Publié le 30 Mai 2018
La catégorie d'articles "Bibliographie" est consacrée aux œuvres imprimées dans lesquelles il est question de Jean-Louis Murat.
L'inter-ViOUS ET MURAT- n°21 était consacrée à Franck Courtès, photographe devenu écrivain. Il publiait un roman ("sur une partie majeure de la France") avec comme épigraphe un vers de Murat. Il s'avérait qu'il avait à deux occasions photographié le chanteur et il m'a fait l'honneur d'autoriser la publication de photos inédites. Il nous a conté cette rencontre à Orcival, puis à New-York.
Aujourd'hui, il publie son nouveau livre toujours chez Lattès, et toujours en s'appuyant sur une matière autobiographique. Cette fois-ci, de front... pour évoquer ses souvenirs et tourments de photographe. Côté souvenirs: beaucoup d'anecdotes autour de rencontres (sans que cela tourne aux Who's who et à l'anecdote druckerienne)... dont celle avec Jean-Louis Murat: Les quelques pages ne nous apprennent pas beaucoup plus que notre interview, mais on y retrouve joliment transmis l'amitié que Franck porte au chanteur. Vous pourrez lire tout ceci en fin d'article.
Franck nous parle aussi, entre autres, d'acteurs (Tom Hanks...), de politiques (Bérégovoy...), d'écrivains, de musiciens, de footballeurs (Evra qui ne connaissait pas du tout la ville de Manchester pour laquelle il jouait...), des bonnes surprises... comme des mauvaises (parfois d'un stricte point de vue des 5 minutes que le modèle accorde au photographe, mais "Je n'avais pas toujours besoin de lire un auteur pour savoir de lui l'essentiel. Souvent l'oeuvre venait après coup confirmer ce que j'avais ressenti dans l'instant partagé de la prise de vue") .
Toutefois, le cœur du livre est bien les tourments du photographe. La faute aux photos? Non.
Des tourments tels qu'il pensera souffrir de dépression. Face au travail de commandes, face aux portraiturés qui ne jouent pas le jeu, le joue trop, face à la peur du manque d'inspiration, quand l'autre s'en fout ou quand l'autre l'impressionne trop (Raymond Depardon...), et encore, face à l'effet médiatique (le festival de Cannes, ou l'écart entre l'impression laissée par un homme et les réactions que sa représentation en photo va susciter - Michel Polnareff ou Jean-Marie Le Pen), face à l'émergence du numérique, de la dictature de la photo et sa désacralisation dans le même temps, face à la crainte du procès qui empêche de poser son regard où on le souhaite, face aux impayés, ou enfin, l'impression de survoler les gens, les pays "voyagés" sans les appréhender vraiment: "je me rendis compte que j'étais allé en Amérique du Nord 24 fois en deux ans. Pourtant, je ne connaissais rien aux Etats-Unis". La dernière "humiliation", ça sera Joey Starr et un footballeur... Franck comprend qu'il est arrivé "au bout de sa passion" "comme on se rend compte [...] qu'on ne vieillira pas avec la femme de sa vie". Prises de vue, prises de tête. Débrancher la prise pour libérer non pas seulement l'esthète, mais son être dans son ensemble.
Bien sûr, il est aussi question de "l’état de grâce" quand tout se combine, et Franck arrive à lever un peu le mystère sur ce qui fait la magie d'une photo, en nous parlant de ces moments de complicité qu'il arrivait à instaurer parfois, ou en évoquant la technique autour de l'argentique (comme une contrainte libératoire, "l'envie d'en découdre", notamment avec la lumière: "le réglage de mon appareil était la première chose à laquelle je pensais en me levant" [en se précipitant à la fenêtre]). Ainsi, le lecteur aura bien souvent envie de stopper la lecture pour aller à la recherche des prises de vue qui viennent d'être évoquées.
C'est souvent sérieux, mais jamais prétentieux : Franck y reste toujours d'une grande modestie: quand il parle de ses travaux plus personnels (refusés à l'édition), ou quand il évoque, par exemple, son inculture : "je fus bientôt à même de tenir une conversation avec Philippe Sollers et Régis Debray, à condition qu'on parlât avec le premier des vins de Bordeaux et avec le second du mauvais état de ses rideaux de salle à manger", ou nous compte quelques bévues (sa rencontre avec P. Barouh dont il ne connait pas le nom: "des succès? Alors peut-être que si vous m'en chantonnez un, je le reconnaitrai").
Les dernières pages du livre sont consacrées à sa conversion vers l'écriture, qui est marquée par "l'ancrage", le "rester"(notamment dans un cadre villageois", et l'introspection... L'occasion bien-sûr de comprendre une nouvelle fois ce qui le relie à l’œuvre de Jean-Louis Murat.
"La dernière photo" est l’œuvre la moins romanesque de Franck, mais est passionnante pour les amateurs de photo, et pour ceux qui ont aimé ses précédents livres, qui dévoilaient d'autres aspects de sa vie. Franck en a-t-il fini avec cette matière très personnelle dont il s'est inspiré pour l'instant? On comprend en tout cas à la lecture que ce livre était forcement un préalable avant de pouvoir totalement passer à autre chose.
- A relire (avec d'autres photos, copyright Franck Courtès/agence Vu'):
http://www.surjeanlouismurat.com/2016/06/inter-vious-et-murat-n-21-franck-courtes.html
http://www.surjeanlouismurat.com/2016/06/franck-courtes-photographe-suite.html
- Pour en savoir plus:
x Sur France 5, dans la GRANDE LIBRAIRIE, de Busnel (31/05)
x L'ami Pierre KRAUSE: https://www.babelio.com/livres/Courtes-La-derniere-photo/1037661/critiques/1628442
x https://publikart.net/la-derniere-photo-ou-auto-portrait-de-franck-courtes-jc-lattes/
- Disponible encore quelques jours: en vidéo "un livre, un jour"
Et pour Hachette.fr: