Hors-Murat N°3: Jérôme PIETRI (1ère partie)

Publié le 7 Juin 2014

Point d'introduction humoristique, non. C'est du sérieux: Matthieu nous propose à nouveau un article de fond et de forme, et au long cours, née d'une rencontre avec une grande personnalité musicale clermontoise, et d'un gros travail d'archives. Nous ne sommes pas dans "l'inter-ViOUS ET MURAT" classique,  et c'est pourquoi j'ai choisi de l'insérer dans la série "Hors-Murat".   Hommage au musicien Jérôme Pietri qui figurait sur l'album Passions Privées, de Jean-Louis Murat.

 

2e partie de l'entretien: autour de sa collaboration avec Murat   et    3e partie:  sur gone fishin'

 

  

Jérôme Pietri, 64 ans, étudiant...

  

Lorsqu'on lui proposa, en fin d'année dernière, un entretien avec www.surjeanlouismurat.com, Jérôme Pietri, guitariste sur Passions privées, accepta immédiatement, le sourire aux lèvres. « Tu vas sur mon site, y a mon numéro. » Quelques mois plus tard, le voici donc attablé dans un bar de Chamalières, en pleine promotion de son nouvel album Gone fishin' (9.99euros!), une semaine après avoir copieusement rempli le club de la Coopérative de Mai. Avant de publier dans les prochains jours un volet centré sur ses souvenirs avec Jean-Louis Murat, puis un autre autour de son disque, tentons d'abord ici de retracer en sa compagnie son parcours de musicien. Portrait-rencontre.

 COOPE 2014

 

Les parents de Jérôme Pietri pourraient être fiers de leur fils, eux qui auraient souhaité qu'il effectue quelques études. Car à près de 65 ans, leur garçon reste animé d'une intarissable soif d'apprendre. En premier lieu, d'apprendre à se connaître. « Je trouve que c'est hyper important de savoir qui on est et de savoir comment on fonctionne. Ça me paraît primordial pour un musicien, comme pour un être humain. » Et dans ce domaine de la connaissance de soi, comme dans ceux de la musique ou de la pêche à la mouche, ses deux grandes passions, l'ampleur de la tâche ne semble pas le rebuter. « Le champ d'investigation est infini, on n'a jamais fini d'apprendre. C'est pour ça que tu peux pas avoir la grosse tête, à part les imbéciles ou les hypocrites, parce que plus tu avances et plus tu t'aperçois que t'es ignorant ou que t'as encore des milliers de choses à apprendre. C'est bandant d'ailleurs, parce que si tu savais tout, tu te ferais chier. » Pourtant, Pietri n'a pas toujours eu le profil de l'étudiant-modèle, ratant une prometteuse carrière d'avocat. D'un cheveu. « J'voulais faire de la musique, parce que j'avais déjà le virus, mais comme j'étais un bon fils, je voulais faire plaisir à mes parents qui étaient très inquiets et qui m'avaient dit, comme beaucoup de parents : "On veut pas t'empêcher de faire la musique, mais ça serait bien que tu aies un diplôme." Le droit, c'est là où il y a le maximum de débouchés, j'me suis dit "O.K., pourquoi pas". J'ai fait du droit en n'ayant aucune idée de ce que c'était et au bout d'un mois, j'faisais une allergie. On était 3 à avoir les cheveux longs, sur 800 mecs. » En cette fin des années 60 où certains jeunes gens écoutent pousser leurs cheveux, dixit un Brel moqueur, quelques centimètres en trop suffisent à vous valoir le qualificatif de pédé. Étrangement, Jérôme ne rencontre pas ce genre de problème chez lui, son père, corse et militaire de carrière, se montrant plutôt tolérant. La preuve que les cons ne s'habillent pas toujours en kaki.

 

 

 

Natif de la région parisienne, auvergnat par sa mère, Pietri a un an lorsqu'il arrive dans la banlieue clermontoise, pas très loin de l'actuelle Baie des Singes, où il donnera son premier concert en solo, cinquante-six ans plus tard. Mais le « virus » de la musique l'avait atteint bien avant.

 

 

Tout commence de façon assez classique par la découverte de ses premiers accords de guitare, vers dix ans, en colonie. Les monos jouent du Ray Charles, il accroche tout de suite. De même qu'à cet instrumental emprunté par Les Champions aux Dakotas, qui le pousse à acheter son premier 45 tours, alors qu'il n'a pas encore l'électrophone pour l'écouter. Dès l'acquisition suivante, un disque des Stones, il franchit la Manche et se jette toutes oreilles ouvertes dans la pop anglaise : Beatles, Yardbirds, Animals, Kinks... Autant de groupes qu'il reprendra au sein de sa première formation, montée au milieu des années 60 avec quelques potes de collège, fans comme lui de ces nouvelles sonorités. À propos des Geminis, La Montagne note en 68 qu'ils « semblent compter de fervents et nombreux supporters parmi la jeunesse clermontoise » et souligne l'« excellent jeu de scène » de leur chanteur, Jean-Marc Millanvoye. Lequel se souvient qu'« Un barman du Globe, notre quartier général avait confectionné un cocktail "Gemini", en hommage à notre popularité. » Une poignée de concerts dans le département, dont une soirée en compagnie des Moody Blues, des fans inconditionnelles étrennant les premières mini-jupes, une incursion dans le rhythm and blues, puis vient l'heure de la séparation, logique, avec la fin du lycée, l'évolution des goûts de chacun et un printemps 68 animé...

 

  GEMINIS

 

Après son brillant passage en droit, toujours soucieux de combler ses parents, Pietri part faire un tour en fac de lettres pour tenter d'y mettre à profit son goût pour les langues. « Mais c'était foutu, je commençais à jouer, je me pointais en fac avec la guitare à 9 du mat', j'avais dormi 4 heures, c'était fini... » Car le jeune homme a déjà entamé un autre cursus, qu'il poursuit encore aujourd'hui, avec l'objectif de comprendre pourquoi, mais pourquoi diable, cette musique lui fait un tel effet. « J'admirais tellement les gens, ça me rendait tellement fou quand j'entendais jouer des mecs... Moi finalement, ce que je cherche, c'est la magie. Donc, pourquoi j'ai beaucoup travaillé, puis je continue dès que j'ai un moment ? Parce que moi aussi je voulais être magicien. Quand j'écoutais tel mec, Hendrix ou Page ou Beck, qui faisait telle note à un moment, et cette note, quand elle arrivait, elle me mettait des poils partout, elle me mettait dans un état indescriptible, je n'ai eu de cesse de comprendre pourquoi. Je voulais connaître ce truc-là aussi. » Concrètement, Pietri passe donc des heures enfermé chez lui à écouter les guitar heroes de l'époque pour tenter de les imiter. « J'étais plus dans un trip stakhanoviste que masturbatoire, je pense. Je voulais être maître de mon instrument et mon idéal, c'était d'arriver à me pointer sur scène et que n'importe quelle idée qui me passe par la tête, vlan ! Que j'aie plus de barrière physique, technique. C'était ça mon but, c'était très égoïste. »

 

La scène, il ne tarde pas à y remonter. Après quelques plans incertains, il crée Contact en 70. Le groupe se consacre au bal, mais privilégie la pop au musette – Alvin Lee plutôt qu'Yvette Horner. Avec toujours un soin particulier apporté au look, en pleine période glam. Pourtant, Pietri ne s'épanouit pas complètement, le répertoire n'est pas assez rock à son goût. Avec Patrick Vacheron et un ancien copain de lycée aussi fou de guitare que lui, il monte en 1973 SOS, formation dans laquelle il restera jusqu'en 82. Une fois encore, si le groupe donne dans le baluche, il ne ressemble pas tout à fait aux orchestres qu'on y entend d'habitude : lorsque Pietri se lance dans d'interminables solos, le public subjugué en oublierait presque de danser. Patrick Foulhoux, fin connaisseur de la scène rock clermontoise, analyse le phénomène : « C’était la première fois qu’on voyait un orchestre de bal qui faisait un concert. Ils voyaient l’orchestre différemment. Mais c’était un groupe, au départ, SOS : ce n’était pas un orchestre. Eux, ils ont vraiment déclenché des vocations. Les gens les ont vus sur scène, ils se sont dit « C’est ce que je veux faire ! » C’est comme aux États-Unis avec Kiss. Tout le monde aux États-Unis adore Kiss : ce sont les Johnny Hallyday américains. C’est la culture populaire américaine. Ben, les Kiss Clermontois, c’est SOS, c’est un peu ça. »

 

Lorsque leur producteur leur joue un mauvais tour qui les laisse sur la paille, ils se réorientent vers un mélange pop-variété qui leur apporte succès et argent. Il faut dire que le groupe est bien emmené pas le fantasque et charismatique Boudu, qui assure la partie variété des concerts en entonnant des couplets tels que : « Je suis le feu-follet / Aux doux mollets / L'amour ne choisit jamais son côté / J'ai de la sympathie / Pour Adonis / Au siècle du culte / Du pénis. »

CONTACT-SOS

L'argent facile permet d'aller acheter ses fringues en Angleterre et ses guitares aux États-Unis, mais provoque des dissensions en interne. « Les groupes, c'est toujours le bordel à un moment ou à un autre et quand il y a du blé en commun, c'est toujours un merdier pas possible. » Des divergences de goûts ou d'ambitions, des contrats juteux loupés, une alchimie moins évidente... Pietri s'en va monter avec deux des autres membres un trio blues-rock texan pratiquant un boogie très inspiré par ZZ Top. Ceux qu'une publicité de l'époque surnomme « les trois killers du rock auvergnat » acquièrent une belle réputation qui dépasse les frontières de la région. Pietri considère aujourd'hui cette expérience comme la plus aboutie de son parcours : « El Diablo, c'était un putain de groupe, c'est le meilleur groupe avec lequel j'ai été, parce que on n'était plus un groupe, on était une entité. Musicalement, on était vraiment une entité et on jouait ensemble. Et ça, le dernier des incultes le sent. T'as la sensation de faire partie d'un rouleau-compresseur qui balaye tout sur son passage. On a des compositions, certaines, qui ont pas vieilli et qui sont des standards. Parce que les bonnes personnes, au bon moment ; la magie des groupes – là, y avait ça. »

EL DIABLO

El Diablo se sépare pourtant en 86, alors qu'un enregistrement en Angleterre était prévu. Son guitariste n'en sort pas indemne. Déçu qu'une pareille aventure humaine s'achève ainsi, il songe à arrêter la musique pour devenir luthier. C'est Jean-Louis Murat, avec qui il joue de temps à autre, qui l'incite à continuer. Pietri réagit alors comme après une histoire d'amour : « Comme quand tu te sépares avec une fille, je voulais plus faire quoi que ce soit qui ait un rapport avec le blues. J'ai tout brûlé, comme avec une gonzesse. » Il intègre donc en 87 une formation originale, au croisement du théâtre et de la musique, où les machines sont très présentes : Jeudi Noir. Stéphane Calipel, son initiateur, se souvient : « Un ami commun m'a conseillé de me rapprocher de Jérôme qui cherchait un chanteur. J'ai hésité, Jérôme Pietri était déjà un musicien réputé, on ne jouait pas dans la même catégorie. Et puis on évoluait dans des styles de musique très différents... D'un autre coté, j'avais besoin de progresser, de faire les choses de façon plus professionnelle. Au final, une belle rencontre ; on a partagé nos passions, échangé nos disques... Je suis reparti avec ZZ Top, Jérôme avec les Cure... On a composé des titres – en français – adopté un look très Film Noir, une belle aventure qui a durée deux ans. J'ai beaucoup d'affection pour Jérôme, c'est un être magique, hors du temps ! » Pietri s'amuse aussi de cette expérience qui l'amène à se renouveler, lui qui revendique fièrement une certaine détestation des machines. « Les machines, j'étais convaincu, je le suis toujours, qu'elles sont là pour aider l'être humain, mais en aucun cas pour se substituer à lui. Le problème, ça a été, déjà dans les années 80, la prépondérance des machines par rapport aux musiciens. Y a eu plein de rythmiques basse-batterie qui se sont retrouvées au chômedu, parce que c'était la mode. Cela dit y a eu des mecs de grand talent qui ont su utiliser les deux, Peter Gabriel par exemple. J'ai utilisé les machines à fond parce que je m'efforce, même actuellement, de pas avoir d'a priori. »

 

Malgré tout, il ne tarde pas à revenir à un style qui le touche davantage, en créant au tournant des années 90 le groupe Too Bad, qui évoluera d'un blues-rock classique vers un blues plus expérimental, flirtant avec le jazz-rock, notamment sous l'influence du batteur Pepou Mangiaracina, successeur de Christophe Pie. Si cette aventure offre à Pietri l'opportunité de devenir chanteur, après le départ prématuré de John Brassett, elle lui réclame beaucoup de travail, pour trouver des dates (mal payées) et assurer l'intermittence. Une période pas toujours rose, y compris sur le plan personnel. L'histoire se termine en 95 et la fin des années 90 semble difficile pour le musicien, qui enchaîne les projets alimentaires. « C'était déjà très, très dur pour la musique. J'ai divorcé, j'avais des mômes, donc je jouais, je jouais tout le temps. J'ai gagné ma vie en jouant de la musique, donc je vais pas pleurer, ça aurait pu être pire. Mais le problème, c'est que tu peux pas faire du travail sérieux de création. Pour que ça fonctionne, pour moi, il faut être dedans tous les jours. »

JEUDI NOIR-TOO BAD

Il retrouve l'enthousiasme dans les années 2000, notamment avec l'Hommage à Pink Floyd monté par Denis Clavaizolle et Yvon Baudy. Il y côtoie entre autres Fabienne Della-Moniqua, jeune chanteuse récemment aperçue sur TF1, où elle s'est fait remarquer précisément en reprenant un titre des Floyd, « A great gig in the sky ». « C'était normal qu'elle leur troue le cul, moi elle m'a troué le cul pendant des années. Chaque fois qu'elle chantait ça, j'avais les poils à côté d'elle. Fabienne, une putain de chanteuse, elle a tout le kit. » Il la retrouvera notamment sur le projet Soulville, qu'il monte et finance lui-même, pour le plaisir. « J'étais sûr que ça le ferait, parce que je suis convaincu que des gens qui maîtrisent leur instrument – ou bien leur voix, pour Fabienne –, y a pas besoin d'enculer les mouches, si ça doit le faire, ça va le faire. Donc, je voulais faire ce truc-là pour me faire plaisir, j'ai pris que des bons que je connaissais, qui avaient jamais joué ensemble et ça a fonctionné. »

HPF-SOULVILLE

 

Mais la décennie 00 est surtout celle du début de sa carrière solo et de son approfondissement d'une musique qu'il n'a au fond jamais cessé de pratiquer, le blues. Sans forcément s'en rendre compte lui-même, Pietri ayant été une sorte de M. Jourdain du blues, dont la prise de conscience s'effectua après un concert d'El Diablo en première partie de Blue Öyster Cult, grâce à des amis de son batteur. « Y en a un, très bon guitariste, plutôt jazz, qui me dit "Putain, t'es vachement blues toi quand même !". Je lui dis : "Ah bon ?" Et en rentrant, deux jours après, je réfléchis : "Qu'est-ce qu'il t'a dit, lui ?" et je me dis : "Attends, mais il a pas tort." » Pietri se découvre ainsi bluesman à trente berges. Et, comme à son habitude, il s'interroge et cherche à percer le mystère. « J'essaye de comprendre pourquoi le blues, le rock quand il vient du blues et tout ce qui vient du blues, ça me touche autant. Pourquoi cette musique ou les musiques qui en viennent en droite ligne et qui en possèdent les ingrédients, les fondamentaux, pourquoi cette musique me met les poils, même avec des textes débiles ? Je ne sais pas pourquoi. Alors la seule explication que j'ai, c'est que cette forme d'expression typiquement afro-américaine – c'est vraiment la musique des Afro-Américains, pas des Africains – qui est la somme de siècles de souffrance terrible, dégage une espèce de magie qui se transmet dès lors que les gens emploient ces aberrations harmoniques, ce groove, ces blue notes et tout. Et quand je l'entends, ça me aaaahhh ! » Quant au fait de ne pas être lui-même un Noir ayant vécu de telles souffrances, cela ne lui pose pas de gros soucis de légitimité. « Je suis sensible à ce qu'a dit Musset, "Les chants désespérés sont les chants les plus beaux". Je suis pas triste, je pense pas être quelqu'un de triste, ça n'a rien à voir. Keith Richards dit "Pour moi, le blues, c'est un langage universel, je ne fais pas de différence entre un bluesman ukrainien et un bluesman qui vient du Mississippi" et je suis complètement d'accord. Le blues, c'est un idiome, dès que tu ressens ce truc-là – l'important c'est de le ressentir – dès que tu le ressens, boum, il se passe un truc. »

 

Pietri étudie donc en profondeur la plupart des styles, utilise internet pour étoffer sa culture et suit la formation dispensée par Michael Hawkeye Herman qui lui permet d'aller enseigner dans les écoles pour communiquer sa passion aux enfants. L'étudiant Pietri se fait professeur. Cette volonté de transmission se concrétise aussi par la sortie en 2007 d'un premier album sous son nom, Little Blues Story, composé de reprises de morceaux de toutes les époques. Suivront des centaines de concerts en « One piece band », avec machine, puis sans. Ah, les machines... « J'ai un looper, je m'en suis servi à un moment, ça fait 2 ans que je l'amène plus. Les gens étaient épatés, parce que je faisais un bordel tout seul, c'était le Grand Orchestre du Splendid. Mais ça me faisait chier. Je préfère – c'est beaucoup plus difficile, beaucoup plus ingrat et beaucoup plus fatiguant – faire mon bazar tout seul avec mes petits doigts et mes gros pieds. Parce que j'ai moins de possibilités, je peux pas faire des harmonies, mais l'intérêt, c'est que je suis libre ! Je peux amener les gens où je veux et je peux nuancer. »

LITTLE BLUES STORY

Jouer seul est un choix qui peut surprendre de la part d'un musicien qui a évolué pendant si longtemps en groupe et qui prend un plaisir évident à partager la scène avec des collègues. « Quand t'es sur une scène avec une rythmique basse-batterie, c'est trop le pied ! Le summum, c'est quand tu as la complicité, t'as même plus besoin de parler, t'as un regard, un regard ou même pas, les mecs écoutent, il passe un truc et boum, tout de suite ça embraye. » Mais un choix qui peut aussi se comprendre pour des raisons humaines. Un parcours d'un demi-siècle n'est pas constitué que de belles rencontres. Il y a aussi les conflits, les ruptures ou, plus simplement, la distance qui s'installe sans qu'on sache vraiment pourquoi. « Je suis quelqu'un de trop sensible. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai fini par faire un orchestre tout seul. Y a plein de gens, j'ai été déçu de leur attitude et donc, maintenant, j'essaye, c'est vachement dur pour moi, mais j'essaye de plus mettre d'affect ou d'en mettre moins. Parce que les gens, aujourd'hui, une majorité de gens ne marche pas à l'affect. » Des déceptions humaines que contrebalancent la reconnaissance et la gratitude de plusieurs générations d'admirateurs. « Ce qui me touche le plus avec le recul, c'est que je rencontre encore régulièrement des gens qui me disent "Putain, on t'a suivi avec SOS ou avec El Diablo ou avec Too Bad, c'est à cause de toi qu'on fait de la musique, c'est toi qui nous a filé le virus !" Ça, ça fait du bien par où ça passe. » Et bien évidemment, restent présents dans son cœur de nombreux musiciens fréquentés au fil des ans à qui il rend volontiers hommage, tel Christian Boragno, sur lequel il ne tarit pas d'éloges, le considérant comme l'un des meilleurs batteurs du pays, Éric Atlan, récemment disparu, « un tueur des machines », Thomas Picot, côtoyé dans Too Bad, « un extra-terrestre, un espèce de Jaco Pastorius rock n' roll » et beaucoup d'autres. Ou son vieux pote François Blanc, qui l'accompagnait lors du concert de lancement de son nouvel album. « On joue ensemble par intermittence depuis pratiquement 20 ans, il est excellent, il est d'enfer. François et moi, on s'éclate, on joue tous les deux, on joue ensemble. Puis là, ça m'a touché, il m'a dit "Ça me fait plaisir qu'on fasse de la musique tous les deux." Et il était content, il m'a remercié. Il m'a rappelé le lendemain, le surlendemain, le batteur aussi, donc ça m'a touché. »

DOMAS-BLANC

Seul ou bien entouré, Pietri continue donc son parcours d'apprenti-musicien, avec le même perfectionnisme et la même rigueur. « C'est les petits détails dans l'interprétation qui font les grosses différences, qui font que ça tue ou que c'est pas mal. Et moi je suis taré, moi je veux que ça tue, le reste ça m'intéresse pas. Je m'en branle que ça soit pas mal. J'ai toujours été comme ça, je serai toujours comme ça. Je me prends pas au sérieux, mais je suis très exigeant. » Du coup, le doyen du rock auvergnat n'a aucune envie de ralentir. « J'ai conscience d'être un privilégié, d'avoir vachement de chance, parce que je suis encore là, je suis pas trop esquinté, j'ai fait gaffe – entre autres grâce à Murat, qui faisait l'apologie du sport, il avait bien raison, je vais courir tous les jours à cause de lui (rire). Oui, j'ai conscience d'être privilégié, parce que j'ai encore la santé, je fais tout ce que je peux pour la maintenir, parce que j'ai l'intention de jouer et faire de la musique le plus longtemps possible, ça m'éclate trop. Et j'ai conscience d'être privilégié parce que – certains me prennent pour un fou et un anormal, surtout dans la société d'aujourd'hui – mais j'ai toujours 15 balais dans ma tête, j'ai gardé l'enthousiasme intact pour la musique et pour la pêche ». Et lorsqu'il note en passant, « J'ai pas encore fini », il part d'un grand éclat de rire qui en dit long sur sa motivation. Rien d'étonnant, dès lors, à le voir afficher des envies surprenantes à l'âge de la retraite. « Un de ces quatre, je vais jouer du Miles Davis, j'ai envie, j'adore ça. »

On l'en croit capable.

 

 

M.

 

 

 

LE LIEN EN PLUS:

 

Un survol de la carrière de Jérôme Pietri en quelques images (via une mise en image par M:

 

 

 

2e partie de l'entretien centrée sur Murat: http://www.surjeanlouismurat.com/article-inter-vious-et-murat-n-16-jerome-pietri-au-coeur-de-passions-privees-123878338.html

On peut retrouver plus d'informations sur le musicien et sur son travail sur son site officiel :

 http://www.jeromepietri.eu/

 

  et sur sa page Facebook :

 https://fr-fr.facebook.com/jeromepietriblues

 

   M. :"De nombreuses personnes ont contribué à la réalisation de ce dossier consacré à Jérôme Pietri, elles seront mentionnées et remerciées dans la rubrique « Commentaires » de cet article, où les lecteurs qui ont des souvenirs personnels (de spectateurs et/ou de musiciens) concernant Jérôme sont invités à les partager et à s'exprimer en toute liberté. Don't be shy !"

 

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Pour rappel: Le livre Une histoire du rock à Clermont  commenté par M. 

On voit Jérôme Pietri dans le documentaire "chroniques d'en haut"  consacré au pays muratien.

 

Pour acheter:  https://www.fnac.com/ia3125356/Jerome-Pietri       

Pour suivre:  https://www.facebook.com/jeromepietriblues/                                       

Rédigé par Pierrot

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT

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M
<br /> Merci Matthieu pour l'article sur ce grand musicien auvergnat, hélas méconnu. Ca me fait très plaisir que tu lui aies consacré un article et c'est rendre justice à son immense talent, participer<br /> à le faire connaître, car son travail musical de qualité mérite vraiment une écoute attentive.<br /> <br /> <br /> Quand je l'écoute, comme parfois sur certaines chansons de JLM, j'y ressens la mélancolie, le chant intérieur de l'Auvergne qui a trouvé en lui une sorte de traducteur-passeur. Cette espèce de<br /> connexion invisible au paysage mais néanmoins très intense qui le traverse tout en le dépassant et l'entraînant toujours plus loin...c'est extrêmement présent et perceptible dans le jeu musical<br /> de Jérôme Pietri. Et c'est un mouvement constant dans le blues qu'il pratique, ce qui est encore plus émouvant et qui apporte toujours plus de densité, de profondeur à son travail musical. Sa<br /> pratique de la pêche et de la course à pied doivent alimenter je pense fortement ce lien étroit au paysage et donc à la voix du paysage dans sa démarche musicale...Au-delà du loisir et d'une<br /> certaine hygiène de vie (manière aussi de ne pas se prendre au sérieux en tant qu'artiste, de garder les pieds sur terre, de relativiser), se sont deux activités qui sont sources d'inspiration.<br />
Répondre
M
<br /> ACKNOWLEDGEMENTS<br /> <br /> <br />    Un grand merci à Jérôme Pietri d'avoir pris sur son temps pour nous accorder cet entretien.<br /> <br /> <br />      Merci à Patrick Foulhoux, auteur d'Une Histoire du rock à Clermont-Ferrand, ouvrage qui nous a été d'un grand secours et<br /> dont nous re-soulignons ici la qualité et l'intérêt.<br /> <br /> <br />      Merci aux diverses personnes qui ont accepté de partager quelques archives et/ou souvenirs personnels : Jean-Marc Millanvoye,<br /> Patrick Vacheron, Thomas Picot et Stéphane Calipel.<br /> <br /> <br />      Un immense salut empli de gratitude à tous les photographes dont les travaux ont été utilisés pour l'article et la vidéo, notamment<br /> Brigitte Azzopard, Yann Cabello, Julien Cartoux, Thierry Chion, Denis Dubocage, Philippe Grand, André Hébrard, Danyel Massacrier, Frankie Pfeiffer et Daniel Roignant. Un merci tout particulier à<br /> Yann Cabello, dont la présence pendant une partie de l'entretien a considérablement enrichi celui-ci.<br /> <br /> <br />      Merci, of course, à Pierrot, qui tolère sur son blog, depuis quelque temps déjà, la présence importune d'un squatteur et<br /> qui est allé, cette fois-ci, jusqu'à lui confier les clefs...<br /> <br /> <br />      Enfin, une pensée affectueuse à A., dont le vinyle de The Dark Side of the Moon craque d'avoi été trop écouté, A., qui a si<br /> souvent déclenché a great gig in my sky...<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br />
Répondre
P
<br /> <br /> merci Matthieu.   Elle a de la chance, A.  J'espère qu'elle le sait ou le saura<br /> <br /> <br /> <br />