LE VOYAGE DE NOZ, L'INTERVIEW 2018 pour le nouvel album LE DEBUT-LA FIN-LE DEBUT
Publié le 12 Mars 2018
Et oui, encore Le VOYAGE DE NOZ ici, et son chanteur-auteur Stéphane Pétrier! Pourquoi donc?
ET bien quand on a sous le coude (et les occasions de le lever ne sont pas si nombreuses... enfin... bon... soit) le groupe lyonnais le plus fameux, en activité depuis 1986, qu'il nous signe un bel album rock et pop qu'on attendait depuis 2011, toujours en toute indépendance et totale liberté, et qu'il est toujours aussi ignoré par la presse, ON EN PROFITE... et on essaye de jouer son rôle de "passeur" (certains nous ont déjà rejoints sur la route : coucou April, coucou le Québec).
Petit rappel: Vous découvriez sur ce blog Stéphane Pétrier dans une inter-ViOUS ET MURAT croisé aux côtés de Yann Giraud et KA-Steffen en 2010. La sortie du remarquable "Bonne espérance" nous a ensuite permis un long échange en 2011. Une autre interview en 2014 avait été débuté mais finalement abandonné, le Voyage prenant si ce n'est des impasses, du moins des chemins de traverse: Il aura fallu 4 autres années pour que le nouveau disque sorte finalement... Entre-temps, on avait retrouvé Stéphane lors d'une rencontre lyonnaise en 2016, ainsi que dans des comptes rendus de concerts, qui ont malgré tout ponctué les années: une à deux fois l'an peut-être.
Mais oublions-tout, mais souvenons-nous du reste, nous voilà, en 2018, et voilà "LE DEBUT-LA FIN-LE DEBUT", disponible sur toutes les plateformes et sur commande ici, et je vous propose de le découvrir en détail, avec Stéphane. On en a profité également pour faire une actualisation de son "Inter-ViOUS ET MURAT".
LE 30 MARS Retrouvez le VOYAGE DE NOZ en concert sur la péniche LOUPIKA à LYON . réservation ici
La pochette de ce cru 2018
- Alors Stéphane, qu'est-ce que tu peux nous dire sur toute cette période?
S. Pétrier: Le mot qui vient c’est « compliqué ».
En 2011, après « Bonne-Espérance ! » on était fatigués. Au lieu de passer un an voire deux à défendre cet album, j’ai senti une envie dans le groupe de passer très vite à autre chose. Ça m’a un peu déçu mais bon… Il y avait le désir de composer à nouveau des titres efficaces, rock’n roll… Une sorte d’anti « Bonne-Espérance ! » pour contraster... avec cette idée de faire quelque chose de « simple et rapide » qui sortirait vite… ah ah ah la bonne blague…
On s’est donc mis au travail, avec quelques premières chansons qui me semblaient plutôt intéressantes, avec Carol Le Blanc qui venait d’arriver à la basse. Il y a même eu quelques chouettes concerts (la première partie de Cali à Roanne). Peu après, Manu [le guitariste historique] nous a annoncé qu’il voulait arrêter, ou du moins prendre du recul. Besoin de se recentrer sur lui et sa famille et peut-être de faire des choses plus personnelles. Ça a été forcément un choc pour tout le monde. On a donc continué à 4.
Le départ de Manu a sans doute exacerbé l’idée de tout changer et de faire un « nouveau groupe ». On a même envisagé à cette période de changer de nom… Et puis, toujours dans cette idée de tout changer, Eric, Caro et Alex m’ont proposé de chanter en anglais. Je le faisais déjà depuis peu avec bonheur pour Nellie Olson, mais j’avoue qu’avec Noz, ça ne m’était pas venu à l’esprit… Je crois que j’ai assez mal vécu tout ça. Peut-être en effet que mes textes de cette période n’étaient pas très convaincants… Je ne sais pas… Bref, j’ai dit ok, je me suis mis au travail et j’ai commencé à bosser en anglais. On avait plein de titres. Il y avait des choses très très bien. Mais moi, j’étais au fond du trou. J’avais l’impression de faire de la merde, de me trahir… L’impression que la seule chose pour laquelle j’avais un peu de talent avait disparu. En anglais, on redevenait un groupe totalement banal. C’était en tout cas mon impression. J’ai tenu peut-être un an et puis j’ai annoncé aux autres que ça ne m’allait pas et que je voulais reprendre en français… Retour à la case départ… Gros coup au moral pour tout le monde je pense. Là-dessus, même si ce n’est pas directement lié, Carol a quitté le groupe.
Bref, à l’automne 2015, on n'était vraiment pas bien. Heureusement, il y a eu le retour de Pierre (Grandjean)[Pedro] à la basse. J’ai alors proposé qu’on fasse une jolie date à Lyon, histoire de revisiter le répertoire et en espérant que ça nous redonne l’envie. On a donc fait le Transbo en mars 2016, avec Ella Beccaria qui nous accompagnait au violon. Ça a été un chouette moment, on a pris plein d’amour du public et ça a eu l’effet escompté.
On est sorti de là regonflés à bloc et on s’est remis à composer, en reprenant aussi certaines compos de la période post « Bonne-Espérance !» que nous avions abandonnés. En quelques mois, nous avions enfin quelque chose qui nous semblait cohérent, presque un album… Je retrouvais le goût d’écrire. Et puis surtout on s’éclatait à nouveau en répétition.
- Petite précision: Quand tu parlais du changement de nom, c'était le "NOZ.2 »?
S. Pétrier: Non, Noz.2, c’était plus un effet « teasing" à un certain moment pour annoncer notre retour. Il y a eu recherche de noms, de logos, mais bon, j’avoue que je n’étais vraiment pas chaud et le truc n’est pas allé bien loin.
- Ella, combien de temps est-elle restée dans le groupe au bout du compte? Est-elle partie parce que ça n'a pas avancé suffisamment vite ?
S. Pétrier: Ella n’est restée que quelques mois. On s’entendait très bien mais il y avait plusieurs problèmes. De son côté la priorité qu’elle donnait bien naturellement à son groupe, les Toxic Frogs et qui lui laissait peu de temps pour nous et aussi le fait qu’elle ne jouait pas du tout de claviers. Et nous ne voulions pas d’une formule avec du violon sur tous les titres comme nous l’avions eu à l’époque de Liz Cottam pour «L’homme le plus heureux du monde » [2001] et « Tout doit disparaître »[2005]. On cherchait vraiment quelqu’un de multi-instrumentiste qui puisse s’adapter aux besoins des compos.
photo:Joel Kuby
- Tu disais au concert de Feurs qu'elle avait apporté à "l'histoire", et notamment dans le processus de ce nouvel album, tu peux nous en dire plus sur son apport?
S. Pétrier: Disons qu’Ella, c’est une sorte de bulldozer. Avec elle en répétition, les choses devaient aller vite, se faire à l’instinct, elle n’a pas ce côté cérébral « enculeur de mouches » que nous pouvons avoir (enfin quand je dis « nous », c’est surtout moi, ok…). Bref, je crois qu’elle nous a apporté, à certains moments, une spontanéité et une liberté qu’on ne se permettait peut-être pas avant. C’était assez libérateur. Mais bon, toutes les personnes qui sont à un moment passées dans ce groupe, par leur talent, leur personnalité, ont apporté leur pierre, plus ou moins grosse à l'édifice. Idem pour Carol. Idem pour Nath aujourd’hui. Nous nous sommes toujours enrichi de ça je crois.
- Durant cette période de plusieurs années, le groupe a-t-il toujours répéter, créer ou il y a eu des phases de prise de recul?
S. Pétrier: Je crois qu’il y a eu une période de 6 mois où nous n’avons vraiment rien fait. C’était la première fois en trente ans. Et ça faisait du bien.
- Je me demandais si le "booking" de concerts (Feurs peut-être plus que les autres, prévu depuis plus de 6 mois, ou les grosses dates du Radiant, du transbo) n'était pas ce qui avait permis de maintenir une étincelle? Tu parles toi-même de l'effet transbo en 2016…
S. Pétrier: Sans doute oui. Le fait qu’il y ait eu des dates bookées à certains moments nous obligeait à rester actifs. Sans ça, le groupe ne se serait sûrement pas arrêté mais on aurait peut-être été… plus lents (rires dans la salle).
- Du coup, quand est-ce que vous avez décidé d’enregistrer, et est-ce que vous avez dû faire un gros travail de tri dans ce que vous aviez travaillé, ou que l’élimination se faisait petit à petit?
S. Pétrier: Franchement, il n’y a pas eu de grosse réflexion autour de ça. C’était un peu le merdier. On attaquait un titre. Il y avait de nouvelles idées qui arrivaient… On piochait dans ce qu’on avait… ou pas… On était d’abord dans le plaisir de jouer. Certains titres sont passés à la trappe sans qu’on sache trop pourquoi. D’autres parce que je n’avais pas de texte satisfaisant. Je crois surtout que dès qu’on a eu une dizaine de morceaux qui tenaient la route, on a dit go go go… to the studio. Il fallait que ça avance...
- Avais-tu imaginé au départ un album plus concept autour de cette bande d'ados terroristes (un titre 17 joué live dès 2011/2012 ne figure pas au disque)?
S. Pétrier: Oui, l’idée de l’album concept était là même bien avant. Le premier titre, c’était « Ok ». Un futur proche où les choses auraient mal tourné… et puis un jour Thierry Tollon m’a filé un de ses textes. Une histoire de bobos pas très doués qui essayent de faire la révolution. C’était génial… et ça collait parfaitement à ce que je voulais faire. Je lui ai demandé s’il m’autorisait à foutre un peu le merdier dans son texte, le mettre à ma sauce pour en faire une chanson. Au même moment, Manu avait une base de morceau un peu disco et étrange… ça a donné Bagdad Disco Club.
Le problème, c’est que d’autres sujets qui me tenaient à cœur sont venus se greffer à ce moment-là… mon rapport à l’écriture en particulier, mes périodes de doutes (et l’expérience en anglais avortée que nous avons déjà évoquée)… qui ont donné les titres « The French boy... » et « Les fleurs », ou encore l’envie de parler du cancer qui a touché un de mes amis (« Gilles »). C’était des vrais bons titres. On ne se voyait pas s’en passer. Dans l’idéal, il aurait fallu faire deux albums... Sortie prévue en 2028...
A l’arrivée, il reste quand même une ossature du projet « concept » (« End of the story », « Juste avant la fin du monde », « Bagdad », « Ok »...) mais il en manque bien sûr un bout. « 17 » et surtout « Non » étaient des bonnes chansons qui collaient à l’histoire et que j’aurais bien inclues dans l’album. Mais les circonstances (et l’envie d’en finir vite qui nous habitait) ne l’ont pas permis. C’est mon seul petit regret sur cet album.
- Voilà ce que c'est d'aller trop vite... On aurait pu attendre. Je voulais savoir quand avait eu lieu les séances d’enregistrement exactement si tu veux bien... ou est-ce que vous avez enregistré petit a petit.
S. Pétrier: Pour la première fois, nous avons enregistré toutes les bases en live. Basse, batterie et guitare en même temps. On voulait essayer d’avoir quelque chose de plus naturel et moins « studio ». J’ai l’impression qu’au final ça se ressent, au niveau de l’énergie… enfin j’espère... On a fait tout ça en deux séances de 3 jours (une en novembre 2016, l’autre en février 2017) à la merveilleuse Casa Musicale d’Eric Martin (Saint-Didier au Mont d’Or). Ensuite, les prises de voix et les arrangements claviers et autres se sont faits soit dans le studio d’Eric (Clapot), soit dans le studio de Xavier (Desprat) qui a ensuite mixé la chose. On a aussi complété par quelques prises de voix et les guitares de Manu au studio Kasa Nostra à Saint-Jean (super studio et super accueil là aussi…). Tout ça + le mixage s’est étalé jusqu’à décembre dernier.
- Parlons plus concrètement du disque si tu veux bien: du pur noz pour commencer avec la petite introduction... qui est peut être un petit clin d oeil à Bonne Espérance, qui lui-même débutait par un fameux jeu de mots sur esther appertine [le héro de L'homme le plus heureux du monde et anagramme de "Stéphane Pétrier"]?
S. Pétrier: Il y a surtout un clin d’œil à l’album « Tout doit disparaître » qui se terminait par un petit titre caché qui s’appelait « Austerlitz ». Depuis cette époque, j’ai toujours eu en tête de faire un autre titre qui s’appellerait « Waterloo ». C’est mon côté « premier empire » :). J’aime l’idée de ces deux gares qui portent des noms de victoires ou de défaites, selon l’endroit où l’on se trouve… La victoire des uns étant la défaite des autres. Toujours cette idée de point de vue sur les choses… le début ? La fin ?… C’était aussi l’intro idéale pour mon "garçon français dans un train anglais » qui est le premier véritable titre de l’album.
- Oups... suis-je bête? Je n'y avais même pas pensé... Je voyais ces deux titres comme un petit retour vers la France après ce voyage en terres brumeuses qu'était Bonne Espérance.... Le "continental freaks", ce n'est pas une illusion à un "each uisge » [chanson de cet album]?
S. Pétrier: C’est vrai aussi. Il y a le retour vers la France bien sûr… Et l’idée que nous avons aussi nos monstres…
- Plus haut tu dis que "mon rapport à l’écriture en particulier, mes périodes de doutes (et l’expérience en anglais avortée que nous avons déjà évoquée)… ont donné les titres « The French boy...»... Je n'avais pas pensé à cette dimension du texte, qui peut paraitre un peu étonnante et schizophrénique: tu t'éclates en anglais avec Nellie Olson...et tu t'y perds pour les NOZ?
S. Pétrier: Oui, « The French boy » ne parle même que de ça : cette impression d’avoir été embarqué dans un train qui n’était pas le mien. Et puis aussi ce petit complexe que l’on peut avoir par rapport aux Anglais quand on fait du rock’n roll. Avec Nellie Olson, c’est complètement différent. Je pense que c’était obligatoire de chanter en anglais pour ne pas que je refasse du « Noz ». Et c’est vrai que j’adore ça. C’est une autre façon d’écrire plus spontanée, plus légère, dans laquelle je me retrouve aussi et qui permet de dire des choses que je crois également intéressantes, même si ça ne saute pas forcément aux yeux :) C’est parfait pour Nellie. Avec Noz, ce n’est pas possible. Tu ne peux pas entraîner les gens pendant 30 ans sur une route et leur dire du jour au lendemain que les règles ont changé. Il y a depuis le début une idée de continuité dans notre production. Je ressens les personnages de nos histoires comme des amis que l’on quitte et qui reviennent dans l’album suivant. Si un jour Hergé avait dit : à partir de maintenant, Tintin, il est Anglais, il a une femme et cinq enfant, il s’habille en costard et le capitaine Haddock travaille MI5 » ça m’aurait fait chier. A notre petit niveau, j’ai l’impression que ceux qui aiment notre musique sont attachés à ça aussi…
- A noter : J’aime aussi beaucoup la guitare assez typique d' Erik il me semble sur ce titre.
Avec Gilles (titre3), on est plus dans la chanson... et quels violons (arrangé par DAVID GRUMEL)! C'est du grand spectacle,
S. Pétrier: "Gilles" ça fait partie de ces chansons légères (au moins musicalement) comme on arrive à en faire de temps en temps et que j’adore (« L’ami américain » était un peu du même acabit je trouve).
Le côté kitsch, fleur bleue, des violons de la fin, tout ça, je crois que c’est aussi nous. Ça correspond à une partie de notre culture musicale (« Les Smiths » ou « Prefab Sprout » auquel je pense souvent pour cette chanson). Ça hérisse peut-être les poils des fans les plus torturés mais nous, ça nous fait du bien… :)
Allez, je fais moi-même la question suivante
- Et puis il y a « End of the story ». Ressens-tu ce titre - comme je le ressens moi - comme la « pierre angulaire » de l’album ?
S. Pétrier: Sûrement un peu, oui. C’est une compo amenée par Eric. Il avait commencé à faire une démo du truc et c’était déjà très touffu… je ne voyais pas trop quelle mélodie de voix je pouvais apporter là-dessus et l’idée du « talk over » s’est imposée assez naturellement. J’aime beaucoup le résultat. Déjà parce que c’est quelque chose de nouveau chez nous. Et l’idée de réussir à se renouveler au bout de trente ans c’est plutôt agréable. Au même titre que « Bagdad », ce titre a donné le ton de l’album. Je crois que quand on a terminé la maquette, on s’est dit « oui, là on tient un truc intéressant ».
Eric
- Alors si je peux me permettre d'en placer une... Je trouve effectivement que c'est très réussi (le refrain, le crescendo...). Je trouve vraiment que la voix, la diction, sonnent vraiment comme celles d'un "ado" (on fait une belle bascule dans le temps après "gilles"), mais on trouve, c'est nouveau aussi, une vision un peu ou largement satirique ou ironique ("théo s'est jeté sur le sol en criant "maman je t'aime"...), tout comme dans "bagdad" qui va encore au-delà. Si tu nous parles encore d'adolescents ou de jeunesse, on n'est plus dans le romantisme d'Aurélia, ou des rencontres dans les cimetières.
S. Pétrier: Les adolescents… en tout cas ceux que je vois autour de moi, ne m’ont pas l’air vraiment prêts à faire la révolution. Les adultes non plus d’ailleurs… Il y a parfois l’envie mais pas les actes. « End of the story », « Bagdad… » parlent de ça. De cette impression que même si nous sommes pour la plupart conscients d’être au cœur d’un système malsain qui nous mène à notre perte, nous ne faisons rien de vraiment concret pour le dégager. Justement parce que nous sommes trop enfoncés dans notre petit confort, dans notre consumérisme dont on a bien du mal à se passer. Parce que ce système nous fournit chaque jour assez de bien-être matériel pour nous maintenir bien dociles. Les adolescents du Signe étaient des héros romantiques… ceux-là sont comme moi plutôt désabusés...
- Pour être complet, j'adore le clavier, comme aux grandes heures du Signe, et la voix féminine additionnelle... très présente sur tout l'album. C'est pratique d'en disposer à domicile….
S. Pétrier: Oui, la voix de Nathalie fonctionne vraiment bien je trouve. On avait déjà testé ça il y a pas mal de temps, sur la "Valse aux idiots ». Là, elle prend une place vraiment importante. Je voulais des interventions de voix qui soient autre que la mienne pour faire passer cette idée de « collectif » qu’il y a dans l’album. Et puis Nath a la capacité de tout de suite trouver le contre-chant qui va bien. En concert, c’est un bonheur pour moi d’avoir ce soutien vocal. Ça donne une force incroyable. Tout devient plus facile. Et en plus, c’est vrai qu’on s’entend bien :)
- Ensuite, Rien vu venir, la meilleure composition de l'album ;.) [signée par Stéphane]. Un rythme presque funk... avant l'envolée nozéen...
S. Pétrier: C’est vrai ? Ça te plait ? Ça me fait plaisir. C’est un titre que j’ai amené et dont j’ai longtemps douté. J’avais peur qu’il soit un peu trop baroque, ça partait dans tous les sens entre le couplet, le pont, le refrain… C’est au contraire Eric qui m’a dit « mais non, il est bien, il faut le faire ». Et à l’arrivée c’est à moi aussi un de mes titres préférés. Je le trouve vraiment réussi. Très Noz et avec une fraîcheur que l’on n’avait pas eu depuis longtemps.
- Euh, non, en fait, je rigolais... c'était pour t'encourager pour pas qu'on attende encore 7 ans….
S. Pétrier: Salaud !
- Mais "baroque, ça partait dans tous les sens, couplet, refrain": c'est donc du Pur NOZ (y compris le texte plus premier degré) pour moi. Gros refrain et j'apprécie la séquence là encore en talk over, avec un final un peu à la "une nuit sans étoile".
La suivante, c'est Memento Mori dans mes préférés (pas à cause de l'utilisation de locution latine façon "morituri", même si ça sonne vraiment bien dans le refrain). J'ai envie de parler de la batterie sur ce titre, même ce petit rythme sur les couplets... Peut-être l'occasion de parler d'Alex….
S. Pétrier: « Memento mori » c’’est en effet une compo apportée par Alex. Elle était déjà là au moment de la conception de "Bonne-Espérance" mais je ne l’avais pas gardée à l’époque. Pas parce que je ne l’aimais pas mais parce que je ne savais pas quoi en faire dans l’histoire. Alex m’en a un peu voulu je crois :) . C’est un problème dont nous avions déjà parlé dans une autre interview. Par ma capacité - ou non - à pondre un texte, je peux bloquer la genèse d’une chanson. C’est chiant mais je n’y peux pas grand-chose… Sur ce projet, le morceau s’inscrivait beaucoup plus naturellement et le texte en venu d’emblée. C’est marrant que tu parles du jeu de batterie car dès le début, Alex avait une idée très précise de ce qu’il voulait faire sur ce titre… et de la façon dont ça devait sonner. Il nous a bien fait chier pour ça avec Xavier lors du mixage :) Et il a eu raison ! Ça crée une ambiance très particulière, tout en retenue... Alex, c’est quelqu'un qui prend au fil des années de plus en plus de poids dans le groupe. Quand on a traversé des périodes difficiles, ces derniers temps, c’est lui qui a maintenu le bateau à flot, c’est lui qui essayé de faire avancer les choses quand on se prenait la tête. Cet album lui doit beaucoup.
Alex
- Je repensais justement en écoutant les couplets à ce que disait le batteur Christophe Pie sur la chanson Summer des DELANO ORCHESTRA, et la "bouteille" qu'il faut avoir pour imposer son idée, même très basique, idée qui va donner toute sa couleur au titre...
A LA SUIVANTE: Juste avant la fin du monde ne m'accroche pas forcement dans le début (comme d'autres titres), mais on a encore ce refrain "hymne"... et surtout cette séquence finale à deux voix que j'adore.... Et là encore, ça marche aussi très bien en concert.
S. Pétrier: C’est plus du Noz « pur jus »… Nous avons pris le temps de développer un final qui s’installe, qui dure, qui monte doucement. Je suis très content de ça. Souvent, avant, on avait tellement peur de s’ennuyer qu’on se sentait obligés de changer d’accord au bout de huit mesures. C’est la maturité, tu crois ?
- Euh... Au jeu de la petite formule réductrice : on pourrait dire : "En 89, vous étiez les puérils qui jouaient les matures, et en 2018, les matures qui jouent les puérils"... Je parle de "puérilité" pour parler de cette musique expressionniste et romantique, pas assez hype pour être apprécié par la critique. On pourrait remplacer ce terme par celui de "folie", et ça on espère que vous allez la garder longtemps.
Et Nous voilà au très très gros morceau de ce disque le plus particulier sans doute même si vous vous étiez déjà essayé au tempo "house" avec "une Histoire de cul" ou cette version de J'empire, Quelle intro sur une tonalité orientale (près deux minutes)... A quand le remix special club pour enflammer le dancefloor?
S. Pétrier: Oui, sur « Bagdad" on flirte avec le disco, et le disco, on adore ça… On était tous ado ou pré-ado ans quand le truc a déboulé, forcément, ça marque. Mes premiers 45 tours, c’était Saturday Night Fever, Patrick Hernandez, Earth Wind & Fire...
Même si au départ, ce n’est pas vraiment notre spécialité, c’est très agréable quand on réussit à faire un titre qui groove. Voir les têtes des gens bouger en concert, tout ça… Cet album a un côté « punchy » qui nous fait du bien, surtout après Bonne-Espérance. Je pense que le jeu de basse de Pedro est pour beaucoup dans ce groove que nous n’avions pas avant. Sur Bonne-Espérance, Pedro était le "petit nouveau", il était resté assez discret et minimaliste dans son jeu. Là, il s'est vraiment investi dans tous les titres. Il a apporté des trucs super intéressants… et puis le fait qu’il n’y avait plus qu’une guitare après le départ de Manu lui laissait forcément plus de place pour s'exprimer. Franchement, avec Alex, ils forment une basse-batterie comme j’en connais peu.
Et puisqu’on parle de remix, je voulais en profiter pour saluer une nouvelle fois le travail de Xav (Desprat) pour la prod de cet album. C’était pas évident, le contexte était assez particulier et je trouve qu’il nous a fait sonner comme jamais. C’est quelqu’un de très à l’écoute. On l’a bien fait chier, surtout dans la dernière (longue) ligne droite… Il a toujours été là. Toujours de bonne humeur. Au même titre que David et Eric (management) c’est quelqu’un de précieux pour nous.
- Alors, sérieux, faut prévoir un maxi 45T.... Et puis bien-sûr il y a ce texte où tu lâches la bride complétement, avec l'aide de l'ancien M. Tollon, notamment ce vers: "souvenir gore ;... Disney store..." marquant bien l'époque que tu nous décris, un futur déjà bien présent. Un petit regret par rapport à l'album: il n'y a pas d'avancée dramatique par rapport au titre The End Of the Story: c'est le même échec de la "révolte" que tu nous racontes? Faut dire que "ceux qui veulent tout faire péter" sont tellement nés de l'époque que leurs agissements semblent plus le résultat d'une oisiveté que d'une véritable conscientisation d'une lutte à mener ? (bon, sans se lancer dans un discours structuralo-trotkiste...) Est-ce que tu comprends cette question?
S. Pétrier: Je voulais vraiment qu’il y ait cette continuité dans l’échec des ados (dans « End of the Story ») et des mêmes devenus adultes (dans « Bagdad »). Ils se sont juste un peu plus embourgeoisés mais le résultat final est le même. Ils ne se rendent pas compte qu’ils font totalement partie du système qu’ils veulent abattre. Et puis il y a ce personnage dans le dernier couplet qui trahit le héros. J’aime bien cette idée. J’ai l’impression que tous les jours nous nous trahissons : le matin je signe une pétition contre Mosanto et l’après-midi je m’achète un I-phone… Le «selfie avec le Che dans un Disney Store» c’est un truc que j’ai rajouté à la fin et qui résume bien tout ça je trouve.
Le texte de départ de Thierry (Tollon) avait ce côté déjà très anxiogène. Il nous mettait face à nos contradictions, avec un ton à la fois amusant et en même temps profondément déprimant. La vérité c’est que nous ne sommes pas prêts à lâcher notre petit confort pour essayer d’améliorer ce monde. On fait des petits gestes, mais rien qui ne mettent véritablement en danger notre bien-être et l’opulence dans laquelle nous sommes. Bref, comme les personnages de « Bagdad Disco Club », je crois qu’on s’est bien fait niquer.
- Morceau de transition ensuite (pour moi)... Après le chaos, K.O., Un exercice de bravoure d'utiliser "tout est ok" dans une chanson, non?
S. Pétrier: Transition ? Tu trouves ? C’est drôle, pour moi c’est un des grands morceaux du disque. Peut-être même du groupe.
L’ambiance, le groove créé par la guitare, le violon et la basse-batterie, l’histoire racontée… Il y a une sobriété, une pudeur que j’aime beaucoup.
Quant au titre, « Ok » c’était aussi une façon d’être sobre. Ça sous-entend pas mal de chose : on fait, non, tout n’est pas OK… mais on est encore vivant… on s’accroche...
- Encore ton goût pour les chansons plus simples, les ballades... la variété des années 70... Ça me rappelle que j'avais pensé à une question sur la pudeur et ton inspiration. J'avais un peu l'idée que tu évoquais plus ceux qui t'entourent, peut-être aussi de ce que vivent les autres membres du groupe, que de toi... Cette "technique" d'utiliser autant de prénoms n'est peut-être pas anodine.... Enfin, si j'avais oublié la question, c'est qu'au final, je ne suis pas très certain...
S. Pétrier: Non je ne crois pas. Quand je dis « pudeur », je parle de la façon d’évoquer les choses. Le terme exact serait plutôt « retenue »… Quand par exemple je dis « Tous les matins à Saint-Jean, les gens forment un grand cercle devant la cathédrale », c’est une façon d’évoquer ce retour à la religiosité ambiant, sans en dire trop. Pour ce qui est de ma pudeur à moi, je crois que j’essaye au contraire dès que c’est possible de me mettre un maximum tout nu, même si je dissimule ça parfois sous les déguisements de mes personnages. Je pars du principe que nous avons tous des failles, et qu’une fois qu’on les a montrées, avouées, tout devient plus facile. Parce que tout le monde se retrouve quelque part dans les faiblesses des autres.
Récemment, au concert de Feurs, j’ai eu un gros trou de mémoire sur un titre ("Thelma ») qui le supporte difficilement. Plutôt que d’essayer de biaiser quand on le fait parfois, j’ai préféré tout arrêter, avouer mon péché… et recommencer la chanson à zéro. Il y a quelques années, j’aurais été incapable de ça. Maintenant, je sais que non seulement c’est en général plutôt bien pris par le public, ça fait rigoler tout le monde, ça détend l’atmosphère, mais je sais aussi qu’en plus, pour moi, c’est libérateur : après ça, tu ne crains plus rien. Tu t’es cassé la gueule, tu as montré aux gens que tu avais beau être sur scène, tu n'étais ni pire ni mieux qu’eux... il ne peut plus rien t’arriver de grave. En général après ça, il n’y a bizarrement plus aucun stress. On se sent libéré délivréééééé…
- Pour en revenir à "tout est ok", c'est juste que ce n'est pas préférée: le texte me plait moins que d'autres (j'avais déjà eu un peu de mal avec le dernier album de Marchet auquel ça me fait penser un peu), le violon du départ... Et puis, entre Bagdad... et les Fleurs, c'est chaud pour exister. Les fleurs : sa petite intro très pêchue, presque électro, que je trouve aussi originale chez vous, puis la guitare excellente... Encore un hymne... et puis bien sûr ce texte encore une fois sur le thème de "la fin"... Là, encore, ça te permet de t'en donner à cœur joie en concert (attention à protéger ses verres). Vous y pensez quand vous concevez la chanson?
S. Pétrier: Les Fleurs ça part d’un riff typique du jeu d’Eric. Ca envoie vraiment et je ne pense pas qu’on ait déjà sonné autant rock’n roll. C’est assez jouissif à jouer sur scène. Le texte, je crois qu’il illustre bien les périodes de doutes que nous avons pu traverser ces dernières années.
Quant aux idées scéniques, elles viennent plutôt ensuite, en répétition. Si on avait un peu les moyens et une vraie tournée, ça fait partie des titres où j’imagine qu’il pourrait se passer des choses. Je ne sais pas pourquoi, depuis le début, je vois des enfants maquillés et un peu endimanchés venir déposer des bouquets sur scène pour le final du morceau. Un truc un peu glauque, entre "Chucky" et "L’Ecole des Fans"… Il faut que je prenne des vacances moi...
- Ah, tu continues toujours d'imaginer des mises en scène, qui font partie de l'adn du groupe depuis le début. On peut s'attendre à des surprises pour le loupika?
S. Pétrier: Non, le Loupika ce n’est pas une salle qui se prête vraiment à la mise en scène, par contre, pour y avoir joué une fois avec Nellie Olson, je sais que ça peut être vraiment très chaud. C’est un lieu où il y a des bonnes ondes… Si tout va bien, on va être un peu serrés (enfin j’espère)… Il y aura une ou deux petites vieilleries ressorties des placards dans la set-list… Bref, il y a tous les ingrédients pour que ça tangue.
- Et la suite du "début la fin le début"? Tu en sais quelque chose?
Si tu veux le pitch du prochain album, c’est un peu prématuré :) Par contre, ce qui semble évident c’est qu’il y a une vraie envie de ne pas s’arrêter là. Après une période très compliquée, j’ai l’impression de ressortir personnellement gonflé à bloc. J’ai très envie de jouer. Si je dis souvent « je », c'est pas par mégalomanie (enfin pas trop) mais surtout parce que ça m’emmerde de m’engager au nom de autres. Cela dit, je crois que je ne suis pas le seul à être dans cet état d’esprit. Imagine, on est peut-être reparti pour trente ans ?
Pochette du DVD live pour les 20 ans (une captation de deux concerts de folie sold out)
MISE A JOUR Inter-ViOUS ET MURAT- Stéphane PETRIER
Depuis l'inter-ViOUS ET MURAT de 2010, il y a eu Grand lièvre, Toboggan, babel, Morituri et ce TRAVAUX.... Est-ce qu'il y a des choses marquantes selon toi? Je ne crois pas t'avoir recroisé aux concerts.
S. Pétrier: Concernant Murat, j’avais vraiment décroché avec Grand Lièvre, Toboggan, même Babel... qui pour moi n’apportaient rien et où les bonnes chansons se faisaient plus que rares.
- Et tu citais Gengis en 2010, comme un titre qui te plaisait.... C'est un nom qui t'accompagne au quotidien maintenant, un hasard?
- Extrait de l'inter-ViOUS ET MURAT de 2010 de Stéphane :
Puisque j'ai déjà parlé de "Petite luge" et de "Gagner l'aéroport", je citerais 2 vieux titres de Dolores, "Fort Alamo" et "Perce-neige" et un titre qui était sur un maxi à l'époque du Moujik, ma préférée entre toutes : "Royal Cadet". Royal Cadet, j'ai eu la chance de pouvoir l'entendre en concert au Palais du Facteur Cheval l'année dernière (Pierre était là bien-sûr...)... Je crois que ce morceau pourrait durer une heure, je ne m'en lasserais jamais... Et pourtant, il est construit comme un bon vieil alexandrin, en 2 hémistiches de 6 syllabes, chose qui en général m'ennuie profondément... mais là, ça marche... J'ai l'impression que chaque mot posé est touché par la grâce, que la voix de Murat est en apesanteur, avec une proximité exceptionnelle... Je ne cherche même pas exactement à savoir de quoi il me parle dans cette chanson, je prends tout.
Concernant la deuxième question, il y a dans notre dernier album une chanson qui s'appelle "Le cap" qui doit certainement quelque chose à Murat. Dans la façon de poser les mots, de jouer avec les silences à certains moments, dans la simplicité et la répétitivité de la ligne mélodique...
Interview réalisée par mails du 25/02 au 11/03/18
Encore un grand merci à Stéphane, aux autres membres du groupe pour leur talent, et spécial dédicaces aux couillons (ah, qu'est-ce qu'on se marrait sur le forum).
LES LIENS EN PLUS
- Une interview récente (en 3 volets) de Stéphane, "le Gône de la semaine"
- La chronique du dernier album par Laurent Cachard, « stéphane Pétrier est le meilleur showman que j’ai vu » disait-il dans un article plus ancien.
- En 2013, Le Voyage de Noz conquiert les 3000 personnes venues pour Cali :
Et au hasard, un de leurs tubes :