Inter-ViOUS ET MURAT-ET FRED-ET JENNIFER n°2: MARIE-JEANNE SERERO
Publié le 21 Janvier 2021
A l'occasion de la ressortie en vinyle en décembre dernier d'A BIRD ON A POIRE (disponible au shop) après Fred Jimenez dans l'article précédent, voici donc l'interview exclusive et inédite de Marie-Jeanne Serero.
Un peu à l'ombre (dans "la chronique muratienne"), d'un certain Dickon Hinchliffe, plus connu des critiques rock (par son travail avec les Tindersticks et crédité dans Lilith et Mockba), on ne l'avait guère mentionnée pour l'instant. Et pourtant, elle figure comme arrangeuse cordes de plusieurs titres d'A bird on a poire et de Mockba (7 titres) et son travail y illumine la production muratienne. Même si elle se consacre surtout maintenant à la musique de films et théâtre ("Guillaume et les garçons, à table"...), elle a un CV long comme le bras dans la pop... De Noir Désir (one trip/one noise), Aubert, à Stomy Bugsy, Diams ou Passi, en passant par Pagny et Zazi, ou Era, elle s'est mise au service de toutes les musiques et de leurs messages, ou quand il s'agit de théâtre ou de films, avec l'intime conviction que sa musique était vecteur du message. A un moment où il est question d'activité non-essentielle, ce discours m'a touché. C'est une belle rencontre, émouvante, sensible, avec une personne humble, qui n'est pas tournée vers le passé: elle ne réécoute jamais ce qu'elle a a fait - l'arrangeuse ne m'a donc pas donc arrangé pour l'interview mais on a composé avec!-. Au bout du compte, j'ai peut-être réussi à lui donner envie de le faire... Je lui réserve une petite surprise de deux témoignages en fin d'article (l'un d'entre eux est porteur d'une belle annonce pour les clermontois, pour Didier Varrod et les amateurs de chansons tout simplement...).
Mais pour vous rafraîchir la mémoire, presto commençons par écouter du Bergheaud/Serero/oiseaux (alla fine), avec ce contraste entre une guitare très résonnante et métallique et les cordes douces du violon…
- Encore une fois merci de m’accorder un peu de temps.
M.J. SERERO : Ça me fait très plaisir de revenir là dessus, mais je ne savais pas que c’était en 2004. Cela fait si longtemps … 2004 vous m’avez dit, c’est fou. [2004; sortie du disque, peut-être même 2003 pour l'enregistrement]
-Alors je ne demande pas de vous présenter, et je débute donc directement sur votre intervention dans « a bird on a poire ». C’est a priori Marie Audigier qui vous propose. Est-ce que vous la connaissiez bien ? Vous aviez déjà travaillé avec elle ?
M.J. SERERO : Oui, je pense. J’avais déjà fait des albums avec elle avant même qu’elle aille chez Naïve peut-être. Je faisais beaucoup d’arrangements à l’époque. On s’entendait bien.
[NDLR: Nous avions eu un premier échange la veille par téléphone, et je lui ai donné des nouvelles de Marie au Congo, de Jean-Louis Murat. Elle me demande s'il lira ses propos, elle l'espère. J'en profite pour signaler que Marie Audigier était très fière cette semaine d'annoncer qu'elle était nommée Chevalier dans l'ordre national du mérite. Félicitations à elle. Jean-Louis est lui chevalier des arts et lettres]
- J’ai vu que vous aviez notamment travaillé pour elle avec Marie-Jo Therio qui était une de ses protégés… C’était sans doute à ce moment-là, l’album sort en 2005.
M.J. SERERO : Oui, Marie-Jo… mais c’est loin.
- Comment s’est fait la rencontre avec Murat ?
M.J. SERERO : Je pense que Marie a dû donner mon numéro de téléphone à Murat, il m’appelle et me demande de passer au studio dans lequel il travaillait. J’étais bien sûr très contente et je réponds favorablement. Je travaillais beaucoup et comme il me disait qu’il était en studio toute la journée, j’ai dû passer deux ou trois heures après. Je n’y suis pas allé dans le quart d’heure qui suivait. Et je crois que je l’appelle, je m’en souviens maintenant, et l’accueil a été un peu...glacial. Il me dit comment ça se fait d’être aussi en retard. Bon, on avait dû mal se comprendre, mais ça a commencé comme ça et j’y suis allée mais en étant un peu raidie, un peu embêtée… alors que je m’en faisais une joie. Et bon, quand j’ai pu écouter les titres, on a parlé, la communication a été tellement formidable, douce et fluide, sans heurts, on s’est détendu et on a compris qu’on était tous les deux des êtres fragiles, tout débordant d’envie de faire de la musique. Donc, je pense qu’on était un peu gêné de tout ça… Enfin, voilà, c’était pas banal comme rencontre. Ça a démarré un peu comme ça de façon un peu intense, comme ça pour rien.
- Est-ce que vous avez travaillé sur des bandes démos ou à partir du matériel enregistré ? Murat a l’habitude de dire qu’il travaille beaucoup avant le studio. Est-ce qu’on vous donne des consignes particulières ?
M.J. SERERO : Oui, je pense, pas forcement, pas les voix encore, ou juste les textes sur les guitares… mais non, je ne me souviens pas très bien. Mais il avait à cœur de me montrer l’univers. Et puis, j’entendais, ressentais la fragilité de son univers et ça me parlait énormément. Et Frederic était là, je parlais avec lui de façon plus technique, plus concrète, et avec Jean-Louis c’était complètement dans la poésie de ce que véhiculait ses textes et son univers. Ça se passait de mots et c’est ça qui me plaisait. Et après, ils sont venus dans mon appartement tous les deux, Jean-Louis est arrivé avec un immense bouquet de fleurs, c’était tellement gentil, tellement incroyable. Et puis, j’étais au piano, j’avais un tout petit bureau à l’époque avec mon synthé, un ordinateur. Je leur ai joué ce que j’avais imaginé, les arrangements au synthé, les cordes. J’ai senti qu’ils étaient heureux. Et moi aussi forcement. Ça s’est passé très vite. C’était une évidence.
- Vous vous rappelez combien de temps vous y avez travaillé ?
M.J. SERERO : Je mets très peu de temps, je vais très vite… Enfin, je vais très vite ou… c’est que ça ne fonctionne pas. Mais quand je dis oui, c’est que je sais que ça peut faire. D’un autre côté, je dis que je travaille vite, mais il y a tellement d’années de «travail», d’écoutes et d’univers dans la tête avant. Et avoir fait le conservatoire, on analyse vite. Après, c’est simplement se câbler sur l’essentiel: ce qui ne se comprend pas théoriquement, mais sur le plan du sensible et c’est ça qui me fait le plus plaisir, et qui m’a fait plaisir chez Jean-Louis et Frederic, c’est que cette chose-là a marché. Techniquement, je savais que je pouvais faire les choses, mais ce n’est pas là où on m’attend.
Pause musicale: A bird on a poire, les cordes arrivent tout en douceur à partir du trentaine de secondes, pour accompagner la guitare (on a du mal à imaginer que ce n'est pas celle de Jean-Louis, bravo Fred) et finissent par entourer les amoureux de toute leur douceur. L'amour du matin m'évoque forcement cette grande chanson d'un autre suisse: Prière du matin avec des cordes elles aussi magnifiques.
- Et est-ce qu’on vous donne un budget qui vous permet de dire : j’écris pour trois, quatre, huit… violons, un orchestre… ?
M.J. SERERO : Je pense que pour cet album, on avait 10 cordes, ce qui était quand même beaucoup déjà. [8 violons et alto], mais je n’ai jamais eu besoin de beaucoup de monde. J’ai toujours pensé qu’un petit bateau va plus vite. Ce qui compte, c’est d’écrire, et même si j’écris pour 45 musiciens, ou qu’on est peu, ça n’a pas d’importance. Je n’ai pas la folie du grandeur par rapport à tous ça.
- Mais là, donc, si vous avez 8 musiciens, c’est qu’avant, on vous a dit : vous avez tel budget ?
M.J. SERERO : Oui, à l’époque, il y avait du budget*, mais si on m’avait dit qu’il n’y a que 4 musiciens, j’aurais écrit exactement la même chose…
*""un demi-budget" disait Fred, financé par JL en partie, mais avec la volonté donc d'en faire un maximum. Ça fait donc de ce disque le premier que Murat autofinance (même si juridiquement ce n'était pas une "licence", comme c'est le cas désormais.
- Est-ce qu’il y a quand même une question de puissance, de force qui nécessite un certain nombre de cordes? Vous avez arrangé plutôt des morceaux lents, est-ce que des chansons avec plus de tempo, nécessiteraient plus de musiciens peut être ?
M.J. SERERO : Non, peut-être que ça aurait nécessité d’avoir moins de monde pour plus de précisions. Plus on est nombreux, plus on peut écrire des choses romantiques, plus on a besoin de rondeurs dans le son, mais si c’est des choses plus pop, plus rythmiques ou plus sèches, moins on est, mieux on se porte. Avec des bons rythmiciens, des petites sessions, plus serré, c’est mieux.
- Sur mockba, vous avez juste un quatuor alors que l’autre arrangeur a 14 musiciens…
M.J. SERERO : Oui, ça dépend des titres.
- Mais lui a des chansons plus rythmées.
M.J. SERERO : Ça dépend. On peut aussi avoir beaucoup de musiciens et n’en faire jouer que la moitié. C’est un luxe qui est parfois nécessaire, mais qui parfois ne sert pas la musique. Donc c’est titre par titre qu’il faut imaginer. Parfois, il y a une écriture avec des cordes divisées où il faut 8 notes par accord et d’autres où il faut juste une note avec des unissons auquel cas il vaut mieux que quelques instruments. Vraiment, ça dépend. Quand il s’agit de ne faire qu’un raie de lumière très aigu on peut faire jouer à plusieurs V1 ou plusieurs V2...V1, V2, même s’il y avait une dizaine, une douzaine ou 14 musiciens pour faire une ligne, ça peut être intéressant. Parfois, c’est juste un solo, parfois un duo, parfois c’est un quatuor. Ça c’est vraiment l’étude de l’orchestration qui permet d’affiner le discours en fonction des titres, de ce qu’on a écrire. On m’a souvent demandé : c’est quoi ton effectif ? Et bien, ça dépend de ce qu’on a à écrire. Mais je n’ai pas d’effectif type. C’est juste ce qu’on apprend à l’orchestration. Ce n’est pas les musiciens qui font la musique, c’est la musique qui implique un nombre de musiciens. Que ce soit pour Jean-louis, ou pour toutes les musiques qu’on peut faire. Et moins il y a de musiciens, plus c’est dure. Parce que quand il y a beaucoup de musiciens, c’est plus facile de faire sonner qu’un petit ensemble où tout voix compte, doit être à nue.
- Excusez en tout cas mes questions très candides, je ne suis pas du tout musicien.
M.J. SERERO : Non, non, au contraire, c’est moi, peut-être que je suis trop technique, mais je suis professeur vous savez, et j’adore ce métier, et j’adore expliquer, et m’expliquer à moi-même comment les choses se font, parce que je les étudie et j’enseigne l’orchestration, donc tout ça me passionne.
- Oui, très bien, d’ailleurs, n’ayez pas peur d’aller les choses techniques pour les passionnés comme vous, même si ça sera du chinois pour moi !
M.J. SERERO : Oui, mais après ce qu’il faut retenir de ça, c’est qu’il n’y a pas de règles. C’est la musique qui implique un effectif et pas l’inverse.
- Donc pour poursuivre sur mes questions candides, je me demande parfois en écoutant certains titres si les cordes sont faits par ordinateur et synthés ou s’il y a des vrais instruments, est-ce qu’on peut s’y tromper ?
M.J. SERERO : Oui, oui, on peut s’y tromper, d’autant qu’à notre époque, en fait, on fusionne les deux. Il n’est pas rare d’avoir la maquette mélangée à des vrais cordes. On met les cordes un peu plus au dessus de façon à humaniser le son qui pourrait être un petit peu droit, et puis certains maquettent tellement bien que parfois, c’est même mieux… mais très souvent, notamment dans les musiques de film, on fusionne les deux. Et puis, il y a des musiques où le fait d’avoir un vrai son n’est pas intéressant parce que ça apporte quelque chose d’humain qui n’est pas nécessaire, c’est au contraire une musique qui nécessite une distance et un son très droit, un peu sans vie, un son blanc, un son plat et donc des cordes en skaï sont presque mieux que des cordes vivantes. Ça dépend des propos.
- C’est bien que ce ne soit pas qu’une question de budget...et on aura toujours besoin de vrais musiciens.
M.J. SERERO : Oh, oui, j’espère, j’espère et évidemment, mais je pense qu’on peut arriver aujourd’hui à mêler les deux. L’un n’empêche pas l’autre. L’un peut arranger l’autre. Avoir des fausses cordes permet d’apporter de la rondeur, comme un fond synthétique un peu large et le fait de rajouter devant des cordes avec des gens qui jouent, avec leur sensibilité, le timbre, le vibrato, le fait de mélanger les deux, ça peut être très intéressant. D’ailleurs, ce n’est pas que ça peut être intéressant, c’est ce qui se passe.
-Vous écrivez vous même avec un synthé et un ordinateur ?
M.J. SERERO : Oui, oui… enfin, j’écris avec le crayon, mais je maquette beaucoup aussi. Je fais les deux. En fait, je maquette avant de faire écouter au réalisateur, au producteur, et une fois qu’il valide, je peux faire jouer puisque tout est écrit, et je peux aussi me servir de la maquette en complément. Ça dépend des projets.
- Les sessions étaient au studio davout aujourd’hui disparu. Est-ce que c’était un studio particulier ?
M.J. SERERO : Oh oui ! Oh oui ! C’était absolument extraordinaire, d’abord, parce qu’il y avait DES studios, y avait du bois, il y avait du marbre, ça dépendait des endroits, il y avait celui du haut qui était un peu marbré et brillant, où tout était, oui, très brillant et une acoustique très vive, qui réagissait comme ça, très vite, et celui du bas qui était en bois, très grand, très spacieux,donc pour des musiques plus larges où on pouvait écarter les musiciens ou au contraire les resserrer. C’était passionnant. Il y régnait une atmosphère…
- Je crois que Michel Legrand l’aimait beaucoup..
M.J. SERERO : Oh oui… On était toujours là-bas. IL y avait Olivier Kowalski qui administrait et Marc Prada qui était là, et on sentait beaucoup d’amour. Ils nous entouraient du plus vif intérêt, comme s’ils se faisaient un point d’honneur que tout marche bien pour nous, que les projets soient bien amenés à bon port. C’est rare de sentir ça. Ce n’était pas simplement un studio où on passe et on s’en va, il y avait toute une vie, on y mangeait, on prenait du thé, on s’installait, on discutait, on vibrait, on avait le trac, oui, je me souviens, il se passait beaucoup de choses. C’était tellement intense. C’était une époque. Je pense qu’on était conscient de l’importance de créer, de faire, d’être heureux dans ces moments-là et on l’était vraiment. Je dis ça au passé, ça ne veut pas dire que c’est fini mais aujourd’hui il y a le covid, ça ralentit les choses… Et puis après il y a eu beaucoup de choses, avec graines de star, Star academy où tout d’un coup, on crée un produit, on fait sortir des gens qui vont durer un an, deux ans… et Jean-Louis c’était quelqu’un qui « était là » pour toujours et qui avait encore pleins de choses à dire. Il y a les grands et l’éphémère, et tout le travail des grands qui donnaient leur vie, voilà c’était ça qui se jouait dans ces endroits-là. J’ai vu ce carrefour, j’étais là… J’ai vu aussi l’arrivée du rap, j’étais là, en 91/92, où les gens disaient : ça va passer… Mais non, ça n’est pas passé, c’était un vrai combat, un vrai sujet d’actualité. D’un côté il y avait Jean-Louis, avec les textes, la poésie, le beau français… Tout ça s’est côtoyé.
- Oui, vous figurez dans des disques de rap français célèbres…
M.J. SERERO : Oui, j’étais au début des rappeurs, avec DJ Medhi , et il y avait une vraie passion, on n’avait pas peur d’aimer fort et de le dire et de le partager.
- Est-ce qu’il y a d’autres studios que vous avez aimé ? J’ai vu le Guillaume Tell ?
M.J. SERERO : Pas celui-là en particulier, plutôt Ferber et surtout le davout, c’était les deux grands, mais Davout j’ai dû faire 20 ans là bas, et Ferber, j’y suis allé un petit peu moins. Je suis une fidèle vous avez, maintenant, je vais à Ferber. G. Tell, je n’ai pas eu d’attachement particulier. Et sinon, il y avait pleins de petits studios.
- Vous n’êtes pas à proprement parlé une spécialiste des «cordes», violoniste...
- Est-ce que le travail spécifique sur les arrangements corde est particulier pour vous ? Dickon Hinchliffe est formée au violon par exemple. Vous partagez avec lui les arrangements corde du disque suivant « mockba ».
M.J. SERERO : Non… Disons que dans la pop, à moins de faire du big band comme j’ai fait parfois, il n’y a pas beaucoup d’arrangement de bois, très peu. Quand on veut arranger, ça peut être ou des chœurs, et dans la pop, c’est souvent 3 nanas qui vont chanter et harmoniser, j’ai pu le faire comme pour Diams ou pour des rappeurs, mais dans le symphonique, on va plus souvent me demander des cordes que des bois. Et les cuivres, bon, c’est souvent sur les big band ou des sessions de 3 musiciens qui en général harmonisent très bien ensemble, sax, cors, trombone ou trompette, en voicing, un petit peu en impro. Ça m’est arrivé d’écrire, par exemple, pour les Lilicub, on est allé à Pragues, ils avaient besoin d’un symphonique, ils avaient quand même besoin de sax, on avait un quintet [en écoute ci-dessous]. Moi, dès qu’il y avait un symphonique, j’étais présente, mais dans la pop, on demande surtout des cordes.
- Est-ce que ça vous a amené quelque chose dans votre travail de prédilection ces emplois dans la pop, la variété? Et c’est vrai que vous avez fait beaucoup d’extras dans la variété, avec des produits dont vous parliez : L5, Eve Angeli ? Vous pouvez me dire que c’était alimentaire…
M.J. SERERO : Oui, j’aurais droit de le dire, mais je pense que j’ai eu une formation très classique, je suis rentré au CNSM à 12 ans, et avant à 6 ans dans un conservatoire, j’ai tellement bossé dans le milieu classique, je n’avais qu’un rêve, celui de s’émanciper et de découvrir d’autres musiques, les musiques du monde, que ce soit de la variété, rap, word music, toutes sortes de musique . J’avais l’impression d’avoir été frustrée de ne pas pouvoir « voyager ». Je me disais : le conservatoire de Paris, c’est génial mais si ce qu’on y apprend me sépare de toute un monde culturel et social, alors j’ai l’impression que quelque chose me manque. J’ai eu envie de prendre un bain, de partager des sensations et de ne pas être séparée dans une cage dorée, comme la musique savante, classique peut le faire. J’étais formée de cette manière là mais mon cœur est plus libre et plus ouvert que ma formation. Et c’était un cadeau pour moi que de gens venant d’un autre univers que ma formation vienne vers moi pour arranger leur musique et même un honneur, et je pense que eux de leur côté ils se disaient, oui c’est quelqu’un qui a fait le conservatoire mais qu’ ils n’ont pas vu chez moi la raideur. J’espère leur avoir fourni quelque chose qui pouvait magnifier un petit peu par endroits modestement leur musique et j’étais heureuse que mon savoir puisse aller aussi dans ces endroits-là. C’était comme si j’enlevais les frontières sociales de la culture populaire et de la culture dite savante et connotée bourgeoise. Il y a un peu de ça. J’essaye d’analyser. Et finalement, je n’ai jamais senti qu’il y avait de fossé quand j’arrange pour Jean-Louis ou pour d’autres, je sentais que ça fonctionnait bien. Si un rappeur me demandait d’écrire pour un orchestre symphonique, ou AARON d’aller à Bruxelles pour enregistrer un grand symphonique, quel bonheur [en écoute ci-dessous]… et je n’ai pas l’impression d’avoir écrit du Beethoven ou du faux Schubert derrière leur musique mais vraiment avoir essayer de se lover, c’est vraiment le mot, dans leurs harmonies, leur énergie qui me parlaient vraiment. Et j’ai eu l’impression que j’ai eu plus de problèmes au conservatoire en ayant cette capacité de passer dans d’autres mondes que l’inverse. Ça a gêné beaucoup plus le conservatoire que je m’ouvre à d’autres, ils trouvaient ça suspect et moi, c’était tellement normal, tellement un cadeau.
- J’ai vu que vous aviez travaillé sur un disque de DUTRONC, Jeanne Balibar et Rodolphe burger
M.J. SERERO : Oh oui, formidable rencontre, oohh!
- Avec derrière la vitre le célébre Ian Capple qui a enregistré un des plus grands albums de pop française : fantaisie militaire de Bashung.
M.J. SERERO : Extraordinaire !… Je pense que c’est Marie Audigier qui m’avait fait rencontrer Rodolphe… Extraordinaire rencontre. Bouleversante pour moi. Et avec Ian Capple. Il était venu à la maison, avait mixé extraordinairement, on avait enregistré dans une église* un quatuor à cordes, c’était toujours l’orchestre de Radio France et c’était génial. On travaillait dans la ferme de Rodolphe, dans les Vosges, ça a été extraordinaire. [*NDLR : peut-être l'Eglise où Jean-Louis a chanté invité par Rodolphe Un live de kat Onoma y a été aussi enregistré]
- Est-ce qu’il y a eu d’autres rencontres marquantes ?
M.J. SERERO : Non, là avec Rodolphe, vous pointez du doigt une rencontre qui m’a bouleversée. Et après les autres rencontres fortes, ça a été dans le monde du théâtre. C’est autre chose. Et pourquoi le théâtre, parce qu’il y a des textes. Et moi, je vois là le fil conducteur.
Pause musicale : écoutons du coup le fruit de cette belle rencontre, ici, les cordes sont plus discrètes. Cet album avait été un beau succès avec 30 000 exemplaires vendus et selon certains, avait suscité une vague de disques d'actrices (ah, bein, bravo!)
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On a cité le nom de Dutronc? De Dutronc, passons à Françoise Hardy: dans ses 3 chansons favorites de Murat en 2010 (interview ici), elle citait : "Elle était venue de Californie"! Signée Murat/Jimenez et Serero! Et on peut dire qu'elle connait la chanson, isn't it? '
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Reprenons!
- Et dans l’univers du classique, dans votre CV, il y a un très grand nom: celui de Rostropovitch? Vous l’accompagniez au piano durant combien de temps ? Que pouvez vous nous dire de cette rencontre ?
- J’avais 22 ans, à l’abbaye de Fontenay, il m’avait demandé de l’accompagner pour un concert pour Marc Meneau, le cuisinier, un gastronome extraordinaire. Il y avait 800 personnes et moi, j’accompagnais Rostropovitch. C’était une rencontre déterminante. Après il m’avait demandé d’être chef de chant au festival d’Evian, je faisais travailler les chanteurs d’Opéra sous sa baguette, car j’étais aussi chef de chant pour l’opéra. Je l’avais rencontré lors d’une audition où j’avais accompagné une cinquantaine de chanteurs et à l’issue de l’audition, il m’avait demandé d’abord d’être chef de chant dans ce festival, et j’étais renversée, enfin, vous imaginez, à 22 ans, c’est fou. Mais je me rendais pas du tout compte. Et après, j’avais aussi pu rencontrer son luthier, Vatelot, je crois qu’il est mort maintenant… Ça remue, des moment de vie. Vangelis, aussi, avoir enregistré, mixé là-bas [NDLR: Orchestration pour le concert donné par la cantatrice Montserrat Caballé et l’Orchestre Symphonique d’Athènes (composition Vangelis)]. Franchement, c’est sur qu’il y a des listes que je revendique pas, qui sont alimentaires, je ne veux pas citer de noms. Par contre l’exercice d’arranger, j’ai toujours mis toute mon implication pour le faire, même si le support, je le trouvais limite. Bon, disons pour Eve Angeli, je ne me rappelle pas de la chanson, mais je suis sûr que j’ai pris du plaisir et j’ai dû m’appliquer à faire quelque chose de joli, même si c’était alimentaire, mais sans mépris. Arranger, c’est comme une invitation à faire une jolie décoration dans une maison qui a été pensée avant. Ce n’est pas un sous-métier et ça m’a permis de découvrir pleins de milieux.
- Entre le monde de la pop, de la variété et celui du classique, du cinéma ou du théâtre, est-ce que vous voyez des différences fondamentales chez les « créateurs » que vous rencontrez? Je me disais qu’il y a peut-être plus d’humilité dans le classique par le travail quotidien qui est nécessaire… ou bien quelque que soit le milieu, il faut un ego tout à fait particulier pour émerger ?
M.J. SERERO : Non, L’égo, il est omniprésent et peut-être qu’il est nécessaire, parce que c’est extrêmement dure, et que l’égo, l’orgueil ou la vanité sont des moteurs. Pour moi, il me semble que c’est la passion, et je revendique tellement toutes ces années de travail par rapport à mon crayon, il est mis dans cette passion que j’ai mis et que je continue à mettre, et quand il est entendu ou un petit peu reconnu, rien ne peut me faire plus plaisir.
- Mais vous, vous vous mettez au service de quelqu’un…
-M.J. SERERO : Oui, et même la composition, ou au service d’un film… et cette humilité, je pense que dans le classique, on l’a parce qu’ on travaille sur un texte, et même si c’est un film, ou une pièce de théâtre, on travaille sur un texte, et la musique doit le magnifier. Et en tout cas, on n’est pas seul sur une île déserte, à exprimer quelque chose avec un ego qui pointe, on est toujours en relation. Si je peux définir ce que j’ai fait tout le temps, c’est d’être en relation avec, et il n’y a que ça qui m’intéresse, c’est de me dire que la musique elle est là pour tirer un trait de jonction, un lien avec autrui, un lien vers une autre œuvre d’art. C’est un art appliqué, en ce qui concerne le théâtre ou le cinéma. Je n’ai pas eu envie d’écrire pour être jouée salle pleyel et que les gens viennent pour écouter la musique de Marie-Jeanne Séréro. Je n’ai pas cet égo là. Par contre, faire une musique d’auteur à auteur humblement, en relation avec un sujet et d’être portée par le sujet, voilà la continuité avec l’arrangement. Pour moi, c’est exactement la même dynamique. Alors que peut-être qu’un compositeur a 100 % des droits, et quand on est arrangeur 10 ou rien du tout, mais mentalement, on part d’un texte, d’une composition, idem pour un film, on part d’une époque, on est soumis à une direction, que ce soit la direction des images, ou d’un ressenti du réalisateur, ça ça m’intéresse. Vous voyez bien le lien qu’il peut y avoir entre les deux.
- Pour en revenir à Murat, quelques mois plus tard, Murat fait de nouveau appel à vous pour Mockba ?… en partageant les orchestrations avec Dickon Hinchliffe…Vous le connaissez?
M.J. SERERO : Oui, de nom.
- Vous arrangez toujours sur les morceaux les plus doux. Et sur cet album-ci, c'est sans doute l'album où les cordes sont le plus présente. Votre travail est remarquable.. Après le grand cinéma de Dickon sur la fille du capitaine et son grand orchestre, Votre quatuor accompagnent la guitare et la voix de Murat notamment sur la fille du fossoyeur, sans basse, ni batterie, et Murat leur laisse aussi une grande place : avec des intro d’une vingtaine de chansons. Est-ce que vous vous rappelez de ce travail ?
M.J. SERERO : Non, je ne l’ai pas réécouté. Je ne réécoute pas le passé (silence). C’est comme ça. Je le réécouterai peut-être…
- En tout cas, dans l’œuvre de Murat, / et on voit aussi toute l’importance de ces cordes dans les titres orchestrées de Beranger par rapport aux chansons très nues figurant dans l’album suivant.
M.J. SERERO : En tout cas, je le remercie de les avoir mis à l’honneur et de m’avoir fait cette petite place.
- Murat disait que les compositions de Fred étaient complexes (je cite avec des diminués et des septième) par rapport au sienne qui n’utilise que 2/3 accords… on sent du coup que peut-être cela vous laisse plus d’options ?
M.J. SERERO : Ça m’est égal. Je dirais que moins il y a d’accords, plus il y a du challenge pour développer, trouver des idées. C’est aussi peut-être ce qui m’a plu dans le rap. Il n’y a souvent que deux accords pendant 7 minutes. C’est long pour faire du développement. Et je crois qu’on a trouvé un système de juxtaposition, en kit, avec des éléments, pour créer des développements. Mais non, ça me dérange pas que la grille soit simple, ça me challenge davantage.
- On voit sur l’almanach amoureux, une rengaine très répétitive que tout le sel musical est apporté par les cordes…C’est vraiment très beau.
M.J. SERERO : Ah, super, je vais réécouter. Ça me donne envie de réécouter.
- Votre actualité ? [on pourra se reporter à son site personnel pour plus de détails]
M.J. SERERO : Je suis à la fois chanceuse parce que j’enseigne au CNSM pour l’orchestration, aux métiers du son, et j’enseigne la composition à l’image et j’enseigne au Conservatoire international. Je suis des jeunes qui ont une vingtaine d’années. J’ai une quarante, cinquante étudiants dont je m’occupe en visio quasiment tous les jours de ma vie. C’est une grande chance, j’espère pour eux et en tout cas pour moi. J’ai toujours enseigné… Et à côté de ça, les pièces de théâtre que j’ai pu faire, les 3 ont été interrompus, mais pourront peut-être reprendre en avril et en septembre, et sur ce point, ça va. Et je termine une musique pour un film qui s’appelle « composer les mondes » avec un anthropologue Philippe Descola, et c’est sur «Notre-Dame des landes », ce combat pour essayer de vivre autrement, donc c’était intéressant. J’ai aussi d’autres projets de films, même si tout est au ralenti. Et puis, j’ai pu travailler sur 2 albums, quelques titres pendant cette période.
Donc ça va, ça va mais maintenant, c’est triste ce qui se passe. Je suis inquiète, et je vois l’insécurité pour beaucoup. Ça me fait de la peine.
Et pour mon fils aussi qui veut faire ce métier également. Il a 20 ans et il se forme actuellement. Surtout, je sais ce que j’ai vécu, je sais le plaisir que j’ai eu, je pense que ça ne se fait plus exactement de cette façon à cause d’un problème économique, et ça m’inquiète beaucoup, la facture de la musique, aujourd’hui, qui si elle n’est faite qu’avec de l’électronique, si on ne mêle pas les musiciens ou trop peu, ça peut avoir des incidences. Enfin c’est comme ça, le monde change mais on ne pourra pas enlever ce que l’humain a à dire, on ne peut pas faire l’impasse , et j’espère que tous les artistes vont tenir bon, et avoir pleins de choses à se raconter après ça.. J’espère qu’on va se retrouver, j’ai hâte…
Avant dire dire au revoir à Marie-Jeanne, voici quelques mots qui lui sont adressés d'Auvergne...
LA CONNEXION AUVERGNATE EN PLUS:
Marie-Jeanne Serero a collaboré avec d'autres auvergnats...
1) Dois-je représenter Christophe Adam? vraiment? Alors vite fait alors (vous retrouverez d'autres éléments ici) : CHRISTOPHE ADAM, pas le pâtissier, grand chef de French Kiss, producteur notamment du dernier Garciaphone, ex-Sales Gosses, Fafafa, et grand frère et oreille avisée de la toute la branche Kütü, nous dit quelques mots (j'évoquais Varrod en introduction car ce dernier parlait de l'album "la grande muette" de C.ADAM comme le plus beau disque de 2001). Après avoir évoqué la mémoire de Matthieu tous les deux...
"C'est bien Marie Audigier qui m'avait donné son contact. Cela a été une expérience fantastique pour moi, elle a su instantanément se coller à mes morceaux. Nous sommes allés, avec Daniel Larbaud, chez elle, pendant deux jours lui faire entendre les chansons et tout a semblé couler de source. J'ai l'espoir secret de croire que mes chansons lui parlaient. C'est étrange que vous me parliez de cela, car pas plus tard que la semaine dernière j'ai demandé à Pascal Mondaz de bien vouloir mixer quelques titres de ce concert avec quatuor à cordes que nous avions faits grâce à Jacques Madebène Directeur du Sémaphore à Cébazat. Je suis retombé sur cet enregistrement en revenant du Luxembourg dans la voiture d'un ami ingénieur du son (Emmanuel Perrot) qui avait cela dans son disque dur. Je ne me sens pas capable de mixer cela moi même, c'est trop difficile d'entendre la voix de Christophe Pie durant les sessions mais ce que j'ai entendu ce jour là m'a paru formidable. Je veux donc essayer d'en faire un 6 titres en vinyle si mes moyens me le permettent. Pour en revenir à Marie Jeanne, c'est une des personnes les plus exquises avec qui j'ai eu l'occasion de travailler et qui jusqu'au bout de ce projet n'a rien lâché jusqu’à ré-écrire des partitions le jour même du concert. Une grande dame que j'aurai plaisir à revoir et avec qui je rêve de refaire de la musique. I'm a lucky guy".
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Marie-Jeanne en Auvergne au Sémaphore. 2006
Critique 4 étoiles du concert par P.Andrieu
Voilà Marie-Jeanne: tu as laissé des beaux souvenirs à Clermont, et tu fais partie des rêves de certain... On peut rappeler que la production solo de Christophe Adam n'est pas très riche, et un groupe facebook avait même été créé 10 ans après "la grande muette" : "Le groupe de pression pour que Christophe Adam ressorte enfin un album". C'est donc une grande nouvelle que ce projet de vinyle. Un disque est disponible chez SOPHIANE PRODUCTIONS et Annick Clavaizolle; "live in Coopécabana". (on peut aussi acheter du Rogojine, du Denis c., le premier cocoon... il faut passer par Contact pour commander).
2) J'avais remarqué dans le CV de Marie-Jeanne un disque d'YVAN MARC. Je le croise souvent dans mes recherches car le nom de Jean-Louis Murat lui est souvent accolé dans les articles (il se revendique "cousin" dans sa bio, et pas seulement parce qu'il est de la Haute-Loire, ex-auvergne). Il avait assuré une première partie de Jean-Louis en 2013 (compte-rendu d'un mauvais soir : festival Les oreilles en pointe en Ondaine-42). J'ai interrogé Martial Semonsut, qui a produit le disque en question. Martial joue avec Yvan depuis longtemps et fait partie des HIVER POOL, un groupe dont on va reparler rapidement ici, je ne vous dis que ça, mais c'est énorme -enfin, j'espère-normalement-restez connecté-teaser...
Martial Semonsut: Oui, c'est suite au travail entendu avec JLM et aussi les bons conseils de Christophe Adam qui avait fait appel à Marie Jeanne. Marie Jeanne est une personne avec une grande sensibilité pour la musique, c'était très facile de travailler avec elle car c'est quelqu'un de très investie dans ce qu'elle fait et vraiment à l'écoute du projet. Pour la petite anecdote, je ne lis pas l'harmonie, je fais tout d'oreille, donc je lui chantais des phrases musicales ou des contre- chants que j'avais en tête et elle écrivait aussi tôt sur papier les arrangements pour toutes les cordes, c'était chouette de vivre çà!
Je laisse le dernier mot à Marie-Jeanne. Avez-vous un rapport particulier avec l'Auvergne?
M.J. SERERO : Non, pas vraiment... Je me souviens de ces maisons, ces jolis maisons d'artistes comme ça, ces ateliers qui vibrent de musique, ces musiques qui sont sur le sol, sur les murs, partout, qui sont poésie. Voilà ce que j'ai aimé, ce que j'ai ressenti, des gens tellement sincères, n'ayant pas peur de leur fragilité mais ayant beaucoup de foi dans leur expression. C'est le point commun que j'ai pu trouvé. Pour Christophe Adam, je me souviens que c'était une écriture pas facile, comme toujours pour ces titres-là, parce qu'il y a peu d'éléments, on peut aller partout. Il faut vraiment créer des branches à cet arbre. Et je me souviens d'une grande gentillesse, une énorme gentillesse.
Avec Yvan Marc, on peut entendre le travail de Marie-jeanne sur des chansons rythmées :
Interview réalisée par téléphone (janvier 2021). www.surjeanlouismurat.com J'ai choisi une retranscription le plus proche possible de l'oralité afin de rester fidèle à la rencontre.
Je vous laisse d'ailleurs avec la voix et l'image de Marie-Jeanne Serero au travail dans son bureau, telle que je l'ai entendu moi aussi il y a quelques jours; dans la vidéo, peut-être plus confiante et sûr d'elle-même car plongé dans "le présent d'un travail". Et Désolé pour le Voyage de Noz! Je ne vous ai pas placés : punition! J'attends toujours de pouvoir écouter votre nouvel album! na! Quant au storytelling,le nom n'y est pas mais Marie-Jeanne Séréro m'a rappelé que la musique avait "un message" et que ce n''était pas que du marketing.
SITE PERSONNEL de Marie-Jeanne Séréro:
https://www.mariejeanneserero.fr
merci, Marie-Jeanne! Merci Christophe et Martial!
LA MUSIQUE EN PLUS
Voici un petit panel d'arrangements réalisés par Marie-Jeanne Séréro (un peu au hasard -mais bizarrement il n'y a pas Eve Angeli- et également ceux dont elle nous a parlés: le rap, Aaron, Lilicub... et Murat...)
Jean Théfaine (CHORUS):
A peine a t-on eu le temps de se familiariser avec le contenu de ses précédentes malles au trésor – Le Moujik et sa femme, en 2002 ; Lilith, en 2003 ; A bird on a poire et le DVD Parfum d’acacia au fond du jardin, en 2004 – que revoilà Jean-Louis Murat, caracolant en grand équipage, les poches pleines de nouveaux louis d’or.
Dans la première bourse, Moscou, il y a quatorze titres. Dans la seconde, 1829, en téléchargement payant dès le 14 mars sur internet et dans les bacs le 3 mai, il y a onze textes du grand chansonnier (du XIXe siècle) Pierre Jean de Béranger. Dans la troisième, on découvrira (en commande exclusive sur son site www.jlmurat.com) 1451 : un poème inédit de mille vers décliné en un CD de 26 minutes et un DVD de 38 minutes – le tout glissé dans un livre illustré par Murat lui-même ! Vous suivez ?
Moscou, donc, est le premier lot proposé. Une suite au Moujik et sa femme, penserez-vous. Pas si simple. On y parle bien de foulard rouge, de troïka, d’isba, de retraite de Russie, mais de façon tellement impressionniste et allusive qu’on est fort loin de la fresque enneigée.
Côté écrin, ce qui frappe d’abord, c’est que Murat renoue avec des climats où cela respire large, aérien, à fleur de peau. Fred Jimenez (basse et chœurs) et Stéphane Reynaud (batterie et percus) sont, bien sûr, de la fête, mais le « power trio » a enrichi sa palette. C’est ainsi que des cordes en majesté illustrent sept titres ; amples et crépusculaires (Le Désert, La Fille du capitaine, Colin-maillard) sous la direction de l’Anglais Dickon Hinchliffe, des Tindersticks ; romantiques et délicatement ornées sous celle de la Française Marie-Jeanne Séréro (Foulard rouge, La Bacchante, La Fille du fossoyeur, L’Almanach amoureux).
Spontanément, c’est le qualificatif somptueux qui vient sous la plume, pour désigner ce énième ovni de l’irréductible auvergnat, dont la course folle est de plus en plus fascinante ! Car aucun autre artiste n’a cette capacité à produire encore et encore, à brouiller les pistes, à inventer, à se remettre en question, à bousculer toutes les normes du métier. Ce pourrait n’être que de l’agitation, c’est le plus souvent magique. Comme si le fleuve de mots qui ruisselle de Murat trouvait naturellement son chemin dans une mangrove de mélodies et peintures sonores, balançant entre minimalisme acoustique et griffures électriques, draperies contemporaines et vêtures quasi médiévales.
On allait presque oublier de vous le dire : Camille (L’Amour et les Etats-Unis) et Carla Bruni (Ce que tu désires) posent en duos au côté du monsieur, dont la diction sensuelle a rarement été aussi précise. Et puis, il y a des cadeaux cachés en fin de piste... Mais chut, le prince de la Croix-Morand va entrer.
Jean Théfaine
Chez Béranger et à Moscou, deux voyages de Murat
Véronique Mortaigne ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 17.03.05
Prolifique Jean-Louis Murat, qui ne trie pas. N'en a ni l'envie ni le temps, tout occupé qu'il est à bâtir son œuvre poétique, photographique, musicale. 1451, mille vers écrits à la main livrés avec les encres afférentes, lus par leur auteur (2CD), a des allures de manuscrit, ratures, work in progress, création en train.
.. Moscou est un album de forme plus classique, où Murat case trois chansons de Pierre-Jean Béranger, qui est la matière de 1829, album disponible en téléchargement payant (www.jlmurat), consacré au grand chansonnier du XIXe siècle.
Précieux, politique, populaire, grivois, Pierre-Jean Béranger s'accommode mal du traitement doux qui lui est réservé par le docteur Murat, amant indubitable, mais sans doute moins doué pour la satire politique ou la comédie de mœurs. Chantées en nuances douces-amères, alors qu'elles peuvent être criées, les histoires de La Fille du fossoyeur ou de Jeanne la rousse perdent en pertinence. Mais elles ancrent ainsi l'urbain Murat dans la France paysanne ("Un enfant dort à sa mamelle ; elle en porte un autre à son dos").
Ponctué de jolis chants d'oiseaux sortis des synthétiseurs, Moscou se réfère à Pouchkine (La Fille du capitaine en ouverture, ballade à la mélancolie hivernale, pur Murat, à l'instar de Foulard rouge, murmures proférés à la face de la jalousie). Il intègre les cordes à un univers musical défini depuis le Moujik et sa femme - Murat (guitares), Fred Jimenez (basse), Stéphane Reynaud (batterie).
Ensemble, ils avaient su produire un son clair et direct, un rock appareillé, que l'on retrouvera sur Nixon, une broderie rock sur une seule phrase ("Nixon, réponds-moi, je ne peux plus vivre comme ça !"), ou sur Winter, en clôture. Les deux arrangeurs de passage, Dickson Hinchliffe (des Tundersticks) et Marie-Jeanne Séréro, ont choisi de créer des climats. Et puis il y a le duo de charme : Ce que tu désires, avec Carla Bruni, qui a la tête de l'emploi, moins drôle que le sautillant morceau folk L'Amour des Etats-Unis, chanté avec Camille.
avec l'Orchestre Royal de Chambre de Wallonie: