Sly Apollinaire, Voyage de Noz et Mathis: rencontre lyonnaise.

Publié le 21 Février 2016

J'avais proposé à Stéphane Pétrier (multi-interrogé ici et ) du groupe Voyage de Noz (créé en 1984)  de rencontrer Sly Apollinaire il y a quelques mois. Une discussion entre un "ancien" (qui se fout d'être moderne?)  et un "nouveau" (dont le futur album fera l'actualité on l'espère) me paraissait intéressant. Ils partagent de plus quelques goûts communs (Murat, le rock progressif...).  Quelques semaines avant le grand retour des NOZ sur  scène (15 mars),  l'occasion s'est présentée lors du concert d'un 3e musicien, déjà interviewé ici: MATHIS. Celui-ci jouait au transbordeur, pour la sortie de son dernier album "ombres et visages"; réalisé avec des musiciens réputés : Almosnino, Yan Péchin, Christophe Deschamps, Jean-Max Méry... 

Le hasard a fait que la rédaction d'articles avait amené sur Lyon ce jour-là, Matthieu, notre correspondant clermontois, et il s'est donc joint à nous. Et ce n'est donc pas, Mesdames, Messieurs, deux... ni même trois, et encore moins quatre.. mais 5 personnes qui se rencontraient pour vous  dans l'angle du bar  du Transbordeur, de 19 à 20h30, le  21 janvier 2016,   pour évoquer les projets de chacun, et  le monde de la musique  à Lyon et ailleurs.  On évoque bien-sûr un peu Murat... et on découvrira un amusant rapprochement entre le Voyage de Noz et l'Auvergnat... avant de terminer sur les réponses de Sly aux questions rituelles de l'inter-ViOUS ET MURAT-. 

Je fais court car...  je vous propose la rencontre quasi in extenso... 

 

Sly Apollinaire, Voyage de Noz et Mathis: rencontre lyonnaise.

 

Pierrot : Alors, Mathis, vous ne vous connaissez pas avec Sly…

Mathis : Et bien si, si… On se connait bien ! En fait, on répétait dans le même local… Sly est parti et d’autres groupes sont venus, dont le Voyage de Noz justement !

Sly : Et comment c’est maintenant ? Il ne pleut plus dans le sas d’entrée ?

Mathis : Très bien, tout a été rénové… et les voisins sont charmants, ils te regrettent…

Sly : Ils me manquent aussi… parfois (rires).

Pierrot : Sly, tu as toujours comme manager Pierre Carron qui s’est occupé de Daho ?

Sly : Oui, toujours. Depuis que je t'ai rencontré en septembre aux Belles Journées, on essaie de sortir mon disque. Le processus de création de l’album a été long. Et cela fait 5 ans que j’y pense. J’avais fait de quoi sortir un album autoproduit, et finalement j’ai refait des prises, et pour la bonne cause, dans des bonnes conditions… mais maintenant il faut accoucher… Je n’en peux plus… Et je suis passé au français."

Stéphane : Et tu as des concerts de prévu ?

Sly : Je pense qu’on reprendra au printemps, mais il n’y a rien de calé. Et puis, il y a eu un changement d’équipe, de musiciens. J’ai joué la semaine dernière, mais en solo, tout seul avec la guitare… La priorité c’est l’album.

Stéphane : Donc il y a des négociations avec des labels ?

Sly : Oui, c’est ça. L’album est prêt, mixé, et c’est en attente de signature.

Stéphane : Et tu prépares aussi un clip ?

Sly : Oui, aussi, on va tourner, mais je ne sais pas quand ça sortira.

Stéphane : Et le clip que j’ai vu, Trampoline ça date de quand ?

Sly : Deux ans environ, déjà.

Sly fait son cachottier :

La semaine suivante, il était à l’EPICERIE MODERNE pour une résidence de 3 jours. Sur le site officiel de la salle de Feyzin : «La pop folk sombre de l'auteur-compositeur a pris un tournant résolument électrique dans son nouvel album prévu pour le printemps, et réalisé avec des musiciens d’Étienne Daho. L'objectif de la résidence est de mettre en place ce set en conditions live, avec un travail affiné sur le son et la scénographie ». Les musiciens de Sly : Louis Fort (claviers, ex She Demons), Philoons (basse, ex-Ravenhill mon ancien groupe), et depuis peu avec Raoul Vignal (guitariste ayant un projet solo sous son propre nom) et Jessy Ensenat (batteur de Sunder).

 

 

Pierrot : Et donc, toi Mathis, toujours en autonomie complète : manager, producteur…

Mathis : Oui, alors moi, j’ai aussi essayé de présenter mon projet mais non mixé. On a enregistré l’album , on fait des séances entre février et novembre, et là, à partir d’octobre 2015, j’ai cherché à présenter le projet pour voir si des labels ou des studios étaient intéressés pour finaliser le projet artistique. Il n’y a pas eu de retour concret, et j’ai pris le parti de le mixer, de le sortir et de créer un peu un événement artistique et médiatique pour faire valoir l’accomplissement de cette expérience et de ces chansons. Maintenant, la démarche est la même : chercher un label ou un manager. Il faut que je passe par cette voie là pour passer un cap. En toute sincérité, j’étais un peu réticent parce que j’ai jusqu’à présent réussi à gravir les échelons de l’autoprod comme je le souhaitais, mais je sens bien que je touche mes limites.

Pierrot : Alors Stéphane, tu n’as pas d’actualité brulante…

Stéphane : Oui, y’a pas de label… (rires). On joue ici le 15 mars avec le Voyage de NOZ. Sans raison particulière, parce que l’album est loin d’être fini. Je pense que ça va faire du bien…

Le groupe n’a pas joué depuis plusieurs années (septembre 2013 !)

 

Pierrot: Mais tout cela me fait penser un peu à ce que tu as vécu, notamment au moment du signe, quand il y avait un manager qui investissait sur le groupe, une distribution…

Stéphane : Oui, ça me parle assez tout ce que vous dites, parce que j’ai vécu tout ça, à une autre époque. Pour le premier album, j’avais signé en édition avec Pathé Marconi. Tout le premier album avait été signé en édition. Je ne savais pas trop à l’époque ce que ça voulait dire. Pathé nous a payé des journées de studio. A Paris, dans les fameux studios de Boulogne-Billancourt*. On a eu la chance d’enregistrer pendant une semaine là- bas. Et puis derrière, il ne s’est rien passé, le calme plat. Et ensuite, les grosses accroches, on les a eues au 2e album. On avait des maisons de disque qui nous tannaient, les gars descendaient de Paris, ça trainait, ça trainait, et nous, on n’était pas très patient, et un beau jour, on fait notre truc. On n’en pouvait plus d’attendre.

*Et voilà que l’on apprend que LE VOYAGE DE NOZ a eu le même éditeur que… Jean-Louis Murat (bien malgré lui pour ce dernier, et pour rien pour Stéphane), et qu’ils ont été enregistrés par Claude Wagner (Murat et Passions privées). Celui qui les a signés à l’époque était OLIVIER HURET, qui a travaillé avec Christophe, Polnareff, grand patron des Editions EMI… et donc le responsable de la compil Murat 82/84. Ce que Stéphane ne savait pas, c’est que Huret avait été musicien dans un groupe s’appelant EXTRABALLE, dont le leader était Robert Jovenet . Et c’est ce groupe qui  a inspiré à Stéphane un titre : «l’extraballe » bien des années plus tard!! On reparlera prochainement d’Olivier Huret (parce que décidemment, les détails amusants ne manquent pas !).

 

Stéphane : Après, au 3e album, on a refait des démarches maison de disque, mais je pense que c’était trop tard. On avait laissé passer le coche. Voilà mais… oui, au moment du Signe, on avait eu un producteur, mais complétement indépendant, qui n’avait pas de structure maison de disque, mais qui a mis du pognon sur nous, qui a produit un clip avec pas mal de moyens, qui a été tourné ici d’ailleurs, et qui est un peu passé sur les télés nationales, mais comme tu disais tout à l’heure Mathis, il y a un moment où, malgré ces moyens, on s’est retrouvé bloqué, au niveau passage radio, distribution aussi et on a vu les limites de l’indépendance. Déjà, donc, en 93, ce n’était pas simple. Je pense qu’aujourd’hui c’est la même chose… mais avec des budgets divisés par… 10.

Mathis : Et je pense avec plus de demandes, il y a beaucoup plus d’artistes qui proposent des projets.

Sly : Oui, ça fourmille de projets, des choses biens.

Mathis : Oui et donc, plus de projets et moins d’acceptation… donc c’est beaucoup plus difficile.

Pierrot:  C’est tellement plus facile désormais de s’enregistrer, de diffuser sa musique qu’il semble qu’il y a beaucoup plus d’offre de musique. Mais, après avoir lu notamment, le livre de Claude Dejacques qui parle de son rôle de directeur artistique, l’indépendance, c’est aussi souvent des artistes qui travaillent seul sans accompagnement, sans management. On entend parfois que la musique actuelle manque d’un travail de production. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Mathis : Là, j’ai un peu senti sur le projet que je viens de mener, puisque j’ai travaillé avec des musiciens professionnels, les avantages et les inconvénients. On est très libre quand on s’autoproduit puisque justement on peut laisser s’exprimer la créativité comme on le souhaite, et présenter un projet qu’on a maitrisé. Et en même temps, quelqu’un qui fait de la production, de la réalisation, connait les us et coutumes et les codes qui permettent à la fois de se distinguer des autres et de se conformer à certains codes attendus par les « consommateurs »… bon, le terme est un peu violent, on est dans le domaine artistique, mais oui… J’ai le souvenir d’une séance avec Philippe Almosnino avec lequel j’ai travaillé sur l’album, et tout de suite il avait des idées de direction artistique super évidentes mais qui étaient aussi des vrais partis pris artistiques, ce n’était pas un truc de conformisme non plus, donc ça m’a bien faire réfléchir sur le fait qu’on pouvait rester libre artistiquement et quand même essayer de trouver des accroches qui parlaient plus spontanément aux auditeurs potentiels. C’est quand même compliqué parce qu’il ne faut pas non vendre son âme, c’est délicat cette frontière.

Pierrot : Stéphane, peut-être qu’avec un directeur artistique, les Noz sortiraient un album un peu plus vite… puisque vous semblez parfois avancer en tâtonnant…

Stéphane : ou pas…

Matthieu : Dans un groupe, il y a déjà une forme de direction artistique puisque les musiciens vont apporter leur avis.

Mathis : Oui, et c’est pour ça que c’est dangereux de rajouter quelqu’un mais je trouve que c’est parfois nécessaire !

Stéphane : C’est un vrai pari parce que quelques fois tu peux te retrouver avec un DA qui peut apporter une vraie valeur ajoutée, d’autres fois il peut te bousiller le truc. Oui, il y a l’avis des autres musiciens, mais le son en studio, c’est encore autre chose. On peut vraiment changer une chanson avec un son, une production. Nous, on a eu toutes les expériences, des fois, on était content, d’autres, on était hyper déçus. Le dernier on l’a vraiment fait tout seul, jusqu’ au mastering parce qu’on avait des idées hyper précises. On est super content du résultat… Après techniquement, est-ce que c’est parfait ? Je n’en suis pas sûr mais on est content. Le prochain, je ne sais pas, mais cela fait quand même envie de trouver quelqu’un qui puisse emmener ta musique ailleurs un peu plus loin.

Il faut être aussi ouvert : toi, à un moment, t’as la tête dans le guidon, t’as une idée très précise de ta chanson, et t’as un type qui te dit… non, pas comme ça, comme si, et toi, tu ne lâches pas.

Notre tout premier album, bon, il vaut ce qu’il vaut, on avait 18 ans tout ça, mais Yves Rottacher qui l’avait produit avait pris le parti de mettre de la réverb à donf de partout, et nous on a écouté ça, on a dit non, on s’est vraiment pris la tête avec lui, on trouvait les mises à plat nettement mieux que le mix, plus rock. Et lui, il n’a pas lâché. On avait vraiment les boules. 25 ans après… je pense qu’il avait raison... Bon, c’est un disque que je ne peux plus écouter, à cause de ma voix par exemple, mais je trouve que cet album a un son unique.

Parole du "plus grand chieur du monde" en studio comme il me le disait en 2011 (on avait beaucoup parlé de ses différentes expériences de studio. A lire ici).

Mathis à Sly Et toi alors ?

Sly : Moi, c’est compliqué. Pour la première fois, les dernières sessions de studio que j’ai faites, j’ai bossé avec un vraiment producteur, un mec qui a une démarche. Je l’ai beaucoup regardé faire, fasciné. J’avais tendance à être hyper tatillon, je débarquais avec mon idée, bien fermé sur ce que je voulais, et je me suis rendu compte qu’il y avait pleins de choses à faire pour améliorer. C’est vrai que le studio, ce n’est pas toujours évident pour moi parce que je n’arrive pas à prendre beaucoup de recul. Je suis rentré, il m’a bien fallu au moins deux semaines, pour pouvoir réécouter ensuite le travail.

Mathis : Surtout qu’à notre niveau, on n’a pas beaucoup de temps, il nous faut prendre tout de suite les bonnes décisions.

Stéphane : Et en même temps, le travail de studio c’est un puit sans fond.

Sly : Tu peux te perdre complétement.

Stéphane : Faut savoir s’arrêter à un moment, savoir dire : là, c’est bon, je tiens le truc.

Sly : Oui, c’est ça.

Pierrot : Mais et le choix de passer au français ?

Sly : C’était l’idée de rendre le truc accessible sans se trahir. Oui, une sorte de concession, mais je n’ai pas eu l’impression de me trahir en le faisant, même si cela n’allait pas du tout de soi. Y a une époque où je refusais complétement de chanter en français parce que je fais une musique plutôt de culture anglo-saxonne, simplement je me suis fait violence… ce n’était pas de la tarte. Je commence enfin à être en paix avec ça.

Stéphane : Tu avais déjà des titres en français il y a 2/3 ans pourtant ?

Sly : Non, ça fait un an et demi à peu près…

Pierrot : Au niveau écriture, comment tu as fait du coup ?

Sly : Ça n’a pas changé grand-chose mais la plus grosse difficulté a été de réadapter des chansons que j’avais, auxquelles je tenais.

Stéphane : Et alors ?

Sly : Bein, c’était dur… Au final, je suis content mais je m’y suis repris plusieurs fois, avec plusieurs paramètres : ne pas trop modifier la mélodie, tu as envie de garder le thème, et en faisant en sorte que ça sonne en français. J’espère avoir réussi… Il faut du recul pour le savoir mais je suis plus zen par rapport à ça.

Mathis : J’ai eu le problème inverse moi. Je parle trop mal anglais pour pouvoir écrire dans cette langue. Donc spontanément, j’ai commencé à écrire en français. Bon, mes textes valent ce qu’ils valent mais en tant qu’auteur, j’aime écrire sur des sujets qui m’intéressent, j’aime pouvoir exprimer quelque chose mais paradoxalement, ma culture musicale est vraiment rock, et ça m’a semblé très longtemps incompatible, parce qu’on tombait vite dans du Noir désir, que j’adore mais après il faut pouvoir l’assumer, l’incarner, faut avoir des textes qui sont durs, faut avoir une image, sinon ça fait tout de suite mièvre, bébé rebelle. Donc moi, il a fallu que je tourne un peu la musique pour pas que ça devienne du rock à la noix. Moi, mon problème, il est là. Il y a des situations où j’estime que j’y arrive suffisamment, d’autres où je me dis que j’aurais pu faire mieux. Ca m‘oblige effectivement à faire quelques concessions, comme tu dis, je comprends très bien.

Matthieu : Stéphane lui doit avoir un avis plus tranché…

Stéphane : oui et non…

Pierrot : Et oui, parce qu’à 40 ans passés, il a décidé de revenir à l’anglais récemment avec son autre groupe Nellie Olson

Stéphane : Oui, je me suis retrouvé à chanter en anglais, pour se différencier des Noz… et moi qui suis un pur et dur de l’écriture en français parce que tu penses en français…

Mathis : Ah, on se réfère tous à lui pour écrire en français et lui il passe à l’anglais !! (rires)

Stéphane : … j’ai découvert le plaisir d’écrire un texte en anglais. Et moi qui suis quand même en besogneux normalement, là, j’écris pendant la répét; à la fin de celle-ci, le texte est fini, et je suis super content, j’ai l’impression d’avoir 15 ans, des textes un peu con mais que je trouve frais.

Mathis : Et toi qui a une certaine exigence en français, ça ne te perturbe pas par habitude et par culture aussi ?

Stéphane : Non… parce que je suis content… On ne recherche pas la même chose.

Sly : Ce n’est pas le même exercice vraiment.

Stéphane : Et puis tu as les images qui viennent, tu les traduis en mots, et 9 fois sur 10, ça passe tout de suite…. Alors qu’en français, avant de trouver les bons mots qui sonnent, tu passes du temps.

Matthieu : C’est dû à quoi ?

Tous : C’est plus musical, l’anglais.

Stéphane : L’anglais tous les mots sonnent. J’ai donc un vrai plaisir à faire ça, mais en même temps, arriver à faire un bon texte en français, c’est merveilleux. C’est drôle mais je suis allé voir un vieux concert à toi, Sly, en vidéo… et je me disais : ah, oui, c’est classe, mais tiens, j’aimerais bien savoir ce qu’il me raconte.

Sly : Et oui ! Et du coup, il y a une nouvelle exigence sur scène, c’est que la voix soit audible.

Mathis : Ah, oui, clairement… avec le français, ce n’est plus la même façon d’appréhender la scène.

Pierrot : Mais du coup, tu as fait des traductions ? Tu as gardé les thèmes ?

Sly : On se rend vite compte que la traduction ça ne marche pas, quand on essaye d’adapter un morceau de l’anglais, ça sonne forcement mal, rythmiquement ça ne marche plus. Donc l’idée, c’est de garder l’esprit ou la thématique mais en changeant le texte. Mais je découvre aussi tout ce qui est peut être bien dans l’écriture en français : le fait d’être plus précis, d’avoir une plus large possibilité de mots, et d’être beaucoup plus pointu dans ce qu’on veut dire.

Stéphane : On parlait de Noir Désir tout à l’heure, c’est typiquement un groupe que je trouve merveilleux quand Cantat chante en français et que je trouve assez banal quand il chante en anglais.

(approbation de tous)

Sly : C’est assez vrai pour pas mal de groupes qui mélangent les deux j’ai l’impression.

Après il y a un truc culturel dans l’appréciation des gens : ceux qui connaissent la pop anglaise ont une réticence quand ça passe aux français, s’ils ne connaissent pas grand-chose en pop française tout de suite, ils vont penser à des trucs... genre euh indochine…

Mathis : Parce que longtemps l’expression n’existait pas : la pop française. On appelait ça de la variété, dès que c’était en français, même s’il y avait des trucs plus raffinés, avec plus de recherche que Claude François par exemple. L’expression Pop française j’entends ça depuis 5, 10 ans.

Matthieu : D’ailleurs, Christophe Conte intitule son livre récent « La française pop », comme s’il fallait créer un décalage.

Mathis : Comme si on disait : si ce n ‘est pas en anglais, ce n’est donc pas de la pop … mais maintenant, ça change un peu quand même, heureusement.

Sly : Oui, et quand on pense aussi aux mots variété, ça ne veut pas dire grand-chose.

Mathis : Moi, pendant très longtemps, j’ai eu l’impression du coup que si tu faisais du rock ou de la pop, dès que c’était en français, on mettait l’étiquette variété, parce que français était égal à pas rock et pas pop.

En fait, le terme variété on l’associe au côté Maritie et Gilbert Carpentier, Claude François et paillettes… qui n’est pas forcément très artistique musicalement.

Sly : Oui, il y a une connotation péjorative bien sûr au terme.

Matthieu : Mais là, avec la mort de Delpech, c’est étonnant ce qu’on a entendu…

Pierrot : Oui, c’est un peu dingue, cette sacralisation qu’on a vécue là… et il semble qu’il a bousculé du côté pop.

Mathis : Paix à son âme, il y a de belles chansons certes mais faut pas exagérer… et je pense que lui aurait assumé le fait de dire qu’il faisait de la variété et pas de la pop, parce qu’il était quand même dans ce créneau là en terme de recherche musicale.

Matthieu : C'est sûr. Dans ces cas-là, on entend souvent l’expression « la variété au sens noble du terme »...

 

  • Et de la chanson tout simplement ?

Et pour donner des nouvelles de Yann Giraud, qui a partagé une interview ici avec Stéphane, voici ce qu’il dit pour parler de son disque sous le nom d’ALOHA ALOHA : "En 2016, on s’en fout bien d’être variété, pop ou “indie”. Ne restent que des morceaux et la volonté de les partager avec le plus grand nombre".

Sly Apollinaire, Voyage de Noz et Mathis: rencontre lyonnaise.

Pierrot : Stéphane, alors, tu es arrivé alors que Lyon perdait son statut de capital du rock (75/85 avec Starshooter, Electric callas, Factory -dont le batteur était Yves Rotacher dont on a parlé plus haut-) au profit de Rennes sans doute…

Sly : Enfin, je trouve qu’il y avait une période qui était vachement bien, à la fin des années 2000, avec une mouvance pop anglaise, avec pas mal de groupes…

Pierrot : Déjà vu, Laisy daisy, Fake Oditty

Sly : Oui, c’est ça, et tout ce qui est le festival  Lyon in rock, Dent de Lyon. Je pense qu’il y avait une scène intéressante. Depuis quelques années, il y a moins de ligne claire, j’ai l’impression que c’est très fragmenté.

Pierrot : Mathis, tu me disais dans l’interview de 2013 qu’à partir de 2005, beaucoup de lieux avaient fermés, notamment sur les pentes…

Mathis : J’ai beaucoup joué entre 2000 et 2010, avec des groupes de reprises, mais j’ai aussi joué en acoustique solo avec mes propres textes, et malgré tout, j’ai quand même traversé des périodes où j’ai eu l’impression qu’on ne programmait que du rock indé, du rock dark, toujours le même style. Dès qu’on jouait de la pop, dès qu’on chantait en français, c’était fermé. C’est peut-être une appréciation subjective… Mais en tout cas, depuis quelques années, j’ai l’impression que ça s’ouvre, aussi par le biais des festivals. J’ai l’impression d’un renouveau, qu’il y a plus de diversité, alors qu’avant, si tu n’étais pas dans le rock brutal, tu n’étais pas considéré comme un vrai musicien. En musicien de reprise, ça allait et dès que tu voulais proposer un truc… j’allais dire raffiné ou en tout cas… alternatif à cette mouvance-là, c’était impossible.

Pierrot : Alors et toi Stéphane, Lyon ? C’est en tout plus difficile de remplir des salles…

Stéphane : Et oui, mon pauvre monsieur, ah, j’ai connu une époque… (rires). On était plusieurs groupes à pouvoir remplir la bourse du travail, ou des salles comme ça, 5/6 groupes à pouvoir faire des salles de 1000/1500 places. [Les NOZ ont fait trois transbos… le seul groupe lyonnais à l’avoir fait en réalité]

Mathis : C’est sûr qu’il n’y en a plus un capable de le faire.

Stéphane : Oui et cela fait bien longtemps. Mais on voit toujours ça de notre petit prisme pop...

Pierrot : Oui, effectivement, là, je crois qu’un groupe de rap vient de remplir la grande salle à côté, et c’était la première fois depuis les NOZ que des lyonnais remplissaient…

Stéphane : Et il y a aussi l’électro. Voilà, il y a des choses qui se passent, mais ce n’est plus la même musique.

Pierrot : Alors qu’est-ce qui manque ? Pour faire la comparaison avec Clermont, dernière capital proclamé il y a quelques temps, un cadre comme la coopé ?

Mathis : Un lieu culte…

Pierrot : Un lieu qui sert aussi de pépinière, avec des accompagnements.

Mathis : Oui, c’est vrai qu’à Lyon, on n’a peu de lieux qui promeuvent un peu la culture, toujours pas de scène smac… même si ce n’est pas la panacée.

Matthieu : Le Transbo, ça ressemble quand même beaucoup à la Coopé, non ? Notamment avec le club…

Sly : Oui, c’est quand même important pour la scène locale, des soirées sorties d’album…

Matthieu : Mais est-ce qu’il y a de la formation, de l’accompagnement?

Stéphane : Je ne sais pas comment ça marche.

Mathis : Il y a des obligations de faire quelques soirées, deux par an, de mise en avant, avec des entrées gratuites, ce qui permet de bénéficier de beaucoup de promos, Si tu ne fais pas partie des deux artistes choisis…voilà. Ils ne vont pas trop au-delà de ça.

Stéphane : Le problème de Lyon, je crois, c’est qu’il y a quand même beaucoup de petites chapelles un peu intégristes. (accord des autres). Il y a des lieux où tu ne passes pas, si tu n’as pas la carte.

Mathis : Oui, c’est ça.

Stéphane : Ça manque un peu de gens ouverts, enfin, du côté de ceux qui ont les manettes.

Sly : Ce qui est regrettable, c’est que les styles ne se rencontrent pas. Il pourrait y avoir des soirées géniales, mêlant des groupes de pop avec des groupes électro, des trucs mortels à faire, tu commences par des concerts et tu termines par un mix électro… mais c’est très cloisonné. Est-ce propre à Lyon ?

Matthieu : C’est quand même étonnant qu’à Lyon, on ne puisse pas remplir une salle comme ça. Vu le nombre d’habitants…

Mathis : Oui… mais… c’est sûr…

Stéphane : Il n’y a personne… Le Peuple de l’herbe à une époque. Déjà quand tu remplis le club, tu es content.

Mathis : Oui, sur des événements gratuits, le gens viennent, mais même une salle comme celle-ci de 500 places, je me demande quel groupe peut la remplir en entrée payante… alors peut-être les noz le 15 mars…

Matthieu : Est-ce que le public lyonnais se désintéresse, se détourne de cette musique- là ?

Sly : Oui, je pense, c’est ma conviction personnelle… mais là, encore, est-ce propre à Lyon ?

Pierrot : Matthieu me disait qu’à Clermont, les Delano avaient joué devant une trentaine de personnes, avec la Féline…

Matthieu : Oui, mais d’autres concerts font de l’affluence je pense…

Sly : Je pense aussi qu’il y a énormément de propositions, pleins de choses, que tout est hyper fragmenté, et avec l’air du net…

Matthieu : Est-ce que du coup, pour le live, le vrai débouché, ça ne serait pas les festivals?

Stéphane : Oui, c’est un peu le supermarché où tu peux voir tout d’un coup…

Sly : Oui, pour nous, c’est important….

Pierrot : Autre élément, sur Clermont, on a eu un tourneur Denizot qui a donné un vrai coup de main au milieu local, est-ce que Eldorado ne joue plus tout à fait le même rôle qu’avant ? Un manque d’organisateurs de concert militant ?

Stéphane : Non, je ne crois pas.

…arrivée du directeur du Transbo… qui nous salut…

Pierrot : Et l’arrivée du radiant ?

Sly : En comparaison, pour la scène locale, ils ne font rien…

Signe du morcellement de la scène locale, Sly ne sait pas ce qui s’y passe :

Pierrot : En fait, le groupe de Stéphane Nellie Olson y a joué il y a quelques semaines (club radiant) et Mathis y a fait la première partie de Laurent Lamarca.

C’était produit par le Radiant ?

Stéphane : Oui…

Sly :Ah merde ! Allons bon…

Mathis : Sauf qu’effectivement, ils sont en train de se poser la question, car promouvoir au club couterait trop cher, ce qui est dommage parce que le lieu est fait pour ça.

Stéphane : Et c’est pour ça que je ne pense pas que ce soit un problème de tourneur…mais c’est vrai que les nuits de Fourvière faisaient tous les ans la soirée de clôture « Lyon rugit la nuit » avec des groupes locaux et cette soirée ne se fait plus, alors j’imagine que c’est la seule soirée qui ne se remplissait pas ou mal, donc le problème vient du public.

Sly : Et du côté budget culturel, ça ne va aller en s’arrangeant….malheureusement…

Stéphane : Et si on allait se pendre les gars…(Rires...)

Mathis : Je joue dans une heure, vous me mettez dans un état… je n’y crois plus… ah, je n’y crois plus… (rires)

Sly Apollinaire, Voyage de Noz et Mathis: rencontre lyonnaise.

Pierrot : Alors, justement, j’avais une question pour se pendre… vos pires souvenirs de concerts, de mauvais plans…

 

Mathis : Moi, c’est mon premier concert,j’avais 18 ans, je jouais dans ma chambre et je pensais que j’étais le meilleur chanteur du monde, personne n’avait jamais entendu ce que je faisais, et je me suis produit sur un plateau municipal dans le 5e.J’ai commencé la soirée, et au bout de 2 chansons, le gars m’a dit de descendre, « bois une bière, dans 10 minutes, je te fais remonter »…et j’ai attendu toute la soirée, il ne m’a jamais fait remonter ! (rires)
Bon,je croise les doigts parce que je monte sur scène tout à l’heure, ce n’est pas le moment de dire ça, mais ensuite, je n’ai jamais eu de grosses déconvenues. IL y ades soirs où ça se passe plus ou moins bien, c’est le lot des musiciens, mais la première fois a été la pire fois, et douloureuse, parce que j’avais beaucoup d’ambition, j’ai été coupé dans mon élan, et à juste titre, parce que c’était une catastrophe. J’ai mis 3 ans à refaire de la scène.

 

Pierrot : Et toi Stéphane, un petit souvenir ? Saint-Chamond un soir de fête de la musique? Moi et mon pote, on n’avait jamais trouvé le lieu en tout cas.

Stéphane : Saint Chamond, non, je ne me rappelle pas. J’ai souvenir d’un truc sans doute plus vieux, on avait joué dans une boite qui était sur les quais de Saône, et c’était le moment où on commençait à marcher un peu, il devait y avoir un gars d’une maison de disques. Jouer dans une boite de nuit, c’était un peu bizarre, mais bon, c’était un plan comme ça. Et on se retrouve là, avec une ambiance qui ne collait pas vraiment avec ce qu’on faisait et… 10 personnes dans la salle, 10, dont le gars de la maison de disques qui était assis au fond. L’horreur. Il y avait d’autres gens, mais qui attendaient dehors, qui attendait la soirée disco, qui n’en avaient rien à faire de notre truc. Et on termine, dans un calme absolu…je dis «bonsoir», et là le DJ qui était aux platines pousse Samantha Fox à fond (boys boys boys) et il dit «et maintenant retour à la musique !! »   (Rires…) - ah, celle-ci elle est bonne…

Stéphane (pensif) : Retour au fondamental : Boys boys boys… C’est une chanson qui est importante pour moi... On n’a pris nos petites affaires, on est rentré…

Sly : Du coup, vous en avez fait une reprise pour conjurer le sort….

Stéphane : Non, mais ça fait partie des grands moments de solitude

Sur le coup, personne ne s'est rendu compte du formidable im-pair mal-sain commis: Boys Boys Boys est bien sûr chanté par Sabrina. Blanc bonnet E et bonnet blanc E certes... 

 

Pierrot: Et toi Sly ?

Sly : Je me souviens d’une scène de fête de la musique, et c’était un riverain qui nous fournissait l’électricité, un fan hardcore de Johnny Halliday. A la fin du set, il devait avoir un coup dans le nez, il arrive, il commence à parler à mon guitariste qui était en plein solo d’ailleurs : « tu ne veux pas jouer les portes du pénitencier ? » « Non plus tard »… Il a pris la mouche et il a tout débranché… Mais heureusement, on n’était plutôt sur la fin du set.

 

Pierrot : Maintenant, vos grands souvenirs du transbo ?

Mathis : Pour moi, ça sera ce soir à 23 heures, enfin j’espère… En tant que spectateur… j’en ai vu des tonnes.

Stéphane : Il y en a pleins…

Sly : Je me rappelle de Supergrass, ensuite ils étaient au bar, tranquilou, on avait un peu discuté. Le concert était mortel, de la pure énergie, avec un côté un peu juvénile. Un groupe qui n’existe plus hélas.

Stéphane : Moi, ça devait être les Strokes mon meilleur concert ici, super, pas de rappel, 1h10 mais top.

Mathis : Ah, ben, un peu pareil, Sonic Youth. 1h20, bam pas de rappel, tout à blinde du début à la fin. Impressionné. Mis contre le mur, l’impression d’être projeté. Sur le coup, tu te dis «pas de rappel, mince »…et puis, tu réalises... oui, ça va.

Le « concert Surprise » du Transbo dans ce même lieu en 1991 qui a été mon premier concert des Noz avait été organisé pour le patron de Polydor. « Une fille de là-bas nous adorait, mais le patron avec lequel on a mangé, nous dit : «j’ai signé Ange»… et voilà, pour nous dire, voilà, j’ai Ange… et donc, ça suffit ». Le deuxième concert dans la grande salle fut pour la sortie de l’album «Le signe ». Un autre concert (au club) a fait l’objet d’un live filmé par Bernard Schmitt, le réalisateur de JJ. Goldman et de Jojo Vacances pour la chaine TLM. « On a aussi refait la grande salle du Transbo en 2002 (avec Romain Lateltin en musicien additionnel au claviers) et l'américaine Jennifer Bruce en première partie mais en concert gratuit organisé par Mac Ben Music. Il y avait bien 1500 personnes ».

 

Sly : Et Murat, il a joué ici ?

Pierrot : Et bien Murat 93, l’enregistrement de son premier live…

Sly : Ah, oui, il y a un album live d’ici ?

Pierrot : Oui, et une date je pense sur la première partie de tournée de Mustango. Je pense que le chanteur des Dory Fore m’a raconté que les gens partaient…

Mathis : Et plus récemment, c’était plus au Ninkasi kao ou Radiant que je l’ai vu.

Sly : Je l’ai vu à Villefranche récemment, et j’ai trouvé ça mortel. Le nouveau groupe, là, le bassiste notamment p… Et la salle est vraiment bien, au niveau du son… Enfin, c’était top.

Pierrot : Et ils ont quand même une belle programmation à Villefranche. A part ça, voilà, j’ai fait le tour de mes questions…

Mathis : Oui, de toute façon, je vais devoir vous laisser.

Sly : Je ne peux pas rester, désolé. Tu as d’autres dates de prévu ?

Mathis : Non, on attendait la sortie du disque et cet événement-là, avant d’autre programmation…

Nous continuons à discuter sans Mathis. Quelques photos de son set:

Sly Apollinaire, Voyage de Noz et Mathis: rencontre lyonnaise.
Sly Apollinaire, Voyage de Noz et Mathis: rencontre lyonnaise.
Sly Apollinaire, Voyage de Noz et Mathis: rencontre lyonnaise.
Sly Apollinaire, Voyage de Noz et Mathis: rencontre lyonnaise.

Pierrot : Alors dis-moi, Stéphane, vous aviez présenté quelques nouvelles chansons il y a bien longtemps, mais vous êtes un peu reparti à zéro. Vous n’avez jamais pensé mettre quand même cette production en téléchargement, même s’il n’y a pas d’album?

Stéphane : Non, mais il y a quand même des trucs qu’on va garder. Il y a des choses bien, voire très bien.

Sly : Vous avez fait combien d’albums ?

Stéphane : 7 albums studio, et 2 live.

Matthieu : Ce que vous disiez au départ sur les choix, c’est quand même très conditionné par l’économie, parce que si vous aviez la possibilité, régulièrement, de rentrer en studio, de faire de la scène, d’écrire, d'enregistrer de nouveau, etc. – un truc continu, sans trop de difficultés – tous les enjeux (Est-ce que je chante en anglais ? Est-ce que je prends un directeur artistique ou est-ce que je fais tout seul ?) se décanteraient… Alors que là, il y a tellement d'enjeux au moment de faire un album… Donc ; il faut faire les bons choix, ne pas se louper…

Sly approuve

Stéphane : Oui et non, enfin je ne sais pas.

Pierrot: Enfin, maintenant, il y a quand même une facilité de sortir des choses avec les téléchargements, d’enregistrer à la maison.

Stéphane : De toute façon, nous, on sait qu’on ne va pas gagner notre vie avec ça, depuis le début, on ne l’a jamais gagné, enfin ça m’a payé des vacances…mais je n’ai jamais pu vivre avec ça. On ne sait jamais poser la question de se dire : stratégiquement on va faire ça comme çi ou comme ça… On essaye juste de faire le truc comme on en a envie…

Pierrot: Et puis, le concept d’ « album » reste encore un peu « sacralisé ». On a envie de sortir un truc qui nous ressemble et pas de  multiplier les sorties, publier sur le net dès qu’on a pondu un titre.

Oui, la différence est sur les moyens…

Matthieu : Oui, mais il y a plus de pression dans la mesure où on en sort un tous les 3-4 ans, on n'a pas envie de se louper. Alors que si on pouvait se dire « celui-ci, on prend ce parti pris, on l’assume complètement et peut-être qu’on fera autrement la prochaine fois… »

Stéphane : Tout bêtement, surtout c’est une question de moyens financiers, parce que… on peut se dire celui-là, j’aimerais bien le faire mixer ou mastériser à Londres parce qu’il y a des types qui t’intéressent, et puis tu renonces parce que tu vas en vendre douze.

Ou en concerts : on a toujours aimé les plans mise en scène [un exemple récent: à 5 minutes 40, un soir où le vidéo projecteur humide a refusé de projeter] , il y a une époque on faisait des trucs de dingos, mais on ne fait plus parce que le moindre truc, ça coûte des ronds. Quand tu fais 1000 personnes, ça va, quand tu fais 500, ça devient compliqué, et tu ne peux pas prendre ce risque- là. La créativité quand je vois tout ce qui sort, les groupes qui sortent pour quedal, parce que les gens qui vivent de la musique en France, ils sont peu nombreux. La créativité n’est pas liée à des questions économiques, il n’y a jamais eu autant de trucs biens.

Sly : Carrément. Et limite, le fait d’être un peu limité en terme de matos, handicapé en terme de moyens, ça peut apporter des choses intéressantes.

 

Comme me l’a dit LA FELINE : l’indépendance, "le moment où on retourne la nécessité en vertu"!

 

Matthieu : Là, on parle de créativité presque immédiate. Mais construire une carrière sur plusieurs disques (en laissant de côté l’aspect commercial), c’est déjà une autre forme de créativité que de lancer quelques titres sur internet. Et c’est là que les contraintes économiques font qu’on se met plus de pression…

Sly : Oui sûrement…

Stéphane: Oui, je vois aussi qu’il y a beaucoup de gens qui s’épuisent, des gens qui y croient à donf, qui envahissent internet, qui diffusent, qui communiquent beaucoup… et puis, il ne se passe beaucoup de choses derrière. Tu fais ça un, deux ans, trois ans.

Pierrot : Et qui sont minés par l’intermittence aussi. Toi, tu as cet objectif ?

Sly : Non, je ne cours pas après. J’ai l’impression qu’il faudrait que je fasse des choses dont je n’ai pas envie, la peur de m’égarer en étant à fond dans la recherche de l’intermittence. Mes créations perso m’occupent assez. Et je donne des cours à côté.

Sly Apollinaire, Voyage de Noz et Mathis: rencontre lyonnaise.

Nous évoquons François ex-des Déjà vu maintenant avec Strange Milk et Lauren Stuart, du magasin « La Bourse » où Sly a travaillé avec un moment…

Sly : Ca a scellé d’ailleurs le truc, c’est ma dernière expérience en entreprise… depuis je me consacre à la musique et ça me va très bien.

Pierrot : Stéphane, parle-nous de l’expérience de Nellie Olson.

Stéphane : L’album, on l’a fait histoire de marque le coup, mais on en prépare un deuxième, qui va être bien, je trouve les chansons vraiment biens. C’est vraiment une expérience que j’adore.

Pierrot : Toujours majorité en anglais ?

Stéphane : Même exclusivement.

Matthieu : C’est quoi comme formation ? Un trio ?

Stéphane : Basse batterie, guitare et chant. Vraiment…

Pierrot :Noisy ? (le nom de leur album)

Stéphane : … Dans l’esprit rocks anglais, très 80’s, Joy division, un peu dark. Super expérience.

Pierrot : Groupe constitué avec d’autres musiciens cultes de Lyon…

Stéphane : Oui, des vieux musiciens lyonnais, du groupe Aurélia Kreit, qui faisait une musique très CURE, que j’ai découvert un jour, c’était la classe absolue.

Matthieu : C’était la grande époque, ça ?

Stéphane : Un peu après. La grande époque, 1980, Starshooter, Factory, Electric callas, L’affaire louis trio. Aurélia Kreit, l’Enfance Eternelle, et nous, on est arrivé après, une musique très new wave, et là, ça brassait vraiment, jusqu’en 92/93… Après, on s’est retrouvé un peu tout seul.

Matthieu : C’est bizarre, qu’est-ce qui se casse la gueule à ce moment-là? Il n'y avait pas  encore internet…

Stéphane : Il y a pleins de groupes qui arrêtent à Lyon en tout cas… et puis, je ne sais pas… L’arrivée du rap ? Le côté alternatif qui arrive en force, le côté revendicatif.

Matthieu : Après, c’est vrai qu’en France, des groupes un peu new wave, ou post new wave, il n’y en a pas eu qui se soient fait connaitre ont sur la durée... A part Indochine.

Pierrot : Ceci dit, Le voyage de noz n’est pas vraiment resté sur ce créneau-là exclusivement.

Stéphane : Tu vois nous quand on commence en 86/87, on n’a pas de disque, même quand onfait le transbo. On fait une émission de radio, radio canut machin, et on fait 1500 personnes à côté.

La moitié des gens de la salle ne connaissait pas, mais était entrainé par d’autres : viens, tu vas voir c’est super bien.

Sly Il y avait un certain activisme de certains…

Pierrot : Et une cassette qui se repiquait dans les lycées. Dans ma classe, il y avait 4/5 personnes qui connaissaient le groupe, qui m’ont fait écouter.

Sly : Il y a une approche un peu « sacré » à l’époque, uncôté rituel, tu les sacralises… avec internet, c’est un peu parti.

Pierrot : Et puis, on parlait de sectorisation tout à l’heure,les Noz ont bénéficié d’un écho dans un certain milieu lyonnais,je me rappelle d’un grand bal, bien comme il faut, où il devait avoir plus de 500 personnes, et le Dj diffusait les Noz (91 sans doute).

Matthieu : En dehors de Lyon, ça a voyagé ?

Stéphane : Un peu, en fonction des opportunités… Il y avait un type qui nous faisait jouer en Suisse chaque année, alors, ça bougeait un peu là-bas. Dans les pays de Loire

Y’a d’autres régions où on n’est jamais allé… Marseille.

Je sais que à chaque fois qu’on est allé à Paris, bizarrement peut-être, on arrive avec le petit complexe de provincial,et chaque fois, un super accueil, et là tu te dis, qu’ à Lyon, putain, les gens y sont durs.

Pierrot : Et toi, Sly, tu as déjà à Paris, je crois, au Pop in, non ?

Sly : Euh, … attend, oui, en groupe la dernière fois. Bon, c’était un peu la galère, la sono était en vrac… et c’est vrai que c’est pour ça que j’arrête un peu… on parlait d’épuisement tout à l’heure… Je suis plus sélectif maintenant. Mais à Paris, surtout des bons souvenirs,ça se passe plutôt bien. Et la Belgique, c’estmagnifique, l’envie des gens, le côté bien rock and roll… et au niveau des groupes, c’est un super vivier.J’ai des potes qui ont un duo punk quis’appelle Pétula Clarck, et je vous les recommande chaudement. Ils tournent beaucoup partout en Europe. Je ne sais pas comment ils se débrouillent, c’est autogéré complétement.

Matthieu : A Clermont, on a le Raymond Bar, qui fait partie d’un réseau de salles "alternatives" en Europe. Ils arrivent à avoir des gens qui viennent d'un peu partout, avec 150 à 200 concerts par an.  L’entré est à 5 euros, la bière à un euro…

Il y a encore des gens qui arrivent à tourner, et à avoir des dates.

Stéphane : Aujourd’hui, à ce que je vois, pour tourner, il faut un produit très typé. Notre nouvelle violoniste, elle a un groupe, que des filles. Elles font du punk celtique, elles sont 5 filles, toutes en kilt…. Le programmateur dit : vous faites quoi ? On est 5 filles, on fait du punk celtique, - ok, je prends pour mon festival. C’est clair, Quand tu es le Voyage de Noz, et bien…

Sly : Le cul entre pleins de chaises

Matthieu : Même en matière de critique musicale, il faut coller des tonnes d'adjectifs….ranger dans des catégories.

 

Stéphane : Toutes les musiques hard core, ça tourne hyper bien. J’ai un pote quitourne dans toute l’Europe.

Pierrot :Et puis les groupes un peu java, word tzigane...

Sly : Voilà, il y a pleins de créneaux, mais il faut savoir rentrer dans la bonne case…

Matthieu : Il n’y aurait pas moyen de trouver une étiquette ?

Stéphane : Je n’ai pas l’impression… et puis, on peut faire un morceau tout doux au piano, derrière un truc qui envoie…

Du coup, certains forcés de s’étiqueter, choisissent des appellations sui generis : Sly était présenté aux belles journées comme du « folk pastoral et de la power pop »,

Pierrot : Avec Bonne Espérance, peut-être que… Il y avait un truc qui n’a pas été vendu suffisamment. En tant que fan, j’ai un gros regret là-dessus…

Stéphane : Cet album-là, j’ai l’impression qu’on l’avait un peu typé volontairement avec tout ce qu’on aime, et puis il ne s’est rien passé derrière. C’est un autre métier de communiquer.

Pierrot : Il n’y a pas eu de clip ou de vidéo non plus.

Matthieu : Et sur internet, vous êtes présents ?

Stéphane : Pas tellement. Et puis sur cet album, l’idée c’était justement de faire de l’anti-communication. A cet époque, où tout le monde, tu vois tout ce que le chanteur a mangé à midi, et quand il va aux chiottes et machin, tout est filmé, l’idée, c’était justement on montre rien, avec l’idée de créer le désir par l’absence.

Pierrot : Bon, il y avait eu un gros travail de teasers, très chouettes,  avec des vrais petits films publiés chaque jour… mais derrière…

Sly : Les gens qui publient des trucs toutes les 30 minutes sur Facebook, je n’y crois pas trop. On parlait du côté sacré de la musique, et là ça démystifie le truc..

Stéphane : Bon, il y a des gens qui le font bien, mais François et les Déjà Vu, par exemple, ils se sont épuisés… pour peu de résultats. Que d’efforts…

Matthieu : Dans une émission de Taddéi,  à la question "qu’est-ce qui marque l’époque?", un invité a répondu « le making of ». C'est vrai que dans tous les domaines, il faut présenter le « making of » de ce qu’on fait.

Sly : C’est dommage parce que la distance a du bon.

Stéphane : Oui, on perd de la magie. Si tu vois l’envers du décor…

Matthieu : Le storytelling, c’est la même chose : raconter comment on a fait le truc… une fausse sincérité.

Stéphane :Après, il y a des gens, comme Mylène Farmer, qu’on ne voit pas à la téloche…

Matthieu : Mais faut pouvoir se permettre de le faire... Dans ce cas-là,  la discrétion devient carrément un outil marketing.

Stéphane: Ou même Murat...

Pierrot : Oui, sauf qu’il trouve un concept à raconter pour chaque album, un truc à raconter pour les médias.

Sly : Il s’en tape, je pense de tout ça.

Pierrot : Je pense qu’il y réfléchit quand même, à ce qu’il va dire, même si c’est des conneries, il n’y croit pas une seconde.

Sly : Bon, il n’envoie pas des photos sur instagram non plus…

Pierrot : Les noz, vous avez été quand même bien organisé, avec des sites internet, des newsletters papier puis emails, un forum qui était très actifet où on s’est bien amusé.

Matthieu: Christophe Pie, le copain de Murat, a raconté ça : il a fait un album solo pour se prouver à lui-même qu’il pouvait le faire, mais une fois terminé, il s’est rendu compte qu’il n’avait pas du tout envie de faire la promo, que ce travail-là ne l'intéressait pas.

Stéphane : Et puis, ça prend énormément de temps de faire des choses dans le domaine-là. Nous, on n’a pas le temps. On essaye déjà d’avoir le temps pour bien faire des chansons.

Sly : Et puis, on ne sait pas faire forcement. Par contre, la question du clip… c’est important, les gens regardent plus qu’ils n’écoutent, et le clip, je trouve ça stimulant, intéressant. Je vais en refaire un, avec la même personne qui avait réalisé celui de Trampoline.

Stéphane : Et du coup, tu participes ?

Sly : Oui, j’ai des idées de départ, on en discute. Jusqu’à présent, c’est à la débrouille, mais c’est fun à faire.

Matthieu : Et on parlait de direction artistique tout-à-l'heure, là, au fond, c’est quelqu’un d’un domaine artistique proche du tien qui apporte un autre regard sur ce que tu fais.

Sly : Et j’n’envisage pas ça du tout dans une logique putassière. C’est un support différent, un support créatif différent, et comme un autre, les gens achètent la musique sur YouTube.

 

Pierrot : Et toi, les clips, Stéphane ?

Stéphane : Je n’ai aucune idée visuelle en général. Et je ne suis pas du tout patient et les clips, c’est des trucs qui prennent des plombes.

Matthieu : Tu n’as jamais eu envie de confier le travail à quelqu’un ?

Stéphane : On en a fait quelques-uns.

Pierrot : Notamment j’empire qui avait pour décors la demeure du chaos.

Stéphane: C’est un truc que je ne maitrise pas bien…. Je n’ai pas cette exigence-là. Je suis rarement content. J’empire, je trouve que c’est moyennement réussi. Moi, j’aurais fait un truc complétement différent. On est aussi trop gentils parfois, on aurait dû dire ce n’est pas ça qu’on veut… mais il n’est pas nul hein. Et puis, c’est toujours pareil : on fait ça sans moyen, avec des gens qu’on paye comme on peut. Le clip du signe pour l’époque c’était un beau clip.

Pierrot : Il était dans la sélection des Victoires de la musique… grâce à mon pied, qu’on voyait très bien. Ici même il y avait une structure métallique, avec150 figurants, pendant deux jours. Et c’est vrai que la force des Noz à l’époque c’était de pouvoir réunir une telle tribu comme ça.

Toi Sly, tu as un petit noyau de fans ?

Sly : Oui, un petit peu, mais justement, ma difficulté, ceux qui me suivent se lassent un peu : quand est-ce que tu sors cet album ? Ça fait 5 fois que tu le dis…

Pierrot : (rires) Ah, ça me fait penser à quelqu’un ça (Les NOZ)

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Merci à tous!

Interview réalisée le 21/01 (retranscription corrigée par chacun des intervenants).  Photos: Surjeanlouismurat.com

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- On attend l’actualité de Sly Apollinaire (sa Page facebook).

- Mathis: Jeudi 17 mars, soirée Buzzique Live (Bron)   Le 17 février, il était invité à la soirée spéciale Virage Radio au Ninkasi Kao avec Brigitte et Jain. Il y aura une date parisienne au printemps normalement. 

Mathis  et l'aventure de son album réalisé avec de belles pointures, comme Yan PECHIN! A LIRE ICI

- Le VOYAGE DE NOZ  le Mardi 15 mars,  au Transbo, pour avoir la chance de voir l'un des plus grands "frontman" du rock (selon Laurent Cachard)

Page facebook de NELLIE OLSON   et du Voyage de  NOZ

Dernière indiscrétion : Stéphane avait l’idée au départ de rejouer l’album « L’homme le plus heureux du monde », et a sollicité le retour de LIZ COTAM, la violoniste anglaise qui faisait partie du groupe. Elle a hésité… mais a finalement renoncé, cela joue trop fort pour elle désormais! Ella Beccaria, sa remplaçante, n’a pas ce genre de problème .

Ci-dessous medley vidéo:

Sly Apollinaire, Voyage de Noz et Mathis: rencontre lyonnaise.

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Les questions rituelles de l’inter-ViOUS ET MURAT- à SLY APOLLINAIRE :

Mon album préféré de Murat : Ce n'est pas très original, mais je dirais Mustango, pour son climat, Jennifer Charles & Calexico, le premier écouté et celui qui a le plus de valeur sentimentale pour moi. J'aime aussi beaucoup Lilith, découvert juste après, pour son contraste entre extrême douceur et énergie rock.

Mes 3 chansons préférées : Jim (là encore, pas très original) pour les raisons citées plus haut. Le Train Bleu, pour le texte et la mélancolie familière. La Bacchante, pour l'arrangement de cordes à tomber.

Une chanson de mon répertoire évoquant Murat : Un morceau intitulé "Dans le Lit Du Doux", qui sera présent sur mon futur album. Musicalement, c'est une sorte de grand écart entre Murat et Led Zep. Et le texte a ce côté "régionaliste" qu'on trouve chez Murat, puisqu'il fait référence à la rivière d'Ardèche où je me baigne depuis mon enfance.

Souvenir de concert : J'ai vu Murat pour la 1ère fois au Ninkasi, période Mokba, un set très contrasté avec de grands pics d'intensité clairement rock'n'roll. Puis je l'ai revu au théâtre de Villefranche il y a quelques mois (10 ans plus tard!) et j'ai adoré son nouveau groupe plein de feeling, notamment le bassiste.

Rédigé par Pierrot

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT

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