LE VOYAGE DE NOZ- INTERVIEW 2021 pour "Il semblerait que l'amour fut" (nouvel album)

Publié le 13 Juin 2021

Il faudrait peut-être que je pense à créer une catégorie spéciale d'articles pour rassembler tout ceux consacrés au VOYAGE DE NOZ... et aux interviews de Stéphane Pétrier, leur chanteur-auteur-leader-rarement à l'heure (mais pas si râleur). Voici je pense la 5e que je vous propose... 5 pour 35 ans de carrière (since 1986), je ne vous inonde pas non plus... Il faut dire que le groupe prend généralement son temps en chaque album. Généralement car cette fois, c'est assez rapidement que "le début-la fin-le début" voit sa suite arriver (à l'échelle des Noz, pas de Murat)... et qui plus est un double album!

"IL SEMBLERAIT QUE L'AMOUR FUT" est une nouvelle fois à ranger du côté des albums "concepts" ou opéra rock, la marque de fabrique du groupe, surtout après le sublime "Bonne Espérance" (conte fantas-celti-mystique).... ou "L'homme le plus heureux du monde" dans lequel Stéphane Pétrier devenait Esther appertine, chanteur à succès dans la tourmente. Et finalement, 10 et 20 ans plus tard, on retrouve de ses deux albums dans cette dernière production, et pas de doute, on est bien chez les NOZ. Parfois habitué à une production dans la douleur et la tension, il semble que le disque malgré la période, a été réalisé dans une ambiance sereine et facile... si bien que le groupe n'a pas peur d'affirmer qu'ils ont fait là leur meilleur album.  L'arrivée d'un nouveau guitariste Marc Baujard n'y est peut-être pas pour rien, lui qui a su se fondre dans le groupe dont il était fan tout en apportant son énergie.  Et pourtant, Stéphane Pétrier s'était lancé à nouveau dans un sacré défi: traiter du mystère du couple.

Après deux ou trois écoutes, j'ai fini par être complètement addict du disque, malgré tant de choses qui auraient tendance à m'agacer, mais voilà, les Noz  et Stéphane Pétrier assument, osent (par exemple chanter "Quitter les sentiers minés de l’amour"),  avec encore quelques hymnes que l'on est  impatient de découvrir sur scène, des belles chansons pop, et à l'instar du "bagdad disco club" sur le dernier disque, ou encore "eash uisge" (sur Bonne espérance),  le titre Nazca (en deux parties), un titre hors-norme dont je ne me suis pas remis.

Je ne m'éternise pas: on a été bavard, comme d'habitude... 

                                                        https://www.levoyagedenoz.com/  CD/vinyle

 

Bonjour Stéphane!

- 3,5 ans seulement nous séparent du dernier album!!! Votre record de rapidité (non, on ne se moque pas, M. Murat)  et dans le même temps, vous avez été très présents aussi ! Donc, on peut dire que si la période précédent "Le début la fin le début" a été laborieuse et compliquée (7 ans), celui-ci arrive je dirais "de manière fluide". Où est-ce que vous étiez après ce "début, la fin, le début"?  Et quel bilan tu dressais de la situation après celui-ci?

S. PETRIER : Je vais commencer par la deuxième partie de ta question. Comme je te l’avais dit dans notre précédent échange, "le début - la fin - le début" a été un album éprouvant et compliqué à accoucher. Après le départ d’Eric [Clapot], on était épuisé physiquement et moralement mais l’album était là et il n’était pas question qu’on lâche l’affaire. Il fallait tourner, faire des dates pour le défendre ce putain de disque… On a pas mal réfléchi avec Alex, Pierre et David notre manager. Il nous semblait déjà évident que Nath (qui intervenait jusque là en «additionnelle») allait intégrer le groupe à part entière. Il fallait donc trouver un guitariste capable de remplacer Eric, chose ô combien compliquée. On avait prévu d’auditionner un certain nombre de personnes, mais nous n’en avons pas eu besoin. Marc est arrivé.

Marc, c’est quelqu’un que je connaissais depuis l’époque «Exit» Il venait nous voir en répétition. Je savais que c’était un très bon guitariste. Je savais qu’il aimait beaucoup le groupe. Je savais aussi et surtout que c’était humainement un mec super. Au moment de commencer nos recherches, son nom trottait dans un coin de ma tête… et là Alex, m’appelle en me disant « Et pourquoi pas Marc ?». Là-dessus je vais voir son profil facebook et je me rends compte qu’il connaît très bien Pierre [Granjean, bassiste] avec qui il a déjà joué… et qu’il était en classe avec David! Je l’ai appelé. Il est venu une fois en répétition en ayant bossé quelques vieux titres… Deux heures après c’était évident pour tout le monde qu’il était le nouveau guitariste du groupe.

Il est clair que l’arrivée de Marc et de Nath a apporté un sacré souffle à l’histoire. On s’est remis à répéter comme des ados. A rire et à aller boire des coups ensemble aussi… Choses qu’on avait un peu oublié les derniers temps… Bref, le voyage était reparti.

 

- Le bilan de ce disque‌ "ld-lf-ld":  les fans toujours là qui répondent présents et contents de retrouver les VDN ? 

S. PETRIER : Personnellement je considère «le début - la fin - le début» comme un album de transition. Sans doute pas notre meilleur mais avec quand même quelques putains de bonnes chansons dedans je crois. Il y avait un petit goût d’inachevé. Il manque sans doute un ou deux titres pour que le truc se tienne vraiment et ressemble à ce qu’on avait dans la tête mais bon, par moment il faut savoir avancer. Quant au bilan humain, il était carrément bon. On avait retrouvé le goût de jouer, l’énergie, la foi… On a fait pas mal de date pour roder Marc (et nous roder aussi). Le public répondait présent. Et puis il y a eu notre participation au projet hommage à Hubert Mounier qui a permis de tester le nouveau line-up sur un travail de studio. C’était vraiment une chouette expérience. Un beau projet mené par Stardust avec des gens bien, des belles rencontres... et tout ça s’est terminé par un concert sur la grande scène du Transbordeur. Pour moi, c’est ce soir-là qui marque le début des choses, vraiment.

C’était un concert un peu particulier. On ne jouait que deux titres. C’est le genre d’expérience plutôt casse-gueule. On a pas le temps de se chauffer que c’est déjà terminé. Là, en plus, on a eu des problèmes techniques. La basse de Pedro pas branchée au début. La caisse claire d’Alex sans timbre… Je me souviens que l’on s’est regardé avec Marc et qu’on s’est dit «Putain c’est la merde, mais on y va…». Et on y est allé… Et je crois que nous n’avons jamais été aussi bons que ce soir-là. Ou en tout cas, je n’ai jamais ressenti une tel force dégagée par le groupe. Tous les cinq. Je nous sentais invincibles. Après un truc comme ça, tout devient plus facile.

"le capitaine" live à revoir ici.

‌- Oui, prestation intéressante, avec une affirmation rock qui détonnait... Quand tu te faisais tirer un peu l'oreille pour participer à "aura aime Murat", tu ne m'avais pas dit que Place Hubert Mounier avait eu un tel impact interne au Voyage de Noz! Sur la période, il y a eu ensuite la sortie en vinyle de la "cassette bleue" («les chants de l'aurore») qui circulait sous le manteau dans les lycées lyonnais autour de 1990, avec Simplex Records cette maison qui a pour objet de sortir en vinyle des raretés et inédits de la scène lyonnaise... Ses deux dernières sorties (notamment Ganafoul et Fooflash) ont fait l'objet d'une belle presse nationale… Bon, vous ne courrez plus après ça? Ce regard sur le passé, ça a joué un rôle aussi?

S. PETRIER : Oui, ça a été une période assez chargée. D’abord on a été très flattés que Christophe Simplex souhaite que l’on soit sa première référence sur son très beau label Simplex Records qui depuis marche très fort - plus grâce à Ganafoul qu’à nous faut l'avouer :)). La sortie des «Chants de l’Aurore» en vinyle c’était l’occasion de ressortir du placard ces enregistrements de nos débuts qui avaient eu leur petit succès à l’époque (on avait vendu 1000 cassettes je crois). Et puis on en a profité pour rééditer notre premier album «Opéra» qui fêtait ses trente ans… Ça nous a permis de nous retrouver «entre vieux», avec Eric, Manu, Alex et Thierry pour un concert où on a rejoué uniquement les titres de cette époque. En plus, on partageait la scène avec nos potes d’Aurélia Kreit (deuxième référence de Simplex Records) qui rejouaient ensemble pour la première fois depuis les années 80... Même si je ne suis pas vraiment du genre nostalgique et que j’ai plus envie de regarder devant que derrière, c’était un joli moment, avec le public, mais aussi entre nous.

 

- Dernier élément de cet entre-deux: l'édition à ton compte de ton livre, un petit délice pour ceux qui suivent "l'histoire" depuis un moment même si ça amenait aussi ailleurs. Tu avais parlé de tes doutes, de tes pannes d'inspiration, est-ce que le bon accueil de tes lecteurs a pu te libérer un peu? peut-être aussi simplement en libérant ce tiroir?... d'autant qu'on n'est pas très loin de la thématique du dernier disque...

S. PETRIER : Mon roman, «Kill the dog», c’était une petite récréation plutôt sympa et vraiment sans la prétention de devenir un "auteur". Au départ, c’était surtout un challenge : savoir si moi, qui ai l’habitude du format court de la chanson - j’allais être capable de me tenir à un tel projet, d’aller au bout. Quand j’ai tapé le mot "fin", j’étais vraiment heureux. Ensuite, je l’ai laissé au fond d’un tiroir pendant plusieurs années. Ce sont des amis à qui je l’avais fait lire et qui l’avaient aimé qui m’ont poussé à le sortir. Et je ne le regrette pas. Les retours ont été assez positifs et je suis plutôt content du résultat. Je suis en train d’écrire la suite «Kiss the monkey», qui me semble plus maîtrisé et surtout, je crois, plus drôle. Tiens, voilà un truc que je ne connais pas trop avec Noz :) et qui me procure un vrai plaisir : réussir à faire rire. Quand j’ai des retours de gens qui me disent qui se sont poilés en me lisant, ça fait un bien fou au mec qui a la réputation d’écrire des chansons déprimantes depuis 35 ans.

Après est-ce que cela m’a «libéré» au niveau de l’écriture, je ne sais pas. Ce qui est sûr, c’est que - même si la forme et l’esprit sont bien différents - mes livres racontent plus ou moins la même chose que mes textes, ou en tout cas, ils complètent le puzzle. Il y a des passages secrets de l’un à l’autre. Dans Nazca, à la fin du dernier album, je dis "C’est toujours la même chanson depuis le début»… Voilà...

 

- A propos de ta dernière phrase, est ce que tu ne nous aurais pas donné une des clefs du disque?

S. PETRIER : Oui, sans doute, cette phrase est une des clés. J’ai vraiment eu l’impression, quand j’écrivais, quand on a composé, qu’il y avait comme l’âme de tous les autres albums ("Bonne-Espérance" et "L’homme le plus heureux du monde" en particulier) qui transpirait dans ce que nous faisions. Mais pas comme une redite. Plutôt comme un aboutissement. Vraiment avec la sensation qu’on arrivait à l’essence des choses. Ça me fait un peu penser - toutes proportions gardées - à un peintre qui passe sa vie à faire le même tableau et qui un jour, trace juste deux traits et se dit «Oui, c’est ça.» C’est drôle, moi qui doute tout le temps, ce coup-là je n’ai pas peur de dire que je pense que c’est notre meilleur album. Je nous sens vraiment plus forts qu’avant. Je pense que j’ai écrit là mes meilleurs textes aussi. Et bizarrement, ça n’a jamais été aussi facile. Je suis bien incapable de dire pourquoi… juste l’impression que cette année 2020, les planètes étaient bien alignées.

 

- A propos de libération, j'avais exposé ma théorie dans une interview précédente d'un VDN -tout en cultivant son univers singulier- qui s'imprégnait un peu de l'univers musical du moment: new wave, noisy etc... Depuis le précédent, j'ai l'impression que vous devenez votre propre catégorie, et surtout un peu plus en déconnexion des modes ( même si le parlé chanté est plus présent maintenant par exemple et que finalement, l’album est très «générationnel» et séculier). Est-ce que vous vous sentez finalement libéré de vos influences éventuelles? Et au delà de ça, malgré le groupe qui évolue, avec le départ des guitaristes historiques, on a plus que jamais votre identité qui s'affirme...


S. PETRIER : Je crois qu’on ne se libère jamais de ses influences. Mais elles évoluent. Le fait que - cédant à la pression insistante de mes garçons - je me sois mis à écouter (et à aimer!!!) pas mal de rap ces dernières années a forcément eu une influence sur ma façon d’appréhender les textes, dans ma façon de faire sonner ou groover les mots. J’ai aussi l’impression que ça a élargi mon champ lexical, que je me suis autorisé de nouvelles choses, que j’ai exploré d’autres lieux. Marc est arrivé lui aussi avec ses influences qui ont apporté de nouvelles choses à l’ensemble. Sa culture musicale, c’est avant tout le rock 90’s/2000, des groupes qui envoient du bois comme Placebo, Linkin Park, Soundgarden… C’est aussi un grand fan de Jeff Buckley. Tout ça a joué dans cet album, forcément. Le fait d’utiliser beaucoup plus la voix de Nath est aussi une nouvelle couleur sur notre palette. Mais en effet, ça reste du Noz. Je crois qu’on a notre pâte. Le truc qui fait qu’on nous aime ou pas. La grosse différence avec avant c’est surtout qu’aujourd’hui on est très tranquilles avec ça. On assume. Sans complexe.  Et puis aujourd’hui la « mode » musicale part tellement dans tous les sens qu’on serait bien con d’essayer de se raccrocher à un wagon, quel qu’il soit.

 

- Tes garçons, ce sont les deux geeks que tu cites sur le disque? La question des enfants est peu abordée sur le disque, les chansons «le pont» et «quelque chose bouge» avaient traité le sujet dans la thématique?

S. PETRIER : Ah non… les deux geeks du «Café de Paris»… Je n’y avais pas pensé… Mais peut-être qu’inconsciemment je pensais à eux en effet. La chanson cite aussi 2Pac que j’ai découvert grâce à un de mes fils. J’avais envie de placer le personnage dans un monde un peu décalé par rapport à sa culture et à son âge. Et c’est en effet un peu ce qui se passent avec mes garçons. Je sens que grâce à eux je me confronte à des univers que je ne serais pas aller explorer de moi-même. Alors oui, les kids sont sans doute un peu dans ce «Café de Paris»...

Quant au thème des enfants, c’est vrai qu’à part «Quelque chose bouge» qui était une chanson sur la peur de la paternité, je n’ai jamais abordé le sujet. Je dois avoir peur d’écrire des niaiseries un peu trop sucrées… Après, ce n’est que moi… Mon copain Jean-Philippe Fayet (du groupe Dory4 qui participe aussi au projet d’album hommage à Murat) a écrit deux magnifiques textes sur ses fils dans leur dernier album. Mais je ne me vois pas faire ça. Et puis j’ai une pudeur à géométrie variable: ça ne me gêne pas de montrer mon cul sur scène mais par contre ça ne me viendrait pas à l’idée d’étaler mon intimité familiale sur facebook ou de chanter mes enfants.

 

- Musicalement, du coup, est-ce qu'il y avait quand même un axe particulier sur cet album? Et est-ce que vous êtes partie de zéro? (d'après nos précédents contacts, je pense qu'il y avait encore des musiques dans les cartons peut-être depuis bonne espérance)

S. PETRIER : Non. En général sauf cas de force majeur, perso je n’aime pas trop aller piocher dans la collection de l’année précédente. Y’a toujours un côté réchauffé qui me dérange. Et puis là, on était tous à fond, on avait plein d’idées, on arrivait plus à s’arrêter. Limite, cette fois-ci, c’est moi qui ai du freiner pour que ça ne se transforme pas en triple album.

Quant à la direction artistique, musicalement, au départ, on n’a pas trop réfléchi. Nous avions 5 ou 6 titres à l’automne 2019, dont trois qui ont fini sur l’album (Le plan B, Mathématiques modernes, Cache-cache) mais on naviguait un peu à vue. En revanche on avait une petite idée de «charte sonore», que l’on avait déjà un peu testé sur la reprise du « Capitaine ». Celle-ci reposait bien sûr sur le son de guitare de Marc, l’utilisation de la voix de Nath, l’envie d’avoir des rythmiques assez puissantes, et puis côté claviers, l’utilisation d’un petit joujou dont nous avions fait l’acquisition : le Microfreak, de chez Arturia. Un petit synthé/groovebox, avec des filtres analogique qui permet de bidouiller des trucs bizarres et qui a vraiment coloré le son sur certains titres.

Au niveau du concept et des textes, j’avais ma petite idée depuis un moment. Mais les événements extérieurs, le confinement, ont donné une autre dimension à l’histoire. Je ne me suis mis à écrire qu’en mars dernier.

 

- Tu nous ramènes à mars dernier, et donc la Covid… Évidemment, la référence est assez évidente, même si je me disais aussi que le thème est déjà présent depuis longtemps via le Sida "que la fête commence" et "hôtel terminus", la situation de crise du dernier album aussi. Comment toi et le groupe avez vécu les événements? IL y a dans le disque mention d'interdictions, de choix politiques (premier titre) et la référence à la résistance... Est-ce qu'il y a un message politique?

S. PETRIER : Un message politique, ah non. Je m’en sens bien incapable. Ça reste un album sur l’amour hein… Mais il se trouve que quand j’ai commencé à écrire les textes je lisais des bouquins sur la débâcle de 1940. C’était au moment du premier confinement où personne n'en menait bien large et - on l’a un peu oublié - on avait l’impression de vivre quand même un truc de dingue. Nous, nous avions fui dans notre campagne bourguignonne. Et plus je lisais des trucs sur 1940, plus je voyais des parallèles avec notre situation. La panique face à l’inconnu, l’impression que ça ne pouvait pas nous arriver à nous, le caractère des gens qui se révèle dans les moments critiques… Ça résonnait aussi, évidemment avec ce dont je voulais parler en priorité : l’amour, le désamour, les couples qui se défont et qui souvent n’ont « rien vu venir », se croyant bien à l’abri derrière leur petite ligne Maginot… Ça a donné « Rejoindre la zone libre »… et un peu le ton de l’album…

Quant au groupe, plus globalement, je crois que ce confinement a été pour nous une bénédiction. On était frustrés de ne plus pouvoir faire de musique alors on se parlait beaucoup par vidéo, par whattsap, tous les 5 mais aussi avec David et Patricia (nos papa et maman-managers)… Des échanges à n’en plus finir et des grosse poilades surtout… On commençait à avoir des idées de titres. Un jour on s’est dit «Et si on créait un morceau uniquement en s’envoyant des fichiers, comme ça, pour voir…». Alex a dit «Ok je vous envoie une batterie"… Quelques jours plus tard Marc revenait avec une instrumentation et une structure qui avaient une sacrée gueule. Ça sonnait super bien. Je crois que dans la journée même j’ai fait le texte de «il semblerait que l’amour fut». Là, on s’est dit qu’on tenait quelque chose…

 

Bon, on sait qu'il y a de nombreuses lunes, un des tes textes avait plu à quelques lyonnais extrémistes (sculture lente, je pense qu'on en avait parlé, les chansons doivent faire leur route, mais c'est bien de les guider quand même)... alors c'était bien de repréciser.

S'il n'y a pas de message politique, est-ce que la société actuelle est néanmoins présente et influe sur les relations amoureuses? Murat a parfois un peu ce discours sur les nouvelles relations hommes/femmes. Tu me parlais pendant la pub de la chanson "Christine"..

 

S. PETRIER : Là je vais enfoncer des portes ouvertes. Mais c’est évident qu’entre nos vies par procuration sur les réseaux sociaux et la crise sanitaire, l’amour a pris un sacré coup dans la gueule. C’est compliqué aujourd’hui de «rencontrer quelqu’un». «Christine» c’est en effet une chanson qui parle un peu de tout ça. De la distanciation sociale. De la peur de l’autre. De la contagion. Et puis, plus profondément, j’avais envie de parler des filles de 40-50 ans (d’où ce choix de prénom «vintage») qui ont - en tout cas pour un certain nombre que je vois autour de moi - un vrai problème avec l’amour. J’ai pas mal de copains célibataires qui voudraient refaire leurs vies. Les garçons, en général, sont plutôt open, prêts à retenter quelque chose, à s’ouvrir, à faire confiance, au moins à essayer… En revanche, les filles gardent une sorte de carapace, un blindage… quelque chose qui semble dire « on m’a bien niquée par le passé, cette fois, on ne m’aura pas… ». Et quand tu gardes cette carapace, c’est forcément compliqué de reconstruire quelque chose de sain… C’est un peu «genrée» comme conversation ça, non ? On va pas se faire taper sur les doigts ?

 

- Mais non, mais non, sur un blog sur Murat, on ne va pas se choquer pour si peu... tant qu'on ne parle pas du physique, ou que je ne t'interroge pas sur l'incongruité de sortir un album hétéro en 2021! Pas intéressé par un bon bad buzz? Plus sérieusement j'en profite: autour de de la sortie du disque, pas de stratégie de communication ou coup prévu? Quand tu disais qu'il n'y avait pas de calcul chez les noz, c'est aussi parce que selon moi, du fait de votre statut, vous auriez pu capitaliser sur «Lyon", écrire deux, trois titres à la Biolay sur le crayon, un ou deux hymnes... j'ai un peu en tête ce qui peut se faire en Allemagne, par exemple à Cologne, avec des chanteurs et groupes qui incarnent la ville(dans un pays si différent par son absence de centralisme), il n'y a jamais eu cette tentation de faire ces concessions-là?

S. PETRIER : C’est drôle que tu me poses cette question parce qu’elle m’a été posée il y a peu par des gens qui suivent le groupe. C’était juste avant la sortie du titre «il semblerait que l’amour fut» où je cite à peu près la moitié des villes de la planète… mais pas Lyon. En effet, je n’ai jamais écrit sur Lyon, ni même évoqué cette ville, que pourtant j’adore, dans une chanson. Peut-être justement parce que je l’adore. Je crois que j’ai trop peur de faire «carte postale» et office du tourisme. Parler du crayon et des traboules, très peu pour moi… En même temps, je me dis que ce n’est pas un hasard si le groupe s’appelle «Le voyage de Noz». Il y a cette envie de raconter un ailleurs. Parler de Lyon, c’est peut-être pour moi revenir au banal, au quotidien… Et paradoxalement j’adore quand Murat me fait la visite touristique de son Auvergne et évoque des lieux qui lui sont chers. Ça a un charme fou. et quelque chose de très mystérieux aussi… peut-être parce que je ne suis pas Auvergnat.

Pour parler plus largement stratégie de communication, c’est un domaine où nous n’avons pas beaucoup progressé. Comme toujours, on navigue un peu à vue, avec nos petits moyens. Par contre, on a plein d’idées  de vidéos, pour les chansons de l’album. Si on trouve des réalisateurs motivés et si on arrive à débloquer un peu de budget, on fera des images, c’est sûr… Pour le reste, on espère surtout pouvoir refaire des concerts...

 

- Pour moi, on avait quelques évocations de Lyon quand même : 30 avril sur les quais (bon un instru, Devant la cathédrale sur le dernier album)... (Pour les fans : quand j‘écoute « retour vers la case départ », je vois toujours le roadtrip vidéo diffusé lors des concerts de l’époque).

Pour rester dans la géographie, l’album nous envoie en Allemagne, peut-être le Danemark... Plus sérieusement, une raison particulière pour avoir choisi cette direction ?  Mes questions sont de plus en cons mais vu que tu trouves toujours des choses intéressantes à nous dire…

S. PETRIER : Sur ce coup-là, je suis pas sûr d’être intéressant… Il n’y a pas de vraie raison. Le truc s’est fait à l’instinct. J’ai mis mes personnages dans un van et il fallait partir. Instinctivement vers le nord (le nord c’est une direction souvent citée par les héros de notre premier album « Opéra », j’ai sûrement dû penser à ça). Pour la suite, on en revient un peu à la question d’avant. Peut-être que j’ai choisi cette direction parce que ce sont des endroits que je ne connais pas. Je n’ai jamais foutu les pieds à Lubeck ou à Rostock. Encore moins en Scandinavie. Ce sont des coins qui m’attirent. J’ai beaucoup travaillé avec Google map. Je me suis baladé dans des villes, dans rues de villages, sur des plages de la mer baltique… J’ai regardé des itinéraires aussi en partant de Lyon. Pour savoir par où pouvaient passer mes personnages… J’adore faire ça… Et puis peut-être que s’il faut chercher une explication plus « psy », il y a sans doute dans un coin cette idée qu’avec le réchauffement climatique, la violence de notre monde, le salut se trouve plutôt par là-haut, dans des grands espaces encore un peu vierges… en tout cas dans des endroits où il y a moins d’être humains...

                                                                            road-trip sur le canapé (Berlin 2015)

- J ai la chance que ça m évoque des choses concrètes : j’ai pris le bateau à Lubeck, ou rouler en Allemagne en m’interrogeant sur l’amour… Parle moi, après le contexte et les lieux, du casting... Pour la première fois, tu prêtes ton micro! Et le disque m a évoqué "un film chorale"...

S. PETRIER : Chorale, oui sans doute, car au-delà des héros, il y a une galerie de personnages et d’histoires d’amour (ou de désamour) parallèles. C’est vrai que j’ai pensé moi aussi aux films d’Inarritu (Babel en particulier). Je crois aussi avoir pensé à des films de zombies, «World war Z», des films coréens du même genre… Ne me demande pas pourquoi… Le côté fuite... Le privilège de faire partie d’un petit groupe de rescapés… Je fais souvent des rêves comme ça où on est plus très nombreux et poursuivis par les méchants… Quelque part entre Jean Moulin et Walking Dead.

Mais là je m’éloigne… Pour en revenir au casting, c’est vrai, pour la première fois il y a deux chansons où ce n’est pas moi qui chante. Je crois vraiment que c’est dû à l’ambiance qu’il y a dans le groupe depuis quelques temps. On se sent tous assez libérés. Prêts à tenter des trucs. Quant à moi, j’ai l’impression que le fait de me sentir encore plus en confiance, mais aussi d’être plus sûr de moi, m’a paradoxalement donner l’envie de lâcher le micro.

Pour Nath, ça me semblait assez évident qu’elle devait chanter. Pierre avait composé un truc à la guitare (ça aussi c’est une première chez nous) un petit thème avec une super ambiance, quelque chose que j’ai trouvé très féminin, je ne sais pas pourquoi. Je lui ai piqué et j’ai développé l’histoire, avec un refrain, pour en faire quelque chose pour Nath. Ça a collé tout de suite. Et le texte est venu très vite aussi… Je te l’ai déjà dit, tout a été assez facile dans cet album. Le titre chanté par Marc, c’est très différent. Un jour Marc m’envoie une démo qu’il avait faite. Il chantait en yaourt dessus. Sa mélodie de voix était vachement bien. Et sa voix aussi d’ailleurs. Quand on faisait des chansons avec Eric ou Manu, ils m’apportaient des thèmes, plus ou moins développés, mais c’est toujours moi qui écrivais les mélodies de voix. Non pas qu’ils n’en soient pas capables mais je pense qu’ils n’ont jamais trop osé. Les mélodies de voix c’était mon truc. Marc lui, jeune béotien, ne connaissais pas cette règle tacite. Et puis il a beaucoup travaillé tout seul avant. Il a cette capacité à apporter un titre pratiquement fini. C’était le cas de ce morceau. C’était tellement bien avec sa voix que j’ai fait le texte en français et je lui ai dit «C’est toi qui va la chanter celle-là». Il a fallu un peu le violer au début mais en fait je crois qu’il aime bien ça (chanter hein… pas qu’on le viole…). J’aime beaucoup ces deux titres. Je trouve qu'ils amènent une autre couleur tout en restant «Noz». Par contre, il faut que je fasse attention à pas trop lâcher les rênes quand même parce qu’un jour, si je ne suis plus indispensable, ils vont finir par me virer.

 

- Quand tu parles de mélodie de voix, dans l’élaboration des chansons, ça passe toujours par une phase de yaourt ?

S. PETRIER : On va dire 9 fois sur 10. Il y a de temps en temps un texte qui s’impose au départ et autour duquel je vais chercher une mélodie. Ça m’est arrivé pour «J’empire» par exemple ou pour «J’aimerais bien que tu sois morte». Ou dans «Nazca – part 2» pour cet album. Le reste du temps il y a toujours un petit passage par le yaourt que j’essaye de rendre de plus en plus court. Je crois qu’on en avais déjà parlé. Quand on reste trop longtemps avec une mélodie en yaourt, c’est dur de s’en sortir.

- On pense du coup aussi à un groupe en tournée, avec la thématique musique, et ça représente bien ce renouveau du groupe. Au delà des voix,  toi même tu interprètes plusieurs "personnages"?

S. PETRIER : Le groupe en tournée… Je t’avoue, mais tu le répètes pas, que ma toute première idée pour cet album, c’était en effet de raconter en gros la même histoire mais dont les 5 personnages (dans le van du «Plan B») auraient été les vrais membres du groupe : Alex, Pedro, Marc, Nath et Stef… Mais je n’ai pas eu les couilles d’aller au bout… Ça demandait de mettre dans la bouche des gens, sous leur nom, des choses par moment un peu difficiles à assumer. Dans «Le patient zéro», j’enfile, sous mon nom, le costume d’un personnage incapable d’aimer, un peu comme je l’avais fait dans "Kill the dog". Perso, ça ne me gêne pas, au contraire, je trouve ça plutôt rigolo. Par contre, c’était compliqué de faire assumer aux autres des trucs de ce genre avec mes textes… J’ai donc renoncé à l’autofiction sur ce coup-là.

Résultat, j’endosse donc le rôle d’un certain nombre de personnage, dans des histoires plus ou moins glorieuses… Il y a ceux qui vont «rejoindre la zone libre» et d’autres qui vont rester sur le quai.

 

                                       Aldo Perrin, Marc, Stéphane, Nathalie, Pedro (Pierre)   

- Est-ce que tu peux caractériser et différencier le jeu des différents guitaristes de Noz : Manu, Erik et maintenant Marc? Éventuellement distinguer leur apport respectif...

 

S. PETRIER : D’abord ce sont 3 excellents guitaristes. A force d’être avec les gens tous les jours, on peut parfois l’oublier, finir par trouver ça normal. Mais non. C’est une sacré chance de pouvoir jouer avec des musiciens comme ça.

Manu, c’est un jeu un peu inclassable, avec des doigtés très particuliers. Avec Alex et Eric on se foutait souvent de sa gueule quand on essayait de refaire ses plans. Souvent, on cherchait des positions super compliquées et on se rendait compte qu’en fait Manu faisait un truc tout simple avec deux doigts… C’est une sacrée feignasse. :) Mais surtout quel talent pour trouver des riffs ! C’est un des musiciens les plus originaux que je connaisse.

Au premier abord Eric a un jeu plus classique, plus rock’n roll, mais il a aussi été capable de sortir un paquet de bons riffs et de beaux thèmes pour Noz. C’est comme Manu un musicien très complet, capable de faire de la production, et qui a beaucoup d’idées d’arrangements. Et puis surtout c’est quelqu’un avec qui j’ai toujours adoré travailler en binôme. Quand on bosse à deux, il se met vraiment au service de la chanson, il me fait confiance, tout en sachant défendre ses idées.

Marc c’est quelqu’un qui est capable de pratiquement tout jouer. Il s’est adapté au groupe à une vitesse vertigineuse. Le fait qu’il connaissait et aimait le groupe depuis longtemps a sans doute joué, mais ça nous a quand même bluffé. Dès les premières répètes il réussissait à reprendre parfaitement tous les plans, que ce soit ceux de Manu ou ceux d’Eric. Depuis il a pris sa place à lui et apporté sa personnalité mais tout en sachant garder l’ADN du groupe. C’est un perfectionniste. Il a des idées très précises de ce qu’il veut au niveau son. Il est capable de bidouiller des heures ses pédales et ses amplis pour obtenir ce qu’il veut. En studio, il peut être très chiant parce qu’il n’est jamais satisfait et qu’à certains moment on est obligé de lui dire « C’est bon Marc, elle est nickel ta prise, on arrête maintenant, il faut aller se coucher… ». Mais on lui pardonne parce qu’il a vraiment apporté un vent de fraîcheur dans notre musique. C’est aussi un très bon compositeur. Et un très bon arrangeur. Alex m’a dit une fois que c’était comme si Marc avait toujours fait partie du groupe. C’est très vrai.

On est super content de voir que Manu développe son beau projet « Tilda & Dad » avec sa fille Mathilde. Ce sont des personnes que l’on aime beaucoup, qui ont beaucoup de talent et dont nous sommes très proches, et pas seulement parce que Manu est le frère d’Alex (Mathilde travaille son chant avec Nath). Un jour ou l’autre, je suis sûr que ça va cartonner.

Et on est tout aussi heureux de voir qu’Eric, après avoir mis sa guitare au placard pendant un an, a ressorti le matos. Il est en train d’enregistrer un album-concept qu’il a composé pendant le confinement et dans lequel il y a une multitudes d’invités. On retrouve Carol Le Blanc, bien sûr, sa chérie (et ex bassiste de Noz) et plein de copains. J’ai écrit quelques textes pour le projet et j’ai même poussé la chansonnette sur deux morceaux. Les titres que j’ai entendu sont vraiment tops. Ça va faire un très bel album.

[le morceau acoustique Erik/Manu live:  "un 30 avril sur les quais"]

 

- Revenons à l’album : il y a ce titre "le passeur" sur une très jolie mélodie, où tu t'amuses avec des noms d'albums, jouant sans doute aussi du terme "passeur" ("prescripteur")... Tu as choisi d'évoquer des "gros" (rolling stones, beatles, radiohead...) et pas forcement, tes goûts plus personnels…

S. PETRIER : Oui, dans l’histoire celui qui est censé aider les héros à passer en zone libre tient un magasin de disques. J’aimais surtout la symbolique du fait que ce soit la musique qui puisse aider à "passer du bon côté »... à être plus libre. Et c’est vrai que les albums cités ne sont pas forcément mes disques préférés (Quoi que « Ok Computer… »), ce sont plutôt des « classiques », des disques et des artistes « importants » ou en tout cas que j’estime importants, qui ont marqué mon adolescence pour la plupart, et aussi dont le titre avait du sens dans l’histoire (Achtung baby, Let it be, Exile on main Street, Closer…). C’est une chanson assez old school, plutôt nostalgique. Je me souviens l’avoir écrite après avoir fait un rangement de mes vieux vinyles. Ça a fait remonter des souvenirs, la sortie du mercredi avec un billet de 50 francs pour aller s’acheter le 33 tours qu’on attend depuis des mois… C’était une époque où acheter un disque était un moment important et merveilleux, avoir l’objet dans les mains, passer l’après-midi sur la pochette à lire les paroles, tout ça… Ça y est, je suis en train de faire le vieux con...

 

 

- Tiens d’ailleurs, à ce propos… Avec tout ça (l album), et aussi dans mon contexte muratien Babylove, à l écoute, on a quand même tendance à se demander comment ça va dans ton couple?! (rires).

Je me rappelle de bout de discussion au moment de bonne Espérance déjà, tu as vécu un peu des choses par procuration ? 

 

S. PETRIER : Procuration, je ne sais pas… ça dépend des chansons :)) En tout cas, je raconte des choses qui me touchent ou qui touchent des proches, des choses que j’ai vues autour de moi… Je crois surtout que si, dans la vie, en vieillissant et en prenant de la bouteille, on arrive à y voir plus clair et à gagner en expérience sur plein de sujets, dans le domaine de l’amour, les choses restent toujours compliquées. L’amour c’est un combat permanent. Tout peut s’écrouler ou devenir merveilleux à tout moment. Il n’y a pas de formule magique. Pas de règles. Pas de répit.

 

- mince, c’est donc l album de la maturité (running gag)… Tu parlais de chansons tristes, sur une chanson où on perçoit une sortie positive… ton héro dit «je me dirais presque heureux». Chanter le bonheur, c’est impossible?

 

S. PETRIER : Ah non, ça a l’air d’être tout à fait possible parce qu’il y a plein de gens qui font ça merveilleusement bien. Moi, j’ai beaucoup plus de mal… Mais je me soigne…et je progresse un peu… par moment… «Le train» est en effet le morceau de l’album qui ouvre vers une issue positive. La phrase «je me dirais presque heureux»… c’était justement cette impression d’avoir écrit quelque chose de pas trop désespéré… Ce mot «heureux» qui arrive à la fin de la chanson, pour moi c’est déjà un exploit. Ça fait du bien. Franchement j’aimerais bien réussir à écrire les moments ensoleillés de nos vies. On va dire que c’est mon challenge pour les 10 prochains albums.

 

- Pour parler d amour, vous avez choisi de faire entendre un extrait de Jules et Jim. On retrouve aussi une séquence en anglais qui me dit quelque chose mais je n ai pas identifié...

S. PETRIER : Oui. l’extrait de Jules et Jim (la scène de la course où c’est Jeanne Moreau qui gagne…) ça faisait bien le lien entre la chanson de Marc qui est une histoire de triangle amoureux et "Cache-cache", le titre d’Alex, qui raconte l’histoire d’un garçon incapable d’échapper à une fille. Et puis un petit extrait de Truffaut entre deux chansons, ça fait tout de suite un peu bobo intello-chic non ?

 

- Y a encore du taf avant de ressembler à Delerm…

S. PETRIER :  Les autres extraits sonores, c’est sur le final de «La Chambre d’hôtes», la chanson de Nath. J’imaginais les deux personnages, dans le lit, en train de zapper devant leur télé. Ça commence par un passage de Star Wars (dont parle la chanson), ensuite, il y a des petites choses qui me tenaient à cœur : Greta Thunberg (citée également dans une autre chanson), un reportage animalier sur les loutres, le professeur Choron et Pollac qui s’engueulent dans un vieux «Droit de réponse», le monologue d’Edouard Baer dans Astérix Mission Cléopâtre… J’anticipe un peu : oui, j’aime beaucoup les loutres.

 

 

Ah, ce petit flow est rempli de loutres? (censuré par le comité de lecture).

Sur le vers sur le jedi, j’avoue que je demandais ce qu il venait faire là...Tu peux nous expliquer ?

 

S. PETRIER :  Ça parle de ces films qu’on revoit 100 fois à la télé. Et on reste devant au lieu d’éteindre et de faire quelque chose de plus intelligent. Parfois on pique un peu du nez. Comme les vieux. C’est un peu déjà ce que racontait «Empêche-moi de dormir». Notre fainéantise quotidienne, notre propension à aller vers la facilité. C’est contre ça que se révolte l’héroïne de «La chambre d’hôtes». Le choix du film... ben ce soir-là y’avait que ça ou Columbo. Plus sérieusement, Star Wars c’est la rébellion face à l’Empire. On va dire que c’est pas déconnant par rapport au thème de l’album. Quant au jedi, il se fait dégommer pendant que nous on bulle devant la télé, au lieu d’aller se battre… Pas collabos, mais pas résistants non plus… On en revient là aussi à des thèmes déjà explorés. Et puis Star Wars c’est quand même une belle mythologie. Chez les Pétrier en tout cas, ça parle... 

 

- Tu me disais il y a quelques années : Je ressens les personnages de nos histoires comme des amis que l’on quitte et qui reviennent dans l’album suivant.   Est-ce que tu as glissé beaucoup de clins d’œils volontairement ? glenmorengie, je ne suis pas encore mort, je sais qu’un fantôme me suit… Il y a même chez moi des mots qui sont connotés : mots/ mains sales, (la fête) s’achève, « combien de nuits » me renvoie à « chaque nuit »….

S. PETRIER :  Non, très peu cette fois-ci. Le nouveau line-up, cette impression d’être des ados qui montent un nouveau groupe, ça ne m’a pas donné forcément envie de coller des références anciennes de partout. Les petits clins d’œil, ils sont plutôt sur la pochette. C’est quand l’enregistrement a été terminé qu’on s’est rendu compte que cet album n’aurait pas existé sans les précédents. Il y a des liens évidents, narratifs mais aussi musicaux avec ce que nous avons fait avant.

 

- Sur le titre "patient zéro?" (« musique militaire »...), je pense beaucoup à Florent Marchet: le talk-over, la partie instrumentale cosmique proche de son dernier album, et certains vers qui colleraient bien à sa chanson "les cachets" (sur Rio baril), est-ce que tu connais?


S. PETRIER :  Je n’ai pas pensé à Florent Marchet en écrivant ce texte mais c’est quelqu’un que j’aime bien, et en particulier l’album Rio Baril. Alors il est fort possible que ça m’ait influencé à l’insu de mon plein gré. Marc avait ce titre qui envoyait, très rock 90’s, et je trouvais intéressant de la casser avec un break halluciné et très 70’s pour le coup… Je crois que j’ai plutôt pensé à Ange et à certains délires de Christian Descamps en le faisant. J’aime bien le résultat, et le redémarrage derrière qui envoie vraiment. Ça fait partie des trucs que j’ai hâte de faire sur scène.

 

‌- Pour parler des trucs qui envoient... Parlons du gros morceau NAZCA. Dans la partie 1, avant l'envol, on quitte le nord pour un rêve un peu étrange. Tu as essayé le peyotl ou bien?

S. PETRIER :   Non, je n’ai pas essayé le peyotl mais, en revanche, j’ai vraiment marché sur les lignes de Nazca… Et je me suis fait engueuler par le guide parce que c’est strictement interdit.

Je ne suis pas particulièrement mystique mais il faut avouer que se retrouver sur ces dessins immenses plantés au milieu du désert et de la poussière depuis des centaines voire des milliers d'années, c’est une expérience qui m’a marqué. Après, la chanson raconte en effet le rêve amoureux que fait l’un des personnages de l’histoire. Et comme tout les rêves, c’est assez difficile à expliquer…

 

- Sur le texte, ses échecs ? ou encore un hymne à nos compromissions? une suite à "j'empire" (single 2006)…

S. PETRIER : Oui, un peu tout ça. Mais par rapport à « J’empire » il y a une phrase à la fin change la donne : «J’en ai fait des dégâts, avant toi ».

C’est l’idée qu’il peut y avoir une rédemption. Que l’on peut changer. Ou tout du moins s’améliorer. Que certaines personnes, ou l’amour, peuvent te tirer vers le haut.
C’était déjà le thème du "Mont Saint-Esther » et plus globalement de l’album « L’homme le plus heureux du monde ». Toujours la même chanson…

Globalement je suis quelqu’un qui croit profondément à l’idée que l’on peut changer, évoluer, dans nos vies. J‘ai beaucoup de mal avec les gens qui disent « Je suis comme ça et je ne changerai pas ». Cette sorte de pseudo-romantisme à vouloir se complaire dans ses défauts, et à graver des choses dans le marbre, pour l’éternité, je trouve ça d’une tristesse infini. Nous sommes des êtres perfectibles. Enfin j’espère.



- Tu avais déjà l'idée de relier les deux textes ? Comment s’est construit le morceau avec cette rythmique de folie?

S. PETRIER : Non, ça s’est plutôt construit façon «A day in a life»… toute proportion gardée… Nazca 1, c’est une musique de Marc. On a commencé à travailler le titre avec le groupe et on ne savait pas trop comment le finir. Moi j’avais composé la deuxième partie dans mon coin et je me suis dit que les deux enchaînés, ça ferait un beau final d’album. Quant au texte, la deuxième partie était pour moi comme une sorte de réveil brutal du héros après son rêve de Nazca. Le catalogue de tous ses échecs. Nazca, mais avec les lignes qui auraient été effacées...

Rythmiquement, Alex et Pedro avaient trouvé cette rythmique bien groovy. Et l’idée c’était de faire monter le truc le plus possible jusqu’au bout. Avec Nath on voulait un final avec les voix presque «comédie musicale». Et je tenais aussi que ça sonne comme une sorte de pendant à «Il semblerait que l’amour fut» qui ouvre l’album. Henri Dolino (qui a travaillé sur la prod additionnelle aux côté de Xavier Desprat) a alors eu l’idée de réutiliser les samples et les percus qu’il avait utilisé sur « l’amour fut ». C’est ce qui donne ce son assez énorme à l’ensemble je crois.

 

-  Est-ce que cela renvoie aussi au vers un peu étrange "Je ne commets jamais les crimes que j’avoue"?  (dans le Patient zéro)

S. PETRIER : Oui. Autant parfois on peut avoir envie de cacher nos crimes, autant, à d’autres moments, on est tenté de jouer les bad boys et d’avoir l’air plus horrible qu’on ne l’est en réalité. C’est peut-être un petit complexe que je traîne depuis l’adolescence où j’étais plutôt un garçon sage, bon élève et obéissant. Au fond de moi j’enviais les vilains garçons. Ceux qui faisaient des conneries et qui faisaient l’admiration des filles. La musique m’a permis d’être au moins en apparence un peu « à la marge »  mais au fond de moi je suis toujours quelqu’un de plutôt banalement « mainstream » à plein de niveaux. Et il m’arrive parfois de regretter d’être aussi raisonnable, de ne pas être un vrai « écorché », de ne pas être capable d’aller « à la limite »… 

 

- Comme sur Bagdad disco club, le petit regret devant ces titres hors-normes et tubesques, c'est que tu n’aies pas posé un vrai chant dessus. Je ne sais pas si c'était possible....

S. PETRIER : Ah si c’était possible. Au départ j’avais une mélodie sur Nazca 2. C’était pas mal. Mais je reste persuadé que le phrasé "parlé" de la première partie était le bon choix. C’est peut-être mon goût pour le rap, mais dans nos chansons en tout cas, le talk-over n’est jamais un choix par défaut. Quand je l’utilise c’est vraiment parce que je pense que c’est ce qu’il faut faire à ce moment-là. C’est vrai que sur cet album, il y a plusieurs morceaux traités ainsi (le planb B, l’Amour fut, Nazca…) et je crois que j’aime de plus en plus ça. C’est passionnant à faire. Ça a quelque chose d’organique. Et ce n’est pas une solution de facilité. Ça demande une grande exigence au niveau du flow et je trouve que ça met en valeur les parties chantées. Il ne faut pas, bien sûr que ça devienne systématique mais maintenant, ça fait partie des options que j’ai quand on commence un titre.

                             Presque heureux on vous dit!!!

 

- Tu as parlé d'Henri Dolino, qui a été un bassiste de la formation durant un moment et qui a aussi un petit gars du new Jersey dans son cv pour compléter (il était derrière la console lors du concert du boss à l’auditorium de Lyon)... Pourquoi avez- vous voulu sa participation? (ps: il n'est plus au Canada?)


S. PETRIER : Si, il vit toujours à Montréal. C’est le parrain d’un de mes fils et surtout un immense ami. Il a toujours continué à faire de la musique, et du son, au Canada et il y a trois ans, il a sorti un album avec une chanteuse québecoise dont il était le réalisateur et que j’avais trouvé vraiment intéressant.


Quand on a réfléchi à la prod de l’album, au printemps 2020, il nous a rapidement semblé évident que nous allions travailler avec Xavier Desprat, notre ingé son concert depuis plus de 15 ans, qui avait déjà mixé "Le début-la fin - le début » et qui fait lui aussi partie de la famille. Mais ça nous titillait quand même quelque part d’inclure Henri dans la réalisation. On a commencé à en parler et comme on savait qu’humainement ça se passerait bien et qu’il n’y aurait pas de problème d’ego entre eux, on leur a proposé de collaborer. En gros, Xav gardait la main sur le mix mais Henri était là pour, selon les morceaux et selon son inspiration, apporter des idées de prod. A l’automne dernier, une fois les enregistrements terminés, on a donc commencé à s’envoyer des fichiers d’un bout à l’autre de l’Atlantique… Et on est vraiment très content du résultat. Non seulement parce qu’Henri a eu de super idées sur certains titres mais aussi parce qu’il nous a par moment secoué dans nos certitudes. Xav a fait un boulot énorme. 18 titres, tant au niveau des prises que des mix, avec des casse-couilles comme nous, c’est plus qu’un exploit, c’est un sacerdoce. Et à l’arrivée, il nous a donné le meilleur son que nous n’avons jamais eu. Mais je reste persuadé que la présence d’Henri l’a poussé dans ses retranchements et forcé à se dépasser.

 

 

- Encore un petit mot à nous dire sur le disque, je te sens bien lancé…

S. PETRIER :  Sur l’enregistrement, on a passé le mois d’août 2021 dans notre maison dans le Brionnais. Ça faisait longtemps que je rêvais de pouvoir enregistrer comme ça, à la campagne, en prenant le temps, en mettant des micros dans des endroits pas possibles, en cherchant l’endroit qui a le bon « mojo »… et puis, au-delà de la musique, de partager des vrais moments, les petits déjeuners, les soirées un peu arrosées, jouer de la guitare dans la jardin… bref avoir du temps ensemble. Il y avait vraiment une ambiance incroyable, entourés de gens qu’on aime : Xav, Floriane qui l’assistait aux prises de son, Dav et Patricia, Stéphane Thabouret (qui a fait les photos de la pochette), Eric Martin (du Radiant-Bellevue)…

C’est un album particulier aussi dans l’investissement de chacun. Par le passé, Noz a souvent été un groupe à deux (voire trois) vitesses. Avec des leaders qui prenaient beaucoup de place et des gens plus effacés qui suivaient. Cette fois, que ce soit Nath, Alex, Marc, Pedro… tout le monde a vraiment apporté sa pierre à l’édifice. Les idées fusaient de toutes parts, c’était même parfois un peu le bordel à gérer mais c’était vraiment jouissif.

 

- Pour finir, tu peux nous parler du titre (ou des titres?) que tu as choisi de reprendre pour le projet Aura aime Murat?  Pourquoi ce choix? Qu'est-ce que cette chanson t'évoque?

 

S. PETRIER : Pour "AURA aime Murat", d’abord j’ai beaucoup hésité à dire oui parce que je ne voyais pas trop comment apporter une valeur ajoutée à l’œuvre du bougon auvergnat. Quand on a participé au projet d’hommage à Hubert Mounier l’année dernière, je n’avais pas ce genre d’hésitation. L’univers de Louis Trio était quand même loin du nôtre et je sentais qu’on pouvait faire quelque chose de personnel et qui nous ressemblerait sans trop trahir - j’espère - l’œuvre originelle.

Avec Murat, c’était plus compliqué parce que j’aime déjà les chansons telles quelles, et que je trouve que Murat chante beaucoup mieux que moi. Déjà on a décidé de ne pas impliquer Le voyage de Noz dans l’histoire. Nous savons par expérience que ce genre de projet est quand même chronophage et nous avions besoin de nous consacrer vraiment à notre nouvel album. J’ai donc plongé tout seul, sans vraiment savoir artistiquement ce que ça pouvait donner, mais juste parce que j’aime bien Murat, que ça fait partie des trucs que je prends plaisir à jouer chez moi les longues soirées d’hiver, aussi parce que le courant passe bien avec Stan Mathis et Stardust qui organisent le bouzin … et surtout parce que j’avais envie de rejouer avec mon ami Jérôme Anguenot, le guitariste de Nellie Olson, que j’ai embarqué dans l’aventure.

 

Pour le choix des titres on a pas mal hésité. On a failli s’embarquer dans des trucs ambitieux ("Royal Cadet" notamment…) et puis on est revenu à du plus basique. Il y a d’abord « Petite luge », qui n’est pas un titre 100% Murat puisque composé par Fred Jimenez pour l’album « A bird on a poire » mais qui reste incontestablement mon titre préféré. Et puis un classique « Perce-Neige », que j’adore dans sa simplicité.

« Petite luge » c’est une chanson très érotique, un hymne à l’amour physique, tout du moins je l’envisage ainsi. L’enchaînement d’accords et la mélodie sont d’une finesse que j'adore. Quant aux mots… il y a ces phrases venues de nulle part, où l’on ne comprend pas forcément tout, mais très évocatrices. Erasme, « L’origine du monde", de Courbet, le petit grain d’encens sur le cochon… c’est un peu le bordel, mais j’imagine très bien la pièce où la scène se déroule….

 

"Perce-Neige" on est chez un Murat qu’on connaît mieux, le terroir, les origines, tout ça… Et aussi les questions que se pose l’artiste sur son travail « Je fais des chansons comme on purgerait des vipères… ». C’est magnifique. C’est aussi une sorte d’éloge de la lenteur. C’est quelque chose chez Murat dont je suis très admiratif. Cette façon de maîtriser les rythmes très lents, de savoir jouer avec le silence… Je crois que depuis que je commence à délaisser la ville pour la campagne, que je passe des heures à regarder les vaches, je suis de plus en plus sensible à ce genre de choses.

 

Merci Stéphane Pétrier!

Interview réalisée par mails du 17/04 au 10/06/21

Double vinyle 
Edition limitée à 300 exemplaires
40 Euros (+ 7,35€ frais de port)

Digipack 2 CD / Livret 24 pages
22 Euros (+ 6,35€ frais de port)

https://www.levoyagedenoz.com/

https://www.facebook.com/Le-Voyage-De-NoZ-Officiel-874977172545874

Sortie 18 juin en numérique et plateforme (En attendant 4 titres en écoute sur le site internet)

Concerts:

9/07 : Fête de la musique, jardin de l'institut Lumière

24/07: Concert au Vieux Moulin, Lieu-dit Le Vieux Moulin - 71220 Marizy - Coordonnées GPS : 46.5454/4.4006

Dates à venir (automne 2021)

LE VOYAGE DE NOZ- INTERVIEW 2021 pour "Il semblerait que l'amour fut" (nouvel album)

Je suis dans le cadre! Ci-dessous aussi, avec Nathalie et Marc au premier rang...

LE VOYAGE DE NOZ- INTERVIEW 2021 pour "Il semblerait que l'amour fut" (nouvel album)

Tilda and Dad ont été évoqués dans l'interview:

LA MUSIQUE EN PLUS

Je vous remets le single du moment, avant quelques morceaux plus anciens

et on termine par la fin de Bonne Espérance...  Pour moi, un sommet...

Rédigé par Pierrot

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT, #2021 Aura aime Murat

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