C'est étrange, non?, que les anglais utilisent le terme COVER pour REPRISE. Une reprise (pas terrible non plus ce nom), ce n'est pas un couverture, un couvercle, une protection. C'est tout le contraire, une ouverture, une découverte, un risque... Faire re-vivre une chanson et pas l'étouffer, comme les troubadours, les mères puis les enfants de leurs enfants, transmettaient les ritournelles et les chansons aux générations futures.
J'ai fait une recherche rapide, et il se trouve que le terme Cover dans le cadre du commerce musical peut effectivement s'assimiler à une couvercle, on y trouvera donc peut-être l'origine de cette appellation: " Titre à succès que les compagnies de disques font enregistrer à l’un de leurs poulains dans le but de concurrencer la version originale.Les covers subissent souvent la censure par remodelage de paroles jugées trop dérangeantes ou obscènes : c’est le cas, entre de nombreux autres, de Shake, Rattle and Roll de Big Joe Turner qui sera un tube national dans la reprise propre et aseptisée qu’en donnera Bill Haley quelques mois plus tard". On est dans ce cas-là, loin de mon idéalisme... mais on se rappellerait sans doute moins de Big Joe Turner sans Bill Haley (à ce sujet, je vous avais déjà conseillé le documentaire sur la chanson alléluia de Cohen).
Pour les plus courageux, la citation ci-dessus vient d'un article savant mais très intéressant Christophe Kihm, « Typologie de la reprise », Volume !, 7 : 1 | 2010, disponible ici.
Et donc, où est-ce que je veux en venir, c'est à quel sujet?, dans quel état j'erre?
Euh, alors, oui, le point de départ du jour, c'était l'interview de Pierre Andrieu, auteur du livre "les jours du jaguar" (édition le boulon) sur Radio Grand Brives par Guillaume Lebouis, mon Meymacois (comme la chanson de Piaf) préféré.
Un moment agréable entre deux grands admirateurs de l’œuvre de JLM:
PS: On retrouve ce soir Guillaume à Tulles et demain (7/11) à Périgueux avec son groupe City of exiles (avec Sébastien Miel -la famille Tellier- et Matthieu Pigné - autre muratien, le batteur écrivain, dont je me suis enfin procuré le polar qui vient de sortir en poche).
Cette actualité était donc l'occasion de publier le passage de Pierre Andrieu lors du Week-end Murat, yes sir 2025! Il a été invité pour l'accompagner par Alexandra Issartel du groupe Shezlöng. Le groupe sera au Lieu-Dit (Clermont-Ferrand) avec les excellents Montanita (on en a parlé plusieurs fois) samedi 8/11 à partir de 19 heures. Montanita également aux Vinzelles le 21/11.
Ils ont clôturé la très longue soirée tribute, et c'était presque le milieu de la nuit lors de leur passage, ce qui explique l'assistance qui s'était clairsemée. C'était l'évidence qu'ils terminent la soirée... car ils avaient choisi de jouer "les jours du jaguar", qui a rythmé la fin de tant de concerts de Jean-Louis... Et on commence là-dessus... J'adore vraiment le début, la guimbarde, le sifflement et le feulement félin d'Alexandra. Et ces vidéos bénéficient toujours du son sorti de la console de Théophane Bertuit (studio polyphone).
Ils avaient commencé leur prestation par Jim,j'ai fréquenté la beauté... et vu que le public en réclamait encore, "foule romaine" en rappel... toujours en version "électrique brut", avec la stratocaster de Pierre Andrieu (qui n'a pas le vécu scénique des autres participants, et a dû vivre cette longue soirée avec le trac).
2) D'une cover à une autre... Le camarade Nesles que l'on avait interviewé lors d'un précédent album a livré sur instagram une reprise de "Foule romaine". Je me suis permis de la capter pour youtube. Il voulait saluer ainsi le livre de Frank Loriou, Photorama.
Le dernier disque de Nesles vient de sortir, il s'appelle Barocco. Il sera en concert à l'Archipel le jeudi 21/11. Florence nous avait livré un compte-rendu élogieux d'un concert parisien en janvier 2024 alors ne le ratez pas!
3) Milla et Marc Aymon nos invités suisses du week-end Murat ont rejoué ensemble en Suisse... et Murat était au programme... Je vous laisse découvrir l'endroit de leur prestation.... Le lac souterrain de Saint-Gontard!
4) Petit rappel : Matt Low et son Douharesse en tournée.... ça sera toujours d'actualité en 2026 (vous pouvez le contacter pour des concerts à domicile).
En attendant encore deux dates: en Belgique (16/11 : L'Ancienne Fée Verte, Anlier (Belgique ) et le 15 dans la Nièvre, avec Alain Bonnefont!
LA MUSIQUE ORIGINALE EN PLUS
Puisqu'on en est à parler du Week-end Murat, saluons l'actualité d'Adèle Coyo et des Belfour présents en 2023.
Et Belfour, le duo qui a clôturé le premier week-end Murat, sort une nouvelle chanson. Super démarrage pour le clip qui a déjà dépassé les 14 000 vues... et le paysage auvergnat est convoqué:
Cette chanson, c’est l’enfance dévoré à pleine dents, le bonheur de courir à l’air libre, de dépasser les frontières. Nos frontières à nous, c’était la chaine des Puys. Nous étions à la fois attirés mais effrayés par ces volcans qui pouvaient se réveiller à tout moment.
Et puis, ça nous tenait à cœur que Mémé/Janine participe à notre clip. Depuis longtemps, on répète dans la cabane au fond de son jardin à Olby, petit village Auvergnat au pied du Puy de Dôme. Mémé elle nous appelle souvent le midi pour venir manger comme si on avait 10 ans. Grâce à elle, on reste un peu des grands gamins jouant au fond de son jardin.
1) Après Didier Varrod, Olivier Adam, on termine cette série d'articles "Bibliographie" avec une autre pointure... Laurence Boccoloni et son livre Showtime, souvenirs du chaos chez KERO.
On avait déjà croisé Laurence Boccoloni ici car ses souvenirs avec Jean-Louis Murat avaient déjà suscité des articles dans la presse people et tv... On savait à l'époque qu'elle devait en parler à nouveau dans son prochain livre. Celui-ci est sorti en mars 2025. Antonin me l'a rappelé et je me le suis donc procuré... On n'en apprend pas beaucoup plus, mais c'est néanmoins sympathique et agréable d'avoir une telle description de Jean-Louis Murat qui passe même à l'improviste saluer Bernard Lenoir et Laurence.
Je ne me suis pas attardé sur le reste du livre mais les quelques pages sur la musique sont amusantes (rencontre avec Jim Kerr et le grand classique du livre de souvenirs rock : la rencontre avec Lou Reed, un vrai minotaure journalistique - note pour plus tard: idée d'article Combats de Minotaure: L. Reed/ Murat, le pire souvenir des journalistes? Mais Lou Reed l'emporterait haut la main! ). Le récit d'un voyage pleins de péripéties à Los Angeles pour la radio est assez tordant... dont l'anecdote suivante: Laurence doit interviewer Jimmy Page, ils l'attendent dans un hôtel avec pas mal de gens, elle parle mal anglais et indisposée par le bruit et les fumées de ganja, passe une heure avec un gars qu'elle pense être du management de Jimmy Page... et finalement fuit... Quand elle fait part à son accompagnatrice de sa déception de ne pas avoir pu voir Jimmy, celle-ci lui dit: "mais tu as discuté avec lui pendant une heure!!?"... Elle ne l'avait pas reconnu. Il semble que son seul souvenir est qu'il lui a parlé de l'artiste français qu'il aime bien: Gainsbourg. Le jour suivant, elle se fait draguer par Robert Palmer...
2) On passe à un gros rattrapage sur la promo de PHOTORAMA de Frank Loriou mais d'abord, une annonce :
Une nouvelle rencontre aura lieu à PARIS pleine de douceur, moelleuse, puisque ça sera une rencontre LO - LO ou FLo-FLo... F. LOriou et F. LO. Le 26 novembre, 19h à la Librairie de Paris, place clichy.
Presse:
Et plus conséquent, dans ROCK AND FOLK, par F. Basterra:
Ici, l'OLIVIER est un marronnier du blog (j'ai déjà dû la faire celle-ci), je parle de l'Olivier ADAM. Le dernier épisode était en 2023 mais vous en retrouverez quelques autres dans cet article. qui portait sur Tout peut s'oublier, livre que j'avais apprécié et chroniqué. Murat y apparaissait en épigraphe... Chanson de la ville silencieuse est aussi recommandé (tiens, la mort de JL justifierait peut-être une relecture "muratienne" après celle que j'avais faite en 2018. A l'époque, la sortie de Travaux sur la N89 rentrait déjà en résonance avec l'ouvrage nous avait dit Olivier).
Encore une fois, aucune de mes alertes médias ne m'avait orienté vers le nouveau livre Et toute la vie devant nous sorti en août (encore un signe du peu d'intérêt porté à Murat en dehors du cercle habituel?), mais il y est bien souvent question de musique, et de Murat dans ses pages. Merci à Laure Desbruères de nous en avoir glissé un mot l'autre soir. Olivier Adam sera aux Vinzelles le 14/11 (réservation ici).
Bon, le fait est que je devrais m'intéresser à tous les livres d'Olivier Adam tant l’œuvre de Jean-Louis Murat fait partie de son paysage, décor, de son intimité (même celle de son couple avait-il dit), et qu'elle est finalement peut-être toujours présente... Rappelons que Grégoire Bouillier nous avait appris que c'est suite à une discussion avec lui que l'hommage à Jean-Louis à la Maison de la poésie a vu le jour.
Si Murat est convoqué cette fois, c'est que le livre est l'histoire de trois amis sur 40/50 ans de leur vie, et qu'il sera question énormément de leur rapport à l'art, à la pratique artistique. Murat sera présent dans la construction de Paul, double d'Olivier Adam déjà présent dans plusieurs ouvrages. Celui-ci devient donc romancier, l'autre garçon se consacre à la peinture pendant un certain temps avant de disparaître (oui, on est bien dans un livre d'Olivier Adam, sans parler de la Bretagne). L'héroïne, elle, aurait pu être actrice ou chanteuse, mais s'oriente vers le social. Le récit dans cet aspect-là m'a un peu interrogé, tant j'imagine plutôt les artistes porteurs du feu sacré, qui ont une intime conviction de ce qu'ils doivent faire, qui sont les "monstres" dont je parlais en fin du précédent article. Ici, place aux doutes, aux hasards, aux rencontres... et c'est sans doute assez juste. On peut trouver des exemples facilement de personnes devenues écrivains sur le tard je pense.
Le côté monstrueux de l'artiste (cette appellation m'est peut-être propre) est néanmoins présent dans la façon dont le personnage écrivain va piocher son inspiration dans la vie de ses amis. Comme dans Les lisières, les parents vont refuser de lire les livres qui dévoilent trop de leur intimité et de leurs erreurs et les amis se déchirer par moment. Je ne l'avais pas pris comme tel, mais un passage du livre pourrait mettre mal à l'aise les muratiens. Acte de brigandage littéraire cette fois d'Olivier Adam lui-même : les circonstances du décès de Jean-Louis Bergheaud sont clairement reprises pour décrire la mort d'un des parents des personnages (On reste malgré tout assez loin du côté sordide de l'affaire Desplechin/Denicourt dans le livre et l'inspiration d'O. Adam).
Olivier a accepté de me répondre à ce sujet:
-L' allusion au décès apparaît clairement dans votre livre. Était-ce une façon de faire écho au propos du livre sur les emprunts du romancier à la vie réelle? (et comme dans le livre, ça peut être choquant, ma coéquipière sur le blog m'a fait ce retour)
- Disons qu’il s’agit d’une illustration parmi d’autres de ma façon de procéder. Et de ma foi en l’impureté chimique du roman. Se superposent dans ce passage plusieurs « fantômes ». Comme toujours je tords, mélange, recompose. Et évidemment, tout vient de quelque part. J’ai bien sûr pensé au décès de Murat pour cette scène. Comme il est pas mal cité par ailleurs, il y a un système d’échos qui traverse le récit. Que certains entendent (ceux qui savent savent) et d’autres non. Mes livres jouent sur plusieurs niveaux. Ils sont très codés, cryptés, sous l’apparence de l’évidence et de la fluidité. Du côté des chanteurs, il y a des invariants, un clin d’œil caché (au delà de la citation de son nom) à Dominique A. Bien sûr Murat. Daho d’une manière ou d’une autre (par exemple dans Chanson de la ville silencieuse, où je prête à mon personnage certains épisodes tirés de sa vie). (Je sais par ailleurs que Murat n’aimait pas Daho et ça m’amuse d’autant plus de les faire cohabiter). Pour la scène en question, effectivement, Murat est en filigrane, mais mélangé à deux autres personnes « tirées » de ma vie… la mère d’un amie très proche. Et un ami de mes parents(cycliste patenté) décédé dans des circonstances assez similaires, qui m’avaient beaucoup marquées adolescent. Dans ce livre, il y a des éléments très recomposés et réinventés. Et d’autres quasi autobiographiques (si tant est que l’autobiographie existe, ce que je ne crois pas.). L’épisode du faux producteur par exemple (même si « dans la vraie vie » le « groupe » était composé de mon frère, de ma compagne et de moi-même), la soirée du Goncourt raté (même si je mélange deux finales « perdues » de ce prix), la fête du BDE de l’université etc etc. D’autres sont inspirés directement de la vie de proches que j’ai connus et connais pour certains encore (Sarah et le prof de théâtre, même si tout est inversé : dans la vraie vie c’était un coach sportif, alors que dans le bouquin c’est la version fictive de Paul…). Etc etc
Et dans ce joyeux mélange, il y a aussi tout ce que je tire d’autres œuvres ou que je vole à des gens que je ne connais pas directement.
À quoi s’ajoute quelques trucs que je crois inventés mais dont je m’aperçois en fait qu’ils viennent de quelque part et de quelque qu’un, mais j’ai juste oublié (il n’est pas rare que le quelqu’un en question me le rappelle…)
Et sûrement, mais ce n’est même pas sûr, quelque part, quelques lignes « purement » inventées. Voilà, en gros. Ah oui, un petit exemple de truc un peu codé que personne ou presque ne voit : Paul essaie de jouer le "basket Ball" de Sheller. Puis il se rabat sur "l’ange déchu". Sheller Murat. Bon. Ceux qui savent savent. Ceux qui voient voient. C’est presque une coquetterie. Mais en même temps c’est un passage de relais que j’ai vécu dans mon propre apprentissage. Sheller, puis Murat. Bien sûr j’ignorais à l’époque qu’ils étaient liés… Idem par exemple, dans dessous les roses pour la scène où le narrateur découvre que son père écoutait Dominique A. Écho direct à la chanson Manset de Dominique. Alors que dans la vraie vie, étrangement mon père écoutait Manset (ma mère détestait et c’est comme ça que moi je l’ai découvert). Bon, j’arrête là. Mais des trucs comme ça, ou j’emprunte à la fois à ma vie, à celle des autres, et aux artistes que j’admire, et même à leurs œuvres, il y en a presque à chaque page.
Merci Olivier !
Je n'avais pas tilté au clin d'oeil qu'il nous faisait en réunissant Sheller et Murat (mais la mention de Basket Ball est deux pages avant celle de Murat). NDLR: Sheller est un des "découvreurs" du chanteur, il est venu le voir en concert à la Bourboule et aidé le groupe Clara en les embauchant pour faire des jingles pour Europe1. Voici l'extrait :
Et voici l'extrait sur le décès:
Autre mention anecdotique :
Je retire mon œillère du blog muratien (ce n'est pas vraiment l'essentiel ici) pour dire quelques mots du livre.
Et toute la vie devant nous ne désarçonnera pas les fidèles lecteurs d'Olivier Adam car les thèmes chers à l'écrivain sont présents : la disparition comme on l'a indiqué, les gens de peu, les classes sociales, le romancier et son inspiration. La particularité de l'ouvrage sera peut-être à trouver dans le côté générationnel, la mienne. Les personnages ont l'âge d'Olivier Adam, un an ou deux de moins que moi, et c'est une plongée dans la musique, les événements politiques et sociaux que nous avons vécus (notamment les attentats, #metoo sur la fin). Cela m'a beaucoup évoqué le deuxième livre de Florent Marchet (sans surprise, on est dans la famille, avec Arnaud Cathrine) dans cette tentative clinique de plongée dans nos années collège, lycée. Cela passe beaucoup par le nom d'artistes ici alors que Marchet citait la télé, les produits du supermarché... On aura le droit d'y trouver du plaisir par moment, le plaisir de l'identification... ou du désintérêt puisque finalement, on a vécu tout ça, et certains préféreraient découvrir la vie d'un paysan du Cantal - ou d'un fermier du col de la croix saint-Robert -, voire d'un glouton du Kamtchatka... Ah, je n'ai pas placé mon adjectif préféré : séculier.
L'exercice de style du livre est de faire un récit, au passé, à deux voix qui s'adressent -littéralement- l'une à l'autre, un récit de 50 ans de vie et d'une amitié exceptionnelle, dans lesquelles deux drames particuliers interviennent, éléments plus romanesques que la sociologie "des lisières" qui sert également de fond (d'ailleurs, le personnage tient à retourner à la fin sur les lieux de son enfance). L'un permet à l'auteur de réagir à l'actualité, Le consentement de Vanessa Springora est évoqué par exemple. Les lecteurs découvriront donc comment les personnages se dépatouillent de tout ça. Personnellement, je me suis interrogé : comment une amitié aussi forte peut-elle être synonyme d'autant de non-dits à la fois face à des difficultés et aux sentiments ? C'est par l'art que deux des personnages s'exprimeront... mais est-ce suffisant dans leur cas ? Ces réflexions m’amènent à nouveau à Grégoire Bouillier*, et ce qu'il aurait fait lui de ces événements, Grégoire qui est aussi un "pilleur" (la fin de son dernier livre pouvait aussi être déplaisant à ce titre). La confrontation au réel, à soi, et à sa vie, est moins direct chez Olivier, mais il est romancier, et au fil de ses livres, il nous en aura dit tout autant sur lui.
*je le fais sans scrupule: Olivier fait référence au "Le syndrome de l'orangerie" dans le livre! "la référence aux nymphéas de Monet semblait explicite. Alex avait toute une théorie à leur sujet. Ces toiles étaient des tombeaux. Monet y cachait un cadavre".
PS: Photo d'illustration "et toute la vie devant nous- et Murat derrière" par Frank Courtès, devenu lui aussi.... écrivain de sa vie...
Avant-propos. Quand je parlais dans le compte-rendu de la soirée des Vinzelles de mon besoin d'anonymat, c'est que le blog fait l'objet de beaucoup d'attentions depuis quelques mois. Avec des bons côtés mais aussi par moments une certaine pression (latente essentiellement) sans parler de celle que mon caractère m'impose. Je suis donc dans l'obligation d'être très vigilant dans mon propos. C'est bien embêtant car je n'aime pas trop réfléchir... et mon penchant naturel est de m'épancher sur les histoires muratiennes dont j'ai connaissance... mais c'est impossible.
Ces derniers mois et jours, j'ai lu des remarques ou des critiques car je ne parlais pas de certaines choses, voire des injonctions (certains allant jusqu'à parler de déontologie!). Tout d'abord, ici, c'est un blog, amateur et non officiel. Je ne suis soumis à rien, si ce n'est à ma propre éthique, et je rappelle que je ne vends rien (j'achète... et c'est vraiment foutre son argent en l'air parfois). Même si j'ai revendiqué d'être "exhaustif" ("toute l'actualité"), je ne l'ai jamais été, notamment quand Didier Le Bras œuvrait. Il y avait une concurrence qui est restée assez saine et parfois stimulante sur certains sujets. Murat ne m'appartient pas*, et tout le monde en fait ce qu'il en veut. Plein de choses existent en ligne, et ma subjectivité intervient... (*Je rappelle que je refuse le titre de fan numéro 1 de Murat qu'on m'accole parfois... et encore moins leader d'une communauté et Stan - mot que je découvre dans le Varrod dont on va parler).
J'essaie en tout cas d'être le plus rigoureux et honnête possible ce qui ne va sans doutes. Par exemple, j'ai notamment été amené à m'interroger sur les interviews. Je m'en suis rendu compte par exemple à propos de celle d'Alain Artaud en 2011 qui commet une ou deux imprécisions. Ce n'était pas bien grave en 2011, du vivant des acteurs, mais maintenant, je m'interroge sur la publication de témoignages qui ne seraient pas recoupés et j'en ai quelques-uns à retranscrire. J'avais par exemple critiqué Sébastien Bataille et son interview d'Hebey qui n'était pas mise en perspective et soumise à un regard critique dans ce qui s'affiche comme une biographie journalistique.
Je réfléchis tout en vous écrivant... Je crois que le blog reste un outil à la disposition des biographes et auteurs et que c'est à eux de faire le tri, mais pour autant, je n'offrirai pas de tribune libre ici. En revanche, les commentaires sont ouverts. Le blog a été créé pour être un espace de liberté, la mienne mais aussi celle de tous. De fait, Marc Besse vient d'utiliser cette possibilité (avant-dernier article) en réponse à Denis Clavaizolle (sur mon mur facebook), intervention qui a suscité une réponse de Yann Bergheaud et de l'Institut JLM sur fb également. J'ai été l'étincelle sans doute parce que j'ai été le premier à mentionner le livre, le feu aurait pris sans doute quelques jours ou semaines après.
En tout cas, depuis des mois,je cherche des éléments, je me demande si je dois avoir un rôle, et depuis quelques jours, me tracasse de savoir si je dois traiter de la situation, pourquoi, comment et dans le contexte d'une forte affluence de visiteurs... et la réponse est non, même si mon traitement de l'actualité n'est pas transparent je pense. J'en reste donc à ce fait: il y a trois ayant-droits, ils doivent agir ensemble.
Je fais des chansons d'incertitude, je ne suis sûr de rien. Si on essaye de coller sur moi un carcan de certitudes, ça ne tient pas, ça déborde dans tous les sens. JLM
J'en reviens donc à mon vrai hobby... avec à nouveau de la bibliographie (et on en aura encore dans la semaine). Malheureusement, ce n'est pas l'occasion de retrouver tout-à-fait la bonne humeur.
Après Rock La France, 60 ans de guitares et d'électricité chez Marabout, dans lequel il était si peu question de Murat (sous prétexte qu'il aurait été réducteur de le mettre dans la case "rock" - c'est à lire ici), on attendait que Didier Varrod qui a co-dirigé cet ouvrage se rattrape. J'ai surveillé chaque année la programmation de l'hyper week-end Festival dont il s'occupe et qui a mis l'honneur Gainsbourg, Balavoine, Françoise Hardy... sans avoir connu satisfaction. Son livre La chanson française, un peu, beaucoup, passionnément était l'occasion de remettre Murat à l'honneur. Un commentaire sur instagram m'a valu une réponse : "vous allez sûrement encore être déçu... mais Murat est bien là". Avec ce "là" seul, j'ai donc mis le livre sur mon dos quand il est passé à ma portée (cette phrase ne va pas m'inciter à lui donner une note).
Étonnons-nous en premier lieu, enfin moi, ça m'étonne, que, même si Didier Varrod a une jolie plume (on pourra lire les mots de 1989), le livre soit co-écrit avec Martin Soudan. Peut-être qu'on pourra trouver là une explication à certaines impressions données par la lecture. Certes, l'objectif est d'apporter une vision un peu sociétale mais vaguement, en composant aussi un livre de souvenirs, le tout en évoquant une bonne partie du paysage musical français actuel et passé (je pense qu'on peut noter la faible présence de Brassens, Le Forestier, Jonasz). On a un peu l'impression de se retrouver dans les émissions sur la chanson française sur France 3, auquel Didier participe régulièrement et de rester cantonné au très haut de l'iceberg (fallait-il intituler le livre "la variété française"?), par exemple, quand il est écrit qu'il y a très peu de chansons anti-macrons (Michel Kemper en a pourtant fait un livre!).
L'élément intéressant (parfois agaçant - le premier concert de Téléphone considéré comme l'acte de naissance du rock français) est de voir quel est le fil qui va être tiré à chaque chapitre... Le microclash Armanet/Sardou est le point de départ pour parler de chansons engagées, Charles Trenet sortant de prison nous amène à Eddy de Pretto ("l'un des artistes gays les plus importants de l'histoire de la pop mondiale" sic), de Aya Nakamura à la cérémonie d'ouverture des JO, on en arrive aux quelques français qui remportent du succès à l'étranger. Le chapitre "Gilbert Becaud, premières culottes" parle des chanteurs qui ont suscité une vague "fanatique" (Cloclo, Bruel dont le "cassez la voix" aurait été écrite un soir de frustration aux Franco...) pour en arriver à la téléréalité. Henri Salvador conduit à parler de ceux qui ont dû se défaire d'un malentendu (Anne Sylvestre, Olivia Ruiz, Nino Ferrer, Christophe). Le chapitre "Charlotte ouvre la maison Gainsbourg" conduit à parler des fils/fille de. Et c'est donc via Souchon qu'on nous amène à Jean-Louis Murat, Souchon ainsi considéré comme le père de toutes les voix sensibles de la chanson (Delerm, Marchet, De La Simone, et Dominique A, même s'il a dit que Murat avait été décisif pour lui et Varrod le rappelle lui-même).
Le paragraphe sur Murat commence très bien... mais à la moitié, il y a ce "jusqu'à", qui est à même de le discréditer pour misogynie et sexisme, rappelant les propos sur Angèle, certes déplorables... A cette évocation, je me permets toujours de rappeler cette autre phrase dite quelques temps plutôt par le chanteur : "j'ai demandé à Camille et Angèle de chanter à mes côtés [...] Je suis assez bluffé par Angèle, on dirait Lio période Banana Split, mais avec Bac +12" (inrocks 2019), mais tous les lecteurs du livre n'en seront pas informés. Cela m'a attristé, car cela arrive quelques jours après que j'aie eu un échange avec Antoine Couder à ce sujet, tant sur le documentaire disponible sur radiofrance que sur son texte de présentation. Je pense qu'il est injuste de discréditer Jean-Louis Murat à ce sujet et d'autant plus que son œuvre n'a pas la place qu'elle mérite (sans pour autant le nier, Morgane Imbeaud parle dans son témoignage dans les jours du jaguar de son aspect "vieux jeu"). Manset qui est juste cité dans le livre, sera prochainement dans l'actualité, et Didier Varrod l'apprécie, or les propos du livre de Wisut kasat de GM me posent plus de problème que toutes les pochades de Murat... qui pour le coup a dit ne pas avoir aimé le regard que portait Gérard sur les femmes lors de leur rencontre! L'autodestruction médiatique de Murat fait encore son effet après sa mort, alors qu'aucun faits et révélations ne viennent ternir son image. Au contraire... Bref.
Edit: Quelle place occupent les femmes dans votre vie ? JLM La place numéro un. De ma grand-mère à ma fille, en passant par ma mère ou ma femme, je les aime toutes. Je ne vis entouré que de femmes. Mon manager aussi, c'est une femme. Je m'entends beaucoup mieux avec les femmes qu'avec les hommes. On dirait que je les comprends mieux. (femme actuelle, 2006)
[Didier m'a gentiment répondu sur instagram en indiquant que je n'ai pas compris et qu'il exprimait juste des regrets sur le propos de Murat et sans me répondre sur GM. Vous serez juges]
Je vous laisse découvrir le paragraphe...qui est par ailleurs paresseux. Murat parlait effectivement des "seconds couteaux"... mais il aimait avant tout Dylan, Cohen et les Rolling Stones, la soul, et tant d'autres (mais pas tant que ça Calexico?). Par ailleurs est citée comme unique chanson dont il serait l'auteur... "le charme"... signée Alain Bonnefont ! Quel dommage de la part de Didier Varrod qui nous a si bien parlé de Jean-Louis, notamment lors de son décès, et qui nous a valu le concert des 50 ans d'Inter... Allez, il va se rattraper, il va se rattraper... On attend.
Il est aussi question de Jean-Louis Murat à propos de Regrets avec Mylène Farmer. Avec une interprétation assez iconoclaste : Murat aurait accordé avec ce titre de la légitimité à Mylène dans la sphère des Inrocks. En 1991, le boss C. Fevret lui posait pourtant cette question : "Ton image souffre de quelques collaborations… douteuses. Mylène Farmer dernièrement, qui t’a demandé de chanter en duo. Es-tu flatté ou gêné ?". C'était bien sûr plutôt un énorme coup de pouce médiatique de Farmer à Murat (La chanteuse ayant par ailleurs financé le film Murat en plein air). Par la suite, Didier Varrod parle de la dernière tournée pour évoquer le never/more qui s'affichait sur le grand écran à la fin. Rappelons, nous, que sur ce grand écran, Mylène Farmer a souhaité débuter le show par un hommage à Jean-Louis. Un beau symbole, au vu de tout ce qu'incarne Mylène Farmer -oui, parce que personne ne va, à chaque occasion, rappeler la concernant qu'elle aime Onfray-, et qui pourrait être en mesure de laver en partie l'image médiatique de Murat. Oups, je m'agace, je m'agace, mais j'ai une excuse, je suis privé de sport...
A propos de Mylène Farmer, il est longuement question de la soirée hommage au Hyperweek-end (on s'en passerait). Et Didier n'élude pas la question de la difficulté de faire admettre les reprises, auprès des fans comme de Pascal Nègre qui aurait dit ce jour-là: "maintenant, on se rendra enfin compte qu'il est presque impossible de reprendre ses chansons". Vous voyez ce que ça m'évoque... Dans cette partie, est mentionnée Biolay interprète de regrets avec Marie-Flore "troublante projection de Murat" (je glisse que Benjamin vient de redire que Jean-Louis était un modèle -je vous mets ça tout en bas).
Le nom de Murat est encore présent au sujet d'Anne Sylvestre, lorsqu'il est question des artistes qui nous la font redécouvrir: "En 2019, Jean-Louis Murat confie aux Inrocks qu'Anne Sylvestre est sa chanteuse préférée et reprend "Un mur pour pleurer", chanson gigantesque qu'il fait alors découvrir aux auditeurs de France Inter".
Pour en revenir au livre dans sa globalité, on apprend quand même des choses de droite et de gauche: pour ma part, une anecdote entre Mitterrand et Balavoine (quelques mois après la rencontre sur une plateau télé), le nombre de fois où Claude François a failli mourir avant de changer son ampoule, et le titre de Libé à sa mort (Claude François : a volté), le sens caché du "jardin extraordinaire" de Trenet, le standardiste de Polydor tué par un "fan" de Mylène alors qu'il y était DA... et quelques beaux souvenirs (son interview anisée de Gainsbourg) ou anecdotes (Jane Birkin, qui débarque à Paris, fille au pair, dans l'immeuble de Piaf, le jour de sa mort...et les photogrraphes la prennent pour F. Hardy...). Je veux mentionner aussi le premier chapitre qui parle des Francos et revient sur la brouille avec Foulquier, ce qui intéressait tant Matthieu Guillaumond, notre grand amoureux de chansons et des ondes publiques. L'occasion donc de reposter cette photo : lui et Didier, avec moi et Marie Audigier... un matin "de concert" (50 ans d'Inter). On était si heureux de fêter ça avec cet événement.
LE LIEN EN PLUS
Je n'ai pas suivi tout à fait le bon fil pour intégrer l'article ci-dessous à l'article, mais je vais quand même le partager et contrebalancer mon angélisme lebrasien. Vous verrez vous-même le lien avec ce qui est évoqué ci-dessus. Je répète : j'ai fait ce blog en partie par fascination par les contradictions de Jean-Louis Murat et pour le "monstre" qu'est un artiste en général (on en reparlera dans un des prochains articles bibliographiques très rapidement), l'âme obsédée par l'oeuvre à laisser, l'aède décrit par Bayon, "son frère de laid"... plus que par l'artisan. Donc voici ce "et quand bien même!"
Le Monde l'époque, lundi 27 janvier 2025
Le dilemme: Peut-on aimer l’art de ceux que l’on condamne moralement ?
Entre ceux qui appellent à boycotter les créations culturelles d’hommes « monstrueux » et ceux qui veulent « séparer l’œuvre de l’artiste », le fossé n’a jamais semblé si profond. Continuer à aimer l’art de ceux qui nous indignent est une gymnastique tourmentée, constate Valentine Faure
On pourrait raccrocher ce dilemme à l’actualité – celle, par exemple, qui a vu l’annulation de la projection du Dernier Tango à Paris (1972), de Bernardo Bertolucci, par La Cinémathèque, à la suite des protestations d’associations féministes, qui par ailleurs n’en demandaient pas tant (mais plus simplement une contextualisation du film, qui comporte une scène de sodomie simulée, tournée sans que l’actrice Maria Schneider en ait été prévenue). « Personne n’aurait pris satisfaction à voir ce film dans ces conditions-là. Je pense que même les cinéphiles n’ont pas nécessairement envie de se retrouver dans une ambiance de guerre civile. Personne n’a rien à y gagner », déclarait au Monde le président par intérim du Centre national du cinéma et de l’image animée, Olivier Henrard. Mais toutes les annulations, mises en garde, tous les procès et condamnations ne règlent pas – pas toujours – le malaise qui se pose quand on aime, encore, l’art de ceux qui nous révulsent moralement.
L’écrivain et rappeur Gaël Faye parlait le 4 décembre 2024 au micro du journaliste Mouloud Achour, qui lui posait la question : que faire de ces « idoles », R. Kelly, P. Diddy, Michael Jackson, ou plutôt que faire de leur musique, maintenant qu’on sait ce que l’on sait ? « On brûle nos idoles peu à peu , se désolait l’écrivain. On ne peut plus accepter que ces choses-là passent, se dire “ce n’est pas grave”. » Ce n’est pas de boycott dont Gaël Faye parlait, mais du rapport intime que l’on a avec un artiste : « Je n’arrive plus à écouter Michael Jackson. Et je le dis avec peine. Quelque chose s’est brisé en moi. » Pour lui, la question ne se pose pas comme un dilemme : c’est presque à regret qu’il n’arrive plus à aimer ce qu’il a aimé.
C’est justement l’amour qui est au centre de l’excellent essai de l’écrivaine et critique Claire Dederer Les Monstres. Séparer l’œuvre de l’artiste ? (Grasset, 2024), consacré à cette question. L’amour de l’art quand il se teinte de culpabilité, de dégoût, mais quand malgré tout il persiste. L’amour des films de Polanski, en ce qui concerne l’autrice américaine. Claire Dederer admet que, même après avoir appris les crimes commis par son réalisateur préféré, elle prit conscience qu’elle les aimait toujours autant. « Je voulais être une consommatrice vertueuse, une féministe dans les actes, mais, dans le même temps, je voulais être une citoyenne du monde des arts, l’opposé d’un philistin ,écrit-elle dans son dernier ouvrage. Pour moi, la question, l’énigme, consistait à savoir comment répondre à ces deux injonctions similaires, en apparence contradictoires. »
Le récit suit les déambulations de l’autrice dans cet espace où se rencontrent une œuvre, son auteur et son public. On partage les allers-retours de Claire Dederer lorsqu’elle se demande où commence la monstruosité ; si abandonner son enfant pour créer – comme Doris Lessing ou Joni Mitchell – range ces femmes du côté des monstres ; si elle n’a pas adoré ces femmes précisément parce qu’elle les trouvait un peu monstrueuses. S’il peut exister un rapport « vertueux » à l’art. Si elle-même – ancienne alcoolique – n’a pas fait des choses un peu monstrueuses. Si elle n’aurait pas été meilleure autrice si elle l’avait été davantage.
On y trouve de drôles d’idées. Celle de Martha Gellhorn, par exemple, journaliste, écrivaine et accessoirement troisième épouse de Hemingway, qui pensait plutôt qu’ « un homme doit être un grand génie pour compenser le fait d’être aussi répugnant en tant qu’humain » . Que, autrement dit, c’est le monstre qui a besoin de se transformer en artiste, et non l’artiste qui peut tout se permettre.
Et Claire Dederer se demande donc « que faire de l’art des hommes monstrueux » : « La première pensée qui nous vient à l’esprit est de boycotter cet art – la solution progressiste qui consiste à retirer notre argent et notre attention. » Mais nous ne devrions pas aborder ce dilemme en consommateurs, prévient-elle, ni exercer notre moralité par ce que nous choisissons de « consommer » ou non. En fait, « l’art que vous consommez ne fait de vous ni une mauvaise ni une bonne personne. Il faudra trouver une autre manière de vous accomplir » .
A une consommation « vertueuse » de l’art, elle oppose un autre paramètre : la beauté. Principe fragile, si on l’oppose à la moralité. « Et pourtant, la beauté compte.Et on ne décide pas la beauté. Elle nous frappe. »
En 1990, la dramaturge américaine Pearl Cleage publiait l’essai Mad at Miles(« en colère contre Miles », Cleage Group, non traduit) .Elle y examine sa relation – car c’est cela qui nous lie à certains artistes – à la musique de Miles Davis, qui était très violent avec les femmes. Partant de sa propre expérience de victime de violences, elle s’interroge : « Est-ce qu’on peut faire l’amour en écoutant un “vieux disque de Miles”, alors que le jour où il l’a enregistré, il a peut-être passé sa matinée à mettre des baffes dans la gueule de l’une de nos sœurs ? » L’amour de Pearl Cleage est personnel, sa haine l’est également.
Il se passe avec ces œuvres que l’on aime avec tourment la même chose qu’avec les gens que l’on continue d’aimer, même si parfois ils nous blessent. «“Le problème, c’est que vous l’aimez toujours.” Cette phrase décrit des relations si fréquentes avec notre famille, notre partenaire dans la vie, parfois même avec nos enfants, écrit Claire Dederer. Que faire des gens terribles que nous aimons ? La plupart du temps, nous continuons à les aimer tout de même. » Prétendre que cet amour n’existe pas ou qu’il ne devrait pas exister, cela n’aide en rien. Aimez ce que vous aimez, nous dit-elle. Cela n’excuse personne.
LA NOTE DE BAS DE PAGE EN PLUS PROMISE:
Biolay dans les Inrocks:
L’année prochaine, ce sera le 25e anniversaire de ton premier album, Rose Kennedy (2001).
Cela me paraît dingue. Un sacré bail. Surtout par rapport à la durée de vie de certains artistes qu’on écoute encore. Au-delà de la chance incroyable de pouvoir faire encore ce métier, c’est aussi le temps qui permet de constituer une œuvre. Je déteste tellement ce fils de pute de Mark Chapman de nous avoir tué John Lennon à 40 ans, il nous a privés d’au moins 20 ans supplémentaires de la discographie de Lennon. Hubert Mounier, c’est pareil, parti trop tôt. Je pense tout le temps à lui. Regarde la longue discographie de Jean-Louis Murat ou d’Étienne Daho, qui restent des modèles.
on garde notre tradition initiée par Matthieu Guillaumond des jeux concours dont la récompense se mérite. Malheureusement pour certains*, le cadeau ne bénéficiera qu'à une personne qui pourra se rendre mardi 28/10 sur Lyon.... puisqu'il s'agit d'une place pour le spectacle solo de Stephan Eicher au théâtre des Célestins. Je cède ma place -au balcon - à regret.
Voici l'énigme toujours assez limpide, pleines d'indices.
"Ap- pâté par une vierge, tu rêves d' une passion non publique, mais ça a un prix, 1000 vies.
Retrouve celui qui se de décarcasse pour qu'ça sonne, et l'autre Con"
il me faut donc deux noms, présents dans l"histoire de Murat et Eicher et aux moins 3 résolutions d'indices (on en a 8+une en option qui arrive: Le c. n'est pas S.B.)
Réponse par mail à pierrotjlm[...]hotmail[...]fr
JEU TERMINE
*je propose qu'une fois que le gagnant a trouvé, ceux qui veulent jouer pour le fun le fassent en zone commentaires.
Et bien, c'est une semaine pleine d'actu! Rappelons donc quand même le documentaire sur France Culture dimanche 17h puis podcastable! (et on vous signale un joli texte sur la page de l'émision), mais passons aux nouvelles du jour qui remplissent encore la catégorie "bibliographie" du blog :
- Le roman de Murat de Yann Bergheaud sortira chez ALBIN MICHEL. C'est une première surprise que Murat intéresse enfin une grande maison d'édition, sans faire injures au BOULON, qui s'affiche "résolument rock".
Broché 210 pages ISBN: 978-2-226-50707-5
À paraître le 02/01/2026
Il est dit: "Fils de Jean-Louis Murat, l'auteur évoque son père, son oeuvre, son exploration des différents genres musicaux, ses inspirations, entre autres." Le titre m'évoque ce qui sera dit dimanche sur France culture par Carla Bruni, "Jean-Louis Murat est un personnage romanesque".
C'est déjà affiché sur tous les sites de ventes de livre, en précommande chez certains.
Je ne ferais pas mon job si je ne précisais pas que tout récemment, on a entendu et lu certains saluer la discrétion de Justine et Gaspard (les autres ayants-droits -néanmoins présents lors des événements autour du livre de Frank Loriou-). Après le week-end Murat qui a aussi été fait l'objet d'un certain adoubement, le livre de F. Loriou est lui aussi sorti dans la sérénité et l'approbation de tous, on espère donc qu'un chemin a été trouvé...
Plus que jamais: Murat en librairie (photo à la médiathèque de Rosny, rencontre racontée ici).
- Dans les autres livres parus en auto-édition ou des éditeurs plus modestes, il faudra donc rajouter celui (un autre tome est prévu je crois) de Zoubida Berrahou. Elle était membre des groupes facebook et y a déjà fait part de son histoire avec l'oeuvre muratienne. La France est pour elle "le pays de la liberté, de la littérature et de l'imaginaire", mais c'est bien de la république démocratique et populaire d'Algérie qu'elle nous écrit (où elle est professeur d'économie à l'université), une vision qu'on espère donc iconoclaste, loin du "germanopratisme" qu'elle critique par ailleurs.
LE LIEN EN PLUS POUR LE LIVRE QUI EST DEJA SORTI
- Dans les différents journaux du groupe CENTRE FRANCE (dont l'Eveil de la Haute-Loire, la montagne...):
Franck Loriou, photographe et graphiste, a conçu plus de 300 visuels pour des artistes français. Des Dominique A, Bertrand Burgalat, Brigitte Fontaine, Arthur H, Miossec, Peter von Poehl, Arno, Ultra Orange, Oxmo Puccino, Yarol Poupaud, Rachid Taha, Kent, Arman Méliès, Luke, Les innocents et bien d'autres encore. Avec Jean-Louis Murat, ce sont vingt années de collaboration qu'il a décidé de mettre en images et en mots. C'est Photorama. Musicalement, Franck Loriou a découvert JLM à travers Dolores (1996); professionnellement, c'est après avoir bossé sur des albums de Tiersen d'abord, puis Manu Chao (Clandestino) qu'il a été envoyé en mission spéciale en Auvergne, sur les hauteurs d'Orcival. « La première rencontre c'était pour Mustango, en 1998; j'ai pris le train pour Clermont avant d'aller à Douharesse. Je connaissais à peine son oeuvre, pas du tout l'homme, et nous voilà chez Jean-Louis, à manger en famille Un grand moment, un jour de mars, gris et pluvieux [] Jean-Louis était un peu le seul pour lequel on faisait le voyage en fait. En temps normal, ce genre de choses se gérait au téléphone. En ce sens-là, il demandait quelque chose de spécial, et l'obtenait. J'ai toujours trouvé ça très fort chez lui. Il était à part. Il n'était pas soumis, il avait créé un autre rapport »
Qu'est-ce qu'une bonne pochette, une bonne image de disque ?S'il y a une réponse ? « Compliqué, effectivement. Il y a des pochettes ratées qui deviennent cultes parce que l'album l'est. Je pense à Nirvana, never mind avec le bébé dans l'eau. On aurait pu considérer cette image d'un mauvais goût absolu si l'album avait été mauvais. En chanson c'est différent. Une belle photo ne fait pas une belle pochette. Une pochette doit durer dans le temps. Souvent, c'est un peu un tableau, une composition, quelque chose avec de la matière. On devrait pouvoir l'afficher chez soi. Jean-Louis n'était forcément ok pour ap-
paraître à chaque fois. Quand il le faisait c'était une concession, le plus souvent.
Alors qu'il était tellement beau ! -Oui. Mais tu vois, il se méfiait de la beauté, et de la sienne en particulier. Moi, je fais également très attention à cela. Un artiste trop beau, c'est parfois compliqué puisque l'on considère souvent que le beau colle au superficiel, ce qui n'est évidemment pas vrai. J'essaie de le rendre beau pour de bonnes raisons. Je m'explique : s'ils sont très beaux je vais essayer de les replacer dans une forme de normalité, c'est pour cette raison que j'utilise souvent le flou; j'essaie que l'on soit moins sur la plastique que sur la captation d'un regard.
Quelle est la dernière pochette sur laquelle vous avez travaillé Jean-Louis
et toi ? La vraie vie de Buck John, en 2021. Elle est douloureuse. C'est la pochette post-covid, la seule sur laquelle on est resté à distance tous les deux. Nous l'avons travaillée avec des photos prises par son entourage; j'en suis néanmoins très fier. Mais j'ai le regret immense de ne pas l'avoir vu à ce moment-là et de ne jamais l'avoir revu du coup. C'est la vie. Je crois que la dernière fois en vrai c'était sur la session photo d 'Inamorento , la session en général d'empire dans les champs.
C'est cette série de photos où il apparaît en caleçon ? -On revient à l'espiègle. Nous avons passé plusieurs jours chez lui à repousser le moment où il faudrait faire des images. Je le voulais avec ce costume noir Et il est apparu, au bas des escaliers avec la veste, la chemise ok, mais en bas, un short de cycliste; et medisant : bon on ne fait que du portrait, d'accord (sourire) !!!
Et il savait donc que tu allais le faire en pied ! - Oui, bien sûr ! Et il a même choisi celle-là pour être, plus tard l'affiche de promo de l'album dans le métro parisien. Il aimait déstabiliser, s'amuser.
Revenons-en à Buck John. - Cette pochette, j'ai réalisé cela en travaillant sur le livre : c'est presque la couverture d'un roman d'aventure. Jean-Louis étaitun éternel ado, Buck John c'est un héros de BD. Jean Louis devient un personnage de livre d'aventure pour ado,quelque chose de ça, je trouve ça très beau comme si la boucle était bouclée
Que peux-tu dire de cette aventure Murat ? J'ai eu une chance inouïe de côtoyer ce grand homme, cet intellectuel, cet artiste d'une exigence rare, d'une intelligence rare, d'une sincérité rare; et de l'avoir vraiment rencontré. C'était beau.
- Sud Ouest dimanche - Gironde
dimanche 12 octobre 2025 176 mots, p. 28
Murat, une vie en «photorama»
Stéphane C. Jonathan
Disparu il y a deux ans, le musicien et artiste auvergnat Jean-Louis Murat continue de fasciner et d’intriguer. Frank Loriou l’a bien connu et ouvre aujourd’hui ses archives. Photographe et graphiste spécialisé dans le domaine musical, il a réalisé les pochettes de disques essentiels («Clandestino» de Manu Chao, «Le Phare» de Yann Tiersen, mais aussi Dominique A, Arthur H, Brigitte Fontaine…). Pendant près de vingt ans, il a entretenu avec Murat une relation privilégiée et réalisé le visuel de neuf de ses albums. Des sessions photo en argentique qui ont participé à l’image publique du musicien.
Pour accompagner les 150photographies présentées dans un luxueux livre carré, Frank Loriou livre un texte de 20pages, un «journal extime» qui lève le voile sur leur complicité. La succession de vues – parfois redondantes – de chaque session témoigne de la connivence entre le photographe et son sujet, parfois cabotin mais toujours authentique
- Dans Plugged ( de M. Veillet)
- Enfin, une petite séquence vidéo avec La Montagne:
Je n'avais pas encore fait ces crêtes-ci. J'en ai pris pleins les yeux... attention, ça va éclater de couleurs.
ci-dessous, PanoRAMA du Sancy: Monts d'Ardèche ou Maurienne (indiquée sur la Table... mais vu que le Mont-Blanc n'est pas visible, j'ai des doutes). On distingue par contre le sommet culminant de l'Aubrac, nos visiteurs du jour (à découvrir ci-dessous) viennent de cette direction.... Et plus proche : le Guery, l'Ouire de Jean-Louis... Vous pourrez jouer lors de votre prochaine venue avec la table d'orientation: 17 références trouvées à des textes signées Bergheaud!
Fontaine salée, ci dessus... (arpentée en hiver), les ruisseaux brillaient au soleil... avant de plonger dans les rouges -souliers- et l'ocre ("Ocre jaune est la poussière où le soir descend", la chanson Couleurs - carta de colores est approprié pour la journée).
Et voilà les visiteurs du jour (très nombreux cette année), les vautours (fauve je pense) qui viennent des Cévennes et des Causses (à voir ici)...
La plus belle et nette:
Les voilà surplombant le Sancy:
Puis le lendemain, en allant aux Planchettes chercher nourriture terrestre... et the last arrêt cause is the place to be en automne: entre Tuilière et Sanadoire.
Voilà, je suis allé aux Vinzelles, lieu charmant et accueillant.
Samedi 11 octobre s'y déroulait la première soirée de lancement du livre Photorama, avant celle de jeudi à Paris.
jeudi 16 octobre entre 18h et 20h. Rencontre et signature, avec la participation de JP NATAF, qui chantera plusieurs morceaux de Jean-Louis Murat- Polka Factory 12 rue Saint Gilles, Paris 03).
Comme je le disais au moment de l'annonce de la soirée, j'étais content d'arriver à une soirée Murat en n'ayant "qu'à me mettre les pieds sous la table"... Par contre, passer incognito est devenu difficile, même si je remercie tous ceux qui ont salué l'intérêt de ma petite "occupation". C'est toujours très touchant.
Après un petit repas très agréable, nous avons pu écouter Frank Loriou interrogé par Christophe Basterra, instituteur, mais toujours chroniqueur musical (au solide bagage). Les deux semblaient assez intimidés, l'un précisant n'être aucunement spécialiste de Murat, et l'autre, pas forcement le plus légitime ou le plus intéressant pour évoquer Jean-Louis alors que Denis Clavaizolle, Alain Bonnefont, Laure Desbruères. étaient présents. Une façon pour lui de les inciter, peut-être, à livrer leur témoignage à leur tour, mais ce préalable et de nombreux autres propos tenus au cours de la discussion, révèlent bien l'humilité de Frank.
Je ne vais pas faire un compte-rendu exhaustif, je diffuserai peut-être l'audio un de ces quatre. De mémoire donc (mais celle de toute la rédaction de surjeanlouismurat.com) :
La première question, "quelle a été votre réaction à la mort de Jean-Louis Murat?", permettait peut-être d'évacuer l'émotion. La réponse a été sobre mais un peu étranglée. Elle a permis à Frank de dire que ce livre était une façon de prendre acte de cette mort, d'enfin faire le deuil.... même si le titre Photorama qui lui est venu tout de suite souligne le fait que ce livre fait revivre le chanteur (cette succession d'images anime le personnage, un peu comme un folioscope -ou feuilletoscope /flipbook-). Et pour le photographe, cela a fait resurgir tous ces moments. Autre phase de deuil : le besoin d'écrire, qui a été la phase première de l'élaboration du projet.
La glace une fois rompue, on voit que F. Loriou a l'habitude de parler de son travail devant un public. Il est très bon conteur, sait distiller l'anecdote et nous fait souvent rire, notamment à propos de Buck John, du projet de titre initial "l'année du blaireau", et de l'idée de pochette de Jean-Louis, pour le moins farfelue. Frank témoigne du travail en commun, et c'est très intéressant. Il raconte comment les deux aimaient se mettre en danger, en ne préparant rien et en laissant advenir le bon moment. Il ne pouvait jamais entendre les chansons avant, mais discutait beaucoup avec Murat - exception faite de Baby Love, joué intégralement devant lui, et l'on apprend pourquoi la pochette est rouge et violette ! Il est beaucoup question de projets abandonnés ou avortés, ce que Frank acceptait sans broncher, conscient que les choses naissent aussi des tâtonnements et des refus, et révélant une belle capacité à s'effacer et se mettre au service de l'autre.
C'est une relation à part qui est évoquée. Frank, citant Emmanuel Plane (dont on avait parlé), s'amuse de l'image de Jean-Louis, qui terrifiait visiblement pas mal de monde dans la profession : "je travaille avec le Minotaure !". Et pourtant, c'était sans doute l'artiste dont il était le plus proche. Il l'explique par ce qui les rapprochait, le goût du travail, le fait de venir d'ailleurs (de Bretagne pour Frank) et d'être en décalage avec les professionnels de la profession.
"La seule confession sincère est celle que l'on fait indirectement, en parlant des autres", a écrit Cioran. C'est ce qu'on pouvait ressentir dans ce témoignage d'amitié et d'admiration très vibrant. Nous découvrons Frank, par sa façon de parler de Jean-Louis mais aussi de Laure, partie prenante du travail sur les pochettes, par son admiration devant la liberté de Murat, et la poésie de ses textes (qu'il pouvait lui expliquer vers par vers !), lorsqu'il parle de sa joie à être "convoqué" à Douharesse; dans sa sobriété tendre et souriante, son attention constante à la justesse de son récit, fait depuis sa place, singulière, parmi d'autres qu'il a toujours le souci de mentionner. JP Nataf le dira en ouverture de son concert : on était bien en sa compagnie. Un peu tristes, mais vraiment bien.
PHOTORAMA DE LA SOIREE (la projection sur le mur a souvent rougi Frank ou le transformait dans ce cheyenne automne, en indien aux peintures guerrières mais ouf, Les Cherokees considéraient le rouge comme la couleur du succès et du triomphe).
- Pour le reste de la soirée, on avait pu deviner qu'il y avait des surprises : un piano et une guitare électrique étaient sur la scène... et Denis Clavaizolle et Olivier Nuc déjà dans les lieux.
JP Nataf que je commence à avoir vu un certain nombre de fois semble très intimidé et il n'aura pas sa bonhommie et son humour habituels. Il arrive d'une résidence en Normandie et semble fatigué, et n'a pas pu vraiment répété selon un post de Vinzelles. Vu que j'adore absolument son activité solo, j'attendais beaucoup du moment... et j'avoue une petite déception. Mais ses réinterprétations assez osées de "Chanter est ma façon d'errer", "Le troupeau" (comme à la Maison de la poésie), "Le voleur de rhubarbe" valaient bien le voyage, même si c'était fragile. Olivier Nuc et Denis l'ont rejoint ensuite pour des versions un peu plus fidèles et un jam un peu préparé. Olivier Nuc livre des jolies interventions de guitare solo... et chantera même "Fort alamo" (me revoilà comme il y a 9 ans à la soirée Livre unplugged à laquelle Frank avait assisté.. et m'avait photographié!). The big surprise, et peut-être le moment le plus émouvant arrive ensuite : entendre Denis chanter... Le train bleu. Voici un extrait :
Morgane qui vient d'arriver les rejoint pour Foule romaine, "Nu dans la crevasse" et "si je devais manquer de toi" en rappel. Ca m'a paru court mais 11 titres quand même... Je diffuserai peut-être un audio.
On se retrouve rapidement pour la suite du reportage en Auvergne, les Faubourgs de la soirée "Photorama" (en souvenir d'autres virées autour de concerts: Vercors , Belledonne... ou dans le Sancy après un koloko.
On retrouve Olivier NUC dimanche sur France CULTURE à 17 heures (cf article précédent). Quand je lui ai dit que je l'avais écouté plusieurs fois parler de Jean-Louis cette semaine -en écoutant cette émission-, c'était touchant de voir comme cela était important pour lui, et il était fébrile avant d'entendre ce qui avait été retenu par A. Couder. Je l'ai rassuré!).
Un cœur, des ténèbres. France Culture, dimanche 19 octobre, à 17 heures (collection: "Toute une vie" destinée à des portraits d'hommes et femmes d'exception, 981e épisode).
On le savait depuis quelques mois, Antoine Couder, l'auteur de Fouleromaine (Édition Le Boulon-collection seveninches) préparait un reportage radio. Il en est effet producteur d'émissions pour France Culture. Et voilà, cela sera diffusé ce dimanche, et immédiatement podcastable (émission réalisée avec François Teste). Dans ce paysage audiovisuel et radiographique où Murat est bien trop absent, voilà de quoi nous rasséréner.
Au programme, un gros casting d'interviewés (sans trop de surprise malgré tout) avec un reportage en 4 chapitres. On entendra donc Yann Bergheaud, Olivier Nuc, Matt Low, Marie Audigier, Carla Bruni, Fred Jimenez, Dominique A, Alain Artaud, Alex Beaupain et Jean-Louis Murat lui même (notamment via des extraits de l'émission avec Laure Adler (inter) ou de Murat à la dérive (radio nova).
On vous en dit un peu plus ci-dessous mais si vous voulez garder l'oreille vierge, arrêtez-vous ici.
Dans l'émission, seront donc abordés son pays, son imprégnation mystique et animiste, le musicien groovy et radical (et pas le poète qui met en musique ses textes dit O. Nuc), la question de la masculinité dont se dépatouille Matt Low, son côté séducteur (Carla, séquence avec Hardy chez Ardisson...). Moment le plus intéressant sur des événements marquants : son père, le décès de sa maman. Il est beaucoup question de sa carrière commerciale sabordée, via Marie Audigier, Olivier Nuc, Alain Artaud ou Antoine Couder qui reprend (de manière un peu lacunaire) les propos de Murat sur Zemmour et Onfray (on oublie toujours : "Vous soutenez Zemmour aujourd’hui ?-Pas du tout !"). Et on se joindra à la tristesse d'Olivier Nuc qui constate que Murat n'a pas la place qu'il mérite chez les amateurs de Musique (le même rang que Bashung et Manset).
La dernière partie est un peu plombante à l'image du titre de l'émission (développement sur les conditions de sa mort, le best of, le décès de sa mère), avec notamment une phrase de Carla Bruni qui ne manquera pas de susciter des interrogations (même si ses autres interventions sont bien vues). Dans une émission destinée à un public non spécialiste, on aurait aimé que soient explorées d'autres facettes pouvant aller plus à l'encontre des idées reçues sur lui. Vous le savez j'espère: ici on aime Murat parce qu'il est stimulant, spirituel, qu'il nous rend heureux, parce qu'il a écrit "les jours du jaguar" et "le cri du papillon". Son côté rock, son humour, sa culture... sa vitalité, enfin, dont parle si bien Grégoire Bouillier, sont assez peu abordés. De la part de l'auteur du livreFoule romainequ'on avait beaucoup aimé, on pouvait s'attendre à une vision un peu plus iconoclaste, mais c'est aussi peut-être lié au format de cette case destinée à la biographie. Difficile de toute façon de tout faire rentrer en 58 minutes il faut bien le reconnaître... Mais ne boudons pas notre plaisir. La qualité des interviews, et le montage souvent savoureux font de l'émission un bon moment de radio.
Le livre de Frank Loriou "Photorama" est disponible à partir d'aujourd'hui. Ceux qui l'ont précommandé l'ont reçu pour certains dès lundi. Le Boulon, la maison d'édition rock, sort donc avec lui un troisième ouvrage consacré à Jean-Louis Murat, tous très différents.
Le format du livre de celui de Frank est le même que celui de Pierre Andrieu (dont la couverture était déjà illustrée par le photographe), ce qui permettra de les réunir aisément dans la bibliothèque ou votre cabinet de curiosités à côté du petit caillou volcanique ramassé au Sancy, du billet de concert Olympia en l'an 2000 et du chewing-gum ramassé au koloko 2014 -ah oui, quand même? vous êtes bien atteint, vous alors-. De fait vu le gabarit modeste, cela permet aussi d'avoir un livre de photos à un prix raisonnable.
Le titre a un côté un peu technique (c'est les Frère Lumière qui ont créé ce nom pour un procédé visant la reproduction complète de l'horizon), mais cela reflète l'idée de Frank de donner à voir l'intégralité de son travail avec Murat (on ne découvrira pas de photos prises dans l'intimité de rencontres estivales). L'intimité, on va la retrouver dans le texte très joliment écrit qui ouvre le livre. Il est question des coulisses des sessions, des secrets de confection des pochettes (la photo de Mustango, le blaireau de Toboggan...), et on aura donc envie de faire des allers-retours entre le texte et les photos dont il est question. Ne pas avoir à faire cette manipulation aurait été agréable mais si Frank n'a pas fait le choix de morceler son propos, c'est qu'il nous livre un vrai récit, son histoire avec Jean-Louis, faite de beaucoup d'avanies au départ (2 pochettes que Jean-Louis finalement saborde), d'une longue période de silence puis d'une belle amitié et d'instants familiaux (souvenir d'un Jean-Louis conduisant sa voiture sur les chemins... avec 4 enfants installés dans une remorque, se faisant secouer comme au manège). Cette amitié qui se renforce alors que Frank arrive avec ses enfants, cela peut évoquer ce qui a pu aussi se passer avec son fils quand il est devenu père. Il est d'ailleurs évoqué une discussion à propos de son fils mais Frank n'en dévoile pas la teneur. Le texte est intime, très sensible, dévoile un peu le "Jean-Louis Bergheaud" chez lui, mais pas question pour Frank de trop en dire... Par contre, on a au programme de jolis détails, des informations intéressantes sur certaines chansons ("Kids" dont il livre une interprétation) ou des anecdotes amusantes. Je vous en livre une : un jour à Paris, fagoté comme l'as de pique, Jean-Louis Murat pense avoir perçu dans le regard d'une dame qu'elle l'avait pris pour un SDF... Il décide aussitôt de rentrer dans un magasin et se rhabille de la tête aux pieds de vêtements neufs!
Le livre se poursuit donc avec toutes les photos liées aux différentes sessions que nous connaissons, et c'est assez intéressant et amusant de voir ce qui a été tenté par Frank et Jean-Louis (des idées viennent de lui)- ici ou là certains regards, certaines bouilles où Jean-Louis Bergheaud apparaît - ou de deviner ce qui a valu aux clichés de se faire écarter par Murat pour la promo.
J'étais aussi impatient de découvrir la préface de Photorama, signée par Charles Pépin.
Il a eu envie de parler d'un instant qui l'a marqué. Il s'agit de la séquence dans laquelle Jean-Louis Murat réagit vivement aux propos de la rédactrice en chef d'un magazine people chez Ruquier, un samedi soir sur la terre. Première réaction : ah, mais pourquoi revenir là-dessus alors que j'ai toujours regretté que ce soit une des vidéos avec Murat les plus vues sur les tubes (ça serait bien que ce soit une de ses chansons, non?)... mais le philosophe en tire bien-sûr une analyse efficace et juste, n'insistant pas finalement pas tant sur les paradoxes du personnage (un peu quand même : côté bourru vs l'amour courtois), que sur son entièreté. Je ne veux pas trop en dire pour vous laisser découvrir ce textes de 3 pages. Deux petites remarques tout-de-même: Charles Pépin insiste sur des chansons que Murat reniait un peu ("Sentiment nouveau", "le lien défait"), -je n'en tire pas de conclusions, l'oeuvre doit échapper à son auteur de toute façon. Et Charles Pépin fait la confidence que la proximité qu'il avait avec la voix de Jean-Louis (dont il est assez souvent question) lui avait donné l'envie de lui écrire un texte de chanson. Frank lui a alors proposé d'organiser une rencontre, qui n'a pas pu se faire puisqu'on était en 2023, mais en lui disant que "Murat ne chantait que ses propres textes"... Et sur ceci, j'émets une réserve (tout en faisant l'hypothèse qu'il s'est agi pour Frank de faire une réponse diplomatique ou protectrice). Si un philosophe (un pédagogue qui plus est comme Onfray) lui avait apporté un texte écrit pour lui, je pense qu'il aurait été honoré de la démarche et aurait pu le mettre en musique (comme il a chanté Rose, Chloé Mons et quelques autres). J'indique bien "le mettre en musique" (pas le mettre sur un album).
Frank LORIOU, Photorama, édition le BOULON, 204 pages, 09/10/2025, ISBN 248727078, 0,8780.kg.
Ps: merci à Frank de me faire figurer dans les remerciements (avec mon nom dans le civil. Deuxième fois qu'il se retrouve imprimé à côté de ceux de Varrod et Vergeade*, ça vous pose un homme, ça. - "être "de quelque chose", ça pose un homme, comme être "de Garenne", ça pose un lapin" comme le dit Alfonse Allais-.
*Un article sur le livre signé FV est disponible dans LES INROCKS de cette semaine.
Première soirée de lancement aux Vinzelles (complet) samedi mais possibilité de s'y faire dédicacer le livre en fin de journée + 2e Soirée à la librairie de la Polka Galeriele jeudi 16 octobre entre 18h et 20h. Rencontre et signature, avec la participation de JP NATAF, qui chantera plusieurs morceaux de Jean-Louis Murat
Polka Factory 12 rue Saint Gilles, Paris 03 / Métro Chemin vert
Puisque le livre de Frank Loriou nous emmène dans le Sancy (notamment avec quelques photos paysagères), nous allons y rester un peu, pour un autre livre, sorti il y quelques années. Le découvrir, pour une muratienne amatrice de Marie-Hélène Lafon, c'était bien sûr partir sur les traces de l'univers de Jean-Louis Bergheaud... Florence D. nous écrit:
Il est des lieux presque familiers sans qu’on n’y ait jamais mis les pieds.
Celui-là, je l’ai rencontré à l’orée du récit de François Cassingena Trévedy (Cantique de l’Infinistère, dont Pierrot nous a parlé en 2016), qui y débute sa traversée de l’Auvergne. A travers l’enthousiasme de Marc Aymon qui s’y est régalé le lendemain de sa prestation au Fotomat pour le Yes sir ! 2025. Je l’ai souvent aperçu de loin au hasard de balades. Et enfin un samedi d’été devant la librairie Rémy de La Bourboule, où Corinne Legoy dédicaçait le livre qu’elle lui a consacré.
A la prochaine montée vers le col de la Croix Saint Robert, la prochaine descente depuis les crêtes, une halte s’imposera, enfin, à la ferme de l’Angle.
La ferme et l’auberge de l’Angle, donc. Depuis 1932, quatre générations s’y sont succédé, auxquelles Corinne Legoy, historienne, et surtout familière des lieux, donne la parole dans ce livre.
Par le carnet de Blaise d’abord, l’arrière grand-père né en 1897. Il y a raconté pour ses enfants et petits-enfants ses pèlerinages à Notre-Dame de Vassivière, de l’autre côté du massif, entre 1915 et 1967. Histoire de transmission, document précieux, très émouvant et remarquablement écrit d’un pèlerin, d’un paysan, d’un marcheur et grimpeur (mais uniquement de « montagne à vache » dit-il !), confronté aux caprices de la montagne, au brouillard, observateur attentif et toujours émerveillé de ces lieux pourtant tant de fois parcourus. De 1915 et la première montée, hasardeuse et épique, du jeune homme parti pour son premier pèlerinage avec son frère (qui mourra à la guerre quelques mois plus tard), au travailleur pressé par les travaux qui l’attendent, au père puis au grand-père heureux de monter en famille, dans ce rapport très physique au paysage, on voit défiler toute une époque, disparaître un monde. Il donne à entendre les conversations entre paysans dans leurs ascensions, les commentaires sur les vaches en estive, les recommandations des parents, les discussions après la messe. Il raconte le changement de la montagne et des pratiques, l’arrivée du téléphérique en 1937, les blocs de béton et les pylônes qui progressivement envahissent les pentes, les chemins délaissés et disparus. La métamorphose des hommes et des femmes, qui en moins de vingt ans ont abandonné « bonnets bergères » pour les unes, biaudes et larges chapeaux pour les autres. Il évoque le travail quotidien, la recherche de moutons égarés dans des courses interminables mais qui font de bons jarrets,le travail pour le syndicat agricole. En perspective, le Front populaire, deux guerres (et on apprend au début du livre, par le récit du colonel Rémy, résistant, comment il a caché puis fait descendre des maquisards, à quelques pas du Mont-Dore occupé par les nazis). On découvre un personnage très attachant, soucieux de précision, revenant sans cesse sur la question de la fidélité de la mémoire - il souligne d’un trait de crayon les faits dont il est certain. Le récit est souvent enlevé et parfois drôle, quand il raconte la panique qui saisit les passagers lors de leur premier voyage en téléphérique, ou ses contorsions à l’église pour cacher une grande déchirure sur le fond de son pantalon : il a fait une chute spectaculaire sur un névé…
Puis l’autrice a interrogé les générations suivantes. Ceux qui sont partis, devenus bergers ailleurs et qui parlent avec passion de leurs bêtes et des estives. Ceux qui sont restés, ceux qui sont arrivés. On découvre le quotidien, les difficultés, l’attachement à ce lieu, à ces paysages, aux bêtes, l’engagement pour un élevage respectueux, les évolutions du métier, les interrogations sur l’avenir. Ces paroles s’entrecroisent, se font écho, se complètent, et témoignent joliment de la confiance faite à l’autrice, l’amie.
Pour compléter ce très beau livre, outre la préface d’Alain Corbin et la couverture dessinée par Etienne Davodeau (encore un marcheur… qui a dû passer pas loin lorsqu’il a traversé la France de Lascaux à Bure pour sa BD Le droit du sol), deux films sonores de Philippe Busser, pour entrer de plain-pied dans l’intimité de ce monde, de ces vies. Comme Blaise dans son carnet qui multiplie les notations sensorielles, bruits, odeurs, sensations du vent ou la pluie sur la peau, on entend la nature, le travail, la vie quotidienne. Bruits de pas, de l’eau, du vent au sommet du puy de l’Angle, des enfants qui jouent, de cochons qui grognent. Entrelacement, comme dans le livre, des voix de toutes ces générations, lectures du carnet de Blaise, voix de ses enfants et petits-enfants guettant le sanglier, récit de la mise en place de la première croix au sommet du puy de L’Angle, et, particulièrement émouvante, une séquence où Virginie, qui tient aujourd’hui la ferme avec sa sœur, explique à une vache que son veau va partir.
Et, inévitablement, viennent à l’esprit la voix et les chansons de Jean-Louis Murat. Sans doute d’ailleurs a-t-il connu ce lieu et ses habitants (et le livre ?) : Blaise évoque un trajet à pied du Mont Dore à Orcival, 18 km, par « la Roche qui chante », la Sanadoire. Cette parole des paysans, qu’on entend si rarement, en tout cas dans son évocation précise d’un quotidien – avec, et ce n’est pas le moindre attrait de ce livre, son vocabulaire -, d’un rapport au travail, aux animaux, aux paysages, et, en perspective, à la ville (Virginie parle très joliment de l’odeur des vaches sur les vêtements). Ce passé qu’il a connu et vu disparaître. Ce monde de sensations. Ce rapport ambivalent au lieu de l’enracinement.
A découvrir, donc, avant de monter goûter la truffade et les cœurs à la crème !
Corinne Legoy, Le monde de l’Angle. Voix paysannes 1915-2020. Avec deux films sonores de Philippe Busser. Préface d’Alain Corbin. Bleu autour, 269 p., 27 €