, c’est le monstre qui a besoin de se transformer en artiste, et non l’artiste qui peut tout se permettre.
Et Claire Dederer se demande donc « que faire de l’art des hommes monstrueux » : « La première pensée qui nous vient à l’esprit est de boycotter cet art – la solution progressiste qui consiste à retirer notre argent et notre attention. » Mais nous ne devrions pas aborder ce dilemme en consommateurs, prévient-elle, ni exercer notre moralité par ce que nous choisissons de « consommer » ou non. En fait, « l’art que vous consommez ne fait de vous ni une mauvaise ni une bonne personne. Il faudra trouver une autre manière de vous accomplir » .
A une consommation « vertueuse » de l’art, elle oppose un autre paramètre : la beauté. Principe fragile, si on l’oppose à la moralité. « Et pourtant, la beauté compte.Et on ne décide pas la beauté. Elle nous frappe. »
En 1990, la dramaturge américaine Pearl Cleage publiait l’essai Mad at Miles(« en colère contre Miles », Cleage Group, non traduit) .Elle y examine sa relation – car c’est cela qui nous lie à certains artistes – à la musique de Miles Davis, qui était très violent avec les femmes. Partant de sa propre expérience de victime de violences, elle s’interroge : « Est-ce qu’on peut faire l’amour en écoutant un “vieux disque de Miles”, alors que le jour où il l’a enregistré, il a peut-être passé sa matinée à mettre des baffes dans la gueule de l’une de nos sœurs ? » L’amour de Pearl Cleage est personnel, sa haine l’est également.
Il se passe avec ces œuvres que l’on aime avec tourment la même chose qu’avec les gens que l’on continue d’aimer, même si parfois ils nous blessent. «“Le problème, c’est que vous l’aimez toujours.” Cette phrase décrit des relations si fréquentes avec notre famille, notre partenaire dans la vie, parfois même avec nos enfants, écrit Claire Dederer. Que faire des gens terribles que nous aimons ? La plupart du temps, nous continuons à les aimer tout de même. » Prétendre que cet amour n’existe pas ou qu’il ne devrait pas exister, cela n’aide en rien. Aimez ce que vous aimez, nous dit-elle. Cela n’excuse personne.
LA NOTE DE BAS DE PAGE EN PLUS PROMISE:
Biolay dans les Inrocks:
L’année prochaine, ce sera le 25e anniversaire de ton premier album, Rose Kennedy (2001).
Cela me paraît dingue. Un sacré bail. Surtout par rapport à la durée de vie de certains artistes qu’on écoute encore. Au-delà de la chance incroyable de pouvoir faire encore ce métier, c’est aussi le temps qui permet de constituer une œuvre. Je déteste tellement ce fils de pute de Mark Chapman de nous avoir tué John Lennon à 40 ans, il nous a privés d’au moins 20 ans supplémentaires de la discographie de Lennon. Hubert Mounier, c’est pareil, parti trop tôt. Je pense tout le temps à lui. Regarde la longue discographie de Jean-Louis Murat ou d’Étienne Daho, qui restent des modèles.
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