MURATIENS OU QU'EST-CE!
Publié le 11 Juin 2012
Notre correspondant permanent - bénévole in Clermont City Matthieu vient d'être libéré par les forces FARCes... et il est en pleine forme... Il a tiré profit de sa retraite forcée pour se lancer dans une grande analyse pataphysique très étayée... et je suis très jaloux de cette "somme" qu'il nous livre ce soir... même si j'aurais dit certaines choses différemment... Bravo Matthieu et merci!
Muratiens – tendance Groucho
On se souvient qu'il y a quelques décennies, certains se définissaient comme des marxistes tendance Groucho, ce qui était une manière pour eux de signifier qu'à l'intérieur de la vaste galaxie des marxistes, ils se revendiquaient plus de Groucho Marx que de Karl. Mais le grand public sait peut-être moins qu'il existe également au sein de l'univers muratien un très grand nombre de tendances et de sous-tendances. Alors qu'aura lieu dans quelques jours le rassemblement annuel des muratiens tendance kolokiste, nous avons voulu essayer, dans l'étude sociologique qui suit, de dresser un panorama des multiples courants qui composent et irriguent la sphère muratienne. Dans cette optique, nous nous sommes appuyés sur les travaux des plus grands chercheurs – Erhard Friedberg, Erving Goffman, Vilfredo Pareto, Talcott Parsons, entre autres – afin de garantir à cette étude un caractère scientifique incontestable. Par conséquent, elle ne saurait souffrir aucune critique.
Nous n'étudierons pas ici la catégorie des muratiens appelés les dolos, car elle est déjà fort célèbre. Les dolos sont des cinglés, des frappadingues, des brindezingues, des déglingos. Ils mangent Murat, boivent Murat, s'habillent Murat et pensent à lui jour et nuit. Il n'y a pas à en dire beaucoup plus, tout le monde les connaît.
Intéressons-nous plutôt, pour commencer, à une catégorie moins illustre, mais qui compte de nombreux membres, celle des muratiens-nostalgiques (les munos). Les munos se divisent en différentes sous-catégories selon l'ancienneté de leur point de fixation. Il y a ainsi les munos-claristes, qui pensent que JLM n'a pas fait un concert potable depuis celui qu'il a donné avec Clara le 21 avril 1979, à Riom (63) ; les munos dits de 1981, qui estiment que la meilleure chanson jamais écrite par Murat reste « La débâcle » ; les munos-audigieristes pour qui JLM a perdu toute son inspiration le jour où Marie Audigier l'a quitté ; les munos-clavaizolliens qui estiment que JLM n'aurait jamais dû se séparer de Denis Clavaizolle et de ses claviers magiques ; enfin, les munos-pénultièmistes, qui trouvent toujours le dernier album de Murat « pas mal, mais quand même moins bon que le précédent ». Moins intégristes, les munos-gentlemen-Farmer continuent, vingt ans après, à écouter au moins une fois par semaine le titre « Regrets », tandis que les munos-sentimentalistes s'obstinent à adorer « Sentiment nouveau » malgré tout le mal qu'en a dit son auteur.
Passons à une famille qui n'a rien à voir avec la précédente, celle des muratiens-moyennement-objectifs (les MMO). Cette catégorie comporte trois grands courants : les MMO-scribouillards, qui trouvent que les paroles de l'album Charles et Léo sont « sympas », mais préfèrent tout de même quand JLM écrit ses propres textes ; les MMO-barbouilleurs, qui pensent que la peinture de JLM vaut largement celle de Picasso ; enfin, les MMO-musicos, qui ne comprennent pas pourquoi JLM voue une telle admiration à Bob Dylan, alors qu'en toute logique, c'est Dylan qui devrait vénérer Murat.
Approchons-nous à présent de groupes de muratiens qui relèvent tous plus ou moins de la psychiatrie. Les effectifs des muratiens-mythomanes (les mumythos) sont assez fournis. On peut en effet croiser au hasard des concerts de JLM le mumythos tendance Shining, qui prétend qu'il était présent le jour où Murat a rencontré Jack Nicholson ; le mumythos-irrégulier, qui affirme détenir une cassette audio sur laquelle on entend Jeanne Moreau chanter « L'irrégulière » ; le mumythos-personnaliste, qui clame haut et fort qu'il a vu le film de Pascale Bailly, Mademoiselle Personne, que c'est une œuvre à placer quelque part entre Le cuirassé Potemkine et Citizen Kane dans l'histoire du cinéma, mais qui, étrangement, est incapable de pitcher ce film quand on lui demande de quoi il parle ; le mumythos-puciste, lui, explique le plus sérieusement du monde que c'est son beau-frère Marcel qui a vendu deux recueils de poèmes d'Antoinette Deshoulières à Murat, aux puces de Clermont-Ferrand, dans les années 90, alors que le mumythos-ramadien, de son côté, vous racontera qu'il a bien connu Ginette Ramade, puisqu'il est sorti avec elle quand il était en CM2 et qu'elle avait même accepté, à l'époque, de lui montrer ses seins...
Guère éloignés des mumythos, les muratiens-gynophiles (les mugynos) sont un peu plus torturés. Leur point commun est d'avoir été durablement marqué par l'une des chanteuses avec qui JLM a travaillé. Signalons simplement les mugynos-jenniferomanes, qui rêvent chaque nuit que Jennifer Charles vient leur murmurer à l'oreille « Bang, bang, bang, you shot my heart » et qui se réveillent alors en sueur, dépités de constater que ce n'était qu'un songe. Il leur est dès lors impossible de se rendormir et il ne leur reste plus qu'à adopter une position fœtale, en suçant leur pouce, jusqu'au petit matin. Moins perturbés, les mugynos-camillomanes attendent simplement que JLM refasse un duo avec Camille, mais les plus atteints d'entre eux espèrent que les deux artistes finiront un jour par quitter leurs conjoints respectifs, par se marier et par faire des enfants. Lucides, ils savent que leur rêve a peu de chances de se réaliser. Les mugynos-morganomanes quant à eux désirent secrètement que Morgane Imbeaud leur fouette le postérieur avec une ceinture de cuir, tout en leur chantant « L'héautontimorouménos ».
Non moins détraqués, mais plus discrets que les précédents, on trouve la petite famille des muratiens-obsessionnels (les muratobs). On citera par exemple le cas de ce muratobs qui à chaque réveillon qu'il organisait pour ses amis, prenait un malin plaisir, sur les coups de 23h15, à interrompre « Le Gambadou » de Patrick Sébastien pour passer à la place « La surnage dans les tourbillons d'un steamer ». Au fil des ans, ce garçon a perdu tous ses amis et passe désormais ses soirées du Nouvel an tout seul. Comment ne pas évoquer également cet autre muratobs qui se réveille chaque matin en écoutant « Le revolver nommé désir ». Pourquoi ? Comme ça, pour se mettre en forme. Enfin, ayons une pensée émue pour Félix, qui pendant six ans, tous les 2 février, prenait une journée de congé, s'enfermait chez lui avec des bougies et écoutait en boucle pendant vingt-quatre heures « Peu me chaut ». La dernière année, une bougie est tombée, la maison a brûlé et Félix est mort carbonisé.
On rencontre encore parmi les muratiens le sympathique groupe des imaginatifs : on y trouve ceux qui sont persuadés que si JLM critique les Enfoirés, c'est parce qu'il est frustré de ne pouvoir chanter avec Mimie Mathy ; ceux qui affirment que JLM peste contre Internet uniquement parce qu'il aurait été le premier à imaginer le concept de Facebook, il y a quinze ans, alors qu'il était en train de couper du bois derrière sa maison, à Douharesse et qu'il serait dégoûté de s'être fait doubler par Mark Zuckerberg ; ceux, enfin, qui cherchent désespérément une contrepèterie dans la phrase « Le cours ordinaire des choses me va comme un incendie ».
Un mot, pour terminer, sur les muratiens-éclectiques, qui se divisent en deux principaux courants : celui des séchanocompatibles, qui apprécient Murat et Renaud et voudraient que l'auteur d'« Au mont Sans-souci » et celui de « Mistral gagnant » s'asseyent sur un banc pour partager ensemble leurs souvenirs d'enfance, en mangeant des roudoudous et des cocos bohères ; Baptiste Vignol
celui, plus modeste, des gérardolâtres, qui regroupe tous ceux qui aiment à la fois JLM et Gérard Manset. Dans un futur proche, lorsque Manuel Valls aura bien pris ses marques au ministère de l'Intérieur, il est prévu que les gérardolâtres soient systématiquement abattus, sans tir de sommation, afin de protéger le reste de la population d'une éventuelle contamination.
Après ce passage en revue des groupes majeurs de la galaxie muratienne, survolons rapidement quelques catégories plus petites par leur taille, mais dont les membres sont souvent attachants :
- les muratiens-pietistes militent pour qu'une statue de Christophe Pie soit érigée sur la place de Jaude (à Clermont-Ferrand), à côté de celle de Vercingétorix, pour services rendus à la musique locale ; leurs proches cousins, les muratiens-bonnefontistes, sont convaincus qu'Alain Bonnefont est le grand génie méconnu de la chanson française.
- les muratiens-suicidés sont ceux qui ont mis fin à leurs jours après avoir entendu « Suicidez-vous le peuple est mort » à la radio, durant l'été 1981. Ils ont donc été des muratiens à la fois précoces et très éphémères.
- les muratiens-rancheristes ne connaissent JLM que sous le nom de Mornac et ignorent généralement qu'il mène, en parallèle des Rancheros, une petite carrière en solo.
- les muratiens-francs-Masson comparent volontiers le cinéma de Laetita Masson avec celui de Stanley Kubrick, non sans manquer de rappeler que Barry Lyndon reste tout de même un cran en-dessous de La repentie.
- les muratiens-cuniculteurs adorent quand JLM se déguise en lapin et court dans la campagne en racontant n'importe quoi.
- les muratiens-dérangés-du-gilet ne vont aux concerts de JLM que pour observer et prendre en photo le gilet de Stéphane Reynaud. Généralement, ils achètent un modèle identique au sien dès le lendemain. L'un de ces muratiens possède à ce jour 143 pièces (rappelons pour mémoire que le batteur de Murat possède, lui, dans sa garde-robe, 2500 gilets).
- les muratiens-jocelynistes sont ceux qui n'osent pas approcher du stand de Jocelyne, à la sortie des concerts de JLM, car ils sont secrètement amoureux d'elle. Si vous apercevez l'un d'eux, à la fin d'un concert, les yeux baissés vers ses chaussures, les tempes légèrement humides, les mains tremblantes, ne vous moquez pas de lui : cet homme souffre en silence.
Dans les prochains mois, l'U.M.P. risque de se déchirer entre les partisans de François Fillon et ceux de Jean-François Copé. Mais ce parti n'est pas le seul à connaître de tels affrontements. On peut ainsi assister à des guerres fratricides à l'intérieur du parti muratien. Mentionnons simplement trois conflits particulièrement féroces. Celui entre les muratiens-mustanguistes et les muratiens-lilithiens oppose ceux qui trouvent que Mustango est le chef-d’œuvre absolu de JLM et ceux qui pensent que c'est bien Lilith le meilleur album de la carrière de Murat. Les uns et les autres arrivent tout de même à se réconcilier quand il s'agit de se moquer des muratiens-moscovites, lesquels préfèrent l'album Mockba – ce qui fait marrer tout le monde. Une autre guerre, sans espoir de trêve celle-ci, voit s'affronter les muratiens-murayens et les muratiens-antimurayens. Les premiers se régalent quand JLM dit du mal des artistes de gauche, des écologistes et des homosexuels, alors que les seconds estiment que Philippe Muray est un écrivain rance et racorni et aimeraient que JLM arrête de lire ses livres. Un conflit assez semblable se déroule entre les muratiens-interviewistes et les muratiens-interviewophobes. Les uns ont fini, au fil du temps, par préférer les interviews de JLM à ses disques, quand les autres voudraient que JLM se consacre à sa musique et, en-dehors de ça, ferme un peu sa grande gueule...
Ce panorama, si riche soit-il, ne peut prétendre à une totale exhaustivité, pour des raisons de place. Nous ne ferons donc ici qu'évoquer en passant quelques autres micro-courants de l'univers muratien : les muratiens-inéditistes n'écoutent que les titres inédits de JLM et se désintéressent de toute chanson qui aurait été gravée sur disque (parmi eux, les bleutiens pensent que « La vie des bleuets » est la plus grande chanson d'amour de tous les temps) ; les muratiens-lenoiristes ont découvert JLM par l'intermédiaire de Bernard Lenoir et éprouvent depuis pour celui-ci une reconnaissance éternelle ; les muratiens-mélenchonistes pensent que si Jean-Louis Murat et Jean-Luc Mélenchon portent les mêmes initiales, cela signifie forcément quelque chose ; les muratiens-barbus, catégorie à laquelle appartient l'auteur de ces lignes, sont des gens qui, comme leur nom le suggère, apprécient JLM tout en portant la barbe – on ne va quand même pas aller les embêter, ils font bien comme ils veulent.
Enfin, last but not least, un groupe qui a connu ces derniers temps un accroissement exponentiel du nombre de ses membres, celui des muratiens-pierrotistes, qui trouvent que www.surjeanlouismurat.com est l'invention la plus utile depuis celle du tube de dentifrice, en 1896...
Au terme de cette étude, il convient de donner une estimation chiffrée des effectifs de ces diverses familles. Après avoir effectué de savants calculs et confronté avec la plus grande rigueur les sources syndicales et préfectorales, nous en sommes en mesure d'affirmer que l'ensemble des membres des différents groupes de muratiens forme une population de 784 272 028 individus, de tous âges, de tous sexes, de toutes ethnies et de toutes orientations sexuelles. Évidemment, la question qui se pose aussitôt est la suivante : comment se fait-il qu'avec autant de fans, JLM vende aussi peu de disques ? Nous allons bientôt procéder à une grande enquête pour tenter d'élucider ce mystère et si nous parvenons à des résultats concluants, soyez assurés que nous les communiquerons au responsable éditorial de ce site dans les plus brefs délais.
Professeur Matthieu LEWANDOVSKINOVICH
Laboratoire d'Analyse Transversale des Comportements Addictifs (L.A.T.C.A.)
Collège Eurasiatique de Sociologie Ethnomusicale Comparative.
La suite ici: réponse de M. DE TRUCKHEIM, éminent (mais de quoi?), http://www.surjeanlouismurat.com/article-muratiens-ou-qu-est-ce-2e-partie-106726368.html
LE LIEN EN PLUS :
Petit hommage au travail de Matthieu pour nous informer... Voici un rappel des principales infos et textes... notamment sur GENGIS...
http://www.surjeanlouismurat.com/article-pseudo-histoire-66491413.html
http://www.surjeanlouismurat.com/article-murat-dans-rock-francais-60445963.html
http://www.surjeanlouismurat.com/article-bon-grand-lievre-et-apres-85375595.html
http://www.surjeanlouismurat.com/article-une-caricature-92095995.html
http://www.surjeanlouismurat.com/article-sur-les-traces-de-gengis-par-matthieu-92009520.html
http://www.surjeanlouismurat.com/article-c-est-c-est-45920623.html
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