C'est vraiment assez fidèle à Jean-Louis Murat, laid back comme il pouvait jouer les titres en solo (les premières notes, en fermant les yeux... on pourrait s'imaginer...), et on retrouve sur une 2e guitare dans l'orchestre me semble-t-il, un peu de blues. Certains font référence à JJ CALE notamment Soleil Brun. Et arrive ce qui arrive avec les compositions de Jean-Louis Murat, on se laisse embarquer par le tempo et le groove... Quand les cordes arrivent, c'est très réussi. Ca n’emmène pas le morceau vers le rock et une envolée, mais Jean-Louis était aussi un chanteur de charme, un crooner. Le visage entier de Jean-Louis arrive en fin de morceau sur le fond de la scène.
Alors évidemment, certains râlent sur la voix et patati et patata... mais c'était important. Alors bien sûr, oui, pas de medley pour découvrir les différents aspects de l'oeuvre, et qu'un seul artiste, le choix de la chanson du "début" fut-elle si symbolique, pas d'extraits avec JL Murat lui-même... mais non, moi, je ne veux pas râler... Quand on voit que François Hadji-Lazaro a juste droit à sa photo et qu'on aura le droit à de longues séquences d'une chanson "Azoulay compagnie" ("premier baiser")... dans une cérémonie où le rock aura été le grand absent.
On aura noté que finalement, en raison de l'actualité Doillon semble-t-il, Jane Birkin n'aura eu droit qu'à un magnéto et des applaudissements.
Petite revue de presse du matin: rien de phénoménal
Retour sur la soirée dans Paris-Match (en photo)
Sur le monde.fr, "Hommage à Jean-Louis Murat. Le chanteur Raphaël rend hommage à Jean-Louis Murat, mort le 25 mai 2023, en reprenant l’une de ses chansons emblématiques, Si je devais manquer de toi.Auteur prolifique et provocateur impénitent, le musicien s’est éteint d ans ce Puy-de-Dôme qu’il n’avait jamais quitté à l’âge de 71 ans."
Ouest France plus laconique : 23h14 Raphaël reprend Jean-Louis Murat. Rare sur scène, le chanteur Raphaël est venu interpréter Si je devais manquer de toi de Jean-Louis Murat, disparu en mai dernier.
Sud Ouest: La mémoire des disparus des 12 derniers mois a été célébrée de façon disparate : une brève archive pour Tina Turner, un montage vidéo pour Jane Birkin, et une belle reprise de Jean-Louis Murat par Raphaël, rare sur le petit écran.
RFI : C’est en chanson que la cérémonie des Victoires de la musique salue la mémoire de Jean-Louis Murat, décédé en mai 2023. Le chanteur Raphaël a repris dans un style aux teintes de blues accompagnés de violons Si je devais manquer de toi, tube sorti en 1987.
Le figaro : Hommage à Jean-Louis Murat. Le chanteur Raphaël rend hommage à Jean-Louis Murat, mort le 25 mai 2023, en reprenant l'une de ses chansons emblématiques, Si je devais manquer de toi.
Le Parisien parle d'hommage élégant.
Un billet d'humeur signé du dolo belge Charles est à lire pour les abonnés (Si quelqu'un peut me le faire passer) sur DH, ça débute ainsi Les Victoires de la musique et Jean-Louis Murat: le bal des hypocrites. Comme chaque année, la cérémonie a rendu hommage aux artistes disparus ces 12 derniers mois. Parmi ceuxci figure le chanteur auvergnat. Pourtant, entre les Victoires et lui, c’était tout sauf le grand amour… [Edit: on y retrouve les infos données dans mon article sur la relation avec Murat et les Victoires, mais pour moi, pas d'hypocrisie, les multiples nominations montrent que le Paysage Musical français ne demandaient qu'à aimer JL... et Daho n'a pas obtenu des victoires à la pelle non plus...).
Comme je l'ai écrit dans l'article qui revient sur la relation entre Murat et Les Victoires, tout n'est pas à mettre sur le dos du show-biz, c'est Jean-Louis qui ne voulait pas se laisser aimer... Tiens, d'ailleurs, un amoureux éconduit parlera encore de lui aujourd'hui : Dominique A sur Inter... avec Vincent Josse (autre camarade qui a parfois fui).
A noter : a été cité dans les disparus Marc Glomeau (Muddy Gurdy), musicien (batteur) originaire du Puy-de-dome.
L'archive en plus
Raphaël et Jean-Louis Murat s'étaient rencontrés en 2006 via Armanet du Nouvel-OBS. Ce n'était pas passionnant (mais aussi très court), l'urbain et le montagnard répondant un peu l'un après l'autre sans échange. Un peu plus tard, Raphaël avait aussi interprété le titre écrit par JL Murat pour Indochine "un singe en hiver").
Jeudi 24 août 2006
Une rencontre inédite
Murat et Raphaël face à face
Alors qu'il sort « Taormina », un nouvel album enchanteur, le mousquetaire auvergnat croise le fer avec son cadet Raphaël, hussard du rock français, dont l'album « Caravane » bat tous les records de vente. Au menu : Dieu, les femmes et la langue française
L'un est né dans un village d'Auvergne, à La Bourboule. L'autre à Boulogne-Billancourt, d'un père mi-juif marocain mi-russe d'Odessa et d'une mère argentine. Le second est né quand le premier montait sur scène. Murat, comme Bashung, Christophe, Cabrel et Manset, est l'un des mousquetaires du rock français. Raphaël, trois victoires de la musique (et son album « Caravane » vendu à 1,25 million d'exemplaires) en bandoulière, est le hussard de la génération montante. Son visage d'ange androgyne tourne la tête des jeunes filles, quand son aîné traîne une réputation d'amant ombrageux, dans le sillage de ses duos avec Mylène Farmer, Isabelle Huppert, Elodie Bouchez, Jennifer Charles ou Carla Bruni. Les deux chantent dans la langue de Verlaine au son d'une guitare Telecaster. Le plus âgé, «la campagne amie»; le cadet, «j'ai la ville au ventre». La mélancolie, l'amour, la mort, Dieu, la route et les volcans habitent leurs chansons. Pour son nouvel album, « Taormina » (au pied de l'Etna), Murat est monté pour la journée à Paris et reprend demain aux aurores le train pour Clermont-Ferrand. Raphaël repasse par la capitale entre deux dates d'une tournée triomphale et enregistre un album live pour l'automne. C'est le pic de la canicule. Le «berger du néant» porte des Pataugas, un pantalon de treillis, une chemise hawaiienne accentue le bleu électrique de ses yeux, adoucis par ses longs cils noirs. Raphaël, tennis kaki délacées, tee-shirt gris, pose sa veste de costume à fines rayures et sourit de son regard bleu ciel. Rencontre inédite.
Nom de scène
Raphaël. - Mon nom, Raphaël Haroche, me faisait penser à l'école. J'ai hésité longuement à prendre le nom de ma mère. Et plus je réfléchissais, plus je me disais que des chanteurs épatants avaient juste un prénom : Christophe, Barbara.
Jean-Louis Murat. -Bergheaud est un nom à coucher dehors. A l'école, mes profs l'écorchaient toujours. Je voulais adopter le pseudonyme d'Aymerigot Marchez, un brigand des hauts plateaux d'Auvergne qui me faisait rêver enfant. Quand j'ai téléphoné à ma maison de disques, ils m'ont pris pour un fou. J'appelais de Murat-Le-Quaire, alors j'ai dit Murat. Ils ont dit OK. C'est bien tombé. J'ai toujours aimé l'épopée napoléonienne, la chevalerie, la cavalerie surtout. J'ai l'impression d'avoir un subconscient du temps du cheval. Pour moi, un homme, ça va à cheval. Gamin, je montais à cru. Je suis dingue de chevaux. Coucher à l'écurie avec les chevaux ! Raphaël, on l'entend bien dans « Caravane », je devine aussi son côté migrant.
Raphaël. - Le cheval n'est pas mon univers. Mais j'aime la moto. Même si j'ai vendu la dernière, une vieille BM qui tombait tout le temps en panne.
Amour
Raphaël. - J'écris en pensant aux gens qui me sont proches. C'est une façon de parler avec pudeur à ceux ou à celle que j'aime.
J.-L. Murat. - L'amour, c'est la matière même de mes chansons. J'ai l'impression d'être le produit de la poésie occidentale qui plonge ses racines dans le chant amoureux. Depuis des siècles, des millions de vers et de mélodies ne véhiculent que la dimension amoureuse. Du Bellay, Marot, Villon, l'amour est au coeur de notre langue.
Raphaël. - Et toute la vie est rythmée par l'amour ou le désamour.
J.-L. Murat. -Dans le chariot de la chanson française, la place est toute chaude pour les histoires d'amour. On n'écrit une chanson que pour faire la révolution ou tomber une fille.
Langue française
Raphaël. - Je rêve en français. J'aurais aimé naître aux Etats-Unis, grandir à La Nouvelle-Orléans et avoir sa musique dans le sang. Jusqu'à 20 ans, j'ai essentiellement écouté des chanteurs anglo-saxons. C'est vrai que du Presley ou des airs de blues-rock peuvent sonner d'une façon stupide en français. Mais Barbara, Brel ou Piaf, c'est aussi beau que Bowie ou Neil Young. La musique est moins intuitive, moins violente, mais il existe une grâce assez rare dans la chanson française. Et l'espagnol, le portugais ou le mandingue n'ont pas à faire de complexes face à la suprématie anglo-saxonne.
J.-L. Murat. - En anglais, il y a une dimension, mettons entre Shakespeare et Howlin' Wolf, qui ouvre des profondeurs attirantes. En France, j'ai l'impression que les textes ne dépasseront jamais Baudelaire, et la musique, Debussy. La langue française sent un peu son jabot en dentelle. « Avec le temps » de Ferré par exemple, c'est toujours le XIXe siècle qui nous parle. Il faut avoir l'humilité de se dire que ce n'est pas la peine de faire du neuf. On recycle quelques déchets à sa façon, on fait les poubelles. Je ne suis qu'un éboueur, et mon palais est fait pour des expressions françaises.
Raphaël. - Pourtant Brel, par exemple, saisit la langue parlée comme Céline. Et en écoutant Wyclef Jean des Fugees chanter « Welcome to Haiti » en créole, des horizons s'ouvrent, on sent une langue plus proche de l'anglais, plus innocente, plus révolutionnaire.
Femmes
Raphaël. - J'aime chez les filles les contradictions : le mystère, mais aussi la camaraderie et la drôlerie.
J.-L. Murat. - J'aime toutes les femmes. Le fait féminin me fait fondre. Même dans les noms, je préfère la jonquille au narcisse par exemple. Chaque fois que je me tourne vers ce qui est strictement féminin, ça me rend meilleur. Je suis sans doute très macho. Un handicap. Aujourd'hui, les femmes aiment bien materner. Il y a un glissement vers des visages plus flous qui ne montrent pas de sexualité brute.
Raphaël. - Tu veux dire que je suis flou ?
J.-L. Murat. - Mais non, moi aussi on m'a longtemps pris pour un angelot. Mais on sait bien que si Monna Lisa attire autant, c'est parce que c'est un mec déguisé en nana.
Raphaël. - J'ai arrêté le culturisme il y a deux ans (rires).
Dieu
J.-L. Murat. - Je suis un croyant sans foi. C'est clair, sur terre, des forces nous dépassent. Une évidence quand on habite la campagne. Le sourire d'une fille qui lui échappe, tu vois bien que c'est Dieu qui te sourit. Raphaël, quand on l'écoute, on sent bien son étoile de chevalier, c'est-à-dire toujours un genou à terre devant la beauté du monde. C'est une façon de rester à sa place, de regarder une primevère et de savoir qu'elle a tout à nous apprendre. Ne pas se prendre pour le nombril du monde mais pour un petit caillou au milieu de milliards de petits cailloux.
Raphaël. - Une prière à un caillou, pourquoi pas ? Quand tu te balades dans la nature, tu as envie de dire merci à quelqu'un. Je ne suis ni croyant ni pratiquant, mais sensible à l'injustice depuis que je suis tout petit. Et les religions m'impressionnent. On touche quelque chose proche du chant, qui vient du fond des temps, dès qu'on entre dans une église, une synagogue ou une mosquée. Un soulèvement.
Ville-campagne
J.-L. Murat . - Je suis un cul-terreux. Un vrai paysan. La bouse de vache, c'est l'odeur qui me transporte par excellence. Le lait, l'herbe, je suis habité par ça, et dès que je me replonge dedans, c'est une tempête hormonale. C'est constitutif de ma personnalité au niveau le plus primitif. Je me sens très mal en ville, et dès que j'y viens pour des entretiens, c'est une catastrophe. Je me suis levé à 6 heures du mat, j'ai pris le train, je suis à cran et je deviens hors de moi.
Raphaël. - Je suis né citadin. C'est un environnement presque hostile, la ville. Mais j'aime, aussi loin qu'il m'en souvienne, la chaleur sur la tôle, les cafés, le macadam, les pots d'échappement pour tout horizon. Ce côté vibrant d'être au coeur d'une fourmilière. Ce sentiment d'être une poussière. Quand je vais à la campagne, au bout d'une semaine il faut que je revienne à la ville. Une espèce de langueur, de mélancolie me saisit et je suis en manque de l'électricité des cités. En même temps, j'éprouve toujours ce besoin d'ailleurs et de départ. L'envie d'être un étranger, de rêver en étant étranger à tout. Mais la musique est pour moi le vrai voyage dans le temps. C'est avec le parfum, plus éphémère, la seule chose qui t'emporte dans la réminiscence d'une émotion pure. Chaque fois que tu réécoutes la bande-son d'un moment de ta vie, tu retrouves la couleur, l'odeur, l'ardeur.
Volcans
J.-L. Murat. - Je suis né en plein milieu. J'habite au-dessus d'une vallée glaciaire, au-dessous de deux lacs qui sont les restes du glacier. On amène les vaches sur la planèze, on dresse un mur avec les pierres qui la parsèment, on fait péter les rochers des moraines pour construire les maisons.
Raphaël. - Je me souviens d'une petite île volcanique de Sicile où j'avais échoué une nuit sur une plage. L'odeur du soufre est épouvantable. Quand j'ai écrit «sur la ligne de front au-dessus du volcan», c'était forcément en référence au roman de Lowry. On danse au bord du volcan, la violence du monde est toujours proche. On frôle la rupture, et on sait que tout cela finira mal. Plus personnellement, goûter à l'euphorie, se sentir sur la brèche et savoir que d'une seconde à l'autre tout peut s'effondrer brutalement.
J.-L. Murat. - Pas de volcan, pas de vie. Ou la Terre serait éteinte. Il ne faut pas craindre d'être volcanique.
Trois livres
J.-L. Murat. - Proust et Nietzsche, mes auteurs préférés. Et tiens, Rutebeuf, pour le rut et pour le boeuf.
Raphaël. - Récemment : « Tout est illuminé », de Jonathan Safran Foer ; « la Conjuration des imbéciles », de John Kennedy Toole et « Visions de Gérard », de Kerouac.
J.-L. Murat. - Je préfère « Mexico City Blues », ses poèmes au mescal. Ces coups de Zippo dans la nuit noire, ces flashs.
Trois disques
J.-L. Murat . - Boby Lapointe, Joe Dassin, Jean-Roger Caussimon.
Raphaël. -Barbara, Renaud, Téléphone, ceux avec lesquels j'ai grandi. Je les connaissais par coeur. Parce que Bashung, Christophe ou Manset, je les ai découverts à 20 ans, et ce n'est plus pareil. Chez les Anglo-Saxons : Bowie, Dylan et le génial Hendrix.
J.-L. Murat. - Dylan, les Stones et Tom Waits, beaucoup trop méconnu.
Jean-Louis Murat: «Taormina» (V2). En vente le 28 août.
Raphaël, «Caravane» (Capitol).
Raphaël en 6 dates
1975 : naissance de Raphaël Haroche à Boulogne-Billancourt
2000 : premier album, « Hôtel de l'univers »
2002 : première partie de David Bowie à l'Olympia
2003 : album « la Réalité ». « Sur la route », duo avec Jean-Louis Aubert
2005 : album « Caravane »
2006 : trois victoires de la musique, 1,25 million d'exemplaires de « Caravane » vendus, tournée triomphale
Jean-Louis Murat en 6 dates
1952 : naissance de Jean-Louis Bergheaud à La Bourboule
1981 : premier maxi 45-tours (banni des radios, jamais réédité), « Suicidez-vous, le peuple est mort »
1989 : « Cheyenne Autumn »
1991 : « Regrets », duo avec Mylène Farmer, et album « le Manteau de pluie »
1996 : « Dolorès »
2006 : « Taormina »
par François Armanet
Nouvel Observateur - 24/08/2006