Inter-ViOUS et MURAT- n°29: LA FILLE DE LA COTE (Yann PONS)

Publié le 14 Novembre 2022

Après Bertrand Louis, en cette fin d'année, encore une nouvelle interview! On a passé à La Question Yann Pons, de La Fille de la Côte  (le duo qu'il forme avec sa compagne Cécile).

Désormais expatrié, le natif de Clermont avait annoncé un album «un peu particulier», dont la conception a pris une dizaine d’années, et qui le ramenait en Auvergne… Avec la collaboration habituelle de musiciens du cru (les anciens des The Delano Orchestra dont le regretté Christophe Pie, et des Marshmallow, Olivier Lopez de Garciaphone), et leur participation à Aura aime Murat, c'était donc inévitable que l'on prenne un peu de temps avec Yann.

 

Comment j'ai fui la campagne avec une fille que j'ai trouvée sur la route (ouf!) est sorti le 25/10/2022 un peu en catimini (sortie numérique) alors que le prochain disque (Bikini maximum) est déjà en cours de mixage et annoncé pour 2023, et devrait faire l'objet d'une promo plus large. Qu'est-ce que cela signifie ? Qu'il s'agit d'un album d'outcasts? bootlegs? un side-project? Pas du tout! Hors de question pour cet artiste exigeant de faire ce genre de choses. C’est au contraire un projet maturé, retravaillé sur plusieurs années, avec "la marque" de La Fille de la Côte : «l’unité de lieu» qui peut faire la signature du groupe (après le Brésil, la Normandie, la Riviera, ici Calexico) et le mélange pop/bossa/folk mâtiné ici de western... Mais cette fois, on devine un fond très personnel, c’est presque un message à certains… plus codé que le regard de Pierre Jourde sur son village cantalien certes. Cela n'empêche pas Yann d'être adepte du franc parler sur son parcours et ses rencontres… On y revient assez longuement, en préalable, car je voulais revenir un peu sur son histoire avec Clermont-Ferrand, notamment à ses débuts en tant que Yann Seul (il ne figure pas dans les personnes interrogées dans le livre de  P.Foulhoux sur l'histoire du Rock à Clermont).

Voici donc une rencontre avec un artiste tout-à-fait singulier, et pas seulement car il se refuse à faire des concerts… un «j'ai un job à côté» pour reprendre l’expression de Murat mais avec une vraie vocation, une mission : produire "une «centaine de chansons dont je me satisferai. Je ne vois pas d’ambition plus excitante que celle-ci. C’est un sujet qui me mobilise entièrement et me rend totalement déraisonnable".

 

Bonjour Yann!

- Avant de revenir plus en détail sur votre parcours discographique : quelle est votre formation musicale et qu’est-ce qui vous a amené à devenir auteur-compositeur-interprète?

Y. Pons : J’ai commencé à jouer de la guitare à 19 ans en 93 et j’ai tout de suite acheté un 4 pistes à cassettes pour m’enregistrer. J’avais pris beaucoup de retard en ne faisant pas de musique jusque là parce que je n’y avais pas pensé. Donc j’étais  pressé d’apprendre à écrire des chansons comme on peut apprendre le deltaplane ou le judo.

 

- Étonnant...  Est-ce qu’il y a eu un déclic particulier? Et cela veut dire que vous êtes un pur autodidacte ou vous avez pris quand même des cours? Vous étiez de quel milieu? De Clermont?

Y. Pons : Un copain m’a appris deux ou trois accords en 93 et j’ai appris à jouer de la guitare comme ça, comme la plupart des gens qui en jouent.

J’habitais avec ma mère dans un appartement rue Blatin [NDLR: une artère importante donnant sur  la place de Jaude. Pensée à Marceline de Blatin...] qui a brûlé il y a 4 ou cinq ans, ce qui a provoqué un gros incendie dans tout l’immeuble.  Vous avez peut-être vu ça à l’époque. Pour ma part, j’en suis parti en 1996. Ma mère était secrétaire et bipolaire. Je savais seulement qu’elle était secrétaire. 

Tant que j’étais un enfant, je ne faisais pas la différence entre le deltaplane et la chanson. Il n’était pas question de faire l’un ou l’autre parce que je n’y pensais pas.

 

- Le deltaplane, une activité à risque... vous dites ça à dessein?       Il n’y a donc pas eu un choc artistique ou un événement particulier? (Murat a raconté qu’une nuit, il avait rêvé du groupe Family par exemple, d’autres d’un concert…)

Y. Pons : Pour le deltaplane, je crois que cette comparaison me vient parce que ça ne sert à rien, que c’est dur à maîtriser et ça peut devenir un mode de vie. S’il y a eu un déclic, c’est dans un cinéma à Londres en 97 où j’ai vu Good Will Hunting avec la BO d’Elliott Smith. Et là j’ai eu l’impression de m’entendre, moi. C’est difficile à expliquer. C’est la seule fois de ma vie où j’ai communié sincèrement.

 

- 10 ans après avoir touché une guitare, vous sortez un album. Que pouvez-vous me dire de cette décennie?

Y. Pons : Pendant ces dix ans j’ai écrit une cinquantaine de chansons mais je n’avais aucun bagage technique et j’avais très peu joué avec d’autres gens mis à part un groupe avec lequel on ne jouait que des reprises de Neil Young (on a fait deux concerts oubliables). Donc je gravais des CD de mes chansons avec des pochettes et tout, puis je les donnais à des amis qui ensuite ne m’en parlaient pas par charité chrétienne.

J’ai vécu deux ans en Angleterre à ce moment là et je me rappelle de l’instant précis, dans un bar à Londres, où j’ai décidé de consacrer ma vie à ça et de devenir bon un jour. Et puis aussi de le faire dans ma langue maternelle.

 

- Vous êtes prof d’anglais, vous êtes en Angleterre, Elliott Smith est la révélation, tous les folkeux de Clermont chantent en anglais, et vous, vous décidez de chanter en français... A priori, rien d’évident... sauf pour vous?

Y. Pons : Parce que j’ai vécu en Angleterre, je sais que je suis français et ce que ça implique. Je sais que je ne suis pas de culture américaine même si je m’en gave comme beaucoup de monde. Je pense que nous vivons dans le mensonge à ce sujet. Une partie de nous rêve d’être un peu dans la position du colonisé d’un point de vue culturel. Je crois que c’est un piège. Je crois aussi que la gauche conformiste, autrement dit les jeunes et les vieux immatures, sont les premières victimes de ce phénomène. Il suffit de voir comme les élèves d’aujourd’hui mettent de l’anglais partout quand il parlent français (presque autant que l’inverse).

Ce que je trouve étonnant, c’est d’écrire puis de chanter dans une langue étrangère tout en espérant apporter sa personnalité au corpus monstrueux et inégalable qui existe déjà en langue anglaise. Pour résumer, je sais que je suis en division 2 et je ne joue que le maintien.

 

- Ce qui m’a intéressé dans votre parcours, c’est aussi les gens que vous croisez, et le premier est peut-être Franck Dumas, un des « parrains » de la Scène Clermontoise, avec Denizot d'Arachnée concerts, Murat, Adam... Pouvez-vous nous parler de lui?

Y. Pons : En 2002, j’étais prof d’anglais à Marseille et Franck Dumas m’a appelé. Il avait entendu un de mes CD. Il m’a tout de suite parlé d’Elliott Smith. C’est ce qui m’a convaincu d’enregistrer chez lui. Il m’a poussé à faire des concerts, ce qui peut paraître logique mais je l’ai toujours fait à contre cœur et donc assez mal. J’ai d’abord fait des mauvais concerts avec des musiciens marseillais qui ne collaient pas avec ce que je faisais. Puis je suis revenu vivre à Clermont en 2006 et j’ai fait des mauvais concerts avec des musiciens clermontois qui collaient parfaitement avec mes chansons. Je n’ai jamais eu envie de monter sur scène. Je l’ai fait six ou sept fois dans les deux salles de la coopérative de Mai et je préfère de loin le dentiste.

Mes rapports avec Franck n’étaient pas bons, il me trouvait mauvais sur scène et je le trouvais mauvais en studio. Mais aujourd’hui je sais que j’ai pas fait tout ça pour rien. Ça m’a permis de rencontrer les Marshmallow, les Kissinmass, les mec du Delano Orchestra, Garciaphone… Plein de gens avec lesquels j’allais pouvoir enregistrer par la suite et surtout grâce auxquels je continue à progresser.

 

- Franck Dumas était votre manager officiel? Vous avez fait des premières parties importantes à la Coopé? (J’ai retrouvé une chronique de concert de Pierre Andrieu plutôt bonne, même si votre réputation de ne pas aimer la scène semble connue).

Y. Pons : Franck Dumas était le propriétaire du label Magnolia chez qui j’ai enregistré un album qui est sorti en 2003. On n’a d’ailleurs jamais signé de contrat lui et moi, il ne me l’a jamais proposé. D’ailleurs ce disque on l’a co-produit, j’en ai payé une bonne partie. Bref, j’étais vraiment un bleu. Je n’étais jamais défrayé pour les concerts. Globalement, je crois que la démarche de Frank n’était pas motivée que par des valeurs comme la sincérité et l’honnêteté qui sont pourtant essentielles quand on veut faire de la musique.

Par ailleurs, Frank avait le chic pour extirper toute notion de plaisir lors des enregistrements dans son studio. Diriger des enregistrements demande des qualités humaines qu’il n’avait clairement pas.

 

- Pour la petite histoire peut-être, on retrouve sur ce premier disque Sébastien Marc qui est crédité sur Murat en plein air et le titre « a woman on my mind » ainsi que sur le disque d’Alain Bonnefont aux disques du Crépuscule (ainsi que sur un Da Capo, participant d’AuRA aime Murat d’ailleurs). Ce n’est pas un nom que je connaissais à vrai dire.

Y. Pons : Sébastien Marc était l’ingénieur du son du studio de Franck qui s’appelait Factory (référence assumée à Andy Wahrol, la vision en moins). Sébastien était très sympa et faisait son boulot. Je trouvais qu’il mettait trop d’effets sur toutes les pistes et que ça donnait un son un peu « mouillé » sur les morceaux. Ça nuisait au naturel des enregistrements. Mais ça c’est une question de goût. J’ai simplement eu du mal à imposer les miens à l’époque. Mais ça n’a aucune importance parce que je n’étais pas prêt à faire un bon disque.

Je crois que Sébastien a travaillé avec pas mal de groupes depuis, en concerts, notamment à la Coopé.

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NDLR: Sébastien est le fils de BOUDU, l’icône clermontoise de la nuit, avec sa discothèque d'Orcines: le Phidias... cité par Murat dans Belgrade, et qui a fait également l'objet d'une chanson par Yazoo. Jérôme Pietri citait Boudu dans son interview: il chantait avec lui dans le groupe de bal "culte"de la scène 70 (notamment pour Denis Clavaizolle et Alain Bonnefont)  :  SOS. 

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-  Ce premier album on peut se le procurer d’occasion, mais il n’est pas disponible en streaming. Est-ce que c’est un album que vous « reniez » ? Il était en tout cas distribué (comme l’album de Rogojine) par un beau label indé Pop Lane qui a fait faillite rapidement ensuite... 

Y. Pons : Je crois que Pop Lane savaient qu’ils allaient fermer avant de distribuer les disques de Magnolia (pas tous, mais au moins deux ou trois). Ça nous a permis d’avoir un peu de presse (Inrocks entre autres). Je ne renie pas ce disque mais tout ce que j’ai sorti jusqu’en 2015 relève du brouillon dans mon esprit. Et même une partie de la suite.

Peu de temps après, j’ai appris que Frank vendait son studio et arrêtait le label. J’ai attendu qu’il m’en parle. Il l’a fait plus de six mois plus tard, quand tout était bouclé. Ou plutôt, il ne l’a pas fait et m’a dit qu’il ne bosserait plus avec moi. Que je n’étais pas assez bon sur scène. Tout le monde savait qu’il fermait la boutique mais il n’a pas pu me le dire.

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NDLR : Franck Dumas a un an d'écart avec JL Bergheaud, et ils se sont sans doute croisés au lycée Blaise Pascal, mais  lui se lance immédiatement dans la musique (Bateau Ivre dans les années 70, Tokyo transformé en Blue Matisse signé chez Warner dans les années 80, avec Denis Clavaizolle. Problèmes contractuels, il récupère du label une grosse somme d'argent  après procès. Il peut se lancer dans le management avec un studio (dont Subway, F.Echegut...). Autour des années 2000, il produit "la manivelle" de Yazoo. Carton! Plus tard, il fonde le magazine Zap qu'il vient de vendre tout récemment à Centre France (la Montagne).  Anecdotes muratiennes:  on sait que les Rogojine (Pie et Caillon) s'étaient tournés vers lui pour payer le pressage de leur disque… mais également, quand Murat commence à débaucher Denis en 1984, que Franck et Jean-Louis sont à la limite de se « foutre sur la gueule ».  Denis à droite sur la pochette... Mais reprenons l'interview... 

 

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- En 2003, un blogueur rapporte que vous lui dites : "en Auvergne il y a deux clans : les pros et les anti-Murat, et pour les premiers Murat a un rôle de mécène". Où est-ce que vous vous situez à cette époque?

Y. Pons : Je ne me rappelle pas avoir dit ça. Si je l’ai dit, j’ai fait semblant d’être informé. Je sais que Dumas passait son temps à cracher sur le dos de Murat mais c’est tout ce que je sais d’eux et de leur époque. Il faut dire que Frank passait son temps à cracher sur tous ceux qui avaient un peu de succès.

 

- Dominique A vient encore de rappeler une nouvelle fois le déclic qu’a été pour lui Cheyenne autumn. A la fois sur l’aspect synthétique, mais aussi sur la  « voix murmurée ». Vous pourriez faire partir de cette école-là?

Y. Pons : J’ai commencé à écouter Murat avec Mustango et Le Moujik mais j’ai surtout adoré A Bird on a Poire. Je connaissais un peu Fred Jimenez et ce qu’il faisait sans Murat était beaucoup moins bien à cause de sa voix et des tonalités qu’il choisissait mais c’est un super compositeur. Ce disque est ce qu’on a fait de mieux en France depuis Melody Nelson à mon avis.

 

- Pour en rester sur Murat, sur AuRA aime Murat, vous choisissez pourtant un titre plus obscur même s’il a été choisi comme single : « Marlène » sur Tristan. Vous ne pouviez pas toucher à A Bird on a Poire?

Y. Pons : A Bird on a Poire était beaucoup trop intimidant. J’aime bien « Marlène », surtout la fin, quand les cuivres arrivent. C’est leur mélodie qui m’a donné envie de chanter le refrain un peu différemment, en les imitant un peu. C’est une chanson qu’on pouvait reprendre à notre façon sans trop se creuser la tête. Je trouve qu’au final, il y a trop de basse sur notre version. C’est dommage. Je l’aime bien sinon. Je ne savais pas qu’elle était peu connue . En écoutant par la suite les premiers Murat, je me suis rendu compte que je préférais sa voix de jeune homme. Plus simple, plus humble sûrement aussi. Ça c’est une source d’inspiration.

NDLR: Pour la petite histoire, Yann a demandé que le mastering du disque prenne en compte ce besoin de réduire les basses, mais ça n'a pas été possible. Personnellement, je ne ressens pas cela... Et vous?

- Dès le premier album, on trouve un duo avec une certaine Cécile. Le troisième album est déjà en duo : Yann seul et Juliette Gamay.... avant la transformation en La fille de la côte. Comment s’est nouée cette relation artistique sur laquelle on reviendra... puisque vous chantez « Madame Gamay » sur le nouvel album?

Y. Pons : Cécile et moi, on vit ensemble depuis 1998. On a décidé de former un duo autour de 2012. Auparavant, on avait fait deux ou trois tentatives. Sur les deux premiers albums de La fille de la côte, dont je compte sortir une version modifiée dans deux ans, c’est sa voix qui sauve la plupart des chansons. A cette époque, je cherchais une nouvelle voix et sur certains morceaux, je suis à côté. Mais quand je mourrai, les gens ne pourront écouter que des versions qui me conviennent. Ça me rend presque impatient.

Sur les deuxième et troisième albums de la période « brouillon » il y a de bonnes chansons, mais des chansons de jeune homme. Un jeune homme moins capable que Murat jeune par exemple. Je compte aussi les refaire le moment venu.

Sur le troisième, À l’anglaise, j’étais à côté de la plaque, j’ai voulu tout faire seul sauf les batteries et je me prenais pour Gainsbourg. C’est raté. Mais c’est là que j’ai rencontré Christophe Pie, qu’on pourra écouter sur une quinzaine de nos chanson dans des versions satisfaisantes quand je serai mort.

 

‌- Je pense un peu à Manset avec cette idée de vouloir retoucher sa discographie... Mais de votre côté, il y a semble t-il toute une autre dimension : sur votre site, vous annoncez même vouloir sortir un nombre assez précis de disques. Comment envisagez-vous les choses ?

Y. Pons : Retoucher sa discographie en faisant disparaître des albums des plateformes de streaming et de téléchargement, aujourd’hui c’est possible quand on ne bosse pas avec des intermédiaires (distributeur surtout). Je considère que c’est ce qui va me sauver au bout du compte parce j’ai mis 20 voire 25 ans à régler tous les problèmes qu’ont pu avoir nos chansons entre 2002 et 2018 : textes approximatifs, trop d’instruments, instruments, rythmiques jouées par moi, voix défaillante, mixage fait par moi, mastering inadapté.

Maintenant je sais à qui faire appel et je sais juger mes chansons, je crois. Il me reste entre dix et quinze ans parce qu’après 60 ans, tout le monde compose moins bien, à commencer par les meilleurs. Donc j’aimerais bien arriver à une dizaine d’albums. Une centaine de chansons dont je me satisferai. Je ne vois pas d’ambition plus excitante que celle-ci. Désolé d’être aussi long. C’est un sujet qui me mobilise entièrement et me rend totalement déraisonnable.

 

- Dans le texte promo du premier album il me semble (on retrouve l’info dans un Télérama), vous aviez indiqué que Cécile avait été votre psy... C’était une vraie info?

Y. Pons : Si j’ai dit ça c’était un mensonge. Pourtant je ne mens pas dans mes interviews.

Elle est devenue psychiatre en 2006. On était ensemble depuis longtemps. Et il est hors de question qu’elle s’occupe de mes névroses en étant rémunérée.

On a enregistré un disque qui sort dans un an qui et s’appelle Rose Morose. Ça se passe à Los Angeles, la capitale des névrosés où je me sens chez moi. Olivier Perez a commencé à le mixer.


- C’est monsieur François Gorin qui rapporte ce qui serait écrit  sur la carte promo du disque de l'époque...  Je tente une petite devinette : si je vous dis 24/09/2000?

Y. Pons : Oui j’ai pas mal menti sur cette carte promo.

Le 24/09/2000, c’est peut-être Elliott Smith à la Coopé?

 

- C est bien ça, Ellioth à la Coopérative, événement qu’on dit fondateur pour la Kutu Folk... Label dont vous serez un des derniers "cousus main"... Quelle est votre histoire au sein de cette Histoire? J'ai trouvé l’existence d’un show case place Terrail à la boutique... Ça a été votre dernière prestation live ? [NDLR: en 2020, Yann date d'un concert de 2007 à la Baie des Singes son "adieu à la scène": "ça s'est très bien passé car je savais que c'était le dernier"]

Y. Pons : Oui, moi j’ai vu Elliott Smith la veille je crois, à Paris. Je n’étais pas au concert de Clermont. Je ne savais pas à l’époque que ça avait marqué les esprits là-bas mais justement le fait que nous ayons tous été marqués par ce concert, dans des villes différentes, en dit long sur l’influence inestimable d’Elliott Smith. Un jeune homme qui a beaucoup souffert et qui est devenu un porte parole sans le vouloir. En tout cas c’était le mien. Moi j’étais au premier rang juste devant lui. Je ne l’ai pas lâché du regard pendant deux heures. J’ai vu dans ses yeux qu’il me trouvait étrange, qu’il pensait que j’en faisais trop. Parce que j’en faisais trop.

J’ai reçu un appel d’Alexandre de Kutu vers 2015. Je le connaissais à peine. Il m’a proposé de vendre une partie de nos albums dans son magasin. J’ai dit oui.  Ensuite il m’a un peu forcé la main pour jouer devant le magasin. Un moment difficile malgré la trompette de Julien Quinet qui rendait la chose plus digeste. Mais seul, ou presque, avec une guitare, je suis extrêmement inefficace. Dumas était là, qui est venu me dire que mes chansons étaient bien d’un air désolé. On ne m’y reprendra pas. Mais ça valait le coup encore une fois parce que c’est à cette occasion que je me suis rapproché de Matthieu Lopez, puis de Christophe Pie qui avait joué sur mes chansons en 2008 et enfin d’Olivier Perez qui a enregistré et mixé trois disques avec nous  depuis (dont deux ne sont pas encore sortis).

 

                                                                   Au supermarché place de Jaude :

 

‌- Donc, on peut dire que vous n’avez pas été partie prenante de cette histoire... Par contre, Clermont capitale du rock (un truc de journalistes peut-être mais qui s’appuyait sur du concret : les tournées Kutu aux TransMusicales, Cocoon, le travail de la Coopé...), ça vous inspire ou vous inspirait quelque chose?

Y. Pons : Clermont ville du rock, c’était une campagne de marketing de la Coopé en gros, pour une fois de plus se sentir un peu Mancuniens, avec tout un tas de groupes anglophones mis en avant. Ça me fait penser à leur concours pour créer l’hymne de l’ASM (j’avais participé), c’était pour copier ce qui s’était passé à Manchester où les gens ont spontanément adopté une chanson d’Oasis comme hymne de leur club. Mais le problème c’est justement qu’un hymne ou une réputation de ville à la pointe dans tel ou tel domaine, ça ne se décrète pas, ça s’impose tout seul dans l’opinion des gens, spontanément.

Ce qui est vrai en revanche c’est qu’il y avait beaucoup de bons musiciens à Clermont. Par exemple, j’étais assez copain avec les Marshmallow et trois d’entre eux ont joué sur mes chansons entre 2006 et 2018.

 

-  La rencontre avec Christophe Pie : comment s’est-elle passée?  Pouvez-vous nous parler de lui et de son jeu?

Y. Pons : Christophe Pie, je l’ai embauché pour des enregistrements en 2008 et puis il a joué sur tout notre album, Le deuxième soir non plus, en 2018. C’était un mec râleur et attachant, un peu rustre mais on rigolait bien avec lui et puis surtout il jouait bien et avec Matthieu Lopez, ils formaient un super duo. Avec Julien Quinet à la trompette et Guillaume Bongiraud au violoncelle, j’avais une bonne partie du Delano Orchestra sur ce disque. 


Christophe à la batterie sur ce titre (et ça ne sera donc pas sa dernière apparition discographique...):

                                  Yann avec les deux Christophe : Pie et Adam (Caveau de la Michodière)

- Pouvez-vous nous parler du talentueux Olivier Perez (Garciaphone) ?

Y. Pons : Olivier est un mec très talentueux qui joue de plein d’instruments, qui joue juste, qui ne fait jamais semblant, qui a appris à mixer en autodidacte et qui est capable d’obtenir de faire sonner de manière inespérée des enregistrements faits avec très peu de moyens.

Mais toutes ces compétences n’existeraient pas s’il n’avait pas les deux qualités majeures pour ceux qui ont  l’ambition de faire de la musique : c’est quelqu’un de très humble et de très honnête.

----NDLR: Échange d'amabilités. J'ai interrogé Olivier...  "je peux te dire ce qui me vient en premier à l'esprit : c'est un plaisir de travailler avec Yann. On a enregistré deux albums ensemble, que j'ai aussi mixés. C'est quelqu'un d'exigeant sur l'enregistrement et la mise en forme des chansons. Il sait exactement ce qu'il veut et ses indications sont toujours très précises. Et le résultat est que les chansons sont toujours mises en valeur par ses choix d'arrangements et ses idées pour le mixage. Et c'est un excellent songwriter et parolier". ----

 

- Vous évoquiez le sport... J’en profite pour faire le rapprochement avec Murat : vous avez tous les deux  écrit sur l’équipe de France 84/88,  vous , un titre « lettre à Battiston » dans une compil initiée par Johan Micoud, et Murat  sur 88, « Achille in Mexico. » Le fait de faire un hymne au rugby c’était un exercice de style?  Ou il y a un vrai goût pour le sport? (C’est vrai que je ne vous attendais pas là dessus... ).

Y. Pons : Écrire sur le sport ne m’intéresse pas vraiment mais c’était des occasions de faire parler de nous. « Lettre à Battiston » ne sonne pas très bien mais nous a quand même rapporté 6000 euros en droits d’auteurs donc pas de regret.

 

‌- Ah oui! Une belle somme déjà pour l’époque!

Après La Riviera, la Normandie, le Brésil, votre nouvel album a de nouveau un ancrage... mais quand vous m’en avez parlé la première fois, vous disiez qu’il était différent. Est-ce qu’il est plus personnel?

Y. Pons : Oui il est plus personnel. Au départ c’est un disque fait uniquement avec des chansons qui n’ont jamais été finies au cours des quinze dernières années. Au final, c’est un enchaînement de messages personnels assez frontaux. Ça fait du bien. Le prochain qui sort dans un an se passe en Californie, et fonctionne sur le même principe que les précédents : une destination et plein de petites histoires, d’amour mais pas seulement.

 

- On peut être surpris que ce soient des chansons écrites au fil des ans, mais c’est bien le signe qu’il y avait une récurrence dans l’inspiration et on a au final un vrai album « concept ». Si les autres albums évoquent les vacances et le voyage, sur celui-ci, c ‘est le départ et même la fuite d'un lieu étouffant et d’une communauté archaïque. C’est ce que vous inspire l’Auvergne ou votre milieu ?

Y. Pons : Les enregistrements ont pris quinze ans mais les textes et souvent même les mélodies ont été refaites ces trois dernières années. J’ai tendance à confondre les Auvergnats que j’ai côtoyés et l’Auvergne. Je sais que c’est pas bien. En l’occurrence, ce disque s’adresse à une vingtaine de personnes au total. Ils se reconnaîtront tous. Les autres n’ont pas de raison de se sentir offensés.

 

- Pourquoi avoir choisi le terme Calexico pour désigner l’Auvergne?

Y. Pons : Calexico c’est une ville frontière. Une fois passés les barbelés, il faut courir vite. C’est un endroit sec et hostile mais pas très loin de ce qui semble être le paradis.

 

- Vous vouliez quand même que ça nous fasse penser au groupe ou à l’univers de Mustango ?

Y. Pons : Non.

 

- Pouvez-vous nous parler de cette chanson un peu pivot « Les sauvages de Calexico »? J’ai l’impression que vous racontez un rêve? Ou un conte?  Il y a dans l’album des termes forts, vous êtes presque dévoré, vomi... des bouchers vous enferment... Et malgré tout, vous indiquez que vous pourrez revenir... alors que dans une autre chanson, l’adieu est définitif...

Y. Pons : Effectivement c’est un cauchemar. Mais c’est aussi un peu du vécu. La personne qui parle dit qu’elle reviendra quand elle le voudra. C’est à la fois une réponse à une formule de politesse et, dans son esprit, un sous-entendu très clair. 

 

- A côté de ça, et je dirais quand même avant tout, c’est une belle histoire d’amour... comme l’indique le titre de l’album... Même si « Aloha », le dernier titre, est un peu énigmatique par sa mélancolie et l’expression « pauvre de toi ».

Y. Pons : Oui c’est une belle histoire d’amour. Et d’ailleurs, c’est la mienne. « Aloha », c’est aussi une chanson d’adieu mais toutes les chansons de cet album disent adieu aux mêmes personnes. A ceux qui n’ont rien compris parce qu’ils sont toujours sûrs de comprendre. Et parce que ceux qui s’en vont préfèrent le faire dans la nuit, pendant que la forêt brûle, que tout le monde est bourré et que les sauvages dorment tranquillement. « Pauvre de toi », c’est assez bienveillant étant donné les circonstances.

 

- Vous sortez l’album en numérique, sans campagne promo, comme si vous vouliez juste faire passer le message à certains destinataires? Ou dans une démarche cathartique ? Ou vous le trouvez trop personnel ?

Y. Pons : Non, rien de tout ça. Ces dernières années, on fabriquait encore des CD dans le but d’obtenir le plus d’articles possible dans la presse ou de passages à la radio via un attaché de presse. Mais on ne peut pas le faire à chaque fois pour des raisons financières. D’autant moins qu’on va sortir un album par an dans les années qui viennent et de toute manière, la promo telle que nous l’avons financée ces dernières années, ne permet pas de nous faire connaître suffisamment pour justifier de telles dépenses. Je préfère donner le plus d’argent possible aux gens très compétents qui nous aident à enregistrer nos disques.

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Interview réalisée par mail du 26/09 au 5/11/2022.  Merci à Yann pour la disponibilité, et les photos du 6-3 (issues de ses archives personnelles)      (et à  Florence D. pour le travail de l'ombre). 

 

http://www.lafilledelacote.com/textes

Pour écouter Comment j'ai fui la campagne avec une fille que j'ai trouvée sur la route, rendez-vous sur vos plateformes, par exemple:  https://www.deezer.com/fr/album/370331227 ou Spotify

Première chronique parue dans Magic:

 

Je vous dis aloha! Et à très vite, avec encore un artiste attachant... et "attaché" à Murat.

On a parlé de Guillaume Bongiraud dans cette interview, j'en profite pour parler de son disque/livre commandable sur sur site, avec la participation de Morgane Imbeaud:

https://www.guillaumebongiraud.com/

"Murmuration” est un livre-album entièrement acoustique. Il a été enregistré comme un voyage, dans huit lieux différents de ma région de naissance, de cœur et de résidence, le Puy-De-Dôme. Munis de microphones et d’appareils photo, nous avons, Morgane Imbeaud et moi, croisé la route de huit lieux chers à mon cœur, des lieux empreints à la fois de nature sauvage et d’humanité.De retour avec la matière sonore et visuelle, Daphnée Autissier, à partir des photographies, laissera son crayon imaginer et s’entremêler avec les images. A la manière du patrimoine qui s’inscrit dans la continuité du paysage, du son du violoncelle qui vagabonde sur le chant de la nature".

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Y
Mentir non.
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P
j'adore ces artistes qui affirment ne pas mentir et qui sont pris en flag... C'est plutot touchant car par ailleurs, il a un franc parler impressionnant et j'aime l'expression de son besoin viscérale de réaliser des chansons qui lui plaisent... sans autre contrainte et envie.... d'ailleurs, ces morceaux sont en écoute gratuitement sur le site : http://www.lafilledelacote.com/textes
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