L'affaire Murat, par LE FLEGMATIC, invité du "Week-end Murat, yes sir!"

Publié le 8 Mars 2023

       

                Le Flegmatic sera notre invité inter…régional lors du WEEK-END MURAT, YES SIR! du 23 et 24 juin au FOTOMAT à Clermont-Ferrand.  Le chanteur originaire d’Albi  a accepté de faire le déplacement de  sa vallée d’Aspe dans lequel il est désormais installé… pour témoigner de son affection pour l’oeuvre de Jean-Louis Murat. Et on est très fier d’avoir avec nous “ L’une des plus fines plumes françaises actuelles. » (Pop, Cultures & Cie) à la musique à “l’impact mélodique et harmonique jamais démenti." (Rock & Folk).  C’est donc naturellement que nous lui avons proposé, en plus de sa participation au TRIBUTE samedi, d’interpréter quelques chansons personnelles le vendredi, dans une très belle soirée CHANSONS, en co-plateau avec ALAIN KLINGLER (qui lui nous fera découvrir des chansons de son 6e album à paraître…. dont une chanson dédiée à Murat “larbin de personne”).   [avant cela, nous aurons visionné le film “mlle Personne” et écouté Soleil Brun avec un peu de Murat]

            On attendait de pouvoir vous annoncer tout ça pour publier un article prêt depuis quelques mois… C’est “l’affaire Murat”...

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              Fin octobre 2022, par messages, Thomas me débriefait une interview sur France Inter,  un peu navré. Ce qu’il me racontait méritait un article et je lui ai alors proposé de coucher tout cela sur le papier… et il a immédiatement accepté. Il faut soigner le mal par le mal? 

             Après l’interview de La Fille de la côte qui était elle aussi une immersion dans les affres de la création (ou au cœur de la sensibilité d'un artiste), je suis à nouveau très fier (vraiment!) de vous partager ce texte qui nous interroge  sur les influences, les étiquettes telles le sparadrap du capitaine Haddock  et les blessures d’un artiste dont on ne reconnaît pas  la singularité. 

               En tout cas, nous on aime beaucoup son 3e disque et on n’est pas les seuls, comme vous l’avez vu (notons aussi que Benoit Crevits -Magic- l’a  classé dans son “top dix 2022”).  Alors, on a eu envie de vous proposer beaucoup de  lecture (avec à la suite, une chronique du disque le jour la nuit le jour, et une archive inédite...) mais pour commencer la parole à Thomas Boudineau, dit Le Flegmatic.

 

« L’Affaire Murat »

  

« Un possible héritier de Murat », a écrit Rémi Boiteux à mon sujet dans Les Inrocks. C’était en 2019, pour mon album Ruines Nouvelles, et c’est une référence qui revient souvent à mon sujet, ou plutôt au sujet du « Flegmatic », mon double de fiction dans la chanson. Une influence que je ne renie pas, et une filiation qui n’est pas pour me déplaire, même si, sans fausse modestie, il est difficile, voire périlleux, d’essayer de se glisser dans le sillage tant du chanteur, de l’auteur, que du performeur dans les talk-show.

Je n’ai curieusement jamais cherché à entrer en contact avec Jean-Louis Murat. Sans doute parce que j’ai cauchemardé, une nuit, qu’il me jetait hors de sa loge en me traitant de petite merde… Et aussi parce que je suis quelqu’un de timide et de réservé. Je ne me vois pas toquer à sa porte, mon album sous le bras, bonjour, on dit que je serais votre possible héritier… Ça fait un peu antiquaire qui viendrait renifler l’état des vivants tout en évaluant les meubles.

Comme Murat, j’adore Dylan et Leonard Cohen. Je l’ai d’ailleurs découvert avec “Avalanche”, sa fantastique et libre adaptation de Cohen pour une compil des Inrockuptibles, grande époque. Et comme lui, je chante le français doucement, car je sens, c’est physique, que c’est une langue qui se murmure, alors que je chante l'anglais à pleine voix.

Cet album précédent, Ruines Nouvelles, était clairement sous influence Dylan, et c’était assez naturellement que la silhouette de Murat traînait au studio de Luis Mazzoni*. Luis avait d’ailleurs travaillé avec lui à Clermont au milieu des années 90 (pour les fans, il est crédité sur un CD, mais je ne  me souviens plus duquel). Mon titre “À Découvert”, une chanson hantée par la crainte d’une guerre civile que France Inter a diffusée durant presque trois mois, est de loin la plus muratienne de mes chansons, dans le groove, le blues, le velouté, et une certaine gravité, même s’il y a aussi du Chris Isaak — ma voix n’ayant malheureusement ni le velours, ni les élans d’ange maudit de l’un comme de l’autre.

Mais quand j’ai envoyé Le jour la nuit le jour, mon nouvel album, à France Inter, la première réaction du programmateur fut de dire « Murat, sors de ce corps flegmatique ! » Ça m’a fait rire avant que je ne comprenne qu’il y avait quelque chose de définitif dans cette réponse. C’était un genre de non. Une porte fermée. Ce fut le début d’une assez longue série de portes closes pour ce disque, avec, pour raison, une trop grande proximité avec Murat, sans qu’on ne m’explique si ce qui dérange est une ombre tutélaire jugée trop envahissante, ou la suspicion d’un nouveau polémiste romantique — quand ça ne laisse pas carrément planer le soupçon du plagiat. 

L’ombre de Murat n’était pourtant pas avec nous, cette fois-ci, au studio. Je n’ai d’ailleurs pas retravaillé avec le même producteur. Bien sûr, je pensais à Cohen. J’ai commencé à écrire ces nouvelles chansons après avoir redécouvert l’album Ten New Songs. C’est cet album qui m’a montré le chemin. Le déclic de la création d’un album peut venir de n’importe où : une musique sortie par la fenêtre d’une voiture, un disque écouté chez des amis, à un moment où vous êtes, sans le savoir, à l’affût du rebond, d’un signe, du signal qui donnera la direction.

À bord du train qui me menait à Paris pour une interview dans l’émission Côté Club, je reçois un mail de la nouvelle chroniqueuse chanson de Télérama transféré par mon attaché de presse : « Trop Murat, désolée, je ne peux pas ». Je commence à serrer les dents. Valérie Lehoux, l’ancienne chroniqueuse du magazine, avait jusque-là parfaitement aimé et compris mes albums, sans doute mieux que moi-même. « Poète apocalyptique de la France d’aujourd’hui », avait-elle écrit. Mon attaché de presse me dit qu’il faut que je trouve un truc, une parade dès que le sujet Murat déboule sur la table.

 

 

 

 

 

Dans les studios, l’émission est à peine commencée que Laurent Goumarre me lance : « Jean-Louis Murat, on vous le fait souvent ? » Plutôt, oui… Je m’en suis sorti in extremis en imitant JLM : « Non mais c’est quoi cette question de merde ?… » Je suis assez bon imitateur. Ça a fait rire tout le monde, et m’a sans doute un peu sauvé. Mais cette histoire de ressemblance, d’inspiration, d’association est revenue à plusieurs reprises à l’antenne comme hors-micro. Il semble que ce soit ma chanson « À l’Ananas Café » qui crée la confusion : dans le phrasé, la ritournelle, et sans doute une forme de nonchalance. On a fini par conclure, avec Christophe Conte, autre invité, qu’il était finalement assez naturel de dire qu’untel nous en rappelle un autre. Belin semble avoir avalé Bashung — et ça ne dérange personne —, qui lui-même s’inspirait d’Alan Vega et de David Bowie. Bach trépignait avant l’arrivée de la diligence qui transportait les partitions de Vivaldi. Murat et Belin s’inspirent fortement de Dylan, jusque dans leurs costumes de scène… Dylan qui piquait tout à tout le monde, et ce dès le début en jouant une copie conforme de Woody Guthrie…

Au sujet de Murat, j'aurais aimé dire que la tournée qui a donné Innamorato m’a offert l'un des meilleurs concerts que j'ai vu, qu'il écrivait toujours des chansons immenses, que sa voix était plus belle encore aujourd’hui, qu’il était parmi les derniers musiciens à ne pas faire de la musique un spectacle… Mais je me suis retenu, de peur d’aggraver mon cas, de nourrir ce soupçon d’artiste sous influence, et de toute façon, dans ces émissions, tout va toujours trop vite.

J’ai pu voir Murat au moins quatre fois en concert ces vingt dernières années. Période Moujik, et puis ce dernier concert au Bolegason de Castres, après la sortie de Il Francese. Sur scène, tranquille, dans une salle à demi-pleine, il n’hésite pas à arrêter un morceau parce que le tempo ne lui convient pas ce soir. La musique semble s’inventer, se dérouler devant nous, et nous soulève. Il donne des versions différentes des chansons que j’ai pu voir en vidéo au cours de la tournée sur le facebook de ce blog. Je pense à Dylan, évidemment, capable de se retourner vers son band juste avant d’attaquer une chanson : « Ce soir on va la prendre en si bémol et en boogie !… » Bon courage, les gars. C’est de la musique live. C’est un concert. Ce n’est pas un spectacle vitrifié. Une approche assez jazz du live.

À la sortie du concert, je croise quelques copains, venus par curiosité : « Je ne m’attendais pas à ça », « Je pensais que j’allais me faire chier », etc…

 

Il reste que « L’Affaire Murat », comme je l’appelle aujourd’hui en rigolant, aura bien plombé ma sortie de disque, et m’aura surtout laissé avec cette incompréhension, ce truc que je ne m’explique toujours pas. Ça me donne un peu l’impression d’avoir été recalé au bac. J’aurais rarement entendu : « Ça me rappelle Murat, c’est cool ! ».

Il m’arrive de réécouter l’album dans ma voiture et de me demander, mais où trouvent-ils une si grande filiation ?… Et quand bien même : where is the God Damn problem ?

J’aime le blues, j’aime la folk américaine, j’aime l’ironie, j’aime les dandy qui ont l’élégance de se faire détester. Mes disques de chevet sont des albums de Neil Young, de Cohen, de Randy Newman… Je suppose que tout cela nous rapproche.

Moi qui rêvais d’ouvrir ma gueule dans les talk-show, je n’aurais sans doute jamais l’occasion de dire ce que je pense de certains sujets de sociétés, et c’est sans doute tant mieux : je me méfie de ce que je pense.

Il ne manquerait plus que Murat m’appelle pour me traiter d’usurpateur… Mais je rêve secrètement, et éveillé, de lui raconter tout ça autour d’une bonne bouteille de côtes roannaises, et j’en connais d’excellentes.

                                                                                                               Thomas

 PS: Pierrot me demande mes 3 chansons préférées alors:

“Les voyageurs perdus”, dans une version live filmée par un membre d’un groupe Facebook, très lente, divine. “Over & Over”, pour le groove tranquille et incandescent, l’élégance sensuelle des arrangements. Et “Je me souviens”, parce que c’est l’une des plus belles.

 

*NDLR: Sur Luis Mazzoni, je n’ai pas trouvé le crédit. Dans sa bio, il indique  avoir  travaillé en 1992 au studio des Amandiers (ensuite appelé MBS). Il s’agit du studio de P. Vacheron, qui indique chez Didier qu’il était fermé en 1990.  Luis a pu participer à Vénus ou à divers projets que Murat avait à l’époque (Moor, Dassin, Jeanne Moreau…).

 

LIEN POUR ECOUTER "COTE CLUB" sur France inter (à 5 minutes,  20'30), avec Christophe Conte qui sort : ""Le Flegmatic me fait penser à Murat, mais à l'époque où Murat savait encore écrire des chansons"

Sur RADIO CAMPUS (La souterraine): live à 41'30, et 1'09'46  propos sur Murat et qq vers chantés de Murat

Site personnel   et     facebook.com/theflegmatic

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J’espère que comme nous vous avez été touché par ce texte… et que vous êtes offusqués de ce “trop Murat!” d’Odile de Pias…  Pour y répondre, on serait tenté  de faire une longue liste d'artistes à guitare interchangeables… sans parler des chanteuses dont j'ai du mal à discerner les particularités. Le plus important est de savoir s'ils font des bonnes chansons et Le Flegmatic en a réussi beaucoup dans son dernier disque. Je vous propose une chronique signée Florence qui a écouté l’album sans idées préconçues… et plusieurs fois (pour moi, les albums folks et doux nécessitent plusieurs écoutes afin de rentrer dans les ambiances, les mélodies. Une journaliste chroniqueuse prend-elle ce temps?).

 

CHRONIQUE "le Jour la nuit le jour"(label We are unique/Ugarit 2022)                     

 

                         Pas d’idée préconçue ? Peut-être tout de même celle née du nom Le Flegmatic, dont je me demandais s’il était vraiment programmatique… Mais il apparaît très vite  que l’album déborde ce cadre : une belle intensité couve derrière la douceur et la mélancolie, et on découvre aussi des morceaux plus dynamiques, comme « Le yin et le yang » ou « Qu’attends-tu de moi ». Tout cela invite à y revenir, encore et encore, et pas uniquement par conscience professionnelle…

                   Flegmatique, Thomas Boudineau l’est face à un monde sur lequel il pose un regard désabusé, parfois ironique. Par de brèves notations, ou la chute brutale de “Le Yin et le Yang”, il épingle les travers de notre époque et le mal de vivre contemporain. Pourtant ce tableau de la France d’aujourd’hui est dans cet album relégué au second plan. L’album présente d’abord le portrait d’un amoureux moins flegmatique que malmené et désorienté, qui dit avoir perdu jusqu’au goût du péché. Beaucoup de chansons sont adressées à un tu, indifférent, disparu, ou devenu étranger : celle qui s’est laissé adorer parce qu’elle s’ennuyait, de qui il a tant appris, à ses dépens, dont il ne sait plus qui elle est … 

                    Face à ce réel, le personnage se cogne, tombe, se perd. L’album est parcouru de chemins qui changent sans cesse et ne mènent nulle part, de murs auxquels il se heurte. 3 titres sur 9 sont des questions, dont deux adressées à la femme aimée. Et de la perte de repère à la perte tout court, tout se dissout dans le rêve, les ombres, une atmosphère parfois fantomatique. Il est question de vivants qui s’effacent, de vaisseau fantôme, et même Maria la jolie serveuse de “L’ananas café”, désormais fermé, semble n’avoir jamais existé…

                   Car elle est là, la grande réussite de cet album et de cette écriture : peindre une atmosphère, la donner à voir, à sentir, par touches délicates, faire exister dans chaque chanson un monde - petit ou très vaste -, hors du nôtre ou à côté, oublié, disparu, rêvé ou inventé... « Les Travers » (une de mes préférées) rappelle même ces auteurs américains que Thomas Boudineau affectionne : un feu de camp, un loup qui rôde, et le personnage « les pieds dans la rivière, le cul sur une souche, à regarder le cosmos sortir par (sa) bouche. » L’attention constante à la couleur, à la texture du ciel, à la qualité de la lumière rend infiniment sensibles ces univers esquissés, paysages extérieurs tant qu’intérieurs - le cœur dans “Qu’attends-tu de moi” est un “ciel à la Turner”…

                Alors, quid de l’affaire Murat ? Il y a en effet parfois dans le ton, la diction, la langueur, une influence évidente – “L’ananas café” est même assez remarquable à cet égard dans son phrasé suave et un peu nonchalant. Thomas Boudineau - il le dit très bien dans son texte - est lui aussi un

“murmurant”, et Murat ne renierait sans doute pas le credo de “Le Yin et le Yang” : “Ivre de rêve et de murmure, vivre de fiction”. Il y a aussi dans l’écriture un goût du choc fécond entre le quotidien et le poétique : “le ciel est insaisissable, j’ai une mine épouvantable” chante-t-il dans “Qu’attends-tu de moi” ou encore “le ciel s’est déchiré au-dessus de moi /toujours cette voiture devant chez toi” dans “Le jour la nuit le jour”. Cet auto proclamé flegmatique dit également très bien l’exaltation amoureuse, la tentation de l’absolu. Le “pour une fille” qui donne son titre à une chanson devient dans le refrain “pour la beauté”, cette beauté qui l’a conduit à tout laisser, à quitter le monde des hommes… cette beauté que Murat a fréquentée le temps d’une saison dans Babel. Comme son aîné encore, il jongle entre les images très visuelles et concrètes et les maximes générales, les constats souvent désabusés : “Tout n’est que poussière, tout n’est que vanité”, “les hommes mènent une vie distraite”… Il aggrave enfin son cas quand il dit à Laurent Goumarre dans Côté Club que les deux morceaux qu’il a choisi de diffuser ont été écrits très rapidement ! Mais pourquoi lui reprocher ce qui fait aussi le charme et la réussite de cet album - et la marque de son talent d’auteur et de mélodiste ? Et, à sans cesse le ramener à cette influence, laisser croire qu’il ne pourrait être qu’un suiveur énamouré ou un imitateur maladroit ? L’album, très harmonieux et cohérent dans ses motifs, son imaginaire, son ton, révèle un tempérament, une sensibilité - dans une écriture plus resserrée, plus limpide que celle de Murat. Les mélodies trottent durablement dans la tête, les formulations frappent régulièrement par leur justesse, les images donnent à voir un univers qui lui est propre. Il y a bien ici une voix, qui ne perd pas de sa singularité de s’être nourrie des autres - l’admiration est ici généreuse et créatrice !



Merci Florence! 

 

 

L'ARCHIVE EN PLUS INEDITE

Je connais Le Flegmatic depuis 2015, après son repérage par la Souterraine (comme Tristan Savoie, Gontard…). Après son 2e album, on avait commencé une interview.. et jamais terminé. Ça arrive... Peut-être que Thomas avait peut-être déjà senti le piège d'être rattaché au bonhomme d'Orcival? Je connais cet écueil des "Inter-ViOUS ET MURAT"... avec cette référence "Murat" un peu lourde, mais j'espère que l'effet n'a jamais été de réduire les artistes dans ces comparaisons. Voici ce que Thomas avait commencé à me dire en mai et juin 2017 ...

 

-  Quel est votre parcours musical? (apprentissage, découverte, premiers groupes...)

Le Flegmatic: J ’ai  toujours écrit, ou pensé à écrire, et bidouillé des choses. Pris des notes à la volée, dans des carnets ou des dictaphones. J’ai toujours voulu chanter dans une aventure qui soit la mienne, mais je suis un tardif… 

Mes premières incarnations de musiciens, c’est au trombone. Mon premier instrument. L’année du bac, j’accompagnais des bluesmen toulousains, dont Jeff Zima. Je me sentais parfaitement à ma place avec ce bonhomme de la Nouvelle-Orléans. J’ai essayé de m’approcher du jazz, mais je suis trop désinvolte. J’aime le blues. J’ai tenté une école de jazz à Toulouse, mais je me suis vite rendu compte que mes préoccupations n’étaient pas du tout les mêmes que celles de mes camarades. J’étais entouré de vrais musiciens, obsédés par le timbre de leurs instruments, et la virtuosité. Je me sentais misérable à leurs côtés, à la traîne.Sans parler des cours d’administration pour t'apprendre à monter un dossier d’intermittent... A ce moment Murat causait pas mal à la radio. J’ai compris que mes questions étaient plutôt du côté de ceux qui écrivent et chantent leurs textes que du côté de la virtuosité instrumentale.

 

J’ai chanté mes premières chansons en français en 2001. J’ai gagné quelques tremplins, mais j’ai trouvé le milieu de la chanson étriqué et convenu. J’ai tenté d'enregistrer quelques bidouilles mais je trouvais ça très mauvais. A cette époque j’écoutais des américains : Songs Ohia, Calexico, Low, mais aussi Marc Ribot, Tom Waits, Jonathan Richman. Une certaine culture du son des grands espaces et de la matière noire pour les uns, du jeu avec les genres et de la parodie, pour les autres… Ajoutez à cela Katerine et Jean-Louis Murat sur chaque épaule... J’ai assez vite compris que je n’étais pas mûr pour assumer mon propre chemin. J’ai rangé ma guitare et repris mon trombone suite à une rencontre extraordinaire : Angil & The Hiddentracks. Les chansons (en anglais) étaient parfaites, la musique très libre, affranchie… Je me suis fondu dans cette aventure et dans la musique de quelqu’un d’autre sans aucune forme de renoncement, avec sérénité. Accompagner quelqu’un est une expérience vraiment délicieuse, presque métaphysique. On s’oublie. On se fond. On peut atteindre une forme de grâce.

Ce n’est qu’en 2012 que je me suis remis à écrire. J’ai trouvé ma voix, au sens propre : le timbre, la diction, les tonalités dans lesquelles j’étais à l’aise et le style d’écriture, ce que j’avais envie de me raconter, et de raconter aux gens… C’est là, à 32 ans, que commence l’aventure « Le Flegmatic ».

  

2)  Est-ce que votre formation de Tromboniste  a une influence sur vos compositions? Et de la même façon, votre intérêt pour le jazz et le blues, est-ce qu'il en reste quelque chose? 

 

Le Flegmatic: Je n’en suis pas sûr. La seule apparition du trombone dans mes deux disques c’est un solo sur la chanson Peter Falk. J’ai tout de même fait une poignée de concerts où je samplais la guitare ou le piano pour faire un solo de trombone, mais j’ai vite trouvé ça artificiel. Je ne suis pas très fan des loop. Je trouve que ça met de la distance avec le public. Du coup, je fais comme « l’autre » : harmonica autour du cou, et en piste !

J’ai replongé en profondeur dans le blues récemment, en plongeant, justement, dans Dylan. Il t’y ramène en permanence. Du coup je pique une phrase de temps en temps à Robert Johnson… Mais au-delà du genre même je crois que Le Flegmatic c’est une forme de blues. C’est du spleen francophone. C’est du blues, mais sous une autre forme… Avec Benjamin Caschera, de La Souterraine, on parle de bleu, du coup. Je compose en ce moment des chansons très bleues sur des patelins que l’on va appeler les « Bleus de France ». C’est un jeu qu’on a mis en place avec la campagne de souscriptions Microcultures pour Bouleversement Majeur : les participants pouvaient me commander une chanson sur une ville ou un village… 

3) Peut-être un point de rapprochement avec Murat alors... cette idée de chanter les villages français?  (j'en profite pour saluer Travis Burki qui faisait lui aussi des chansons à la demande)

 

Le Flegmatic: J’aime chanter le paysage, la route. Les cartes topographiques m’inspirent, les rivières, le parcours des rivières… un village ou une ville. J’ai très vite adoré ça, chez Murat, cet attachement au paysage. Et curieusement la chanson et ce qu’elle porte en deviennent universels, ça parle à tout le monde. 

 

4) Un des rapprochements avec Murat que je voyais, c'était la bossa nova. Tu as dit en interview que tu avais trouvé ton style aussi en jouant ce style [sur des reprises de Radiohead)? La bossa est-elle aussi du "bleu"?

 

Le Flegmatic:  La bossa, le saudade… J’en ai une approche assez nonchalante. J’en écoute très peu, je connais mal. Mais j’aime l’esprit et les couleurs qui s’en dégagent. Ce rythme, la façon de jouer les accords à la guitare classique laissent beaucoup de place à la mélodie, au chant, au son de la voix. On peut alors raconter une histoire, poser une atmosphère avec très peu, et jouer avec. Quand les gens se retrouvent dans une ambiance familière, quand la chaleur est installée, alors on peut commencer à glisser, à surprendre et se surprendre, se laisser dériver… La bossa c’est du blues, du bleu, et j’aime bien y raconter des choses d’un quotidien cru, des choses pas jolies sur des mélodies délicieuses..

 

5) Autre point commun : le nom d'artiste... Pour le coup, le tien colle  assez bien à ton univers... Comment tu te sens dans cette peau? Est-ce qu'elle ne pourrait pas être un peu réductrice? (Je me demande si on peut écouter ta musique avec une idée préconçue du coup)...  Et par extension, est-ce que tu pourrais être énervé musicalement?

 

Le Flegmatic: C’est vrai que j’ai parfois peur que cette identité, cette « incarnation » me bride… Ça fait 20 ans que je cherche mon double… D’ailleurs sur FIP comme sur la plupart des articles qui ont été écrit sur l’album, on parle de « Thomas Boudineau ». Je crois que c’est un peu foutu, du coup… 

Quant à m’énerver musicalement... J’ai déjà essayé de chanter comme Neil Young ou Robert Plant : c’était épouvantable… Je n’exclue pas de monter un jour un band de blues histoire de me dérouter et d'apprendre… Mais j’ai grandi avec Chet Baker et Louis Chédid...

Ceci-dit l’album que nous préparons est plus resserré, plus tendu, presque crépusculaire. Ça risque de trancher, un peu. Je me suis posé la question de le sortir sous mon nom, mais je n’en ai pas encore fini avec Le Flegmatic.

 

Terminons par du live... avec accompagnement guitare, comme on devrait le retrouver lors du Week-end Murat, Yes sir! au Fotomat- ! (Clermont-ferrand)   Set solo le vendredi 23/06 et covers de Murat lors du tribute samedi 24 (avec Belfour, Elvinh, Stéphane Pétrier, Alain Klingler, Coco Macé, Tristan Savoie, Marjolaine Piémont, Dory4, Eryk e, Sébastien Polloni, Soleil Brun + guest).

BILLETERIE ici    Attention Jauge limitée!

Rédigé par Pierrot

Publié dans #2021 Aura aime Murat, #inter-ViOUS et MURAT

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