inter-vious et murat

Publié le 22 Janvier 2015

Nous avions déjà parlé à Bertrand en novembre 2013 (interview à lire ici) à l'occasion de la sortie de son excellent disque "sans moi", la mise en musique de textes de P. Muray, projet que Murat avait entrepris. Le disque a été honoré par un "coup de coeur" de l'académie Charles Cros. On peut encore l'écouter "en live" le 3 FEVRIER à la maison de la poésie à Paris.

Quand Pierre Krause m'a demandé quel artiste pourrait reprendre Murat lors de la soirée LIVRE UNPLUGGED (21 février à la Bellevilloise), le nom de Bertrand Louis est sorti rapidement... aussi rapidement que sa réponse, favorable. Mal (ou bien?) lui en a pris: "Et quand même vous m'emmerdez parce que je crois que je suis en train de retomber amoureux de Murat à cause de vous..." m'a-t-il écrit.  Il a accepté d'actualiser son "inter-ViOUS ET MURAT"... et de nous parler des deux soirées parisiennes qui s'annoncent!

 

 

 

Inter-ViOUS ET MURAT- n°17: Bertrand LOUIS, soirée Murat du 21 Février

 

- Je voulais d'abord faire le point sur "sans moi"... On n'est pas tout à fait à la phase de bilan puisque vous avez encore au moins une date mais...

Bertrand Louis : Je n’aime pas trop faire le point ou le bilan car j’ai l’impression d’être toujours en mouvement. On peut tout du moins dire que la phase « disque » est terminée d’autant plus que ma maison de disque a déposé le bilan ; pour le coup ce sont eux qui ont fait le point ! Pour ce qui est du « spectacle » en revanche, cela continue avec une date importante à la Maison de la Poésie à Paris le mardi 3 février et quelques dates aux printemps. Finalement la « renommée » de Philippe Muray ne me sert pas vraiment car les programmateurs soit ne le connaissent pas, soit sont réticents. J’ai vraiment envie de continuer à développer ce spectacle dans lequel je me sens bien, même si je travaille déjà sur d’autres choses. Dans une optique plutôt « théâtre » je suis moins assujetti à l’actualité du disque. D’autant plus que Muray va en avoir, de l’actualité, puisque son journal va être publié à raison d’un tome tous les 6 mois pendant 3 ans.

 

- Donc vous continuez Muray mais en ajoutant des lectures, c’est cela ? Qu’est-ce que vous pourriez nous dire de cet exercice par rapport à l’interprétation d’une chanson ?

Bertrand Louis : Oui il y a quelques lectures en plus mais pas trop car je ne veux pas que cela devienne trop « intello ». J'aime de plus en plus l'alternance entre la lecture et le chant, même si ce n'est pas du tout évident de passer de l'un à l'autre. Pour la lecture, il faut être beaucoup plus froid et précis à mon avis, si on interprète trop cela devient ridicule. Il y a comme une tension dans la lecture qui peut se résoudre ensuite dans la chanson, ou l'inverse d'ailleurs. En fait, comme je ne parle pas au public, cela permet de remplacer. Et puis je trouve qu'avec une légère mise en scène cela donne un côté un peu moins « frontal » qu'un pur concert chanson. Nous avons aussi rajouté quelques « voix off ».

 

- Tiens, sur le thème du rapport avec le public, vous disiez dans notre précédente interview :

Je me souviens avoir adoré cette attitude du mec [Murat] qui chante ses chansons et n’a pas besoin d’en faire des tonnes à côté. C’était une époque où il y avait pleins de connards autour de moi qui pensaient que si j’étais plus sympa sur scène ou que si je me faisais « coacher », cela marcherait mieux pour moi ; son état d’esprit m’avait rassuré.

Le fait est que certains ressortent d’un concert de Murat en pensant qu’il faisait la gueule… et celui-ci souvent se résout à parler (c’est une consigne de sa manager je pense)… alors qu’il a aussi expliqué que cela le faisait « sortir » de son concert*… Monter sur scène implique forcément un compromis, celui d’être là si on n’a pas envie, d’être dans une mise en scène, une communication… Qu’est-ce que vous en pensez en tant qu’artiste et spectateur ?

*il arrive aussi qu’il se lance dans du blabla… pour gagner du temps, avant une chanson dans laquelle il a dû mal à se lancer…

Bertrand Louis : Question délicate que le rapport au public. Je pense que chacun doit faire comme il le sent, qu'il n'y a pas de règles. Ne pas parler et/ou « faire la gueule » ne veut pas forcément dire que l'on est absent. Si l'on va sur scène sans en avoir envie, il vaut mieux changer de métier. D'un autre côté, les chanteurs qui parlent plutôt bien et beaucoup au public peuvent ensuite leur balancer n'importe quelle merde, et ça passe ! Je pense que l'important est de gérer la conduite du concert, peu importe de quelle manière. Bon, c'est un peu flou ce que je suis en train de raconter, là.

Inter-ViOUS ET MURAT- n°17: Bertrand LOUIS, soirée Murat du 21 Février

- Alors, venons-en à cette soirée du 21 Février. Chanter des chansons des autres, est-ce que c’est un exercice que vous affectionnez ? Et chanter du Murat, est-ce un exercice particulier ?

Bertrand Louis : J'avais déjà fait quelques reprises par le passé (Ferré, Gamine, Dréjac-Constantin...) et c'est effectivement quelque chose que j'aime. Je vous avoue, qu'au départ, même si j'étais très flatté qu'on me propose de chanter Murat, j'étais un peu impressionné par l'ampleur de la tâche (une dizaine de reprises !). J'ai mis un peu de temps à trouver mon truc car la plupart de ses chansons sont basées sur un groove plutôt guitare et je voulais les jouer au piano. Mais je pense que j'ai trouvé petit à petit ma manière de les jouer et de les chanter et c'est devenu un vrai plaisir. J'ai en plus découvert de vraies pépites à côté desquelles j'étais un peu passé. Effectivement ce qui est particulier avec Murat, c'est que le texte, le groove et la voix sont très intimement liés et que parfois, enlever un ingrédient fait chanceler l'ensemble.

 

- Ah, oui, j’aime beaucoup la chanson de Gamine. Sans dévoiler la set-liste, qu’est-ce qui a guidé votre choix avec Olivier ?

Bertrand Louis : Nous en avons parlé simplement et nous sommes assez vite tombés d'accord. J'avais envie que cela tourne pas mal autour de Mustango (vous savez pourquoi...) et cela ne l'a pas dérangé. Ensuite, nous avons aussi essayé de reprendre des chansons sur toute la période, des tous débuts à aujourd'hui.

 

- Qu’avez-vous pensé de Babel ?

Bertrand Louis : Pour être franc, je l'ai trouvé un peu touffu à première écoute, mais ce n'est pas forcément un défaut. Et puis j'apprends petit à petit à apprivoiser la bête, titre par titre, surtout que j'ai vraiment envie d'en chanter une chanson le 21 février. Il faudrait que je pousse un peu l'écoute et la réflexion, mais on a comme l'impression d'un nouveau départ (encore!) dans sa discographie.

 

- Un petit mot sur vos dernières collaborations. On parlait du rap la dernière fois, et vous venez de réaliser l’album de NEGROTRIP? Et ANDONI ITURRIOZ ?

Bertrand Louis : Oui effectivement j'ai travaillé sur un EP avec un jeune groupe de rap de mon quartier (enfin du quartier d'à côté), ils en sont à leurs débuts mais je les trouve talentueux. J'ai découvert un univers que je ne connaissais que très peu, finalement. Ils sont marrants car ils m'ont dit qu'ils faisaient une pause dans le rap (déjà!) pour passer leur bac, c'est très sérieux, mais finalement assez réaliste. Un jour, je leur ai fait écouter ma chanson « Lâche-moi tout » pour leur dire que le rap m'influençait également et ils m'ont dit « Ah mais Monsieur vous êtes un bandit ! »...j'étais très flatté. Avec Andoni Iturrioz, c'est déjà le deuxième album que je réalise et l'on s'entend à merveille. J'aime beaucoup travailler avec lui car il n'a aucun code et aucune barrière. Il me dit par exemple : « Là, il faut que ce soit la fin du monde pendant 8 mesures... » et je dois faire avec.

 

- Pour finir, vous avez semble-t-il choisi le silence ces derniers jours, mais avez partagé sur fb le titre FUTUR ÉTERNEL DE SUBSTITUTION. Est-ce que vous souhaitez exprimer vos sentiments sur les événements (ou sur cette chanson)?

Bertrand Louis : Oui le silence est aussi une façon de s'exprimer, de porter le deuil. Je suis effaré par tout ce vacarme. J'ai eu le malheur de traîner un peu trop sur internet et sur les réseaux sociaux ces derniers jours et je suis vraiment lessivé. Je n'ai qu'une envie : dormir pendant 2 mois...et je ne peux pas malheureusement. Il y a quelque chose qui sonne faux dans tout ça.

« Futur éternel de substitution » est une chanson qui peut exprimer ce qui s'est passé dimanche « Nous aurons des journées nationales et mondiales... » et je ne sais pas, je trouve qu'il y a quelque chose d'apaisant à la fin « N'aie pas peur mon amour il restera le jour ». Mais j'ai surtout envie de relire le terrible « Chers djihadistes » écrit par Philippe Muray en 2002 où il conclut par ce retentissant « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus morts. »

Inter-ViOUS ET MURAT- n°17: Bertrand LOUIS, soirée Murat du 21 Février

RAPPEL:

- Maison de la poésie, Mardi 3 Février, 20 heures. Récital autour de SANS MOI

Les infos sur le site officiel: http://www.bertrandlouis.com/ Il reste encore de la place.

- Soirée LIVRE UNPLUGGED, avec www.surjeanlouismurat.com (oui, c'est moi):

Samedi 21 Février

On a eu de la chance: pas de concert de Murat ce soir-là, on ne lui fait pas de concurrence! Avec Bertrand Louis et Olivier Nuc, et avec la participation amicale de Marjolaine Piémont et Antonin Lasseur. Deux duos inédits...au prix de zéro, puisque l'entrée est gratuite... même si vous pouvez consommer au bar, ça nous arrange!

Il est possible de commander des tirages de photos à P. Gressien, qui sera présent. Il les a réalisé lors de l'émission LE RING. Visibles ici (notamment la photo qui figure sur l'affiche).

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Rédigé par Pierrot

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT

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Publié le 7 Janvier 2015

- Dis Pierrot, t'as pas une idée?

- Si... mais pas qu'une...

Voilà comment je me suis retrouvé embarqué dans cette belle aventure de la soirée Murat Livre Unplugged, qui aura lieu le samedi 21 février, à la Bellevilloise à PARIS, et bien que je n'aime pas trop sortir de mon fauteuil, bien calé avec l'ordi sur les genoux (mise à part 2/3 concerts l'an),  j'ai même décidé d'y assister.. même si j'espère qu'on vous permettra de discuter avec d'autres "guests" de l'univers muratien ce soir-là.

Mais à part ça, Pierre Krause, à la question! Dis nous en plus sur les Soirées Livre Unplugged.

 

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Inter-ViOUS ET MURAT copinage: 

PIERRE KRAUSE, co-fondateur de LIVRE UNPLUGGED

 

 

Interview Pierre Krause, soirée Livre Unplugged Murat

C'est quoi l'histoire de "LIVRE UNPLUGGED"?
Avec la journaliste Lauren Malka, nous avons créé ces soirées il y presque trois ans. Cela doit représenter une vingtaine de dates, toutes consacrées à des grands artistes du rock et du jazz. Nous sommes restés fidèles à notre concept de départ : proposer un portrait musical d'une icône à travers un concert de reprises effectuées par un artiste ou un groupe et un biographe qui vient, entre chaque chanson, partager avec le public quelques anecdotes sur ces chansons et sur la vie de l'artiste.
Depuis que nous organisons ces soirées à la Bellevilloise on peut compter sur un public de 100 à 200 personnes environ. Il y a des habitués, acquis à la cause des soirées Livre Unplugged, des gens qui viennent écouter le concert autour de leur artiste préféré et des curieux qui viennent prendre un verre à la Bellevilloise. L'entrée est toujours libre. Tout le monde est welcome.

 

 

Concrètement, à quoi doit on s'attendre 21 février ?
Bertrand Louis et Olivier Nuc vont interpréter une dizaine de chansons de Jean-Louis Murat qu'Olivier Nuc va commenter en les resituant dans leur contexte d'écriture. Ce sera l'occasion de dresser un portrait musical d'un chanteur dont la vie reste assez méconnue.
Ensuite, Antonin Lasseur et Marjolaine Piémont vont interpréter certaines des chansons les plus connues de Murat pour conclure la soirée.
Derrière la scène nous projeterons de nombreuses photos de Murat dont certaines signées Philippe Gressien qui sera présent.

 

 

Quelles sont tes grands souvenirs ou anecdotes autour de ces soirées ?
Mon meilleur souvenir concerne l'artiste dont j'avais peut-être le moins d'affinités. Je ne suis pas un grand amateur de jazz mais on avait décidé avec Lauren de consacrer une soirée à Django Reinhardt. J'ai profité de la soirée comme d'un curieux qui ne connaissait ni l'oeuvre ni la vie de l'artiste en question. Alexis Salatko lui a dressé un sublime portrait magnifié par les chansons de Django interprétées par le groupe Monsieur Jacquet.

Sinon, on a eu l'immense privilège, lors d'une soirée consacrée à Alain Bashung, de voir débarquer dans la salle Jean Fauque en personne. Il avait déjà participé à une soirée autour de Dessous de Songs un livre qu'il avait cosigné chez Ring mais je ne m'imaginais pas qu'il allait venir à cette soirée consacrée à Bashung. Il est non seulement venu en spectateur mais il a également chanté sur scène avec notre guitariste David Scrima. C'était un très beau moment qui a je pense touché chaque personne qui était dans la salle.

 

 

Est-ce que tu as eu l'occasion de parler de Murat avec certains de tes invités?
En préparant une soirée consacrée à David Bowie avec Olivier Nuc, je ne me suis rendu compte que ce dernier était non seulement un grand fan mais aussi un grand connaisseur de l'oeuvre de Murat. Il m'a raconté qu'il était déjà allé quelques jours chez lui et que Murat lui-même lui avait appris à jouer certaines de ses chansons ! L'idée d'une soirée sur le chanteur auvergnat était alors déjà présente dans mon esprit même si je pensais qu'elle était irréalisable.
Un peu plus tard, Olivier Nuc m'a dit qu'il avait organisé un événément très proche du concept des soirées Livre Unplugged avec Florent Marchet avec un concert commenté autour de JLM justement. Ce que Lauren et moi ignorions. Faire une soirée sur Murat avec

lui est une façon de joliment boucler la boucle. Il n'a pas écrit de livres sur Murat mais je n'ai jamais pensé un seul instant faire appel à quelqu'un d'autre que lui.
Je ne pense pas avoir tant parlé de Murat à mes autres invités. Je parle de lui à longueur de journée mais c'est une névrose dont j'essaie de me soigner, notamment en public !

 

 

Alors, t'es un acharné de Murat, pourquoi seulement maintenant une soirée sur lui?

Murat est probablement l'artiste que je connais le mieux, celui que j'écoute le plus, à égalité, peut-être, avec Bob Dylan ou, dans un tout autre registre, Alice Cooper.

On a fait deux soirées sur Dylan, une sur Bashung, une autre sur Neil Young. Pourquoi ne pas avoir abordé Murat plus tôt ? Cela me travaillait depuis que j'organise ces soirées avec Lauren mais je pense qu'on l'organise au bon moment. Magali Brénon a récemment écrit un très beau livre dont l'action gravite autour des terres muratienne. Le journaliste Sébastien Bataille publie une biographie en février et son dernier album, enregistré avec le Delano Orchestra rencontre un énorme succès critique mais aussi un bon succès public semble-t-il.
Il y a une sorte de momentum Murat que l'on compte bien prolonger en février avec notre soirée.

 

 

Personnellement quelle est la période de Murat que tu préfères ? Est-ce que tu imposes certaines chansons à tes invités ?
On ne leur impose rien mais on leur suggère toujours de ne pas faire l'impasse sur les tubes qui peuvent parler aussi bien aux fans qu'aux néophytes et les réunir pour chanter ensemble pendant le concert !
Sinon, c'est vraiment le biographe et le musicien qui décident de tout. L'idée étant de dresser le portrait musical de l'artiste, il est intéressant qu'ils puissent puiser dans toute la discographie de celui-ci, en ne négligeant ni les tubes donc, ni les perles méconnues, ses chansons qui ne sont peut-être connues que d'une poignée de fans mais qui ont changé leurs vies.

 

En ce qui me concerne et pour revenir à Murat, ce sont véritablement ses derniers albums qui me touchent le plus. J'ai découvert Murat à l'époque de Lilith et je ne suis jamais revenu de Parfum d'Acacia au jardin mais l'album qui me bouleverse à chaque écoute ce n'est ni Dolores (quine m'intéresse pas beaucoup), ni Mustango, ni Lilith, c'est le Cours Ordinaire des choses. Je ne dis pas que c'est son meilleur album, ni le plus riche, c'est simplement celui qui me parle le plus. Mais depuis Taormina, je ne suis pas sûr qu'il y ait un seul album qui ne soit pas proche du chef d'oeuvre.

 

 

A qui s'adresse la soirée ? Uniquement aux fans ?
Nos soirées ne s'adressent jamais uniquement aux fans de l'artiste dont il est question. Dans un lieu ouvert comme la Bellevilloise où l'entrée est gratuite, l'idée est de s'adresser aussi bien aux fans qu'aux curieux. Tout le monde qui aime le rock ou le jazz peut se retrouver autour de nos soirées. Quelqu'un qui connaît toutes les anecdotes autour d'un artiste ou d'une chanson, sera intéressé par les reprises originales et live de notre musicien et aura peut être la surprise de découvrir tout de même certains aspects méconnus de l'artiste qu'il connaît tant. Celui qui n'y connaît découvrira aussi bien les chansons que la vie de l'artiste ou d'anecdotes fascinantes.

En ce qui concerne la soirée Murat, je pense que même les réfractaires à son oeuvre peuvent être intéressés par cette soirée tant le personnage, hors norme, fascine.

Je crois également que ceux qui n'apprécient pas ses chansons et qui pensent qu'elles ne s'adressent qu'aux dépressifs notoires vont peut-être avoir quelques surprises. Il faut reconnaître que l'oeuvre de Murat demande une très grande attention. Vous ne pouvez pas l'aimer instantanément quand vous écoutez une de ses chansons à la radio. Il faut au contraire l'apprivoiser, accepter que ses chansons ne sont pas faites pour que l'on danse dessus. Une soirée de reprises de Murat par Olivier Nuc et Bertrand Louis auquel s'ajoute un mini concert bonus d'Antonin Lasseur et Marjolaine Piémont est une occasion en or pour découvrir autrement son oeuvre.

 

 

La première soirée Livre Unplugged de l'année, le mercredi 21 janvier -soit un mois pile avant le concert consacré à Jean-Louis Murat!- sera consacrée aux  Doors et son emblématique chanteur Jim Morrison !

"Pour nous raconter la vie de Mister Mojo Rising, chanteur- chaman pour les Doors mais aussi poète à Paris où il a fini sa vie à 27 ans dans circonstances encore troubles, nous pourrons compter sur scène sur Harold Cobert, auteur du livre "Jim" aux éditions Plon. Harold sera accompagné par les musiciens du groupe From Island et porté par la voix chaude et écorchée de leur chanteuse.
Rendez-vous le mercredi 21 janvier à 20h à la Halle aux Oliviers pour la rentrée rock des soirées Livre Unplugged !
"

 

Pour la soirée MURAT,  le Rendez-vous est:

le samedi 21 février dès 19h30 à la Bellevilloise à Paris. ENTREE GRATUITE.

 

 

Les soirées LIVRE UNPLUGGED:

https://www.facebook.com/livreunplugged

- On a appris il y a quelques semaines qu'Antonin Lasseur assurera la première partie de Murat le 18/03 à Creil.

 

- Bertrand Louis sera lui le 3 FEVRIER, à la MAISON DE LA POESIE, pour jouer son spectacle "SANS MOI". On en reparle bientôt. Son "intervious et Murat" à lire en suivant le lien hypertexte à la ligne au dessus.  Celle d'Olivier NUC : à lire  ici. En attendant leur mise à jour!

 

Interview Pierre Krause, soirée Livre Unplugged Murat

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Rédigé par Pierrot

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT

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Publié le 8 Novembre 2014

Comme toujours, c'est avec fierté que nous vous proposons une nouvelle interview exclusive. Après avoir pu parler de littérature avec Magali Brénon et évoquer le petit monde des médias avec l'ami Olivier Nuc, le blog (grâce à Matthieu qui, depuis sa causerie poiscaille avec Jérôme "No Kill" PIETRI, semble s'être ouvert au plaisir simple de la discussion avec ses semblables...) vous propose cette fois d'aller à la rencontre d'un journaliste-éditeur, BENOIT LAUDIER, l'un des participants à l'ouvrage culte "Le Dictionnaire du ROCK" de Michka Assayas (auquel a également collaboré Sébastien Bataille, futur biographe de qui vous savez...). L'occasion de visiter les coulisses de ce genre d'ouvrages... mais surtout, Benoit Laudier nous livre un avis parfois surprenant sur l'oeuvre de Murat.

 - Merci Matthieu pour ce travail.  Et tu éteindras bien en sortant, ok?

 - Yes Sir !

 

 

Initials B.L.

 

     Le point de départ de cette Inter-Vious et Murat, dix-septième du nom, fut une rencontre avec Michka Assayas, en visite au festival Europavox pour promouvoir la nouvelle édition de son Dictionnaire du rock. De cet échange (à écouter ici) découla l'envie d'aller débusquer, derrière les initiales B.L. inscrites au bas de la page 1793, l'auteur de la notice sur Jean-Louis Murat. Moins pour lui chercher des noises en jouant les fans tatillons (mais non, enfin, Murat n'est pas né en 1954 !) que pour mieux faire sa connaissance et lui fournir l'opportunité de réduire un peu de l'inévitable distance requise par un ouvrage à ambition encyclopédique. Nous voici donc en ce morne mois d'août 2014 à questionner (harceler ?) B.L., alias Benoît Laudier, quadragénaire discret, vieux routard du journalisme et directeur de Vagabonde, maison d'édition catégorie poids plume (vingt-deux livres publiés en douze ans), actuellement basée à Senouillac – depuis Saint-Germain-des-Prés, prendre l'autoroute du Soleil, direction Toulouse...
     C'est Laudier qui a fondé Vagabonde, en compagnie de son frère et de deux vieux amis, tous les quatre formant selon lui une
"sorte d'association de saltimbanques, pour ne pas dire de malfaiteurs ou de pirates". Feuilleter le catalogue de Vagabonde – ou mieux : lire les livres qui le composent – suppose d'accepter de transgresser les frontières linguistiques, temporelles et de genres pour un voyage dont le sens (s'il doit y en avoir un) se révélera à la fin (s'il doit y en avoir une). Sur une carte du Tendre esquissée pour tenter de baliser le territoire parcouru figureraient sans doute, entre autres, une bourgade nommée Curiosité (celle qui pousse à combler des lacunes en allant dénicher ce texte adoré devenu introuvable, ou cet autre dont aucune traduction ne nous a jamais pleinement satisfaits, ou encore celui-ci, écrit par un auteur qu'on n'attendait pas dans ce registre...), un lieu-dit Enthousiasme (dans l'élan originel vers un style et/ou un projet, puis à chaque étape du processus éditorial, mené avec application), ainsi qu'une rivière baptisée Fidélité (à une poignée d'auteurs mécontemporains comme au désir d'indépendance initial).
     Alors que la maison publie ces jours-ci un bref récit joliment illustré de Nick Tosches, son directeur fait étape un instant Chez Pierrot, modeste routier fréquenté par une poignée d'adorateurs de JLM jamais rassasiés, histoire de nous narrer ses pérégrinations éditoriales, ses allers-retours en terres muratiennes ou ses flâneries entre musique et littérature.

Inter-ViOUS ET MURAT N°17 : BENOIT LAUDIER

- Bonjour Benoît. Pour commencer, pouvez-vous retracer en quelques mots votre trajectoire professionnelle ?

- Si vous souhaitez quelques faits "marquants", cette "trajectoire" s'inscrit surtout entre l'édition et le journalisme (reporter, secrétaire de rédaction, rédacteur en chef de Chronic'art de 1997 à 2001), des éditions Gallimard à Larousse, des Inrocks au Figaro magazine et à Mouvement.

- Vu de loin, Les Inrocks et Le Fig mag semblent deux journaux assez hermétiques l'un à l'autre au niveau idéologique. Un tel transfert est-il mieux admis lorsqu'on est journaliste culturel ? Et implique-t-il nécessairement un sévère virage à droite, politiquement parlant ?

- Aucunement en ce qui me concerne. En ce sens, je ne pense pas être un "animal" politique : on rencontre des femmes et des hommes qui proposent du travail – ou pas – et on est libre de l'accepter – ou pas. Somme toute, effectivement, dans le domaine "culturel", on n'est moins exposé et déterminé à commenter l'actualité politique...

- Votre rapport au politique passerait donc avant tout par l'esthétique... Vous pouvez nous en dire un mot ? Y a-t-il des figures dans la littérature ou l'histoire qui le résumeraient ?

- Oui, sans aucun doute pour ce qui nous concerne ici, le rock, la pop, etc. participent aussi de liens entre personnes vivant dans la cité, parfois très vivaces et "solidaires" en termes d’échanges ou via les "réseaux sociaux" : quoi de mieux que s’enthousiasmer pour un disque, par exemple, et le faire savoir à d’autres ? En ce sens je suis bien sûr "politisé", aimant retrouver certains lieux (salles de concert, bars, etc.). Qui ne le serait pas ? Pour l'esthétique, incontestablement des poètes comme Baudelaire, Ducasse, mais aussi des essayistes et écrivains comme Greil Marcus ou Nick Tosches développent dans leurs écrits une esthétique pas franchement désagréable... puisque allant à rebours des poncifs et même parfois provocante. Ces modèles sont toujours utiles.

- Comment êtes-vous devenu l'un des contributeurs du Dictionnaire du rock ? Et au cours de ce travail, quels sont les articles que vous avez pris le plus de plaisir à écrire, ceux dont vous êtes le plus fier ?

- C'est Michka Assayas qui me l'a demandé. Les articles ? David Bowie, Scott Walker, U2, des artistes et groupes africains, Aphex Twin et d'autres...

Inter-ViOUS ET MURAT N°17 : BENOIT LAUDIER

- Venons-en à Murat : était-ce un choix de votre part d'écrire l'article sur lui ou cela faisait-il partie des devoirs imposés dans le cadre d'un tel ouvrage et pour lesquels il faut bien que quelqu'un se dévoue (sur le mode : "Bon Yves, t'es puni, tu écriras la notice sur Manset. Et toi Benoît, te marre pas, parce que tu me feras celle sur Murat...") ?

- Oui, c'était un choix de ma part. Alors que je travaillais chez un disquaire (boulot d'été) à l'âge de seize ans et demi, j'avais passé l'un de ses disques sur la platine... et il a retenu mon attention. Je crois même avoir ramené le disque à la maison. Il fait partie des très rares auteurs-compositeurs contemporains français que j'ai écoutés, écoute encore (moins régulièrement) et écouterai sans doute encore. Et si j'aime aussi certaines choses chez Manset, il y avait incontestablement plus compétent que moi sur cet artiste pour l’écriture de l’article qui lui est consacré. [NDLR : rédigé au final par Yves Bigot]

- Donc, vous avez seize ans, on doit être grosso modo en 1986, vous travaillez chez un disquaire (lequel ? dans quel coin ?) et vous tombez sur un disque de JLM (lequel ? S'agissait-il de Passions privées ?) : que ressent l'adolescent que vous êtes, au milieu des 80's, en découvrant Murat ?

- Si ma mémoire ne me trahit pas (ni mes papiers d’identité), j'avais bien seize ans (et demi) l’été 86. Ce disquaire s'appelait Monsieur Cotte (est-ce la bonne orthographe ?) à Saint-Raphaël (Var). Oui : Passions privées. Ce que j'ai pu "ressentir"... Impossible précisément de le détailler : ce serait une usurpation d'identité que de me "rappeler" le jeune homme que j'ai été et ce que j'ai bien pu penser de cette première, même deuxième écoute... Mais oui, sans aucun doute, quelque chose m'a accroché : sa voix, les mots, leur organisation, le sens véhiculé par ses chansons...

- Quel était votre environnement culturel de l'époque ? Vers quatorze-quinze-seize ans, vous écoutiez, lisiez, regardiez quoi ?

- J'écoutais les Rolling Stones, les Stranglers, les Jam, mais aussi Prefab Sprout, les Smiths, les Housemartins, et beaucoup de jazz (Coltrane, Davis, Powell, Monk, etc.). Je lisais peu (il y avait quand même le programme scolaire), mais j'ai le souvenir (comme tout le monde) d'avoir été très impressionné par Les chants de Maldoror, Nerval, Baudelaire, les Trois contes de Flaubert, Villiers de l'Isle-Adam, et deux ou trois romans de Balzac, dont Le Cousin Pons et Les Illusions perdues. Rien de plus classique.

- Avant d'entamer cet entretien, vous me confiiez avoir "un peu perdu le fil concernant ses derniers disques". Pouvez-vous nous retracer les grandes phases de votre relation avec JLM ? Après la découverte (que l'on vient d'évoquer), jusqu'à quand continuez-vous à le suivre régulièrement ? Vers quelle(s) période(s) décrochez-vous et pourquoi ?

- Ah, il me semble que j'enchaîne avec Cheyenne autumn puis Le manteau... (qui me plaît moins), puis je "décroche" jusqu'à Mustango, puis Le Moujik..., puis "décroche" de nouveau ces dernières années, vers 2007-2008.

- Reprenons. Vous me dites que Le manteau de pluie vous plaît moins, mais cet album est l'un des deux qui sont cités comme références à la fin de votre article de 2014, l'autre étant Mustango. Je suppose donc que ce choix est celui d'Assayas...

- Je pense que c'est le cas... Ou alors, c'est parce que cet article ayant été écrit pour la première édition, sans doute vers 1998 ou 1999, j'ai tout simplement oublié de demander à Michka s'il pouvait changer de titre d'album comme "album référence".

- Mais ensuite, vous m'indiquez avoir décroché jusqu'à Mustango. Or, dans l'édition de 2001, vous écriviez que Dolorès (qui précède Mustango) était "sans doute son meilleur album à ce jour".

- Je n’ai pas le souvenir d’avoir écrit que Dolorès est "sans doute son meilleur album à ce jour". Ce dictionnaire, comme tout ouvrage collectif, fut légitimement relu et visé (et donc "corrigé-affiné") par Michka Assayas et d’autres personnes. Et c’est très bien ainsi.

- Qu'en est-il alors de Dolorès ? L'avez-vous aimé ? Sans bien vous connaître, j'ai tout de même tendance à penser que certains textes de cet album n'ont pu vous laisser insensible (par exemple, "Perce-neige" ou "Réversibilité", mise en musique du poème de Baudelaire).

- J'ai aimé, à l’époque, la reprise "Réversibilité" effectivement (mais plus pour l'interprétation que pour le "fond sonore"). Et aussi (mais j'étais je crois plutôt "amusé" par cette chanson, comme on peut l’être en écoutant de temps à autre un titre à la radio avec plaisir) "je vis dans la crasse, je suis dégueulasse, et alors je m'en fous..." [NDLR : "Fort Alamo"].

- Étant donné ce que vous nous avez dit sur votre éloignement depuis 2007-2008, je présume que le jugement sur les derniers albums qui clôt votre article ("parmi ses plus belles réussites depuis Mustango") vient d'Assayas. Et vous, rien, vraiment rien ? Votre décrochage est-il dû à un manque de temps ou a-t-il des raisons esthétiques ?

- Avant tout à un manque de temps et sans aucun doute aussi au fait de parcourir bien d'autres univers musicaux-esthétiques. Je veux dire par là qu'incontestablement :
1. Je n'ai pas écouté Grand Lièvre et Toboggan.
2. Le cours ordinaire des choses contient de belles choses (comme c'est souvent le cas pour nombre d'albums : on est vraiment retenu et on se replonge au fil du temps dans quelques titres, pas forcément tout l’album).
3. Vous me rappelez qu'entre Lilith et Le cours..., je me suis bel et bien "absenté". Je les ai écoutés, mais vraisemblablement pas avec la même attention que durant les deux-trois années qui ont précédé,
c’est incontestable.

- Je vais donc être un peu vicieux en vous posant deux questions sur deux disques de cette période. D'abord sur Mockba. Je crois qu'il y a une forme de consensus parmi les amateurs de Murat pour considérer que Mustango et Lilith représentent deux sommets de sa discographie. Les plus tordus d'entre nous s'amusent même à distinguer les Mustanguistes et les Lilithiens. Vous me semblez appartenir nettement au premier de ces deux groupes, puisque j'ai cru comprendre que vous trouviez Lilith un peu trop touffu. Mais le plus surprenant pour moi fut de lire que vous préfériez presque Mockba à Lilith. Comme cet album est souvent négligé, voire déprécié (notamment par ceux qui sont allergiques à Camille et/ou Carla Bruni), pouvez-vous vous arrêter un instant sur lui ?

- Vu comme cela, c'est bien le cas : je suis plus "mustanguien". Mais est-ce à dire/penser que je devrais réécouter avec plus d’attention Lilith ? Sans doute. Oui, je peux m'arrêter sur Mockba si vous le souhaitez : intimité qui lui sied bien / qualité du chant / arrangements souvent très dépouillés. Je dois être "sensible" à cette simplicité/évidence, la distinction par les mots, presque en retrait. Non, je n’ai pas d'allergie particulière à ces dames a priori, même pas d’allergie du tout déclarée à qui que ce soit (un médecin m’en aurait parlé, non ?). Et puis il y a beaucoup d’humour sur "Foulard rouge". Très bon cocktail musique/mots/provocation. J'en garde un bon souvenir.

- Puisque par deux fois déjà vous avez cité Baudelaire comme une lecture importante de votre adolescence, j'aimerais bien vous entendre sur Charles et Léo. Et, plus largement, sur une éventuelle parenté entre Baudelaire et JLM (maniement de la langue, dandysme, antimodernité, etc.).

- Quel adolescent n’a pas été retenu, ne serait-ce qu’un peu, par Baudelaire… Vous voulez dire un effet mimétique chez Murat ? Possible... "Parenté" ? Je ne vois pas : autre temps, autre mœurs, etc. En revanche il est rare, très rare, qu'un contemporain puisse adapter/chanter de tels auteurs, et Murat y arrive : ce n'est pas rien. C'est "dire" (mais à sa place ?) qu'il aime cette chose qui porte le nom de "langue" (française en l'occurrence). "L'examen de minuit", il fallait oser : ce type de récitatif, cet orgue... Idem des plus de dix-douze minutes de "Il est des nuits..." (pour Ferré). Il me semble qu’il n’y a pas grand-monde sur la place pour s’attaquer à cela sans (trop) tomber dans le ridicule.

"L'examen de minuit" : de la maquette (Ferré) à la scène (Murat)...

- Nous parlons là d'albums que vous m'avez dit avoir écoutés avec une moindre "attention". J'imagine qu'on ne réécoute pas toute la discographie d'un artiste avant d'écrire sur lui, qu'on fait confiance à sa mémoire et qu'on utilise ses acquis...

- Personnellement si : je pense m'être toujours astreint (sauf quelques cas de disques "rares" ou introuvables) pour ce Dictionnaire à "tout" écouter. Quasi tout en tout cas. Mais je dois aussi avoir des enthousiasmes réfrénés par la suite, comme il m’arrive de réévaluer d’autres choses.

- Et je présume que la recherche du bon équilibre entre subjectivité et objectivité peut parfois vous amener à écrire qu'un disque est remarquable, même si vous n'y êtes pas très attaché personnellement, non ?

- Non, ça ne m'est jamais arrivé. En revanche, j’ai pu me demander plus d’une fois, rétrospectivement, pourquoi j'ai aimé telle chose (je veux dire vraiment) à un moment et plus vraiment le même titre ou album des mois ou des années après, ce qui doit être aussi le cas pour quelques-uns d’entre nous tout de même.

- Je vous posais cette question en raison de vos écrits passés sur Dolorès. "ces douze petites chroniques cinglantes et éphémères, traversées de fulgurances poétiques, constituent sans doute son meilleur album à ce jour", notiez-vous en 2001... À vous lire aujourd'hui, j'ai le sentiment que non seulement vous vous demandez pourquoi vous avez aimé ce disque à ce point, mais que vous ne vous souvenez même plus l'avoir autant apprécié. C'est amusant – mais il est vrai que l'on parle d'un album paru il y a près de vingt ans. Est-ce que ce genre d'étonnement rétrospectif sur soi et ses propres goûts arrive à tout le monde, comme vous le suggérez ? Oui, sans doute... Plus ou moins... Votre question, au fond, c'est un peu "Que reste-t-il de nos amours ?" Ça ferait un bon sujet de chanson...

- C'est sans doute vrai (et bien vu de votre part). Mais il y aussi le fait que j'apprécie plus et donc "mémorise mieux" (et déjà à l'époque de leur sortie) des titres sur des albums comme Madame Deshoulières ou 1829. L'amour des mots ? Le défi que se lance sur ces disques JLM ? Oui : cela correspond plus à mes attentes et humeurs. Et j'aime sincèrement JLM pour cela : le bon mot à la bonne place et parfois/souvent une belle "humeur/trame" musicale (y compris en duo) suffisent à mes yeux à faire de lui quelqu'un tout de même d'assez singulier.

- Quoi ?! Vous aimez 1829 ?? Dans votre article, je lis pourtant : "1829 (2005), adaptation des poèmes de Béranger, gloire oubliée du XIXème siècle, est décevant." Il faut que vous m'expliquiez...

- Là, je suis formel : cette phrase n'est pas de moi ! Cela arrive…

- Dans ce cas, faisons simple et parlons de cet album. D'autant qu'au-delà de celui-ci, je crois remarquer que vous êtes souvent sensible à ces projets poétiques et parallèles sur lesquels Murat chante d'autres mots que les siens : Madame Deshoulières, Charles et Léo, 1829... C'est un hasard ou vous y voyez quelque chose de plus profond ?

- Vous avez raison : il est tout à fait vraisemblable que j'y voie quelque chose de "profond", JLM doit être un très bon lecteur et un amoureux de la langue française – contrairement à pas mal des "zèbres" qui inondent les ondes. Il est l'un des rares selon moi à tout de même se préoccuper du sens de ce qu'il chante. 1829 ? "fraîcheur" des textes (mon intérêt toujours vif pour des poètes tels que Corbières ou Laforgue par exemple – plus tardifs, c'est vrai), mélodies très dépouillées (simplissimes même), juste ce qu'il faut dans une voix qui ne porte pas, très en retrait. En somme, je l'ai toujours bien aimé dans ce type de registre : le récitatif.

- Tout à l'heure, vous disiez "parcourir bien d'autres univers musicaux-esthétiques". Je crois que vous aimez les voyages. Pouvez-vous nous dire un mot de la place qu'ils occupent dans votre vie ? Ces "autres univers musicaux-esthétiques" que vous arpentez sont-ils liés à vos vagabondages ?

- Cela m'est arrivé, oui, de "partir" de ce territoire : quoi de plus normal quand on travaille pour partie comme journaliste-reporter plus de quinze ans ? Et c'est toujours le cas, quand cela m'est possible – certes : je ne reste jamais douze mois d'affilée en France. En fait j'ai notamment eu l'occasion d’effectuer des reportages dans des pays africains (Mauritanie, Niger, Mali), au Maroc, ou en Asie (Japon, Vietnam, Cambodge), Madagascar plus récemment... Et ce fut l'occasion (ces voyages laissant un peu de "temps libre") de connaître des lieux, d’entendre des musiciens/groupes, etc. Ils participent d'une culture universelle mais ont souvent, du fait de leur propre culture, des pratiques plus directes, voire enthousiastes du chant et de la musique, plus ancrées dans le quotidien en tout cas et se passant de tout "commentaire" : on joue, on chante parce que cela est en lien direct avec la vie, une de ses composantes. Et puis il est souvent remarquable d'entendre/voir un tel degré de technicité chez la plupart, y compris les plus jeunes, comme si la musique était inscrite en eux dès le plus jeune âge, corps et âme.

- Avez-vous un souvenir qui vous vient à l'esprit, là, spontanément, d'un moment de découverte musicale qui vous aurait particulièrement marqué lors d'un de ces voyages : un lieu, une atmosphère, un groupe... Histoire d'avoir un petit instantané...

- Un souvenir ? En bas de la crête du pays dogon, d'où je revenais, avant qu'ils ne partent pour un festival itinérant couvrant plusieurs pays, la découverte de Tinariwen. Au Cambodge, un joueur de vielle dont j'ai oublié le nom, dans un bar de Sihanoukville : avec son seul instrument (et un peu de voix) il sonnait comme un orchestre à lui seul !

- Rapprochons-nous de votre activité d'éditeur en évoquant vos travaux pour d'autres maisons, sans perdre le lien avec Murat. À la fin des années 90, vous avez contribué pour Larousse à la conception d'une anthologie de poésie populaire française. Dans la partie consacrée à la poésie d'après 1945, on trouve sans surprise des pièces de Char, Prévert, Aragon ou Jaccottet, mais aussi des textes de chansons : deux de Gainsbourg, un de Brel, un de Ferré et... un de Murat, "L'ange déchu". On aurait pu s'attendre à trouver, du côté des classiques, Brassens ou Barbara, du côté des plus modernes, Roda-Gil, Bergman ou Manset. Mais non, Murat. Étonnant, non ?

- Cela a été le cas, en termes de propositions : Brassens sûr, Manset sûr, Barbara et Ferré sûr... Mais la pagination du livre, la décision du directeur de collection (on enlève quelque chose ; on rajoute autre chose) en ont décidé autrement. Et je n'étais pas là pour le "final cut" – mon travail ayant été terminé avant.

Inter-ViOUS ET MURAT N°17 : BENOIT LAUDIER

- Maintenant que vous êtes éditeur à part entière, que vous publiez de la littérature, vous semble-t-il toujours que Murat puisse être qualifié de poète ?

- Il me semble que la meilleure réponse à cette question est toujours celle de Bob Dylan : non, les auteurs-compositeurs ne sont pas à proprement parler des poètes – c'est un ensemble musique/paroles qui fait que, parfois, des éléments poétiques se dégagent, ou que l'on peut (mais trop vite ?) assimiler un texte à un poème. Maintenant, dans de très rares cas, ces frontières n’étant pas vraiment hermétiques... il est vraisemblable que quelques textes "tiennent tout seul" et qu’on puisse les considérer comme des poèmes à part entière. À chacun d’en décider.

- Toujours pour Larousse, vous avez participé à un dictionnaire de la contestation intitulé Le siècle rebelle. Ce qui m'inspire cette question bête : à vos yeux, Murat peut-il être qualifié de rebelle ?

- À mon sens, non. Mais c'est à lui qu'il faudrait poser la question. C'est quelqu'un de beaucoup plus simple et direct que cela, il me semble, et peu sensible aux dogmes et aux idéologies.

- Vous qui saluez dans cet ouvrage l'indépendance d'esprit d'un Dominique de Roux, que pensez-vous du Murat médiatique : celui qui critique politiciens et journalistes, qui égratigne régulièrement ses collègues de travail et les maisons de disques, qui n'hésite pas à provoquer et à aller contre l'air du temps, au risque du dérapage ? Au-delà de telle ou telle déclaration ponctuelle qui fait le buzz sur le net – et fait fuir dans le même temps une partie de son public potentiel –, quel regard portez-vous sur sa manière, cette façon d'ériger la contradiction/provocation en geste esthético-politique ?

- Je ne connais que trop peu le "Murat médiatique". J'ai ceci dit le souvenir d'une "sortie" de sa part sur l'amateurisme de sa "profession" qui m'avait fait jubiler [NDLR : cf notamment dans Magic] Il a mille fois raisons : trop d'amateurs, partout, quel que soit le métier. Vous m'écrivez "cette façon d'ériger la contradiction/provocation en geste esthético-politique", mais je ne sais pas s'il n'est pas tout simplement comme il aime être, instinctif avec les mots qui lui viennent (et donc parfois les énervements), et non quelqu'un qui "érige" quoi que ce soit... Là aussi, je crois que lui seul peut répondre.

Inter-ViOUS ET MURAT N°17 : BENOIT LAUDIER

- Oui, vous êtes sans doute dans le vrai. Les fans ont parfois la mauvaise habitude de s'exprimer à la place de l'artiste qu'ils chérissent... Prenons un peu de recul en parlant de Vagabonde. Comment naît cette maison ?

- Vagabonde publie un premier livre en 2002, puis un autre en 2003. Elle naît de manière assez fortuite, comme ça, et parce que à peu près tout le monde dans notre entourage nous disait de ne pas faire d'édition.

- "Comme ça" ? Vraiment ?

- Oui, car nous ne savions pas forcément comment faire (au mieux), sans trop de moyens ni de "livres à venir", et si d'autres projets pourraient voir le jour : mais finalement tout s'est bien enchaîné, et assez vite.

- Interrogé en 2010 par Le Matricule des Anges, vous reveniez sur vos premiers élans éditoriaux en déclarant : "À ce jour, je n'ai pas trouvé d'explication à mon geste." Quatre ans plus tard, avez-vous enfin trouvé ? Et quel regard portez-vous sur cette dimension quasiment inconsciente de votre travail d'éditeur – ici presque pulsionnelle ?

- Non, au risque de vous décevoir, je n’ai toujours pas compris ce qui a pu me traverser l’esprit (et je n’y pense jamais – maintenant, c’est là !) pour ce qui est du "allons-y !". Ce n'est pas faux : pour nous, en tout cas pour moi, il doit y avoir un rapport plutôt physique à ce qu'écrivent les auteurs... D'où sans doute cette construction "aléatoire" du catalogue.

- Pouvez-vous nous décrire dans les grandes lignes votre travail d'éditeur depuis le choix d'un texte jusqu'à son lancement dans le public. En gros, le boulot quotidien d'un "petit" éditeur qui a les mains dans le cambouis, ça ressemble à quoi ?

- Le boulot : des personnes écrivent, vous les lisez, vous leur posez des questions, ils se corrigent ou pas eux-mêmes, et on décide ou pas de les publier, alors on décide de travailler ensemble : questions-réponses, questions-réponses… pour mener le texte à son maximum d'intensité, puis on coordonne tout l'aspect technique, plus la partie administrative, etc, etc, etc. Comme toute maison d’édition.

- Et dans le cas des retraductions, est-ce vous et vos associés qui passez commande, parce que vous estimez que tel texte important a été mal traduit par exemple, ou bien des traducteurs insatisfaits vous sollicitent-ils ?

- Je ne peux vous parler que de ce qui est "arrivé". Pour Büchner par exemple, mon frère [NDLR: le comédien et metteur en scène Stéphane Laudier] travaillait avec Claude Régy et un week end, Régy a demandé à son ami Goldschmidt de lui retraduire Lenz pour un atelier avec des élèves comédiens. Mon frère a lu cette version, me l'a transmise et j'ai pris contact avec Goldschmidt. Pour Cavalcanti, c'est Vagabonde qui l'a proposé à Danièle Robert, suite à un certain nombre de lectures annexes et consécutivement, cette interrogation : cette œuvre immense n'a toujours pas été traduite comme il se doit (en rimes !) en France. Alors, faisons-le !

- Pour présenter Vagabonde, vous vous êtes souvent référés à cette phrase : "tous les siècles sont contemporains" (ou à une formule voisine de Pound, "toutes les époques sont contemporaines"). De fait, vous publiez aussi bien des auteurs (biologiquement) vivants que des écrivains (biologiquement) morts, parfois depuis des siècles. Au-delà de la formule qui sonne bien, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette vision, paradoxale au premier abord, du "contemporain" ?

- Les "contemporains" ? Finalement assez peu de choses "contemporaines" me plaisent – c’est comme ça –, surtout en langue française (c’est vous dire aussi mon degré d’ignorance). Comme la "formule" le dit (nous l’espérons) : Cavalcanti est plus contemporain, lisible et stimulant que beaucoup de nos "contemporains" : c'est notre sentiment en tout cas. Ce qui n’empêche pas (bis) la publication de contemporains... C’est même plus de la moitié de notre catalogue jusqu’à présent...

- Il vous arrive de vous sentir plus d'affinités avec un écrivain du Moyen Âge qu'avec des auteurs actuels, je comprends. Mais il me semble que cette phrase implique aussi l'idée que l'on n'écrit pas nécessairement pour son époque, qu'un texte peut ne trouver ses destinataires que bien après sa date de parution. Je pense à ce propos de Murat : "les mots ne crachent pas tout leur sens dans l'époque où ils se meuvent." Ça vous parle ?

- Oui : il me semble aussi que quand un livre est vraiment "bon", donc stimulant et novateur, il peut sans trop de difficultés traverser les âges (faute d’écoute lorsqu’ils paraissent pour certains ?), et même parfois les frontières. Sur le fait qu’il ne soit pas (ou pas suffisamment) entendu à son époque, seuls les lecteurs en décident.

- Avant de devenir vous-même pleinement éditeur, vous aviez décrit l'édition comme une "corporation généralement satisfaite d'elle-même". Vous confirmez ? Et de votre côté, vous êtes satisfait du travail effectué par Vagabonde jusqu'ici ?

- Oui, je confirme... et à la fois c’est moins vrai de nos jours, du fait des difficultés rencontrées par nombre d’entre eux. Ont-ils pour autant regagné un peu plus d'humilité, allez savoir. Si nous sommes "éditeurs" chez Vagabonde, comme beaucoup d’autres amis ou personnes faisant ce métier, c'est que nous avons choisi d'être indépendants et d'assumer pleinement nos choix. Il s’agit d’un métier, pas d’une fonction.

- Vos choix, justement, parlons-en. Y a-t-il un ou deux auteurs de votre catalogue qu'à titre personnel vous aimeriez mettre en avant et éventuellement faire découvrir aux lecteurs du blog ?

- Sans aucun doute Carl Watson, Laszlo Krasznahorkai et Pierre Lafargue. Trois contemporains férocement talentueux et stimulants. Et comme ils savent écrire…

Inter-ViOUS ET MURAT N°17 : BENOIT LAUDIER

- À présent, la question traditionnelle de ces entretiens autour de JLM. Elle est double, basique, mais parfois difficile pour celui qui doit répondre : quel est votre album préféré de Murat ? Et quelles sont vos trois chansons préférées ?

- Album : Mustango. Chansons : "Fort Alamo", "L’almanach amoureux", "Nu dans la crevasse".

- Pour finir, si vous avez eu du mal à vous replacer dans la peau de l'adolescent que vous étiez en 1986, au moment de la découverte de Passions privées, j'espère que vous en aurez moins dans un exercice comparable, mais inverse. Cette fois, nous sommes en 2030 et Michka Assayas a décidé de s'atteler à une troisième édition de son encyclopédie. Il vous a demandé de vous y coller, vous avez hésité, parce que depuis le double rachat par Vagabonde de Gallimard et Grasset, vous êtes très occupé, mais comme Assayas est votre ami depuis quarante ans, vous avez fini par vous laisser convaincre. Vous voici donc parti pour rédiger la notice sur Murat. Pouvez-vous, en exclusivité pour le blog, nous résumer à gros traits ce que vous allez écrire sur les quinze dernières années de sa carrière, entre 2014 et 2030 ? Trouvez-vous que la musique de Murat ait bien vieilli ?

- À condition que JLM ne joue que du jazz et devienne pianiste ! Quelque chose comme ça ? "En s’attelant depuis près de vingt ans à la reprise des plus grands thèmes du jazz du siècle passé, JLM, laissant de plus en plus la part belle aux silences entre deux notes, confirme son statut de classique indémodable : soit la 'grâce efficace'."

*****

     Cet entretien fut réalisé par mail durant l'été 2014 (plus une partie de l'automne 2030 pour la question finale), puis relu et validé par la victime (et son tortionnaire).
     Un très grand merci à Benoît Laudier pour sa disponibilité, son endurance et sa participation active à ces séances bihebdomadaires d'anamnèse sauvage, malgré un emploi du temps très chargé.
     Vagabonde a publié le 7 novembre La première cigarette de Johnny de Nick Tosches, en édition bilingue illustrée par Lise-Marie Moyen (traduction de Héloïse Esquié ; 64 pages ; 14 euros). Pour plus d'informations sur ce livre comme sur le reste du catalogue de l'éditeur, vous êtes invités à voyager sur son site : www.vagabonde.net, ainsi qu'à aller vagabonder sur sa toute jeune page Facebook pour commenter, liker, faire ami-ami et plus si affinités. Les amateurs d'illustrations et curieux de toutes obédiences se rendront également sur le blog de
Lise-Marie Moyen : http://lise-mariemoyen.blogspot.fr/

     Un salut chaleureux au Matricule des Anges et en particulier à Pascal Jourdana, auteur dans le numéro 113 (mai 2010) d'un excellent entretien avec Benoît Laudier qui nous fut d'une aide précieuse pour la préparation du nôtre (la citation de l'introduction en est issue).
     Enfin, un merci spécial à celui qui, en jardinier bienveillant, me laisse semer mes graines ici et là sur son blog, à la manière de ces plantes vagabondes chères à Laudier, j'ai nommé mon éditeur à moi, Pierrot, sans qui rien (me concernant) ne serait possible – ni même envisagé.
   

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Rédigé par M

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT

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Publié le 26 Octobre 2014

 

Retrouvez une interview très intéressante sur le photographe Frank Loriou qui a souvent travaillé avec Murat. Il nous délivre des infos intéressantes sur deux clichés fameux de l'auvergnat:

 

à lire ici http://htl.li/DdABs

 

extraits:

Sur la pochette de Toboggan de Jean Louis Murat par exemple, le vélo lui appartient, c’est une route à coté de chez lui, cette photo reflète un moment de vérité : je passais quelques jours chez lui, je l’ai vu sur son vélo.

 

Certaines sessions avec Jean Louis Murat ont été très belles. Je lui avais apporté mon livre, ça lui a donné envie de rouvrir la maison d’un de ses voisins, une personne très importante pour lui. Il avait racheté cette maison, sans doute dans la volonté de rester « maitre » de cet endroit, de la mémoire de cette personne. Je l’ai vu rouvrir les volets, je l’ai fait asseoir dans la cuisine. Il regardait par la fenêtre, il se passait quelque chose de très très fort. Il me dit « Ça fait 30 ans que je m’assois à cette place, lui à celle-ci, et c’est la première fois que je pose mon regard sur ce qu’il voit par la fenêtre». À la fin du shooting, je lui dis « Il y a un morceau de toi qui m’a particulièrement marqué Accueille-moi paysage », il me répond « C’est étrange, c’est le morceau que j’avais écrit pour ce voisin 2 jours après son décès ». Dans ces moments là, tu as vraiment l’impression de vivre un moment de grâce, de faire quelque chose qui t’échappe complètement.

Retrouvez la photo (pris chez Emile)  dont il parle sur l'article en suivant le lien ci-dessus.

 

L'interview est très bien, et c'est celle dont je rêvais... et qui avait été débutée... Voici donc cette "inter-ViOUS ET MURAT" interrompue  à Mustango (4 questions):

 

 

1) Pour Murat, j’ai retrouvé votre nom pour la pochette de Mustango, celles du maxi CD Polly Jean, de Muragostang… et la série de photos de 2011… Est-ce que c’est bien exhaustif ?
Si oui, pouvez-vous nous raconter l’histoire de cette pochette qui me parait bien représentative de votre style… ou bien des « codes » imposés par les maisons de disque ?

Oui j'ai rencontré jean louis il y a bien des années maintenant, pour la pochette du Mustango sur laquelle Virgin France m'avait demandé de travailler.

j'ai effectivement fait la création des maxis qui ont suivi, polly jean, le mont sans soucis, et le sublime live Muragostang, et le live in Dolorès à partir d'une création et de photos de paul ritter. Mais je n'ai jamais photographié murat à l'époque.

 

Je ne crois pas que cette pochette corresponde à des codes imposés par la maison de disque. au contraire nous sommes allés chercher très loin des pistes graphiques très originales, notamment autour du royaume du mustang, une région fascinante située au nord est du Népal, et qui fut longtemps interdite aux étrangers. Finalement à force d'épure nous nous sommes concentrés sur cet autoportrait de Murat extrêmement simple et brut, comme j'aime. C'est jean-louis qui a trouvé la typo de la pochette, et j'aime particulièrement l'image à l'intérieur où il se roule dans la neige. Et cet album qui est magnifique.

 

 

 

2) Je m'en rends compte que je suis collectionneur de LORIOU (cf photos)... Je suis un peu étonné sur cette référence au Royaume de Mustang... En reste-t-il vraiment
des traces?

Les voies par lesquelles passe la création d'une pochette de disque sont parfois impénétrables ;-)

 

 

3) C'est effectivement la typo qui est très particulière sur cet ensemble, à la limite de la lisibilité dans le livret d'ailleurs... Est-ce elle qui fait l'unité de l'ensemble ou y a-t-il
d'autres éléments?

 

L'équilibre de cette pochette comme de beaucoup d'autres repose sur la rencontre entre des images et des codes typographiques forts, c'est l'alchimie plus ou moins
réussie qui fait l'unité de l'ensemble, ou pa
s

 

 

4) Je parlais de codes (l'artiste en plan rapproché avec le nom à côté) mais tu parles toi plus de "tradition" dans l'interview à pop news.... Cela correspond tout de même
à des impératifs de marketing? (notamment qui expliquerait un peu l'alternance quasi-parfaite chez Murat entre les pochettes où il apparait, et celles "illustratives").

 

Les choix ne sont pas forcément raisonnés en terme de marketing, surtout chez jean-louis murat qui travaille bien plus à l'instinct et en fonction de son inspiration que sur des critères de commercialisation. La pochette Mustango est réalisée à partir d'un autoportrait, comme d'autres depuis ; certaines ont été réalisées à partir de dessins, de photographies mêlées à du graphisme. je crois que pour chacune l'approche a été très libre et correspond plutôt à une recherche de cohérence avec les sources d'inspirations de JLM au moment de la composition.

 

 

Frank Loriou, secrets d'instantanés

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Rédigé par Pierrot

Publié dans #divers- liens-autres, #inter-ViOUS et MURAT

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Publié le 7 Juillet 2014

Voilà enfin la 3e partie de l'interview de Jérôme PIETRI  centrée sur son dernier album.  Murat reste présent... avec une anecdote... et  via le blues... dont Jérôme, comme Murat, parle si bien.  
Dans la  première partie "Jérôme Pietri, 64 ans, édudiant", il  était question de  son parcours, notamment dans SOS, groupe culte auvergnat (à lire ici). La deuxième nous plongeait dans son travail et ses relations avec Jean-Louis Murat, si bien que je lui ai accordé le label "inter-ViOUS ET MURAT" ("comme un loup sur la voie lactée", à lire là). 

Un grand merci à lui et à Matthieu, l'intervieweur.
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JP3 Coope

 


Priez pour nous, pauvres pêcheurs

 

     C'est sur le son d'une batterie pesante et grave que s'ouvre Gone Fishin', avant qu'une voix hargneuse n'entame un hymne individualiste, claironnant son mépris de l'argent-roi. Une quarantaine de minutes plus tard, le disque s'achève dans le dépouillement d'un morceau joué à la guitare National, peinture d'un monde au devenir incertain, moins « global » que « létal ». De pêche, il ne sera donc question sur cet album que dans le titre et la pochette. Pour le reste, son contenu consisterait plutôt en une énumération amère des raisons de s'en aller. Pêcher, justement. John D. VOELKER, Testament d'un pêcheur à la mouche: « Je pêche parce que, dans un monde où les hommes semblent pour la plupart passer leur vie à faire des choses qu’ils détestent, la pêche est pour moi à la fois une inépuisable source de joie et un petit acte de rébellion ; parce que les truites ne mentent ni ne trichent et qu’elles ne se laissent pas acheter ni corrompre ni impressionner par une quelconque démonstration de pouvoir : on ne les gagne qu’à force de qutude, dhumilité et de patience infinie ». La corruption, le mensonge surtout, ceux des politiciens comme ceux des médias, font en effet partie des thèmes de l'album. Ils accompagnent, dans la liste des maux qui donnent au chanteur l'envie de sortir sa canne – ou son fusil, selon l'humeur –, le triomphe de la finance, la marche folle de la mondialisation, l'épuisement professionnel ou les ravages de la pollution. Cette dernière thématique – écologiste – trouve à s'exprimer sur « Like A Chained Dog », belle réussite dans un registre mélancoolique qui reste minoritaire sur un album par ailleurs pêchu et composé d'une bonne moitié de titres entraînants, aux refrains accrocheurs, aux riffs joueurs, produisant un blues-rock bousculé par l'usage des fameuses « home made guitars » que Pietri manie en maître. De cette série de tubes potentiels, on retiendra notamment « The Trader », chanson âpre et mordante, autoportrait d'un roi de la finance au cynisme parfaitement assumé. D'une simple rime – « Cos' it's all for business / Yes I confess » –, le tandem Bourdier/Pietri nous rappelle qu'historiquement, la confession a toujours été liée à l'économie – que l'on songe à la notion de « rachat » des péchés ou à la pratique des indulgences –, mais nous renvoie simultanément à l'actualité la plus brûlante, celle d'un Cahuzac piteux venant révéler sur une chaîne d'information continue sa « part d'ombre », étrange métaphore pour un compte en Suisse... Ce serait donc précisément pour échapper à ce genre d'ombre que Pietri s'en irait, bleus à l'âme et cœur turquoise, taquiner d'autres ombres, à écailles celles-ci. Avant de le laisser go fishin' sur la Dordogne, l'Allier ou, beaucoup plus au nord, sur la Suir (en photo au dos du livret), écoutons-le une dernière fois évoquer pour   www.surjeanlouismurat.com son travail sur ce nouveau disque...

 
JP3 Pochette

 

Si Pietri est avant tout connu et reconnu comme instrumentiste, cela ne signifie pas que Gone Fishin' soit un album de guitariste.

 

Je me suis attaché aux chansons d'abord et c'est la première fois que je m'implique dans l'écriture des textes. Moi, c'était la voix et une guitare. J'écoutais – avec un truc vraiment hyper dépouillé – et il fallait que ça le fasse. Après, le reste, comme je commence à avoir un peu de métier, en toute modestie, j'imaginais « les fleurs au balcon » que je pourrais mettre. Mais il fallait d'abord avoir les fondations. J'ai pas chiadé des solos de guitare, à mon grand désespoir, la plupart des solos qu'il y a sur l'album sont improvisés. J'ai tout fait en 4 jours à Utrecht, donc les chiens ont pas pissé sur les cordes de guitare.

 

Dans la promotion du disque, le musicien met en avant ses instruments faits maison, des guitares bidons. Mais au-delà du côté pittoresque, ce choix semble correspondre à une vraie recherche esthétique.

 

J'ai utilisé beaucoup de  guitares bidons, des trucs dépouillés sur lesquels j'ai flashé y a 4-5 ans. Donc, comme je me retrouvais avec des instruments sommaires sur lesquels il y avait que deux notes et trois sons, au lieu d'utiliser les gros clichés du blues, j'ai cherché des doigtés et c'est difficile, parce que que de notes ! Alors j'ai passé vachement de temps, mais l'intérêt, c'est qu'à la sortie, ce que j'ai trouvé, ça sonnait différemment et qu'il y avait une couleur, c'est ce qui m'intéressait. J'ai toujours l'incorrigible prétention de vouloir faire de la musique, ça j'y peux rien, je changerai jamais.
 

 JP3 Guitare bidon


L'album peut se ranger dans la catégorie blues-rock. Une étiquette à la fois large et floue, qui recouvre ici une démarche cohérente.

 

J'adore le blues des années 30, ça me met les poils ce style-là. Avec les bidons, j'ai essayé de garder ce blues des années 30-40, mais avec plus le « versant africain », où y a qu'un seul accord, même pas les trois, avec des gens que j'ai découverts comme Junior Kimbrough, R. L. Burnside, John Lee Hooker (le plus connu), qui jouent même pas les trois accords, ils restent sur le un, parce qu'ils sont plus près de l'Afrique. Et ça dégage une espèce de magie, je trouve pas les mots, une espèce de transe hypnotique, je trouve qu'il y a un groove et un climat terribles. Et alors après, ça c'est mon vécu, j'ai incorporé à ce truc-là des riffs rock n' roll, qui viennent du blues d'ailleurs – y a plein de riffs dans le blues –, et des mélodies, parce que j'aime les mélodies et qu'il me semble que pour qu'il y ait une bonne chanson, il faut qu'il y ait une bonne mélodie. Et dans ce style parfois, certains trucs, c'est un peu monocorde et si y a pas une mélodie ou un truc qui se passe, ça peut engendrer une certaine lassitude à force. Alors que moi, j'adore qu'il se passe des choses. Le blues, pour moi, ça doit être basé sur les nuances, si y a pas de nuances, c'est pas du blues. Ça doit pouvoir être très fort, plein la gueule, ça doit te coller contre le mur et pas fort du tout. Et puis aussi, très rapide, très lent. Beaucoup de notes, peu de notes...

 

   

Pietri n'a cependant pas toujours été sensible à ce blues primitif qui, lorsqu'il l'a découvert dans sa jeunesse, dans la foulée des groupes de rock qui s'y référaient, lui semblait sonner faux...

   

 

Bizarrement, j'aimais pas les vieux bluesmen noirs à l'époque. Je ne sais pas pourquoi, quand c'est faux, je ne supporte pas, même de très peu, quand c'est faux et pas en place, ça me procure une douleur quasiment physique qui me donne envie de me barrer, comme la craie au tableau. J'ai réécouté, mais des années après, peut-être 20 ans plus tard, où j'étais arrivé, grâce à Murat certainement un peu, à passer le cap du guitariste. Et donc, j'ai réécouté en essayant de faire abstraction des petites imperfections guitaristiques et évidemment, j'ai été séduit par tout le reste qui était le plus important. Aujourd'hui, comme j'ai essayé de travailler tous les styles de blues – je dis bien « essayé » – celui qui me touche le plus émotionnellement, c'est celui des années 30, années 30-40, parce que c'était l'époque la plus dure qu'ils aient vécue – je parle des plus anciens témoignages discographiques qu'on puisse avoir, avant ça devait être encore pire. Leur vie ne tenait qu'à un fil, ils avaient des vies abominables. On voit bien que la vie la plus tragique du plus emblématique de nos pop-stars du rock n' roll, c'est un roman à l'eau de rose à côté, c'est de la rigolade.

 
JP3 Influences

 

Interpréter ce style, pratiqué à l'origine par des musiciens qui étaient tous d'excellents chanteurs, exige une implication vocale qui n'a rien d'évident pour quelqu'un qui s'est mis à chanter sur le tard. Mais il faut reconnaître que Pietri a progressé dans ce domaine : son chant, plus nuancé que sur son premier album, se fait ici tantôt hargneux, tantôt plaintif et presque fragile.

 

Je suis pas un grand chanteur, j'ai beaucoup progressé en 2 ans. J'ai beaucoup travaillé le chant, parce que j'ai chanté mes chansons tous les jours, en m'enregistrant, donc y a pas photo, ça fonctionne. Je l'ai fait pour la guitare et je vois pas pourquoi il aurait pu en être autrement pour la voix, sauf que c'est un boulot que j'avais jamais fait. Au baloche, des fois on me demandait de chanter des trucs, ça me faisait chier parce que j'étais très complexé par ma voix. Ça va beaucoup mieux maintenant, j'y prends du plaisir grâce au travail. Je m'éclate maintenant à chanter.

 

Qui dit chant dit textes. Cette partie est a priori celle qui, en tant qu'auditeur, touche le moins Pietri.

 

Bien que j'aie été en lettres, j'ai jamais été attiré par la littérature. Par la musique, oui. C'est la musique qui me fait bander. Je suis sensible à l'écriture quand je lis des choses bien écrites, je suis sensible au fond, à la forme certaines fois, mais vachement moins qu'à la musique. Je ne sais pas pourquoi, c'est la sensibilité de chaque être humain, on est tous différents. Donc moi, c'est vrai que c'est la musique qui me fait vibrer en premier, bien que je considère nullement que ce que tu racontes soit superflu.

 

Et en effet, les textes de Gone fishin', co-écrits avec Laurent Bourdier (organisateur du Buis Blues Festival, dont la prochaine édition aura lieu fin août en Limousin), ne sont ni bâclés, ni négligeables, loin s'en faut.

 

Bien que je chante en anglais, j'ai pas eu envie de chanter des gros clichetons à la con, comme c'est souvent le cas dans le blues. C'est la première fois que je signe des textes grâce à mon Lolo Bourdier du Buis Blues. On a co-écrit, j'ai trouvé la moitié des titres, « King-Kong on Cocaïne », « Little man », tout ça, et pas mal de refrains, parce que c'est vachement important pour avoir un truc cohérent de trouver en même temps les mots, la mélodie et l'harmonie, c'est ça qui fait les chansons les plus fortes.

 
JP3 Auteur-realisateur

 

À l'exception d'un titre sentimental, pas le meilleur du disque, ces textes sont, comme on l'a vu, très engagés et virulents. Entre chansons d'amour et chansons de révolte, Pietri a donc choisi son camp.

 

Les chansons d'amour, je déteste ça, parce que c'est d'une banalité affligeante. En plus, je trouve qu'il faut être complètement impudique. Moi, je peux pas, je peux pas parler de mes histoires d'amour, ça va pas non, y a que moi que ça regarde.

 

Et dans ce domaine aussi, on retrouve chez le musicien la volonté de pourfendre certaines idées reçues.

 

Le clicheton du blues le plus connu et rigolo, c'est « I woke up this morning, my baby was gone », alors je vais pas chanter ça. Les Français qui chantent ça en français, c'est à mourir de rire, c'est ridicule et pathétique. Y a une image, en France, du blues, qui est très réductrice et très péjorative, c'est un vieux Noir qui chante des truc tristes, chiants à mourir et ringards. C'est pas vrai ! Il faut pas oublier que B. B. King, qui sait à peu près de quoi il parle, s'est insurgé entre autres contre cette définition inexacte et puis stupide du blues et il a dit : « Il ne faut pas oublier que le blues, c'est aussi un cri de révolte et de colère contre l'injustice et l'oppression ». Donc moi, c'est cette définition que j'aime, les chansons d'amour, je m'en tape ! 

 

Révolte et colère, donc, contre un monde et une époque qui donnent au musicien... le blues.

 

Je suis vraiment horrifié par ce qu'est devenu le monde aujourd'hui, à tous les niveaux. Ça a dépassé mes cauchemars les plus fous, vraiment, sincèrement. Je me suis calmé avec l'âge, mais j'ai un côté où je suis révolté par des tas de choses que je vois. Quand je vois les grandes puissances financières de ce monde qui détruisent cette putain de planète en pleine connaissance de cause...

 

Au point de trouver des points communs entre l'époque des bluesmen du Delta et la nôtre...

 

À l'époque, la vie était très dure pour eux, ils étaient traités vraiment comme de la merde et la vie humaine n'avait pas d'importance. Bah je trouve qu'aujourd'hui, paradoxalement, en même temps que l'évolution de la technologie, y a eu une régression de l'humanité et un triomphe de la barbarie. Comme avait dit Philippe Val quand il était encore rédac' chef de Charlie, avant qu'il merde, il avait dit qu'on assistait impuissants à la marche triomphale de la barbarie économique.

 

La pêche apparaît alors comme une réaction de rejet de ce monde. D'où le titre de l'album.

 

Le « Gone Fishin' », c'est un peu « Fuck you ». À part  le rapport que j'ai avec la pêche, la mouche et le blues, qui sont plus qu'une façon de jouer et qu'une façon de pêcher, qui sont aussi des philosophies et des façons de concevoir la vie, avec pas mal de points communs, bah c'est un peu : « Je supporte plus ce monde, vous me faites chier, gone fishin' ». C'est ça l'histoire, sauf que c'est dit de façon plus gentille. C'est aussi une psychothérapie, ça m'évite de devenir fou. Quand j'y vais pas, je suis mal, ça me manque.

J'ai une chanson qui s'appelle « Fishing Day », mais j'ai pas eu le temps de l'enregistrer, j'étais pas content, mais ça va viendre, elle sera sur le prochain.

 

Le titre serait donc une sorte de bras d'honneur adressé à la société. Mais pas seulement. Il semblerait bien que pêche et musique entretiennent une réelle proximité.

 

Ce sont deux domaines qui t'apprennent l'humilité, la patience et le travail, parce que ce sont deux domaines dans lesquels tu dois posséder un minimum de technique pour t'exprimer et qui t'enseignent l'humilité, parce qu'un jour – mais ce ne sont pas malheureusement ces jours les plus fréquents –, un jour tu vas connaître une belle réussite et tu vas te dire : « Super, t'as bien réussi aujourd'hui, mon pote » et le lendemain, tu vas te ramasser la gueule, tu vas te dire : « Putain, mon pote, t'as encore du boulot ».

 
JP3 Jerome pecheur

 

La pêche, c'est aussi l'enfance, puisque Pietri l'a découverte pendant des vacances chez son grand-père, meunier au Trador (sur la commune de Laqueuille). Vers dix ans, comme la guitare.

 

Je fais pas clairement la différence entre les cannes et les guitares. J'ai toujours des bagnoles de merde, parce que je m'en fous, mais j'ai des belles cannes et des belles guitares. 

 

Mais sur ce sujet également, la colère l'emporte sur la nostalgie, au souvenir du ruisseau où, gamin, il pêchait des truites.

 

Quand j'y retourne, toute la nature a été détruite par ce putain de remembrement. Là, maintenant, ça ressemble à rien, la végétation qu'il y avait avant a disparu, faut aller beaucoup plus haut pour la retrouver. Et le ruisseau, c'est plus qu'une rigole polluée. Donc j'peux plus y aller, parce que j'ai envie de me bourrer la gueule jusqu'à ce que mort s'ensuive. Comme disait un mec, il aura suffi de trois générations d'ignorants avides pour détruire nos belles rivières intactes d'avant-guerre. Catastrophique...

 

Les préoccupations écologiques de certains textes ne sont donc pas de la part du chanteur une tentative d'appliquer le greenwashing au blues. Plutôt la conséquence d'un émerveillement initial. Accentué par la pêche, activité qui l'a obligé à ouvrir plus grand ses yeux.

 

Il a fallu que je découvre la faune et la flore des rivières, les invertébrés aquatiques et donc, j'ai halluciné quand j'ai découvert ça. D'ailleurs, Jean-Louis [Murat] se foutait de ma gueule, parce que quand on est partis en tournée, je découvrais ça et donc je regardais, chaque fois qu'on passait au-dessus d'un pont, il me disait : « Tu regardes si ça gobe ?» et je disais : « Eh oui ». Et quand j'ai découvert la vie qu'il pouvait y avoir dans 10 cm3 d'eau (non-polluée évidement, c'est rien de le dire), j'ai halluciné, ça m'a fait le même effet que si j'étais allé sur la planète Mars !

 

Et le chanteur de poursuivre sur une description détaillée de la vie de l'éphémère, depuis sa naissance jusqu'à sa mort...

De Laqueuille à Baltimore, la distance semble loin et l'on pourrait dès lors trouver surprenante la présence sur le disque d'une reprise de « Way Down In The Hole », morceau-générique de la série The Wire , dont il existe déjà plusieurs versions. Mais à y réfléchir à deux fois, le monde corrompu, fou et détraqué décrit sur Gone fishin' n'est pas si éloigné du Baltimore représenté par David Simon.

 

J'avais une dernière compo qu'on a jouée à la Coopé, qui s'appelle « Big Brother Boogie ». Je l'avais terminée, elle était faite, mais je voyais pas comment faire tourner ça tout seul. J'ai préféré la garder pour la faire avec les musiciens. Et je voulais qu'il y ait dix chansons, donc j'ai cherché ce cover, j'ai adoré cette putain de chanson. Je voulais faire un truc que je pouvais faire tourner tout seul. J'adore la chanson et la série, les deux. Finalement, j'ai fait une version entre celle de Steve Earle et celle de Tom Waits, en gros.

 

« Fishing day », « Big Brother Boogie », Pietri aurait donc des chansons en réserve.

 

J'ai de nouvelles chansons en train, j'en ai pas mal, j'en ai 5 ou 6 et cette fois-ci, je les ferai avec les potes musiciens, parce que j'ai envie et que ça commence à me manquer quand même. Et je retournerai enregistrer chez Erik Spanjers, parce que ça s'est tellement bien passé que là, je voudrais bien voir ce que ça donnerait en jouant en vrai, en live, avec des musiciens. Là, ça va chier des bulles. Et puis, on est très potes maintenant.

 

Et par quel moyen croyez-vous qu'un Hollandais et un Auvergnat, tous deux passionnés de blues, aient pu devenir amis ?

 

Je lui avais amené un Saint-Nectaire, il a adoré, il m'a dit « Ouaaaahhh... je vais t'amener du vieux Dutch !». Donc, les journées d'enregistrement, on s'amenait un casse-dalle au stud' (à part un soir où on a été dans un super resto, à la fin, pour fêter le truc), on casse-dallait, c'était boulot, boulot à fond. Y avait un petit coin cuisine dans son stud' et donc c'était fromage à fond. C'était Saint-nec' et vieux Dutch qu'il m'avait amené pour me faire goûter, on se faisait découvrir mutuellement nos produits laitiers, hollandais et auvergnats.

 

Saint-Nectaire... Gouda... What else ?

 

 

M.

 

 

     Gone Fishin' peut être acheté sur les sites de vente en ligne habituels. Le premier album de Jérôme Pietri, Little blues story, dont quelques extraits figurent sur soundcloud , est encore disponible.

On peut également suivre l'actualité de l'artiste sur sa page Facebook : jéromepietri blues

 

 

     Les trois parties de ce dossier consacré à Jérôme Pietri ont été réalisées à partir d'un long entretien qu'il nous a accordé le 2 mai 2014. Le contenu de cette conversation, monté et organisé par nos soins afin de le présenter sous sa forme définitive, a été enregistré sur un dictaphone posé en évidence sur la table, au vu et au su des personnes présentes. Ce qui est bien la moindre des choses, entre gens civilisés...

 

JP3 Dictaphone 3

 

Merci Matthieu.. et on se quitte par ton montage vidéo sur Jérome:

 

En rappelant les dates de concert de Jérôme Pietri:

12 JUILLET 2014 / CHARBONNIERE LES VIEILLES (63)

19 JUILLET 2014 / MONTLUCON (03)

31 JUILLET 2014 / Juke-Joint / LE VERNET (63)

07 AOUT 2014 / Juke-Joint / LE VERNET (63)

14 AOUT 2014 / Juke-Joint / LE VERNET (63)

20 AOUT 2014 / SAINT GENEST D’OLT (12)

 

 

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Rédigé par Pierrot

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT

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Publié le 15 Juin 2014

Voilà la deuxième partie de l'interview-fleuve de Jérôme Pietri par Matthieu. Dans l'épisode précédent, il était question notamment de son parcours musical, ses différents groupes, projets comme on dit maintenant. Vous pourrez lire tout ça ici et ( on  vous a dit). 

 Ce volet 2 remplit  parfaitement les critères de "l'inter-ViOUS ET MURAT", inter-ViOUS type historique, comme  celles de Christophe Pie,  de Stéphane Prin, l'ingénieur du son... et de Michel Zacha, producteur du LP "Murat", ce genre d'interview qui nous glisse dans les coulisses des créations de Jean-Louis Murat. Comme dans celle de Zacha,  nous nous retrouvons à une époque dans laquelle  Jean-Louis n'avait pas encore confiance en son jeu de guitare... 

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 COOPE 2014

Jérôme Pietri,
Comme un loup sous la voie lactée...


Il fut le guitariste de Passions privées, accompagna Jean-Louis Murat en tournée, joua pour Marie Audigier, côtoya Christophe Pie dans Too Bad et Denis Clavaizolle dans l'Hommage à Pink Floyd. Dès les années 1970, il suscitait l'admiration de ce même Denis Clavaizolle et celle d'Alain Bonnefont, tous deux fans de SOS. Autant dire que sans être un muratien du premier cercle, Jérôme Pietri a quelques souvenirs liés à JLM – dont certains qu'il a eu la gentillesse de bien vouloir partager avec www.surjeanlouismurat.com. Qu'il en soit sincèrement remercié.



- Pietri se souvient avoir brièvement fréquenté Murat à l'époque où, après avoir fui la fac de droit, il était allé tenter sa chance en lettres.


"On s'est croisés, on était en fac. Moi, j'avais entendu dire qu'il faisait des trucs à La Bourboule et tout ça. Mais cela dit, on se connaissait très peu. Après, on s'est pas vus pendant pratiquement dix ans".

- La véritable rencontre, humaine et artistique, a donc lieu pendant l'enregistrement du premier album de JLM.

"Le contact s'est fait juste avant Passions privées. Il m'a contacté ou m'a fait contacter par les copains, peut-être Alain Bonnefont, parce qu'il voulait produire son album. Il en avait déjà ras-le-bol des producteurs parisiens et il était arrivé à convaincre les mecs de sa maison de disques de le laisser produire – au sens producer – son prochain album".

- C'est donc Alain Bonnefont, ancien de Clara et bassiste sur ce nouveau projet, qui aurait servi d'intermédiaire.

"Moi, je connaissais Alain Bonnefont depuis très longtemps. J'aime beaucoup Alain, humainement je trouve que c'est un mec d'une gentillesse rare, quelqu'un que j'ai toujours apprécié, que j'apprécie toujours d'ailleurs – même si on se voit pas souvent, parce que c'est la vie, chacun suit son chemin".

Bonnefont


- Le projet intéresse d'emblée Pietri qui voit là une occasion d'élargir son horizon.


"Quand tu dois enregistrer un album pour un artiste qui a une vision déjà déterminée des choses, ce qui était son cas, c'est vachement bien de trouver quelqu'un qui sait ce qu'il veut. Il avait des opinions bien arrêtées qui différaient de celles du commun des mortels et pour pas mal de choses, ça m'a obligé à prendre le contre-pied de certaines idées que j'avais. J'ai trouvé ça vachement enrichissant et j'ai eu envie de faire cet effort. Il m'a semblé intéressant de pénétrer dans sa planète et de comprendre ce qu'il ressentait, ce qu'il voulait entendre lui".

- Pietri considère que JLM l'a amené à se recentrer sur les chansons, à voir plus loin que les seules parties de guitares.

"Jean-Louis a oublié d'être bête, c'est quelqu'un d'extrêmement cultivé et je pense qu'il a fait évoluer ma vision des choses, parce que si je l'avais pas rencontré, je pense que je serais resté... enfin peut-être, je ne sais pas, on ne sait jamais, c'est toujours difficile, mais je me dis que peut-être, j'aurais eu plus de chance d'être guitare, guitare, guitare. Quoique, finalement, je réfléchis, j'ai jamais fait de « masturbation de manche » [expression qu'il utilisait dans Une histoire du rock à Clermont, NDLR], j'ai toujours travaillé beaucoup, parce que je suis convaincu des vertus du travail. Jean-Louis aussi".

- Le goût du travail paraît effectivement rapprocher les deux hommes.

"Le travail, ça c'est un point commun, évidemment. Quand je l'ai rencontré, à l'époque, il avait déjà 800 chansons dans la musette. Pour enregistrer un album, il considérait qu'il fallait qu'il écrive 50 chansons. Il en gardait une dizaine, le reste, poubelle".

- Une production au-dessus de la moyenne facilitée par une certaine discipline de vie, dont Pietri se souvient bien.

"Il bossait comme un malade. Je sais qu'il se levait très tôt, surtout l'hiver, il se levait à 7 ou 6 du mat', parce qu'il se faisait chier l'hiver, et comme ça il prenait de l'avance pour pouvoir profiter un peu du beau temps et de la cambrousse l'été. Donc, il se levait à 6 du mat', il travaillait sur les textes jusqu'à midi-13h00, après il faisait un break une heure pour manger et l'après-midi, de 13h00-13h30 à 19h00-20h00, il bossait sur les textes".


Jerome et pochette



- Les deux musiciens partagent également une même conception de la fabrication d'une chanson.


"Dans sa façon de bosser, il considérait que les arrangements, ça venait en dernier. Je suis d'accord avec lui, parce qu'une bonne chanson, logiquement, elle doit se suffire à elle-même avec voix-guitare, voix-piano, ça doit le faire. Tout le reste, les arrangements – d'ailleurs, c'est une expression que je tiens de lui, il avait des mots comme ça, très poétiques, pour définir les choses – c'est « les fleurs au balcon ». Moi j'adore les fleurs au balcon, ça m'éclate toujours, mais c'est vrai que si y a pas les bases, ça sert à rien. À Riom, il aurait voulu avoir plus de temps, il disait « Ce que je veux, c'est qu'on ait des squelettes, mais des beaux squelettes. » Je suis toujours d'accord avec ça, le plus important c'est d'avoir des bons squelettes, le reste c'est de la branlette. Après, oui, tu habilles le squelette, mais si le squelette est pas bon, c'est mort. Tu peux prendre non seulement un très bon producteur, mais même d'excellents musiciens, si la chanson est mauvaise, si y a pas une bonne mélodie, avec une bonne harmonie – ça peut être très simple – et un truc qui groove, ça sera de la merde".

- De beaux squelettes que Pietri contribue ensuite à habiller. Ou à fleurir, c'est selon. Avec ses aiguilles, son sécateur, mais surtout sa guitare...

"J'étais qu'une seule guitare – il y avait Pascal Mikaelian qui faisait de l'harmo, ça accompagne pas trop – alors c'est vrai qu'à la guitare, quand on faisait tourner les trucs, je pouvais pas trop faire les fleurs au balcon, sinon il aurait manqué les bases, basse-batterie-guitare. Mais les fleurs au bacon, je les ai mises après. Je lui proposais des idées, je lui disais « Tiens, sur tel titre, je verrais bien ça. »

- Le travail en studio doit toutefois s'effectuer dans des limites de temps étroites, ce qui contraint parfois Pietri à puiser dans ses réserves.

"Les arrangements, on aurait eu plus de temps, ça aurait été génial. Moi, je me rappelle, comme il m'honorait de sa confiance en tant qu'instrumentiste, j'étais très touché et les deux semaines d'enregistrement chez Pathé, il m'honorait tellement que je me suis retrouvé avec toutes les parties de guitares à faire le dernier jour. Donc, j'ai fait pratiquement 24 heures de guitares non-stop".


Pietri repetitions


- Ce rythme soutenu n'empêche pourtant pas de travailler dans la bonne humeur.


"L'après-midi, on commençait à bosser vers 13-13h30 à peu près, puis après, jusqu'à minuit, 2-3 du mat', suivant les jours. Et la nuit, il bossait, je sais pas comment il faisait, il arrivait le lendemain et il avait dit « J'ai fait ci, j'ai fait ça ». Il avait une ou deux chansons, mais de base, squelette, avec un couplet, un refrain. Et donc, les après-midi, il était dans une cabine et on essayait tous les rythmes possibles et imaginables, binaires, ternaires et toutes les tonalités. C'était à pisser dans sa culotte, des fois on a hurlé de rire, on s'est roulés sous la console en chialant, parce qu'il était là, il avait un micro dehors, il disait « Do ! », alors on jouait par exemple un truc en do, on faisait tourner. Il faisait « OK, les mecs. Do # ! » et puis on monte en do #. Après, « Ré ! » et on passait les douze notes. Oui, pour voir comment ça sonnait. Parce qu'il y a une magie des tonalités aussi".

- Une manière de faire que Pietri n'a pas oublié dans son propre travail sur Gone fishin'.

"Les titres de l'album, je les ai tous passés dans toutes les tonalités, presque, à un poil près. Et les tempos – ça je l'avais vu avec Murat aussi".

- Les tempos ? Après l'importance d'avoir un bon squelette et celle des tonalités, on retrouve donc la fameuse règle muratienne dite des 3 T – tempo, tonalité, tructure – que Pietri paraît avoir faite sienne.

"Autre truc qu'on a partagé avec Murat, moi je suis persuadé : le tempo, c'est dé-ter-mi-nant ! À un poil près, à un, deux numéros près, c'est déterminant. Parce que ça change non seulement le groove, mais ça change le son. Bizarrement, ça ne sonne plus de la même façon".

- De la tournée qui suit Passions privées, Pietri ne semble conserver que de vagues souvenirs, évoquant néanmoins des « grosses dates ». Seul guitariste, ses possibilités d'improvisation sont limitées. « Si j'arrêtais, il restait basse-batterie. » Il se met alors à fantasmer la présence d'un clavier.

"C'est moi qui lui parlais de Denis, à l'époque de la première tournée, on le connaissait pas, je disais « Putain, ce serait d'enfer... » Moi, c'était très égoïste, je me disais « Si y avait Denis, je pourrais rigoler un peu plus, au lieu de me faire chier à faire tout le temps des pompes ou des arpèges. » J'avais trente balais, j'ai changé".

- Et de fait, Denis entre dans la carrière de Murat dès l'album suivant – Cheyenne Autumn – apportant ses machines avec lui.

"À mon avis, au niveau de la démarche, je pense qu'il a utilisé les machines parce que c'était tellement pratique, il a pas envie de se faire chier avec 12000 trucs, c'est quelqu'un qui aime l'efficacité, Jean-Louis. Il a pas envie d'enculer les mouches, il a envie de faire des chansons. Denis est un excellent musicien, qui maîtrisait très bien les machines, donc il aurait eu tort de s'en priver".

Photo HPF


- On retrouve Jérôme Pietri sur un titre de ce nouvel album, mais entre-temps, l'aventure El Diablo prend fin dans la douleur et Pietri envisage sérieusement de se reconvertir.

"Après El Diablo, je voulais plus entendre parler de blues, j'ai même failli arrêter la musique complètement. Parce qu'on n'était que 3, on s'entendait vachement bien musicalement, humainement, malgré tout ça, ça foire, j'ai dit « J'arrête tout, je laisse tomber, c'est pas la peine ». Et c'est Jean-Louis qui m'a dit « Arrête tes conneries, arrête de te regarder le nombril, tu te bouges le cul ». Sinon, je voulais faire de la lutherie. Murat m'a remonté les bretelles, m'a dit « Viens courir », il m'a amené courir, je lui suis redevable. La course, ça te remet d'aplomb mentalement. Parce que le moral dépend du physique, contrairement à ce qu'on pourrait supposer, et c'est vachement vrai, mais quand t'es jeune, t'en as pas conscience. Jean-Louis était un adepte du footing. On y allait avec Alain régulièrement".

- À peu près à la même époque, il joue donc de la guitare sur un titre de Cheyenne Autumn.

"Il m'a appelé pour faire de la slide sur « L'ange déchu ». J'en avais chié d'ailleurs, parce que je jouais pas beaucoup de slide à l'époque et jouer sur cette harmonie-là, c'était pas facile, donc je m'étais bien fait chier. Mais c'est pas du tout péjoratif, au contraire, j'aime bien me faire chier, parce que ça t'oblige à te dépasser et à découvrir des horizons que t'aurais pas découverts sinon. Il a gardé 3 gouzis à la fin, alors que j'avais joué sur tout le titre. Mais c'est un choix, là il a fait producer : c'est lui qui décide, c'est sa chanson, il produit, c'est lui le patron. C'est normal. Moi je fais mes trucs, c'est moi le patron, c'est comme ça que ça marche".

- S'ensuit assez naturellement une participation aux enregistrements de Marie Audigier, la compagne de Murat à l'époque.

"Marie m'a branché pour faire un truc. J'étais content de le faire, Marie est quelqu'un d'extrêmement gentille et elle m'avait dit « J'veux plein, plein de guitares ». Elle était barrée sur ce groupe anglais, je me rappelle plus, sur lequel il y avait plein de guitares. Alors j'ai bossé plein, plein de guitares".


Les 4 pochettes


- Choix de production oblige, une petite partie seulement de ce travail est retenue. Ce qui n'empêche pas Pietri d'intervenir une nouvelle fois sur Vénus, le temps du « Matelot ». Dans le rôle, qui peut parfois s'avérer ingrat, d'instrumentiste au service de l'artiste
.

"Il m'a appelé à la fin. Là, j'étais allé à Douharesse, je me rappelle. J'étais barré à fond retour blues-rock et donc Denis lui en avait parlé, parce que Denis avait cette idée de moi où, sur la fin de certains trucs, je me barrais dans ce qu'on appelait un solo-fleuve, sans filet, où il se passait plein de trucs. Des fois, j'étais touché par la grâce, des fois pas. Ça arrive. Et il voyait un truc dans cet esprit. J'ai fait ce qui me passait par la tête. Maintenant, je sais pas, ça lui a peut-être pas convenu, parce qu'il m'a gardé quelques petits bouts de trucs à la fin".

- C'est à ce jour la dernière collaboration de Pietri avec Murat. Les années qui suivent sont faites d'un éloignement progressif, pour des raisons difficiles à déterminer. Quelques rencontres occasionnelles, près du Servières ou le temps d'une fondue partagée à Douharesse, des rendez-vous manqués, faute de temps, d'audace ou d'envie, des nouvelles qu'on se transmet, malgré tout, par l'intermédiaire des proches, Christophe Pie ou Sarah Julien, la compagne de Jérôme depuis près de 20 ans, ancienne guitariste de Subway avec qui JLM s'est produit quelquefois. La célébration de l'anniversaire de Passions privées lors de l'édition 2012 de Koloko aurait pu constituer une opportunité pour des retrouvailles.

"Je crois pas qu'il m'ait contacté. S'il l'a fait, c'est peut-être par personne interposée... Je pense pas qu'il m'ait appelé, non... Non, non... Non, je m'en serais souvenu a priori".


Pie et Pietri


- Et le concert annuel donné par Murat au profit de Clermauvargne étant habituellement programmé le samedi, jour où Pietri est souvent sur scène, il regrette de n'avoir jamais pu s'y rendre.  Cette distance avec « Jean-Louis », l'ami, ne l'empêche pas d'avoir un point de vue sur Murat, l'artiste. Sur l'auteur, d'abord, pour lequel Pietri éprouve le plus grand respect.

"Jean-Louis, pour moi, est un vrai poète (sans lui passer de pommade) ce que je ne serai jamais. D'ailleurs, il m'avait branché à un moment, il m'avait dit « Bosse les textes », je lui avais dit « Jean-Louis, arrête, déconne pas ». Je pense que je n'aurai aucun talent dans l'écriture, je peux travailler 150 ans – en supposant que j'arrive à vivre 150 ans – en travaillant tous les jours, je serai jamais bon, parce que ce qui m'intéresse, c'est d'avoir la magie, c'est qu'il y ait l'étincelle. Si je lis un texte de Murat, tu vois, je vais te le dire, « Le col de la Croix-Morand », hein, «comme un lichen gris / sur un flanc de rocher / comme un loup sous la voie lactée / je sens monter en moi / un sentiment profond / d'abandon », tu vois, je m'en souviens, ça fait 25 ans que j'ai pas lu. Quand on a bossé ensemble, il me l'avait fait écouter en premier, je lui avais dit « J'aime vachement, ça sonne assez blues finalement ton truc ». C'était à Pessade, je m'en souviens, qu'il me l'a fait écouter. Jean-Louis est un vrai poète, il a l'étincelle quand il écrit. Ses vers, je m'en souviens, sans musique, je les lis, ça me met les poils. Je lis ses vers, le début de « La Croix-Morand », ça me met les poils. Ça me les a mis il y a 25 ans ou 30 ans, ça me les met aujourd'hui".

- Ses louanges sont logiquement plus tempérées pour le musicien, Pietri ayant à ce niveau quelques compétences à faire valoir...

"Je pense que la différence de perception, c'est que je suis quand même beaucoup, beaucoup guitariste... Il a passé beaucoup plus de temps à écrire que moi et j'ai passé beaucoup plus de temps à travailler la guitare que lui. Pour moi, la musique passe avant le texte et pour lui, je pense que c'est le contraire quand même, ou alors il a changé peut-être".

- On lui parle du retour aux guitares de Murat à la fin des années 90, notamment sous l'influence de Marc Ribot, de la mise en avant par le chanteur de son travail de musicien, lui qui déclarait en 2006 « aimer de plus en plus jouer de la guitare », au point d'affirmer en souriant : « Maintenant, j'ai une vie de guitariste, cela me plaît beaucoup ». Pietri reconnaît qu'il n'a pas suivi en détail le parcours de son vieux camarade.

"Ça fait des années que j'écoute plus que du blues, du rock n' roll et du jazz, ce sont mes trois mamelles. Donc, en toute objectivité, je dois dire que j'ai pas suivi en détail ce qu'il a fait".

- Il n'en a pas moins un regard de professionnel sur les ambitions d'instrumentiste de JLM.

"Il a bien fait de s'accompagner à la guitare, y a des tas de blaireaux qui s'accompagnent à la guitare, il fait le truc largement aussi bien qu'eux, voire mieux. Il est suffisamment musicien pour s'accompagner, il faut quand même bien reconnaître, me semble-t-il, qu'il brille plus par ses talents de songwriter – compositeur aussi, pas seulement poète – que d'instrumentiste. Faut pas déconner, c'est quand même pas Derek Trucks..."

- Certes, et Murat n'a sans doute jamais eu la prétention de rivaliser avec celui que le magazine Rolling Stone classait en 2011 parmi les 20 meilleurs guitaristes de tous les temps, juste entre Neil Young (admiré par Murat) et Freddie King (à qui Pietri rendait hommage sur son premier album, avec le très revigorant « Apologies to Freddie »). Cette évaluation exigeante d'un musicien expérimenté s'achève d'ailleurs avec le sourire, puisque Pietri relève, pour s'en amuser, ce qui pourrait s'apparenter à un croisement.

"Le truc rigolo, c'est que lui, donc, il est devenu plus guitariste à un moment et moi, sur le dernier album, je suis plus songwriter que guitariste paradoxalement, même si je joue de la guitare".

 

(à suivre)

 

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Doit-on dès lors s'attendre à voir Murat crédité comme guitariste sur le prochain disque de Pietri ? Hypothèse évidemment fantaisiste, ce dernier étant suffisamment maître de son instrument pour ne pas avoir besoin de le confier à quelqu'un d'autre. Il n'est en revanche pas interdit de rêver à des retrouvailles entre les deux hommes, guitare en main. Concluons donc cette rencontre par un vœu, précédé d'un souvenir.
« L'ange déchu », on l'aura compris, se termine par quelques accords de slide guitar joués par Pietri, qui ajoute ainsi à ce morceau une couleur blues peu présente à l'époque dans la musique de Murat. Sur le même album, Cheyenne autumn, on peut entendre, en ouverture et en clôture de la plage 11, les pleurs d'un bébé. Le livret nous apprend que ce nourrisson se nomme Yann C. Nous sommes alors à la fin des années 80.
Transportons-nous à présent fin 2013, lors de la soirée de célébration des 50 ans du rock à Clermont. À son arrivée sur la scène de la Coopérative de Mai, Pietri remercie les organisateurs et confie : « Je suis ravi de jouer avec le fils de mon pote Denis, ça me fait drôle. » Il est en effet accompagné ce soir-là, comme tous les participants, par The Elderberries et leur batteur, Yann Clavaizolle. Autrement dit : Yann C. À un quart de siècle de distance, voici donc le vieux bluesman Pietri et le désormais jeune adulte, Yann C., réunis une deuxième fois. Lorsqu'on mentionne ce détail à Pietri, il en rit : « Elle est très bonne. »
Puisque le temps, dans sa souplesse, s'autorise ce genre d'acrobaties, demandons-lui une faveur : qu'il offre un de ces quatre (lors d'un prochain Koloko par exemple, cette soirée se prêtant à toutes les audaces) à Pietri et Murat l'occasion de se retrouver ensemble sur une scène, guitare à la main, ne serait-ce que l'espace d'un titre. Et pourquoi ne pas imaginer derrière eux, pour les booster, le jeune Yann C ? Quant au répertoire, il ne devrait pas être trop difficile à déterminer, puisque les deux hommes ont un certain nombre de goûts musicaux en commun. Le blues, bien sûr, qu'il s'agisse du plus ancien, celui du Delta, pratiqué par John Lee Hooker notamment, ou du blues blanc façon Tony Joe White, mais aussi le blues-rock à la manière d'un groupe comme ZZ Top – le « péché mignon » de Murat – qu'ils ont tous les deux repris chacun de leur côté. ZZ Top, qui avait signé au début des seventies la chanson « Beer Drinkers & Hell Raisers », titre qui, certaines années, résumerait assez bien l'état d'esprit des participants à Koloko, qu'ils se trouvent dans la salle ou sur scène. À bon entendeur... Santé !

M.

 

La suite : partie 3 à lire là

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Merci à M. pour ce gros travail (retranscription, mise en ordre...et la qualité du questionnement), et bien entendu à M. Pietri de nous avoir accordé un peu de temps. Je remercie encore les auteurs des photos ayant été utilisés dans la partie 1 de cette interview.  On se quitte en écoutant un peu de sa guitare sur Passions Privées, avant que vous alliez faire un tour sur  le site officiel de Jérôme Pietri.     Nouvel album: Gone fishin'

 

 une vidéo de la commentatrice Rhiannon:

 

ma vidéo:

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Rédigé par Pierrot

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT

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Publié le 9 Juin 2014

    © Jacques Fournel JFO9417© Jacques Fournel

 

Je vous ai parlé dans un article précédent du livre « Jamais par une telle nuit » de Magali BRENON où l’œuvre et le pays de Jean-Louis Murat tiennent une place importante : on y retrouve ses mots, son territoire (Godivelle, Roches, Guery...) et ses paysages, l'évocation de sa voix...  

Comme à chaque fois qu’un « muratien » fait son outing, une Inter-ViOUS ET MURAT-s'imposait  (même si  j’étais dans mes petits souliers de satin à devoir me frotter à de la littérature… sans parler de mes échecs auprès d’Arnaud Cathrine et d’Olivier Adam). La réponse a été rapide de la part de Magali qui s’est avérée une lectrice de ce blog… et qui de toute évidence  avait envie d’évoquer plus en détail sa passion pour Murat et « son pays sauvage »,  voire même de faire passer un message.  Ce rôle d’intermédiaire, j’aime à penser qu’il n’a parfois pas été vain, et je suis très fier de partager avec vous  cette inter-ViOUS ET MURAT- empreint du style et des sensations de cette auteur.

« Jamais par une telle nuit » est le deuxième livre (après « j’attends Medhi », mars 2009) de Magali BRENON, paru aux éditions « LE MOT ET LE  RESTE ». 

L'interview est illustrée de photographies originales de ©Magali Brénon prises en Auvergne.

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Bonjour Magali

On a partagé les mêmes bancs de concert... mais on ne se connait pas... Vous êtes née à Lyon. C’est un des rares éléments biographiques dont je dispose (une volonté de votre part ?). Puisqu’il s’agit d’une de mes identités également, cela m’intéresse de savoir quel est votre parcours lyonnais.

 

M. BRENON : Il n’y a rien de particulier dans mon histoire qui justifie de figurer dans la bio d’une 4e de couverture. Je suis née à Lyon, en effet, et j’y suis restée jusqu’à l’âge de 19 ans. Je m’y suis beaucoup, beaucoup amusée, mais lorsque j’en suis partie le monde s’est ouvert. Lyon, je l’ai aimée la nuit en voiture pour ses roches illuminées, ses reliefs, sa végétation dense et ses fleuves, ses péniches et ses quais mal famés. Circuler dans Lyon la nuit à 18 ans, en douce, ç’a été pour moi une immense sensation de liberté, une fugue à laquelle j’ai pris goût. Il y a dans cette ville quelque chose d’insidieusement lourd, une morale indécrottable qui m’a toujours pesé et qui me donne une irrépressible envie de fuir. Lyon, c’est une ville que je connais sans plus la connaître, et pour laquelle je n’ai plus aucune curiosité. C’est le nid dont il fallait tomber, et avec lequel il faut garder ses distances. Pourtant c’est ancré en moi, comme la campagne environnante, où je me suis profondément ennuyée petite, où j’ai intensément éprouvé ma solitude, mais qui a inscrit dans mon corps une trace profonde. Ces bois, ces ruisseaux, cette végétation et ces bruits que j’ai découverts en Auvergne lorsque j’ai commencé à écrire Jamais par une telle nuit m’étaient étrangement familiers, j’ai mis du temps à comprendre pourquoi. Ça ressemblait, ça faisait écho à quelque chose de très lointain et de très enfoui, et dont la sensualité fondamentale n’a pu s’exprimer que parce qu’elle m’est apparue ailleurs, en plus grand, en plus beau, de façon différente et pourtant proche. Et, surtout, parce que ces lieux-là, ces volcans, ces collines et vallées, je les avais choisis.

 

 

- Est-ce qu’à l’époque vous découvriez Murat ? (Sans parler du roman pour l’instant, comment avez-vous découvert Murat, et comment avez-vous continué à le suivre : achats/écoute des albums, concerts régulièrement ?)

 

M. BRENON :     Non, j’ai découvert Jean-Louis Murat plus tard, quand j’ai quitté Lyon pour Montpellier. Là, j’ai rencontré un nommé Nicolas qui m’a fait écouter Dolores, sans plus. Quelque temps plus tard, chez un autre Nicolas, celui avec lequel je vis et travaille toujours, j’entends à la radio que la première personne qui appelle pour donner le nom du précédent album de Murat gagnera Mustango. Je savais que c’était Dolores, mais je n’osais pas appeler. C’est donc le second Nicolas qui a téléphoné pour moi, et c’est ainsi qu’en 1999 j’ai gagné Mustango et que je suis devenue monomaniaque, à écouter ça tous les jours en boucle, avec Fantaisie militaire de Bashung et Dummy de Portishead. Ensuite, voilà, j’ai acheté tous les albums que sortait Murat. J’avoue, je les ai tous aimés de façon inconditionnelle. Tous, sauf A bird on a poire et Parfum d’acacia au jardin, qui m’ont d’abord semblé pour l’un trop colonisé par Jennifer Charles, et, pour l’autre, trop colonisé par les images du DVD joint pour que je parvienne à me concentrer sur les textes. Chez Murat, ce sont les textes qui me retiennent, le pouvoir érotique et introspectif des paroles, la musicalité des phrases et, bien sûr, les variations et modulations de la voix, ce qu’elle dit en sons de bouche et de gorge, en chuchotis ou en murmures, dans ses résonances au-delà des mots, dans tout ce qui dévie le sens ou le renforce. Il faut dire aussi que j’ai un rapport particulier à ma propre voix, qui ne sort pas facilement, qui se terre, me résiste, tremble et me réduit parfois au silence, et qu’en conséquence la liberté que peuvent prendre certaines personnes avec la leur m’interroge toujours. Moi, la voix, c’est surtout une voix écrite, relativement silencieuse, même si j’écris à l’oreille et que je me lis à voix haute, tout le temps. C’est drôle, parce que ma découverte de Murat a succédé à celle de Duras. Les deux se sont superposés, tant par la force de leur langue et de leur voix que par l’exploration du désir. Chez Duras, me fascinait tout ce qui se disait des champs illimités et déferlants d’un corps féminin désirant ; chez Murat, me questionnait la façon dont un homme peut désirer le corps d’une femme au point de tout érotiser autour, avec ce truc, n’ayons pas peur des mots, éminemment viril. Et puis, tous les deux, on peut le dire, n’ont jamais lésiné à donner de leur personne pour écrire, à se risquer à formuler au plus près ce qui les traversait. Ils ont mouillé leur chemise. Il y a des phrases de Duras que je n’oublierai jamais. Chez Murat, chaque fois qu’un nouvel album arrive, quelque chose de neuf se grave en moi et vient s’ajouter à ce qui était déjà là ; ça résonne en continu. C’est à Paris que je l’ai vu pour la première fois en concert, pour Taormina me semble-t-il, et c’est là que je me suis mise à acheter tous les albums qui avaient précédé Mustango, les versions live, les disques promotionnels, à chercher les inédits mais aussi et surtout c’est là que j’ai rencontré ses livres. Or mon admiration absolue va à 1451, pour sa version audio d’une extraordinaire poésie et que je crois n’avoir jamais écoutée qu’au casque pour ne rien en perde. C’est un texte existentiel dense et risqué, puissamment érotique. Et puis bien sûr il y a la version vidéo, où l’on retrouve tout l’humour et toute la fantaisie du personnage, que j’adore. Cette façon d’être à la fois engagé corps et âme dans une pratique, acharné au travail sans doute, ridicule et grande gueule ; de savoir rire de soi aussi bien qu’envoyer balader les autres de manière irrésistiblement drôle ; de ne pas se prendre pour n’importe qui et de l’assumer. J’adore ses sorties médiatiques, ce sont toujours pour moi de grands moments d’euphorie. Voilà, je suis une inconditionnelle, c’est clair ? Rien d’étonnant que par la suite je me sois mise à faire 500 km pour aller le voir au Palais idéal du facteur Cheval à Hauterives ou à la Coopérative-de-Mai à Clermont, ni que pour écrire Jamais par une telle nuit je sois allée tourner autour de chez lui, en cercles concentriques plus ou moins larges – sans jamais oser aller frapper à sa porte.

 © Magali Brénon IMG 0661

 

- Sur votre statut d’« inconditionnelle », quelles sont vos relations avec le mot « fan » ? éventuellement avec le mot « muratien »  (qualificatif que je mets à toutes les sauces ... Je me rappelle que l'écrivain résidant à Lyon Laurent Cachard -qui chronique chaque concert de Murat auquel il assiste-  avait refusé lui que je lui accole ces deux termes).  

 

M. BRENON :      Le mot « fan » ne me pose aucun problème, je dis moi-même que je suis une fan absolue de Jean-Louis Murat. Avec ce que je viens de dire et ce qui va suivre, on pourrait difficilement prétendre le contraire. Et puis, ça va, j’aurais pu tourner plus mal. Vous qualifieriez mon livre de « muratien » ? Pourquoi pas. Si dans Murat + ien le suffixe exprime l’idée d’origine, alors Jamais par une telle nuit est indéniablement muratien : c’est de Murat que tout est parti, d’où le titre, emprunté à une phrase de Jim, elle-même empruntée à Keats. Au départ, mon éditeur m’avait commandé un texte de fiction sur JLM. Mais plus j’empruntais du vocabulaire à Murat, plus j’allais tourner autour de chez lui pour établir une cartographie de ses chansons, plus le projet virait de bord. Il a été clair très vite que je n’écrirais pas sur Murat, mais sur un corps dans ses paysages. Qu’à ma façon je mettrais mes pas dans les siens, et ses mots dans les miens. À l’origine, ce livre est donc muratien. D’autant plus muratien qu’il n’est pas inconcevable qu’au début du livre Murat figure pour le personnage féminin une sorte d’amant imaginaire et idéal (les femmes comprendront). À l’arrivée, Jamais par une telle nuit est d’autant moins muratien que le personnage a perdu sa langue en cours de route. Oui, la femme du livre perd sa langue, et avec elle toutes les paroles qu’elle avait empruntées, à Murat notamment. Elle a rencontré un homme et s’en est éprise (les femmes comprendront), et lorsque disparaît cet homme qu’elle aime, elle perd les mots sur lesquels elle s’était construite, ces mots qui habillaient son corps. Cette femme, elle ne peut plus se définir ; elle ne peut plus dire je suis. Privée de sa langue et des mots qu’elle s’était choisis pour se qualifier, elle n’est plus ni la reine des ronces, ni une fille sans crainte, ni une femme ni une fille des rues. Et même Jean-Louis Murat ne peut plus rien pour elle. Pourtant, il lui reste une chose : son corps. Son corps qui est vivant, et qui traverse la perte de l’énigmatique Marcello en essayant de s’inventer une langue nouvelle pour dire tout à la fois l’impossible violence de la perte, et l’impossible violence du désir qui s’en fout et qui s’obstine en ennemi récalcitrant à lui rappeler combien elle a désiré et désire encore cet homme qui s’est volatilisé. Cette femme, plus elle avance – et on peut conclure sur une autre idée qu’exprime le suffixe -ien dans « muratien » : l’appartenance –, cette femme, plus elle avance, donc, et plus il est certain qu’elle n’appartient qu’à une chose : le monde sauvage. Le monde sauvage, il grouille du désir qui persiste et du sens qui s’évide ; c’est le lieu même de l’écriture. C’est ce truc impossible dont il vaut mieux, à mon avis, essayer de faire quelque chose, et dont Murat parle si bien dans Chanter est ma façon d’errer. Alors voilà, il faut dire à Jean-Louis Murat que j’aimerais beaucoup lui appartenir, mais que, sauf contre-information de sa part (auquel cas j’accepte de revoir ma position – les femmes comprendront), comme tout artiste qui se respecte (il comprendra), plus qu’à lui à la manière d’un suffixe, j’appartiens au monde sauvage.

 

 

-Votre éditeur connaissait votre « passion » ?

 

M. BRENON :    Non, pas du tout. Et d’ailleurs à l’époque c’était encore une passion très intériorisée. Quand je suis allée à Marseille signer mon contrat pour mon premier livre, J’attends Mehdi (2009), mon éditeur m’a proposé d’écrire pour sa collection « Solo » un texte de fiction sur un chanteur, un groupe ou un disque qui m’avaient marquée. J’ai tout de suite pensé à Jean-Louis Murat, même si je ne voyais pas du tout comment je pourrais écrire sur cette obsession bien nommée qui était pour moi une personne tout à fait inconnue. Quoi qu’il en soit, mon éditeur me proposait une direction dans laquelle partir et ça me convenait : je lui laissais un texte que j’avais passé quatre ans à écrire mais je repartais avec une idée. Dans les jours qui ont suivi, alors que j’étais en vacances en Ardèche, j’ai décidé d’aller pour la première fois en Auvergne. Ruoms > Rochefort-Montagne. Arrivée à Rochefort-Montagne, le mec chez qui j’avais réservé une chambre me demande ce que je fais là, toute seule. Je lui explique mon projet et il me dit vous devriez le rencontrer. Moi, quand je vivais aux Marquises, Brel était tout près et je n’ai jamais osé aller le voir, je le regrette encore. Ensuite c’est parti tout seul, il m’a parlé très longtemps, de toute sa vie, et je vois encore ses larmes quand il m’a raconté qu’il avait découvert la grotte Chauvet avec Chauvet et Hillaire, mais qu’ensuite ils avaient continué sans lui. Je ne sais pas si c’est vrai mais cette histoire me plaisait. Vous imaginez ? Découvrir la grotte Chauvet ? Pleurer, il y aurait de quoi. Je ne le connaissais pas, je venais juste d’arriver avec mon sac et il pleurait. J’avais dit Jean-Louis Murat et on se retrouvait dans la grotte Chauvet. Il m’a invitée à manger avec sa fille et d’autres personnes qu’il hébergeait, la nuit est tombée et nous sommes tous partis nous baigner dans la source chaude au pied de la taillerie. Cette eau à quarante-deux degrés dans un bloc de béton en pleine nuit c’est encore un événement auquel je ne m’attendais pas. Sur le chemin du retour il m’a dit je vais te montrer la maison de Jean-Louis Murat. Je n’ai même pas eu à demander. Il était tard et il faisait nuit noire en rase campagne, j’étais crevée par mon voyage et ramollie par l’eau de la source, mais il fallait que je me concentre pour localiser dans le paysage inconnu cette maison énigmatique et emblématique qui venait à moi sans que j’aie vraiment eu à le réclamer : il fallait que je puisse y revenir seule par la suite, de jour comme de nuit. J’ai réussi.

 

© Magali Brénon IMG 0701

 

 

- Cela me fait repenser à ce que nous racontait Jeanne Cherhal, partie elle aussi en exploration de Douharesse... Vous ne l’avez jamais rencontré ? J’imagine que le livre lui a été transmis...

 

M. BRENON :    Oui, j’avais lu cette interview et ça m’avait interpellée. Le lendemain de la source, c’est la première chose que j’ai faite : essayer de retrouver sa maison. Sur une carte j’ai repéré le lac du Guéry, et pas loin Douharesse. En voiture, je suis allée jusque devant chez lui. Il y avait une femme dans son jardin, une brune aux cheveux ondulés avec des bottes en caoutchouc, qui avançait vers le portail, donc dans ma direction. Je me suis sentie assez mal, je dois dire, comme la seule fois où je me suis mise tout devant à un concert, et où je pouvais le regarder droit dans les yeux. C’était trop près. D’ailleurs il avait les yeux fermés. La femme de son jardin, on aurait dit celle du clip Au-dedans de toi. Je ne me suis pas arrêtée, j’ai continué et je suis ressortie par l’autre côté du hameau. Qu’est-ce que je cherchais à voir ? Ça ne me regardait pas, sa vie. Je préfère me tenir à distance. Être là, mais à distance, semer des petits trucs par-ci, par-là, un signe de mon passage, une pensée, un rendez-vous à un concert où je serai dans la foule et où il ne me verra pas. Ce sont des points de fiction et de fantasme qui me suffisent. Et puis j’adore faire parler les gens entre Rochefort-Montagne et Orcival, voir l’air suspicieux de la postière à mon égard et apprendre que Jean-Louis Murat c’est souvent sa femme qui vient relever sa boîte postale. Les gens parlent volontiers et j’aime beaucoup les entendre. Il est marié vous savez ? On le voit souvent à la chocolaterie. Il jette des pierres aux vieilles personnes. Moi j’ai fait le château en Lego dans Fort Alamo. Il a changé mais sa femme est bien. Moi de toute façon je préfère Renaud. Oui, oui, ses origines paysannes, d’accord, mais il n’est pas plus paysan que moi. En revanche il est très gentil. Il a une belle voiture. Et puis son fils, et puis sa fille… Et puis ceux chez qui son fils et sa fille sont venus dormir, ceux qui se souviennent du passage de cette chanteuse dont ils ont oublié le nom mais qui était peut-être Mylène Farmer, oui, celle avec les cheveux rouges. Ceux qui trouvent que c’est quelqu’un de bien ou qui me conseillent d’aller faire mes courses chez Shopi parce qu’on l’y voit souvent. Ces anecdotes à la Ginette Ramade ou ces légendes à la Henri Pourrat m’enchantent ; je ne vois pas ce que j’irais faire chez lui. J’ai des photos de sa maison par toutes les saisons, de toutes les couleurs, prises depuis le point de vue de la Tuilière et la Sanadoire. Volets ouverts ; volets fermés. Voiture devant le portail ; pas de voiture. Travaux et bâche verte. Véranda ouverte. Ce n’est pas parce que les volets sont ouverts ou qu’une voiture est garée devant chez lui qu’il est là. Je n’en sais rien et ça me va très bien. Une fois, j’avoue, par une nuit de pleine lune, je suis vraiment allée devant chez lui. J’avais garé ma voiture au bord de la route et cent mètres à droite, etc., j’ai marché sur le chemin dans le bruit des chevaux, des chiens et des vaches, de la campagne qui ne dort jamais tout à fait, comme dans ses chansons. Je me suis assise au pied du réverbère et j’ai regardé le mai de sa femme qui venait d’être élue à Orcival. J’ai fumé des cigarettes et je suis repartie. En 2009, je lui avais envoyé mon premier livre parce que je lui avais déjà emprunté cette phrase, qu’il avait lui-même empruntée pour la faire chanter par une femme d’ailleurs : Never on such a night have lovers met. Je n’ai jamais eu de réponse mais quand j’écoute certaines de ses chansons je me plais à croire qu’il l’a lu. Bien sûr je lui ai aussi envoyé Jamais par une telle nuit, et bien sûr j’espère pouvoir me dire la même chose quand j’écouterai ses prochains albums. Jusque-là, le rencontrer n’était pas fondamental. Mais aujourd’hui j’ai quelque chose à lui proposer. Alors, peut-être, oui.

 

Never on such a night-piscine secrète © Magali Brénon et

                                                                         Never on such a night-piscine secrète © Magali Brénon et Nicolas Tourre

 

 

- Ah, tiens, cette proposition, j’imagine que vous ne nous en direz rien ? Mais je suis obligé de creuser !! Est-ce en rapport avec votre métier d’éditrice, notamment vu ce que vous nous disiez de 1451 ? Même si Murat a dit qu’il n’avait pas assez de suite dans les idées pour passer au « livre », et que vous avez souligné toute la dimension de sa voix, pensez-vous que Murat devrait franchir le pas ?

 

M. BRENON :     Effectivement, je ne vous en dirai rien. Mais en ce qui le concerne, il a déjà franchi le pas du livre à plusieurs reprises, sans abandonner la dimension vocale, et de façon tout à fait cohérente par rapport à sa pratique. Je ne vois pas en quoi Murat n’aurait pas assez de suite dans les idées ; sa carrière de chanteur prouve le contraire. En matière de chanson française, il se pose en tant que résistant. À quoi pense-t-il quand il dit « livre » ? À quelque chose qui serait au-dessus de la chanson ? Pour faire un livre, un vrai livre, il faut du désir, de l’acharnement et de l’intégrité ; je crois qu’il ne lui manque rien. Dans l’édition française c’est la même chose : par endroits – pas partout –, ça sent le renfermé et ça aurait bien besoin de résistance. Face à l’effondrement du marché du livre, peut-être est-il temps que ça décoiffe un peu ? Le consensus, les banques et le marketing finiront par précipiter ce petit monde vers sa perte. C’est le moment d’avoir de l’audace et de faire entendre des voix qui s’adressent aussi à tous ceux qui, croit-on, ne lisent pas. D’ouvrir les fenêtres en grand pour faire entrer du muscle et de l’estomac. Les maisons d’édition sont remplies de gens formidables qui exercent leur métier avec passion et expertise. Ces personnes, qu’elles se mettent au service d’un grand dépoussiérage, et elles éviteront peut-être le naufrage. Personnellement, j’ai confiance. À ma connaissance, quelles que soient les périodes, les vrais artistes n’ont jamais disparu de la surface de la Terre. Ils ont toujours su trouver les moyens de faire entendre leur voix, de contourner le système ou de l’utiliser pour mieux résister. C’est le devoir des éditeurs que de les aider à se faire entendre ; ou alors les artistes se passeront d’eux.

 

 

- Pour en revenir au livre, j’ai été un peu étonné que le nom de Murat ne soit pas cité, ni en avant-propos, ni en dédicace... La question ne s’est pas posée ?

 

M. BRENON :     Absolument pas. Parce que ce n’est pas un livre sur Murat, et parce que je ne lui dois pas tout. En revanche des titres de ses chansons et des paroles sont cités dans le livre, lorsque dans sa chute mon personnage tente de se raccrocher à quelque chose qu’il connaît. Ils sont cités au même titre que les noms de lieux, de fleurs, de cascades, toutes choses qui ont participé à la mise en marche du corps de cette femme et se sont tus avec la disparition de l’homme qu’elle croyait aimer. Tout de même, les allusions à Murat sont très explicites, et j’aurais pu aussi mettre en exergue Fellini, Keats, Shakespeare ou Duras. Les murmures que cette femme entend, le vocabulaire qui la propulse vers cet homme résonnent dans son corps exactement comme des paroles de chansons, en boucle. Comme une voix intérieure ils viennent exprimer sans relâche quelque chose qu’elle ignore mais qui agit son corps et mobilise son désir. Mais non, Murat n’est pas mis en exergue, parce que ce livre n’a à voir avec lui que l’effet de ses paroles et de sa voix dans mon corps à moi. Ses paroles en tant que sonorités. Ce livre, il parle du soulèvement du désir dans un corps de femme et de l’émergence d’une voix qui serait plutôt la mienne. Or la phrase qui m’a semblé le plus juste et le plus synthétique pour dire ça était de Yannick Haenel. Et puisque Le Sens du calme, Cercle et À mon seul désir ont aussi été dans ma vie des découvertes importantes, j’ai choisi une phrase de Haenel.

 

© Magali Brénon IMG 5924

 

- Murat, ses mots, son pays, sont très présents dans la première partie puis à la fin du livre, mais moins dans la narration de l’histoire d’amour. Y a-t-il néanmoins du « Murat » dans le personnage dont la narratrice tombe amoureuse, personnage dont on saura assez peu finalement ?

 

M. BRENON :    Comme je l’ai dit, tout est parti de Murat : je lui ai emprunté du vocabulaire, je suis allée sur les lieux et dans les paysages qu’il nomme ou décrit dans ses chansons. Peu à peu, cela a constitué une sorte de géographie, comme le dit Mohammed Aïssaoui dans son article du Figaro littéraire. Dans cette géographie, un personnage s’est dessiné, un personnage en marche avec son corps désirant, et le paysage est devenu le lieu de ses projections mentales. Toute la première partie, celle du soulèvement du désir dans le corps de cette femme qui marche nue dans le paysage sans savoir vers quoi elle avance ni ce qu’elle cherche est en lien étroit avec Murat et porte la trace de mon écoute forcenée de ses chansons. Mais dès qu’elle comprend que ce désir, qui résonne et chante sans pouvoir se dire, peut s’exprimer par son corps même et non plus seulement par des rêveries fantasmées qu’elle prête à la voix d’amants imaginaires, dès qu’elle aperçoit cet homme qui lui plaît, ce Marcello, alors les murmures muratiens se taisent pour la laisser rejoindre avec son corps cet homme qui vient incarner, croit-elle, l’amant idéal. Là, on change de registre. Car cet homme réel a moins à voir pour elle avec Murat qu’avec l’une des plus belles scènes du cinéma : celle de la fontaine de Trevi dans La Dolce Vita. Très vite les paroles érotiques entendues mais informulées laissent la place au fantasme du latin lover et à toutes les images qu’il véhicule. La langue change et devient plus saccadée, moins évidente. La langue se cherche au même titre que se cherche cette femme soudain confrontée à un inconnu. Cet homme, il n’a rien de muratien. Il vient d’Uruguay, pays qu’elle ne connaît pas mais qu’elle imagine en projetant sur son corps à lui ces images de lagunes et de langues de sable dont il est question dans les guides touristiques. Murat reste à la porte et elle ne s’en plaint pas parce qu’elle est occupée à vivre et à découvrir son corps en regard du corps de cet homme. Murat reste à la porte parce qu’elle quitte le domaine des rêveries poétiques pour se livrer à un amant. Résultat : quand Marcello la laisse tomber, ce vocabulaire muratien et ces mots sur lesquels elle s’était construite ne la définissent plus et elle ne sait plus qui elle est. Sans mots pour la vêtir il ne lui reste plus qu’un corps à nu sans rien pour se dire. Aussi dans sa chute tente-t-elle de se raccrocher à des choses qu’elle connaît, à cette langue qui semblait opérer pour la définir. Elle rappelle à elle les paroles et murmures muratiens qui disaient son être désirant, mais ni Murat ni les paysages d’Auvergne ne peuvent plus rien pour elle. Au lieu de projections sensuelles, la carte sur laquelle elle se déplace alors devient le lieu d’une errance obsédée par le souvenir de cet homme dont l’image revient sans cesse. Des lieux où elle tente de faire passer le temps en marchant et en nageant comme une brute pour apaiser son corps en l’épuisant. Pourtant, à force de cartographier ses mouvements désordonnés, à force de renoncer aux murmures empruntés et aux images des films qu’elle se fait, elle parviendra à redonner à son corps des contours neufs et à faire émerger sa voix à elle, cette voix issue des tréfonds de son histoire et qui pourra moduler au plus près ce qu’elle vient de traverser. C’est un livre plein d’espoir, finalement : ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Du désir et de la douleur d’exister on peut faire quelque chose, il suffit de chercher et d’expérimenter, avec acharnement. On le vérifie chaque jour dans les pratiques artistiques.

 

 

- Sur les pratiques artistiques (on appréciera les photos qui illustrent cette interview), vous travaillez aussi avec votre compagnon Nicolas Tourre, artiste plasticien. Vous étiez même en résidence à Clermont il y a peu. Pouvez-vous nous parler de ce travail ? Est-ce qu’il nourrit votre travail littéraire ?

 

M. BRENON :      Les photos que je prends in situ sont pour moi des photos documentaires. Je ne leur confère pas de valeur artistique en tant que telles. En revanche, il arrive que nous les utilisions avec Nicolas pour en faire des pièces plastiques : nous voyons ensemble comment les traiter, les accrocher, les mêler à autre chose. Il a l’œil ; j’ai la voix. Chacun son moteur et son objet. Mon objet à moi, c’est la voix. Elle m’a d’ailleurs sauvé la vie il y a quelques jours, lors d’une agression. Mes photos, comme mes vidéos, je veux juste qu’elles se focalisent sur ce que je vois et que je dirai plus tard avec des mots. Mon souci, c’est qu’elles soient au plus près de mon écriture. Nicolas, lui, pratique une peinture qui flirte avec la dissolution de ses propres modalités et travaille à la mise en crise de l’image. C’est une peinture qui n’hésite pas à emprunter au volume, au dessin, à la photo ou à la vidéo. Nous avons donc chacun notre pratique, et cette collaboration épisodique est née en 2008 de la nécessité, à un moment où nous étions séparés géographiquement, que circule dans l’écart entre deux lieux et deux personnes quelque chose de la pratique de l’un dans la pratique de l’autre. Le Privilège ambigu de frémir, le projet que nous menons sur 2014 et 2015 à Clermont dans le cadre d’Artistes en résidence, découle de Jamais par une telle nuit. Nous avons proposé à Martial Deflacieux d’interroger les lieux présents dans le livre via ce que serait aujourd’hui le genre historique de la peinture de paysage. Dans notre recherche, nous avons croisé par hasard à Venise la collection de pierres de Roger Caillois. Lorsque, logiquement, j’ai lu L’Écriture des pierres du même Caillois, j’ai été fascinée par la façon dont il se livrait à des projections mentales parfois d’une extrême sensualité sur les images que ces pierres véhiculaient pour lui. Tandis que Nicolas commençait à dessiner des pierres comme autant de morceaux de paysages, j’écrivais des textes à partir des mots constituant une longue phrase empruntée à Caillois. J’avais cherché la définition de chacun des mots dans le Trésor de la langue française, et dans les définitions sélectionné un vocabulaire pour décrire de l’intérieur le mot initial, en donner la teneur et la saveur sans jamais le dire. Cela a donné lieu à des textes poétiques à consonance érotique, qui ont insufflé une résonance organique aux dessins minéraux de Nicolas. Dans mes textes, Nicolas a prélevé des mots ou des phrases qu’il a fait passer dans ses dessins et peintures, au même titre que des photos ou vidéos que j’avais faites et qu’il a intégrées à son travail en les réinterprétant par cadrage, superposition ou détournement. Peu à peu, nous en sommes venus à photographier des peintures dans les paysages d’Auvergne, c’est-à-dire à faire entrer la peinture ou le dessin dans le cadre de la narration du livre. À nous deux, nous abordons l’exposition comme une métaphore articulée de fragments d’images, de matériaux et de procédés témoignant d’une fiction à temporalité instable qui opère une rupture dans la réalité, en même temps qu’elle l’incarne et en précipite le mouvement. Logiquement, la pérennité de l’image vacille, et la fiction apparaît comme ce qui peut se loger dans tout ce qui vient entailler une réalité forcément imaginaire. Bien sûr, cela nourrit et enrichit mon travail littéraire, comme cela nourrit le travail pictural de Nicolas. Entre deux sessions de résidence à Clermont, dans l’intervalle, le travail continue : individuellement comme en binôme. Chacun de nous exploite et développe pour lui ce qui découle de notre travail commun. Vous pouvez jeter un œil au site (www.nicolastourre.com) ou à nos pages facebook.

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                                                             Agenda. Nicolas Tourre/Magali Brénon

 

 

 

 

- Concluons par deux questions rituelles de l’inter-VIOUS ET MURAT:

Vos trois chansons préférées ? L’album ?

 

M. BRENON :    Autant me demander de choisir trois mots dans un livre que j’adore et une définition dans un dictionnaire en 36 volumes ! Difficile. Sans trop réfléchir, disons La Tige d’or, Alexandrie, Extraordinaire voodoo, et n’y pensons plus. Pour ce qui est des albums, en général j’ai toujours une préférence pour le dernier. Mais va pour Le Cours ordinaire des choses, parce qu’il est arrivé après Charles et Léo et Tristan, et que chanter Baudelaire m’a semblé avoir opéré un tournant radical dans l’écriture de Jean-Louis Murat, une densification qui s’est traduite dans les textes de Tristan et qui s’est alliée à l’aspect musical dans Le Cours ordinaire des choses. Il me semble y avoir dans cet album une sorte d’aboutissement qui trouve son prolongement dans Grand lièvre et Toboggan.

 

Gardez-vous en mémoire un concert particulier ? Un souvenir, une anecdote d’un concert ?

 

M. BRENON :    Pour la liesse et la qualité musicale, le concert de Grand lièvre à la Coopérative-de-Mai. Drôle, jouissif, enthousiaste. Belle cohésion avec les musiciens, une joie d’être là tous ensemble qui déchirait. C’est la première fois que je me suis rendu compte à quel point Jean-Louis Murat pouvait arracher en concert. Inoubliable Yes Sir, que j’ai écouté par la suite de nombreuses fois à fond dans ma voiture, pour me donner du courage les jours de grand désarroi. Et puis je crois qu’à la fin du concert sa femme est venue me demander si j’avais aimé. Je ne suis pas sûre que c’était elle, mais il me semble. En tout cas cette idée me plaît. Pour l’anecdote, ce jour-là, je suis tombée en panne une première fois à Bondoufle, en banlieue parisienne, où je suis arrivée je ne sais comment devant un garage qui n’a pas compris comment j’avais pu faire 50 km avec des tuyaux débranchés et des trucs désossés sous le capot. Je ne m’en étais pas aperçue. Ils ont réparé au mieux et au plus vite (j’avais quelque chose de très important à faire ; je ne pouvais pas me permettre de renoncer), et je suis arrivée à la Coopérative-de-Mai cahin-caha. Après le concert et quelques kilomètres de plus, je suis retombée en panne en pleine nuit sur l’A89. Grand moment de solitude. Mais il était impératif que j’arrive au Mont-Dore, où j’avais réservé un lieu pour quelques jours afin d’écrire un nouveau chapitre de mon livre. Cette aventure a donné lieu à « Rouler ». J’aime beaucoup les hasards. Et l’art, plus que la vie, est un espace où l’on peut prendre la liberté de leur donner du sens.

© Magali Brénon IMG 4389 panne coopé  panne  coopé.  ©Magali Brénon

 

 Un grand merci à Magali BRENON pour son implication, et le prêt de son "matériel" photographique documentaire.

Interview réalisée par mails du 15 mai au 08 juin 2014.

Attention:  La fréquentation non-autorisée des hameaux de la commune d'Orcival est une pratique dangereuse, voire interdite, aux risques et périls des personnes. Elle est fortement déconseillée, notamment en période de reproduction, c'est-à-dire tous les jours:  l'animal, s'il est dérangé, peut abandonner sa couvée artistique  quotidienne. (c'était un message de la LPcA: Ligue de  Protection des chanteurs Auvergnats).      

Cette inter-ViOUS ET MURAT ne parlait pas de la crise du marché du disque... mais de celui du livre.

 

 

LE LIEN EN PLUS:

 

- Dans le cadre de la résidence qu'elle fait à Artistes en résidence à Clermont, Magali Brénon invite deux artistes, Valérie du Chéné et Léo Durand, pour l'exposition "L'amicale du dedans au pays des ronds-points naturels". Du 12 juin au 31 juillet 2014, à La Permanence, 7, rue de l'Abbé-Girard, Clermont. Le mercredi de 14 h à 18 h et sur rdv. Vernissage le jeudi 12 juin à 18 h.

 

- Site de l'éditeur:  revue de presse sur "Jamais par une telle nuit" 

 

- Amateurs de poésie, femmes et hommes sensibles... et collectionneurs maniaques de toutes pièces muratiennes,

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Rédigé par Pierrot

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT

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Publié le 7 Juin 2014

Point d'introduction humoristique, non. C'est du sérieux: Matthieu nous propose à nouveau un article de fond et de forme, et au long cours, née d'une rencontre avec une grande personnalité musicale clermontoise, et d'un gros travail d'archives. Nous ne sommes pas dans "l'inter-ViOUS ET MURAT" classique,  et c'est pourquoi j'ai choisi de l'insérer dans la série "Hors-Murat".   Hommage au musicien Jérôme Pietri qui figurait sur l'album Passions Privées, de Jean-Louis Murat.

 

2e partie de l'entretien: autour de sa collaboration avec Murat   et    3e partie:  sur gone fishin'

 

  

Jérôme Pietri, 64 ans, étudiant...

  

Lorsqu'on lui proposa, en fin d'année dernière, un entretien avec www.surjeanlouismurat.com, Jérôme Pietri, guitariste sur Passions privées, accepta immédiatement, le sourire aux lèvres. « Tu vas sur mon site, y a mon numéro. » Quelques mois plus tard, le voici donc attablé dans un bar de Chamalières, en pleine promotion de son nouvel album Gone fishin' (9.99euros!), une semaine après avoir copieusement rempli le club de la Coopérative de Mai. Avant de publier dans les prochains jours un volet centré sur ses souvenirs avec Jean-Louis Murat, puis un autre autour de son disque, tentons d'abord ici de retracer en sa compagnie son parcours de musicien. Portrait-rencontre.

 COOPE 2014

 

Les parents de Jérôme Pietri pourraient être fiers de leur fils, eux qui auraient souhaité qu'il effectue quelques études. Car à près de 65 ans, leur garçon reste animé d'une intarissable soif d'apprendre. En premier lieu, d'apprendre à se connaître. « Je trouve que c'est hyper important de savoir qui on est et de savoir comment on fonctionne. Ça me paraît primordial pour un musicien, comme pour un être humain. » Et dans ce domaine de la connaissance de soi, comme dans ceux de la musique ou de la pêche à la mouche, ses deux grandes passions, l'ampleur de la tâche ne semble pas le rebuter. « Le champ d'investigation est infini, on n'a jamais fini d'apprendre. C'est pour ça que tu peux pas avoir la grosse tête, à part les imbéciles ou les hypocrites, parce que plus tu avances et plus tu t'aperçois que t'es ignorant ou que t'as encore des milliers de choses à apprendre. C'est bandant d'ailleurs, parce que si tu savais tout, tu te ferais chier. » Pourtant, Pietri n'a pas toujours eu le profil de l'étudiant-modèle, ratant une prometteuse carrière d'avocat. D'un cheveu. « J'voulais faire de la musique, parce que j'avais déjà le virus, mais comme j'étais un bon fils, je voulais faire plaisir à mes parents qui étaient très inquiets et qui m'avaient dit, comme beaucoup de parents : "On veut pas t'empêcher de faire la musique, mais ça serait bien que tu aies un diplôme." Le droit, c'est là où il y a le maximum de débouchés, j'me suis dit "O.K., pourquoi pas". J'ai fait du droit en n'ayant aucune idée de ce que c'était et au bout d'un mois, j'faisais une allergie. On était 3 à avoir les cheveux longs, sur 800 mecs. » En cette fin des années 60 où certains jeunes gens écoutent pousser leurs cheveux, dixit un Brel moqueur, quelques centimètres en trop suffisent à vous valoir le qualificatif de pédé. Étrangement, Jérôme ne rencontre pas ce genre de problème chez lui, son père, corse et militaire de carrière, se montrant plutôt tolérant. La preuve que les cons ne s'habillent pas toujours en kaki.

 

 

 

Natif de la région parisienne, auvergnat par sa mère, Pietri a un an lorsqu'il arrive dans la banlieue clermontoise, pas très loin de l'actuelle Baie des Singes, où il donnera son premier concert en solo, cinquante-six ans plus tard. Mais le « virus » de la musique l'avait atteint bien avant.

 

 

Tout commence de façon assez classique par la découverte de ses premiers accords de guitare, vers dix ans, en colonie. Les monos jouent du Ray Charles, il accroche tout de suite. De même qu'à cet instrumental emprunté par Les Champions aux Dakotas, qui le pousse à acheter son premier 45 tours, alors qu'il n'a pas encore l'électrophone pour l'écouter. Dès l'acquisition suivante, un disque des Stones, il franchit la Manche et se jette toutes oreilles ouvertes dans la pop anglaise : Beatles, Yardbirds, Animals, Kinks... Autant de groupes qu'il reprendra au sein de sa première formation, montée au milieu des années 60 avec quelques potes de collège, fans comme lui de ces nouvelles sonorités. À propos des Geminis, La Montagne note en 68 qu'ils « semblent compter de fervents et nombreux supporters parmi la jeunesse clermontoise » et souligne l'« excellent jeu de scène » de leur chanteur, Jean-Marc Millanvoye. Lequel se souvient qu'« Un barman du Globe, notre quartier général avait confectionné un cocktail "Gemini", en hommage à notre popularité. » Une poignée de concerts dans le département, dont une soirée en compagnie des Moody Blues, des fans inconditionnelles étrennant les premières mini-jupes, une incursion dans le rhythm and blues, puis vient l'heure de la séparation, logique, avec la fin du lycée, l'évolution des goûts de chacun et un printemps 68 animé...

 

  GEMINIS

 

Après son brillant passage en droit, toujours soucieux de combler ses parents, Pietri part faire un tour en fac de lettres pour tenter d'y mettre à profit son goût pour les langues. « Mais c'était foutu, je commençais à jouer, je me pointais en fac avec la guitare à 9 du mat', j'avais dormi 4 heures, c'était fini... » Car le jeune homme a déjà entamé un autre cursus, qu'il poursuit encore aujourd'hui, avec l'objectif de comprendre pourquoi, mais pourquoi diable, cette musique lui fait un tel effet. « J'admirais tellement les gens, ça me rendait tellement fou quand j'entendais jouer des mecs... Moi finalement, ce que je cherche, c'est la magie. Donc, pourquoi j'ai beaucoup travaillé, puis je continue dès que j'ai un moment ? Parce que moi aussi je voulais être magicien. Quand j'écoutais tel mec, Hendrix ou Page ou Beck, qui faisait telle note à un moment, et cette note, quand elle arrivait, elle me mettait des poils partout, elle me mettait dans un état indescriptible, je n'ai eu de cesse de comprendre pourquoi. Je voulais connaître ce truc-là aussi. » Concrètement, Pietri passe donc des heures enfermé chez lui à écouter les guitar heroes de l'époque pour tenter de les imiter. « J'étais plus dans un trip stakhanoviste que masturbatoire, je pense. Je voulais être maître de mon instrument et mon idéal, c'était d'arriver à me pointer sur scène et que n'importe quelle idée qui me passe par la tête, vlan ! Que j'aie plus de barrière physique, technique. C'était ça mon but, c'était très égoïste. »

 

La scène, il ne tarde pas à y remonter. Après quelques plans incertains, il crée Contact en 70. Le groupe se consacre au bal, mais privilégie la pop au musette – Alvin Lee plutôt qu'Yvette Horner. Avec toujours un soin particulier apporté au look, en pleine période glam. Pourtant, Pietri ne s'épanouit pas complètement, le répertoire n'est pas assez rock à son goût. Avec Patrick Vacheron et un ancien copain de lycée aussi fou de guitare que lui, il monte en 1973 SOS, formation dans laquelle il restera jusqu'en 82. Une fois encore, si le groupe donne dans le baluche, il ne ressemble pas tout à fait aux orchestres qu'on y entend d'habitude : lorsque Pietri se lance dans d'interminables solos, le public subjugué en oublierait presque de danser. Patrick Foulhoux, fin connaisseur de la scène rock clermontoise, analyse le phénomène : « C’était la première fois qu’on voyait un orchestre de bal qui faisait un concert. Ils voyaient l’orchestre différemment. Mais c’était un groupe, au départ, SOS : ce n’était pas un orchestre. Eux, ils ont vraiment déclenché des vocations. Les gens les ont vus sur scène, ils se sont dit « C’est ce que je veux faire ! » C’est comme aux États-Unis avec Kiss. Tout le monde aux États-Unis adore Kiss : ce sont les Johnny Hallyday américains. C’est la culture populaire américaine. Ben, les Kiss Clermontois, c’est SOS, c’est un peu ça. »

 

Lorsque leur producteur leur joue un mauvais tour qui les laisse sur la paille, ils se réorientent vers un mélange pop-variété qui leur apporte succès et argent. Il faut dire que le groupe est bien emmené pas le fantasque et charismatique Boudu, qui assure la partie variété des concerts en entonnant des couplets tels que : « Je suis le feu-follet / Aux doux mollets / L'amour ne choisit jamais son côté / J'ai de la sympathie / Pour Adonis / Au siècle du culte / Du pénis. »

CONTACT-SOS

L'argent facile permet d'aller acheter ses fringues en Angleterre et ses guitares aux États-Unis, mais provoque des dissensions en interne. « Les groupes, c'est toujours le bordel à un moment ou à un autre et quand il y a du blé en commun, c'est toujours un merdier pas possible. » Des divergences de goûts ou d'ambitions, des contrats juteux loupés, une alchimie moins évidente... Pietri s'en va monter avec deux des autres membres un trio blues-rock texan pratiquant un boogie très inspiré par ZZ Top. Ceux qu'une publicité de l'époque surnomme « les trois killers du rock auvergnat » acquièrent une belle réputation qui dépasse les frontières de la région. Pietri considère aujourd'hui cette expérience comme la plus aboutie de son parcours : « El Diablo, c'était un putain de groupe, c'est le meilleur groupe avec lequel j'ai été, parce que on n'était plus un groupe, on était une entité. Musicalement, on était vraiment une entité et on jouait ensemble. Et ça, le dernier des incultes le sent. T'as la sensation de faire partie d'un rouleau-compresseur qui balaye tout sur son passage. On a des compositions, certaines, qui ont pas vieilli et qui sont des standards. Parce que les bonnes personnes, au bon moment ; la magie des groupes – là, y avait ça. »

EL DIABLO

El Diablo se sépare pourtant en 86, alors qu'un enregistrement en Angleterre était prévu. Son guitariste n'en sort pas indemne. Déçu qu'une pareille aventure humaine s'achève ainsi, il songe à arrêter la musique pour devenir luthier. C'est Jean-Louis Murat, avec qui il joue de temps à autre, qui l'incite à continuer. Pietri réagit alors comme après une histoire d'amour : « Comme quand tu te sépares avec une fille, je voulais plus faire quoi que ce soit qui ait un rapport avec le blues. J'ai tout brûlé, comme avec une gonzesse. » Il intègre donc en 87 une formation originale, au croisement du théâtre et de la musique, où les machines sont très présentes : Jeudi Noir. Stéphane Calipel, son initiateur, se souvient : « Un ami commun m'a conseillé de me rapprocher de Jérôme qui cherchait un chanteur. J'ai hésité, Jérôme Pietri était déjà un musicien réputé, on ne jouait pas dans la même catégorie. Et puis on évoluait dans des styles de musique très différents... D'un autre coté, j'avais besoin de progresser, de faire les choses de façon plus professionnelle. Au final, une belle rencontre ; on a partagé nos passions, échangé nos disques... Je suis reparti avec ZZ Top, Jérôme avec les Cure... On a composé des titres – en français – adopté un look très Film Noir, une belle aventure qui a durée deux ans. J'ai beaucoup d'affection pour Jérôme, c'est un être magique, hors du temps ! » Pietri s'amuse aussi de cette expérience qui l'amène à se renouveler, lui qui revendique fièrement une certaine détestation des machines. « Les machines, j'étais convaincu, je le suis toujours, qu'elles sont là pour aider l'être humain, mais en aucun cas pour se substituer à lui. Le problème, ça a été, déjà dans les années 80, la prépondérance des machines par rapport aux musiciens. Y a eu plein de rythmiques basse-batterie qui se sont retrouvées au chômedu, parce que c'était la mode. Cela dit y a eu des mecs de grand talent qui ont su utiliser les deux, Peter Gabriel par exemple. J'ai utilisé les machines à fond parce que je m'efforce, même actuellement, de pas avoir d'a priori. »

 

Malgré tout, il ne tarde pas à revenir à un style qui le touche davantage, en créant au tournant des années 90 le groupe Too Bad, qui évoluera d'un blues-rock classique vers un blues plus expérimental, flirtant avec le jazz-rock, notamment sous l'influence du batteur Pepou Mangiaracina, successeur de Christophe Pie. Si cette aventure offre à Pietri l'opportunité de devenir chanteur, après le départ prématuré de John Brassett, elle lui réclame beaucoup de travail, pour trouver des dates (mal payées) et assurer l'intermittence. Une période pas toujours rose, y compris sur le plan personnel. L'histoire se termine en 95 et la fin des années 90 semble difficile pour le musicien, qui enchaîne les projets alimentaires. « C'était déjà très, très dur pour la musique. J'ai divorcé, j'avais des mômes, donc je jouais, je jouais tout le temps. J'ai gagné ma vie en jouant de la musique, donc je vais pas pleurer, ça aurait pu être pire. Mais le problème, c'est que tu peux pas faire du travail sérieux de création. Pour que ça fonctionne, pour moi, il faut être dedans tous les jours. »

JEUDI NOIR-TOO BAD

Il retrouve l'enthousiasme dans les années 2000, notamment avec l'Hommage à Pink Floyd monté par Denis Clavaizolle et Yvon Baudy. Il y côtoie entre autres Fabienne Della-Moniqua, jeune chanteuse récemment aperçue sur TF1, où elle s'est fait remarquer précisément en reprenant un titre des Floyd, « A great gig in the sky ». « C'était normal qu'elle leur troue le cul, moi elle m'a troué le cul pendant des années. Chaque fois qu'elle chantait ça, j'avais les poils à côté d'elle. Fabienne, une putain de chanteuse, elle a tout le kit. » Il la retrouvera notamment sur le projet Soulville, qu'il monte et finance lui-même, pour le plaisir. « J'étais sûr que ça le ferait, parce que je suis convaincu que des gens qui maîtrisent leur instrument – ou bien leur voix, pour Fabienne –, y a pas besoin d'enculer les mouches, si ça doit le faire, ça va le faire. Donc, je voulais faire ce truc-là pour me faire plaisir, j'ai pris que des bons que je connaissais, qui avaient jamais joué ensemble et ça a fonctionné. »

HPF-SOULVILLE

 

Mais la décennie 00 est surtout celle du début de sa carrière solo et de son approfondissement d'une musique qu'il n'a au fond jamais cessé de pratiquer, le blues. Sans forcément s'en rendre compte lui-même, Pietri ayant été une sorte de M. Jourdain du blues, dont la prise de conscience s'effectua après un concert d'El Diablo en première partie de Blue Öyster Cult, grâce à des amis de son batteur. « Y en a un, très bon guitariste, plutôt jazz, qui me dit "Putain, t'es vachement blues toi quand même !". Je lui dis : "Ah bon ?" Et en rentrant, deux jours après, je réfléchis : "Qu'est-ce qu'il t'a dit, lui ?" et je me dis : "Attends, mais il a pas tort." » Pietri se découvre ainsi bluesman à trente berges. Et, comme à son habitude, il s'interroge et cherche à percer le mystère. « J'essaye de comprendre pourquoi le blues, le rock quand il vient du blues et tout ce qui vient du blues, ça me touche autant. Pourquoi cette musique ou les musiques qui en viennent en droite ligne et qui en possèdent les ingrédients, les fondamentaux, pourquoi cette musique me met les poils, même avec des textes débiles ? Je ne sais pas pourquoi. Alors la seule explication que j'ai, c'est que cette forme d'expression typiquement afro-américaine – c'est vraiment la musique des Afro-Américains, pas des Africains – qui est la somme de siècles de souffrance terrible, dégage une espèce de magie qui se transmet dès lors que les gens emploient ces aberrations harmoniques, ce groove, ces blue notes et tout. Et quand je l'entends, ça me aaaahhh ! » Quant au fait de ne pas être lui-même un Noir ayant vécu de telles souffrances, cela ne lui pose pas de gros soucis de légitimité. « Je suis sensible à ce qu'a dit Musset, "Les chants désespérés sont les chants les plus beaux". Je suis pas triste, je pense pas être quelqu'un de triste, ça n'a rien à voir. Keith Richards dit "Pour moi, le blues, c'est un langage universel, je ne fais pas de différence entre un bluesman ukrainien et un bluesman qui vient du Mississippi" et je suis complètement d'accord. Le blues, c'est un idiome, dès que tu ressens ce truc-là – l'important c'est de le ressentir – dès que tu le ressens, boum, il se passe un truc. »

 

Pietri étudie donc en profondeur la plupart des styles, utilise internet pour étoffer sa culture et suit la formation dispensée par Michael Hawkeye Herman qui lui permet d'aller enseigner dans les écoles pour communiquer sa passion aux enfants. L'étudiant Pietri se fait professeur. Cette volonté de transmission se concrétise aussi par la sortie en 2007 d'un premier album sous son nom, Little Blues Story, composé de reprises de morceaux de toutes les époques. Suivront des centaines de concerts en « One piece band », avec machine, puis sans. Ah, les machines... « J'ai un looper, je m'en suis servi à un moment, ça fait 2 ans que je l'amène plus. Les gens étaient épatés, parce que je faisais un bordel tout seul, c'était le Grand Orchestre du Splendid. Mais ça me faisait chier. Je préfère – c'est beaucoup plus difficile, beaucoup plus ingrat et beaucoup plus fatiguant – faire mon bazar tout seul avec mes petits doigts et mes gros pieds. Parce que j'ai moins de possibilités, je peux pas faire des harmonies, mais l'intérêt, c'est que je suis libre ! Je peux amener les gens où je veux et je peux nuancer. »

LITTLE BLUES STORY

Jouer seul est un choix qui peut surprendre de la part d'un musicien qui a évolué pendant si longtemps en groupe et qui prend un plaisir évident à partager la scène avec des collègues. « Quand t'es sur une scène avec une rythmique basse-batterie, c'est trop le pied ! Le summum, c'est quand tu as la complicité, t'as même plus besoin de parler, t'as un regard, un regard ou même pas, les mecs écoutent, il passe un truc et boum, tout de suite ça embraye. » Mais un choix qui peut aussi se comprendre pour des raisons humaines. Un parcours d'un demi-siècle n'est pas constitué que de belles rencontres. Il y a aussi les conflits, les ruptures ou, plus simplement, la distance qui s'installe sans qu'on sache vraiment pourquoi. « Je suis quelqu'un de trop sensible. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai fini par faire un orchestre tout seul. Y a plein de gens, j'ai été déçu de leur attitude et donc, maintenant, j'essaye, c'est vachement dur pour moi, mais j'essaye de plus mettre d'affect ou d'en mettre moins. Parce que les gens, aujourd'hui, une majorité de gens ne marche pas à l'affect. » Des déceptions humaines que contrebalancent la reconnaissance et la gratitude de plusieurs générations d'admirateurs. « Ce qui me touche le plus avec le recul, c'est que je rencontre encore régulièrement des gens qui me disent "Putain, on t'a suivi avec SOS ou avec El Diablo ou avec Too Bad, c'est à cause de toi qu'on fait de la musique, c'est toi qui nous a filé le virus !" Ça, ça fait du bien par où ça passe. » Et bien évidemment, restent présents dans son cœur de nombreux musiciens fréquentés au fil des ans à qui il rend volontiers hommage, tel Christian Boragno, sur lequel il ne tarit pas d'éloges, le considérant comme l'un des meilleurs batteurs du pays, Éric Atlan, récemment disparu, « un tueur des machines », Thomas Picot, côtoyé dans Too Bad, « un extra-terrestre, un espèce de Jaco Pastorius rock n' roll » et beaucoup d'autres. Ou son vieux pote François Blanc, qui l'accompagnait lors du concert de lancement de son nouvel album. « On joue ensemble par intermittence depuis pratiquement 20 ans, il est excellent, il est d'enfer. François et moi, on s'éclate, on joue tous les deux, on joue ensemble. Puis là, ça m'a touché, il m'a dit "Ça me fait plaisir qu'on fasse de la musique tous les deux." Et il était content, il m'a remercié. Il m'a rappelé le lendemain, le surlendemain, le batteur aussi, donc ça m'a touché. »

DOMAS-BLANC

Seul ou bien entouré, Pietri continue donc son parcours d'apprenti-musicien, avec le même perfectionnisme et la même rigueur. « C'est les petits détails dans l'interprétation qui font les grosses différences, qui font que ça tue ou que c'est pas mal. Et moi je suis taré, moi je veux que ça tue, le reste ça m'intéresse pas. Je m'en branle que ça soit pas mal. J'ai toujours été comme ça, je serai toujours comme ça. Je me prends pas au sérieux, mais je suis très exigeant. » Du coup, le doyen du rock auvergnat n'a aucune envie de ralentir. « J'ai conscience d'être un privilégié, d'avoir vachement de chance, parce que je suis encore là, je suis pas trop esquinté, j'ai fait gaffe – entre autres grâce à Murat, qui faisait l'apologie du sport, il avait bien raison, je vais courir tous les jours à cause de lui (rire). Oui, j'ai conscience d'être privilégié, parce que j'ai encore la santé, je fais tout ce que je peux pour la maintenir, parce que j'ai l'intention de jouer et faire de la musique le plus longtemps possible, ça m'éclate trop. Et j'ai conscience d'être privilégié parce que – certains me prennent pour un fou et un anormal, surtout dans la société d'aujourd'hui – mais j'ai toujours 15 balais dans ma tête, j'ai gardé l'enthousiasme intact pour la musique et pour la pêche ». Et lorsqu'il note en passant, « J'ai pas encore fini », il part d'un grand éclat de rire qui en dit long sur sa motivation. Rien d'étonnant, dès lors, à le voir afficher des envies surprenantes à l'âge de la retraite. « Un de ces quatre, je vais jouer du Miles Davis, j'ai envie, j'adore ça. »

On l'en croit capable.

 

 

M.

 

 

 

LE LIEN EN PLUS:

 

Un survol de la carrière de Jérôme Pietri en quelques images (via une mise en image par M:

 

 

 

2e partie de l'entretien centrée sur Murat: http://www.surjeanlouismurat.com/article-inter-vious-et-murat-n-16-jerome-pietri-au-coeur-de-passions-privees-123878338.html

On peut retrouver plus d'informations sur le musicien et sur son travail sur son site officiel :

 http://www.jeromepietri.eu/

 

  et sur sa page Facebook :

 https://fr-fr.facebook.com/jeromepietriblues

 

   M. :"De nombreuses personnes ont contribué à la réalisation de ce dossier consacré à Jérôme Pietri, elles seront mentionnées et remerciées dans la rubrique « Commentaires » de cet article, où les lecteurs qui ont des souvenirs personnels (de spectateurs et/ou de musiciens) concernant Jérôme sont invités à les partager et à s'exprimer en toute liberté. Don't be shy !"

 

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Pour rappel: Le livre Une histoire du rock à Clermont  commenté par M. 

On voit Jérôme Pietri dans le documentaire "chroniques d'en haut"  consacré au pays muratien.

 

Pour acheter:  https://www.fnac.com/ia3125356/Jerome-Pietri       

Pour suivre:  https://www.facebook.com/jeromepietriblues/                                       

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Rédigé par Pierrot

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT

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Publié le 7 Janvier 2014



     

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     Malgré l’activité de niche de ce  blog,  je suis quelques fois sollicité par des jeunes artistes (rappelez-vous Jeanne Cherhal, Françoise Hardy, Erik Arnaud, Bertrand Louis) et j’hésite parfois à leur ouvrir la porte... Mais en quelques jours, j’ai reçu deux albums de camarades facebookiens, dont j’avais eu d’ailleurs l’occasion de vous parler. Cette simultanéité d’actu autour de la sortie de leur premier album,   et leur goût commun, certes de Murat, mais aussi de la guitare, et de la musique américaine, m’a poussé à leur proposer une inter-ViOUS ET MURAT- croisée comme celle réalisée avec LE VOYAGE DE NOZ, PORCO ROSSO et  Karl-Alex STEFFEN…

 

 

A votre droite:   MATHIS, lyonnais, Il écume les scènes lyonnaises depuis quelques années, il  nous avait proposé sa reprise de JIM en 2011 déjà.  Il sort « CENTRE VILLE », un album pop-rock « varié » (on en reparlera) non dénué de belles envolées rock.    

 

A votre gauche, Antonin Lasseur.  Il est bien connu des muratiens fidèles sur les réseaux, où il avait déjà partagé quelques-unes de ses reprises de Murat. En janvier 2012,  après avoir  lu ici-même  l’annonce d’une rencontre (brunch musical)  à la bibliothèque de St-Denis autour de Murat,  il n’avait pas hésité à prendre sa guitare pour animer  l’événement.       Antonin sort « Made in Détroit », un album aux couleurs blues tranchant, qu’il a enregistré avec des musiciens américains… et ça déménage… si bien qu’on n’a pas à se poser la question « mais qu’allait-il faire au Michigan ? ».  

 

 Et… et .. j’allais presque oublier de le signaler : ils chantent en français… Et c’est bien-sûr décisif pour moi !  

 

  Bonjour, jeunes hommes! 

- Avant qu'on parle de votre musique, j'aimerais que vous vous présentiez d'abord un peu personnellement...  

 

Antonin: J’ai 24 ans et je suis originaire de l’Oise au nord de Paris. J’ai commencé la musique au conservatoire municipal de Creil à 6 ans, j’y ai appris le piano. Puis j’en ai eu marre des auditions de fin d’année (ratées évidemment !), j’ai migré vers l’école de musique actuelles Divine Mélodie. C’est là que j’ai appris la guitare et rencontré d’autres musiciens avec qui j’ai formé mon premier groupe. Evidemment, on jouait beaucoup de reprises de JLM. A tel point que tout le monde m’appelait « Jean-Louis » dans l’école !

 

Avec ce groupe, j’ai commencé la composition de chanson pour pouvoir participer au tremplin lycéen Picardie Mouv en 2006 auquel on a échoué sur la seconde marche du podium.  

Le groupe s’est séparé après le bac et je suis parti faire mes études d’ingénieurs sur Paris et je n’ai plus joué en groupe jusqu’à l’année dernière avant de partir pour ce stage d’un an aux Etats-Unis, où j’en ai profité pour enregistrer 9 chansons originales qui constituent mon premier album studio que j’ai tout naturellement choisi d’appeler « Made in Detroit ».    

 

 

Mathis: Contrairement à Antonin, je ne suis pas un grand voyageur : né à Lyon il y a 36 ans, j’y vis toujours, et c’est là que j’ai enregistré mon album, qui de plus s’appelle « Centre ville » ! La musique était d’abord très présente dans mon entourage familial : on écoutait toujours la radio, le top 50 à la télévision, ma mère achetait des 45 tours. Je baignais dans une ambiance « variétés françaises », et ça a conditionné mes premiers goûts d’auditeur : Goldman, Berger, puis Eicher, Daran, Bashung un peu plus tard. J’ai commencé la  guitare en autodidacte au lycée avec un pote, histoire de se donner du courage pour déchiffrer les tablatures des MTV Unplugged de Clapton et de Nirvana, albums qu’on écoutait en boucle au milieu des années 90 ! Progressivement, l’envie de monter un groupe s’est fait sentir, et j’ai continué comme ça, dans      une optique de reprises de tubes rock, jusqu’en 2007, en parallèle de mes études. Je me suis mis à écouter progressivement beaucoup de blues, puis Bob Dylan, Neil Young, Springsteen….    

 

A côté de ça, je bossais des chansons « personnelles », en français, un peu dans la tradition de mes références initiales, choses qui n’étaient pas vraiment compatibles avec le répertoire scénique que je développais en groupe au même moment (Beatles, Stones, Led Zeppelin, Radiohead, Pearl Jam…). Après quelques années d’hésitation, et beaucoup de maquettes solitaires, ça a fini par donner la trame de mon 1er album studio, après 12 ans de musique : « Centre ville », enregistré l’hiver dernier.  


   

- Mathis, tu as donc une assez grosse expérience de la scène… des bars… ce qui a d’ailleurs inspiré une chanson de l’album… et tu jouais parfois du Murat également (Tu nous as partagé ta version de « Jim » sur le blog)… Murat, pas un choix évident pour capter l’attention ?  Cela fonctionnait bien ?  


Mathis:  Oui, plus de 120 concerts, dont une bonne moitié en tant que « chanteur de bar », comme je le décris dans une de mes chansons, en effet, accompagné en groupe, mais aussi parfois tout seul à la guitare. C’est dans cette configuration que cela m’arrivait de placer quelques chansons françaises au milieu de mon répertoire anglo-saxon, et je dois bien dire…que cela ne marchait pas du tout ! ..Murat comme le reste. J’en ai de fait très peu interprété, je reprenais quand même pour me faire plaisir « Jim » donc, mais aussi « les jours du Jaguar » alors que le public de café-concert venait surtout pour écouter des trucs festifs on me demandait « femme libérée » par exemple….un autre monde, de l’animation en fait. Pas vraiment de la musique. C’est aussi pour ça que j’ai eu envie d’arrêter et que je me suis consacré à un projet plus « artistique », afin de changer de catégorie et de jouer dans des lieux où les gens viennent volontairement écouter de la musique.








- J’entendais encore ce week-end, c’est un classique, une artiste raconter que c’était une formation unique, de jouer dans les bars… Pour en revenir au « jaguar », Antonin, c’est aussi le surnom que tu t’étais choisi dans la « murosphère »… et tu avais partagé aussi une ou deux reprises (« qu’est-ce que ça veut dire »  plus récemment)… Est-ce que tu peux nous en dire plus sur ton histoire avec Murat ?  Tu le connais je crois…
 



Antonin:
Un beau jour de 1996, mon père se baladait au Virgin Megastore des Champs (RIP…) et ils y diffusaient une chanson de Dolorès, ça devait être Le train bleu je crois. Mon père a tout de suite été happé et il a commencé à acheter tous ses disques, à aller aux concerts, et à discuter un peu avec lui en after (c’est suite à ça que j’ai eu la chance de le rencontrer). Pour moi à l’époque, Murat, c’était « le chanteur de papa ». Je ne m’y intéressais pas plus que ça même si je me souviens que j’étais fan de « Jim » (comme Mathis !). Puis un jour mon père m’a convaincu d’aller le voir en concert pour la tournée Moujik. Manque de bol, le concert a été annulé pour la raison que l’on connait maintenant…  

Le grand basculement s’est fait avec Lilith. Comme tout le monde, j’ai pris une grosse claque avec Les jours du jaguar (d’où mon pseudo sur le forum). Je me souviens avoir passé des mercredis matins entiers à jouer à la console avec Lilith en boucle à la maison !

C’est à Murat que je dois mon apprentissage de la guitare, de l’harmonica, mais aussi mes découvertes musicales : Ferré, Neil Young, Cohen, Dylan, entres autres. Je ne peux pas en être sûr mais, je pense que sans lui, je n’aurais pas commencé à jouer en groupe et à écrire des chansons.

Bien sûr, j’ai tous les disques, un paquet de bootlegs de concerts et d’inédits grâce à quelques personnes bienfaitrices rencontrées notamment sur le forum. J’ai longtemps été très fanatique mais j’ai aujourd’hui pris un peu de recul par rapport à tout ça. J’ai mis du temps mais j’ai retrouvé un esprit critique et c’est beaucoup mieux comme ça !  

 

Mathis : C’est très touchant ce que tu racontes Antonin : c’est vrai que les rencontres artistiques sont souvent liées à nos entourages, à des souvenirs marquants. Pour ma part, ça ne s’est pourtant pas du tout passé comme ça vis-à-vis de Murat : je ne connaissais pas vraiment, ou du moins pas vraiment bien. Je n’avais que deux références éloignées qui, vers 20 ans ne m’avaient pourtant pas forcé à sauter le pas : un ami de fac qui ne jurait que par « Nu dans la crevasse », le titre m’intriguait, sans plus, et un papier dans Rock’n’folk je crois où Murat disait qu’il aimerait faire avec l’Auvergne ce que Springsteen avait fait dans ses chansons avec le New-jersey : une     sorte de territoire « à la marge » ou pourtant des choses significatives se passent. J’avais trouvé ça séduisant.  

C’est bien plus tard, 5 ou 6 ans après, que je suis tombé par hasard, sur…. « A bird on a Poire » : Antonin, tu disais que Murat t’avais fait remonter à la source du folk et des songwriters américains, moi ce fut le contraire : à force de le voir citer mes références préférées, j’ai fini par m’intéresser au personnage : cette allusion à Léonard Cohen m’a fait acheter…Lilith, presque par hasard, parce que j’avais entendu quelques chansons lentes qui me plaisaient beaucoup. Mais en mettant le cd, grosse claque : «les jours du Jaguar », chanson définitive pour moi aussi.

 

Après, et bien c’est le chemin traditionnel d’un amateur de musique, on se renseigne, on écoute les autres albums, on cherche de l’inédit. Je ne peux pas dire que je suis réellement « fan », j’aime surtout l’époque allant de Mustango à Taormina, puis aussi « Le cours ordinaire des choses » enregistré à Nashville, je crois : bel album, splendide chanson titre. Ce que j’aime surtout, c’est son côté impliqué, le type ne plaisante pas avec la musique, il ne fait pas semblant. Ce côté puriste se retrouve surtout dans ses textes, évidemment. J’aime assez cette sorte d’intégrité, qu’il revendique beaucoup d’ailleurs dans ses interviews.

 

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Murat Mathis 1Murat Mathis 2  

Mathis: j'écoute de la musique principalement dans ma voiture : le lieu où je peux mettre les disques à fond, où je me concentre sur les arrangements, où je vérifie les mixs de mes maquettes aussi ! ....photo prise dans les rues de Lyon au petit matin, "les jours du Jaguar" à haut volume !

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-  Alain Klingler, chanteur de mes amis sur FB, a aussi une passion, je crois qu’on peut utiliser le terme, pour les « jours du jaguar » : « la chanson la plus belle qui puisse exister, je me la chante tous les jours depuis 11 ans (12 ans ?) ! J'ai l'impression que jamais je n'en percerai le mystère » m'a-t-il écrit un jour !!! 

On passe du coup aux questions rituelles de l’interview… même si on devine certaines réponses :

  • Votre album préféré? Disons vos 2 ou 3 et pourquoi bien-sûr…   

  • Et s'il fallait retenir 3 titres?  … en enlevant le jaguar (hors classe)

  • Un concert en mémoire en particulier, une anecdote de concert  de Murat ? 

  •  Est-ce qu’il y a dans votre répertoire une chanson qui vous évoque Murat, ou dont Murat aurait participé à l’inspiration ?



   

Antonin:
Pour les albums, je dirais Mustango pour l’histoire spéciale de sa confection et puis parce que laprod est fabuleuse. En plus, c’est l’album qui a contribué à révéler le guitare-héro Murat de la période d’après. Ensuite je dirais Le moujik, parce que justement, Murat était galvanisé par son expérience américaine et que pour seulement 12 heures d’enregistrement, le résultat est bluffant ! Et malgré des textes plus « faciles » qu’à l’accoutumée, les chansons sont bonnes et assez entrainantes, c’est un album festif. Et puis enfin, je suis obligé de dire Lilith. Quand on y réfléchit, c’est quand même un triple vinyle, 23 chansons avec très peu de faiblesses et beaucoup de chefs-d’œuvre (Le jaguar,Se mettre aux anges,…)! Ces 3 albums, c’est pour moi l’âge d’or de Murat, un peu comme la période 64-66 pour Dylan avec la trilogie Bringingit all back home, Highway 61 et Blonde on Blonde.  

Pour ce qui est des chansons, Nu dans la crevasse, parce qu’il nous tient en haleine pendant 10 minutes avec son histoire,Qu’est-ce que ça veut dire, parce que c’est probablement la chanson que j’ai le plus écouté et qui m’a le plus ému depuis Les jours du jaguar, et Aimer, parce que c’est une ode à l’amour magnifique de quelqu’un que l’amour vient de trahir.

Evidemment mes premiers concerts m’ont marqué, quand il enflammait la Cigale pour la tournée Lilith et Parfum d’Acacia. Je me souviens d’ailleurs que sur cette tournée, il avait rendu un bref hommage à Nougaro qui venait de nous quitter en glissant un « c’est d’quelle côté la Seine » sur l’intro de Se mettre aux anges je crois bien. J’ai longtemps cherché un enregistrement de ce concert mais en vain.  

Il n’y a aucune de mes chansons directement inspirées par Murat puisque le seul fil conducteur, c’est moi-même. Par contre, ma façon d’écrire et de composer est très « muratienne » puisque j’ai tout appris en écoutant ses chansons. Par exemple, Le poète est, je pense, celle qui     « sonne » le plus Murat. D’ailleurs le dernier couplet m’est venu sur l’autoroute Clermont-Lyon (que tu connais bien Pierrot J) après une visite chez JLM justement.


    Muratphoto antoninAntonin, le jaguar...



Mathis :
Sans se concerter, on a exactement la même vision des choses avec Antonin ! Je pense aussi que sa période Mustango-Moujik-Lilith est son sommet. Le parallèle avec la période 1964-1966 de Dylan me semble tout à fait pertinent !

 

Mon album préféré est indiscutablement « Lilith » : il y a une atmosphère sombre, mortifère, une cohérence générale très probante. Réussir cela sur un double album, c’est très fort.

Ensuite, « Mustango », évidemment, qui contient quand même de sublimes chansons. Et laprod, en effet…. Ce que j’aime dans cet album c’est le son assez intemporel : ça sonne juste comme il faut. Enfin, je citerai « Le moujik et sa femme » : ces 3 albums comportent la même puissance évocatrice à mon sens. Je trouve les autres, notamment les 2 derniers beaucoup plus disparates…

En ce qui concerne les chansons…..« Nu dans la crevasse », pour la folie : plus de 10mn, un texte infini, trempé dans du venin, des choristes soul derrière : un vrai tour de force.
« Comme un incendie » : morceau puissant, j’aime le propos sans concession. Je n’ai jamais     compris pourquoi cette chanson, et plus globalement cet album, n’avait pas marché.
« Le contentement de la Lady » : j’adore ces ambiances intimes, comme sur le live Muragostang, ou qu’on retrouve aussi dans d’autres  titres de Lilith : on sent vraiment la sensibilité, sans faux semblants, notamment grâce à sa voix, vraiment mise en valeur dans ce genre de registre.

Sur le plan de la scène, ce sera assez rapide pour ma part, car j’aime assez peu aller voir des concerts, même des artistes que j’adore : au bout d’un moment, j’ai toujours envie de jouer à leur place, c’est très étrange et très frustrant ! je prends rarement du plaisir en tant que spectateur.

 
De fait, je n’ai vu Murat….qu’une fois, au Ninkasi Kao à Lyon il y a 2 ans. J’ai apprécié notamment le guitariste assez doué : on ne parle jamais de ça chez lui, mais il a un vrai feeling, un peu « laid-back » à la JJ Cale, saupoudré d’un petit côté Neil Young, tout ça me séduit beaucoup.  

Sur le plan de l’inspiration, non je ne retrouve pas d’influence directe, si ce n’est dans le traitement de ma dernière vidéo « Ca commence aujourd’hui » enregistrée live en studio, et en noir et blanc, comme le dvd « parfum d’acacia au jardin » par Nick Kent (c’est de l’écriture visuelle on va dire !)4

  - Ah, je vous ai soumis un peu à la torture avec ces questions, je pense qu’on peut l’avouer aux lecteurs !

On parlait des concerts… et il y a deux jours, Antonin, tu jouais à Paris… Comment cela s’est passé ? Tu as trouvé les musiciens pour t’accompagner ?      Et puis, puisque Mathis parlait du COURS ORDINAIRE des choses, on va parler de ton album : il m’a fait penser en effet à cet album de Murat… parce que derrière,  il me semble qu’on entend clairement  le « made in » States ! … ce qui nous fait revenir à la première partie de la question sur  la mise en « scène »  de cet album ?

 

Antonin:  Malgré quelques problèmes techniques et un manque de préparation, on va dire que pour un premier concert c’est encourageant. En rentrant de Détroit en mai dernier, je me suis mis à chercher des musiciens pour m’accompagner. Malgré internet et la multiplicité des annonces, c’est très difficile de trouver des musiciens fiables et dont le niveau, la motivation, et la disponibilité correspondent Sans compter qu’il faut aussi que le courant passe ! Et puis tant qu’à faire, j’ai pris quelques potes aussi: il y a Thomas, le guitariste soliste, qui est un peu mon Fred Jimenez à moi (sparingpartner) et puis Raphaël aux claviers. Lui, on est amis depuis la première année de maternelle et on a toujours fait de la musique ensemble.

Pour l’histoire de l’album, il se trouve que je suis parti faire un stage ingénieur d’un an à Détroit. J’avais dans l’idée de revenir avec 2,3 maquettes enregistrées sur place. Il se trouve que pendant cette année d’immersion, je me suis retrouvé à écrire pas mal de chansons et je me suis dit qu’il fallait en profiter pour aller jusqu’au bout et faire un album. J’avais un prof de guitare, Joe Mazzola, autour de qui le projet s’est articulé. Il m’a aidé pour les arrangements et il connaissait un studio pas trop cher avec de bons musiciens (ceux du groupe Wasabidream). A l’origine, je voulais que l’album soit produit par Matthew Smith qui est assez reconnu sur la scène de Détroit. Je l’avais rencontré dans un Record Store et il a été emballé par le projet. Il a fait la première séance d’enregistrement avec nous puis il a été appelé pour accompagner Rodriguez (Sugar man) à la guitare. J’ai donc du continuer sans lui et me débrouiller avec les autres musiciens mais ils ont été supers et je ne regrette absolument pas.

 

Ca sonne effectivement américain mais pas Nashville comme Le cours ordinaire des choses. J’aurais aimé avoir plus d’instruments comme du pedal-steel ou un vrai orgue Hammond B3 mais j’avais des contraintes de coût et de temps. C’est un album réalisé avec une paye de stagiaire mais je pense que j’ai bien réussi mon coup.  


Mathis :
Franchement, j’en profite pour te féliciter, Antonin, pour la qualité et la cohérence sonore de l’album : un vrai disque de puriste, comme j’aime !

Antonin: Effectivement, je vois qu'on partage beaucoup de goûts. J'ai notamment pu voir à travers tes vidéos lives ton goût pour la Telecaster et la Gibson J 45...Et puis ta reprise de Cortez the killer, chanson que j'aime beaucoup.

Mathis: merci ! …mais j’ai remarqué que les guitares sur ton disque sonnaient super bien aussi !




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- Effectivement, ça sonne d’enfer… Très blues (j’ai pensé un peu à Bill Deraime)… alors que toi, Mathis, ton album est peut-être un peu plus pop,  disons pop-rock, avec des inclinaisons sprinsteenniennes. Tu évoquais aussi Eicher plus haut, j’y ai pensé à l’écoute… ainsi qu’à… bon, allons-y… Pascal Obispo par moment dans la voix…  parle –nous de ton album !

Mathis: Oui, mon orientation n’a pas été vraiment la même que celle choisie par Antonin. Disons qu’après 10 années de reprises blues-rock, j’avais aussi un peu envie d’autre chose, même si ces chansons étaient nouvelles. On me cite beaucoup Eicher, Saez même parfois, Obispo, c’est la deuxième fois !

Au risque de faire bondir tes lecteurs, voir Antonin, ou même Murat lui-même, je vais te dire que cette dernière référence ne me gêne pas plus que ça ! D’abord parce que les chansons appartiennent aussi aux auditeurs, et qu’ils pensent ce qu’ils veulent (c’est ce que je pense en tous cas !) et aussi parce qu’au-delà de toutes les critiques qu’on peut éventuellement émettre, faut pas oublier que ces artistes estampillés « Variétés françaises » sont aussi des gens qui connaissent très bien leur métier.
Obispo a par exemple racheté le studio plus XXX dans les années 2000 : ces mecs-là sont des passionnés de musique, même si on peut toujours critiquer certaines facilités.  

Pour en revenir à mon album, je sais qu’il est reçu parfois avec étonnement dans mon entourage, par rapport à mon passé, mais j’assume complètement l’étiquette « chanson » : j’avais envie de confronter mes réflexes de musicien à un univers plus épuré, où le texte prendrait de l’importance. J’avais aussi l’idée de faire intervenir beaucoup de gens : il y a 14 musiciens en tout dans l’album, une dizaine d’instruments différents : ce qu’on appelle au sens strict de la variété, en fait ! Sortant de 10 années de groupes, je voulais organiser ce projet différemment, ce qui produit forcément une impression moins « compacte » qu’une série de chansons enregistrée par les mêmes musiciens. On y perd en unicité mais on y gagne en variations. Ca me semblait approprié à la thématique que je voulais exprimer : un type solitaire au milieu de la grande métropole, ses inquiétudes et ses espérances face à un monde qui le dépasse et qui le nourrit intrinsèquement.

 

   


 -  Un « premier album » en somme… où l’on peut discerner les différentes voies qui te sont ouvertes.   Pour évoquer les textes, est-ce que vous vous voyez  comme des véritables « ACI », ou c’est la musique, et le besoin de passer par des chansons, qui vous a conduit à écrire ? (je ne sais pas si je suis clair).  Pouvez-vous nous en dire plus sur cette partie ?  

 

Mathis: Pendant longtemps, mon rapport à la musique ne passait que par la guitare : j’aimais tout ce qui se rapportait à ça : le blues, mais guitaristique, le rock, mais avec des solistes, etc. Et puis évidemment, progressivement, ça s’est rationnalisé ! Donc au départ, c’est la musique, et plus que ça, l’instrument lui-même. Maintenant que je défends mes propres chansons et plus des reprises, mon rapport à la musique a changé : c’est devenu un ensemble. Récemment dans une interview radio on me demandait si j’étais prêt à m’inscrire à « The voice » pour réussir plus vite (ou pour réussir tout court d’ailleurs !) : spontanément, j’ai dit « non, non » car vraiment, cela me couperait de ce que j’aime le plus : écrire des chansons. L’interprétation est presque devenue secondaire pour moi aujourd’hui. Ce qui me plait le plus désormais, c’est l’élaboration d’un texte et d’une musique qui, associés ensemble pourront transmettre quelque chose, dans le message, comme dans le feeling.
Cette construction particulière me plait vraiment.


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Antonin:
En écoutant Mathis, c’est vrai qu’on pense à Obispo mais j’ai aussi tout de suite pensé à Saez. J’ai été très ému par sa chanson sur le chanteur de bar car je sais bien ce qu’il ressent. Pour moi, il n’y a rien de pire que chanter devant des gens qui n’en ont rien à foutre que tu sois là.

Pour en revenir à ta question Pierrot, textes et musiques sont pour moi des couples indissociables. Je rejoins Ferré là-dessus, je pense que la musique sert la poésie, elle la révèle. Je peux être aussi ému par un solo de Danny Whitten que par un vers de Baudelaire, pourvu qu’il soit chanté.  

Tout ceci vient je pense de la volonté de privilégier la musicalité au sens (oui, ça vous rappelle quelqu’un, je sais !). C’est ce que j’essaie de faire, trouver le bon couple paroles-musique. Mais dans « paroles » il faut y voir en fait « ligne de chant » et « rythme du phrasé ». Ce sont toujours ces deux paramètres qui m’attirent en premier l’oreille avant que je ne me penche sur le sens des mots.

 

 

- Une question sur votre vie d'artiste: comment vous voyez la suite (statut d'intermittence : graal ou pas un objectif pour toi Mathis), si vous vous voyez comme des "jobs à côté" (comme dirait Murat)... 
J'aimerais aussi en savoir plus sur ta gestion de la promo, ton automanagement Mathis... : diffusion du cd, deezer, booking... et Antonin, voir tes perspectives de ce côté là... 

 

 Mathis: Mon ambition est d'essayer de pousser le projet au maximum de ses possibilités : c'est à dire jouer en 1ère partie d'artistes, diffuser ma musique afin qu'elle puisse plaire au plus grand nombre puis aux professionnels.  

Je laisse les choses évoluer et me donne le temps de voir.

J'essaie pour l'instant de gérer ces choses-là pour m'aguerrir à ce milieu, et démontrer ma capacité à faire évoluer les choses à partir de ma "petite structure". C'est pour cette raison que j'ai beaucoup démarché les médias locaux (Lyon et alentours); tout passe par moi pour l'instant (booking, presse, diffusion numérique, etc).



Antonin:
Cela fait 2 mois que mon album est sorti, j’avais pas mal d’illusions et de fierté au début mais j’ai vite remis les pieds sur terre. J’ai compris qu’il faut ne rien attendre de personne et ne compter que sur soi-même. Il y a une maxime de JLM que j’aime me rappeler : « Prévoir le pire pour ne jamais être surpris ! ». Je fais tout tout seul depuis le début de ce projet et je fais ça en parallèle de mon boulot d’ingénieur, ce qui ne me laisse pas tout le temps que je voudrais. Je prends le temps qu’il faut et comme Mathis, je construis ma petite structure pierre par pierre, à mon rythme, pour ne pas en être dégoûté. Mais il ne faut pas se mentir, ce métier n’est pas un métier d’avenir et de toute façon, je sais que la musique que je fais est et restera confidentielle.

J’aimerais trouver un manager car je suis plutôt quelqu’un qui déteste se mettre en avant et qui attend qu’on vienne le chercher. Or, c’est exactement l’inverse qu’il faut faire si on veut se faire connaître. Pour l’instant, je m’occupe moi-même de distribuer l’album. Amis, famille, amis d’amis, le plus dur est de commencer à toucher des gens en dehors de ce cercle. Le problème, c’est que j’ai un peu de mal avec tout ce qui est plateforme de diffusion style iTunes, Deezer. Je suis un peu réfractaire à ce genre de choses mais je changerai peut-être bientôt d’avis.

Mon objectif à court terme est de faire le maximum de concerts, prendre de la bouteille de ce côté-là et avoir une formation stable avec une bonne ambiance pour que tout ça reste un plaisir.

- Mathis, une petite question lyonnaise : Tu as joué au Radiant à Caluire, quelques jours après Murat… Qu’est-ce que tu penses de cette nouvelle salle qu’a investie M. Bosch… avec une programmation particulièrement riche… Et bien que tu nous ais dit que tu allais peu aux concerts,  un ami me disait que l’autre soir qu’il y avait pas loin de 8 concerts sur Lyon…  Difficile d’émerger dans ces conditions, non ?

 

Mathis : Le Radiant est (re)devenu une superbe salle en effet, grâce à Victor Bosch, et à toute son équipe, avec la volonté de mettre la musique française en avant. Je crois que son ambition affichée est d’en faire « l’Olympia Lyonnais » . J’ai eu l’occasion d’y jouer en première partie de Laurent Lamarca (artiste que je vous conseille, qui vient de sortir son premier album « Nouvelle fraîche » chez Sony) en Octobre dernier, et j’ai pu savourer la qualité des conditions techniques.
Plus globalement, Lyon reste une ville de taille suffisamment importante pour qu’il y ait de l’animation musicale, des spectacles, des concerts, mais on ne peut pas dire qu’il soit facile d’y percer. D’une part car les musiques programmées sont essentiellement l’electro et le rock indépendant, c'est-à-dire la musique à la mode (ce qui est assez compréhensible quelque part) et la musique rock « de base » que font tous les groupes : guitares à fond, batteries tonitruantes….

Difficile d’être identifié avec un projet différent dans ce contexte. Il y a encore quelques années, une vraie scène « pop » existait pourtant : le Voyage de Noz (que tu connais bien, Pierre !), Fake Oddity, les Dejà vu, etc. Mais, pour sortir de l’ornière c’est autre chose….


Et puis, sur un plan plus pragmatique, j’ai vu la scène lyonnaise beaucoup changer en 10 ans : jusqu’en 2005 ou 2006, tu pouvais encore sortir avec ta guitare, et jammer entre musiciens un peu partout (j’ai d’ailleurs fait mon apprentissage comme ça, sur les pentes de la Croix-Rousse notamment, au Phoebus, au bec de Jazz, dans les pubs Irlandais…). Maintenant, c’est devenu difficile : la plupart des bars ont des limitations en termes de bruit ou d’horaires : beaucoup de lieux organisent des concerts de 20h à 23h, avant de virer fissa les musiciens pour laisser place à la soirée Clubbing ! ….et on est à Lyon, 2e ville de France !

 

- Pour se procurer vos albums, on fait comment?

Mathis : Pour se procurer mon album :
iTunes :  https://itunes.apple.com/fr/album/centre-ville/id771014353

Deezer :  http://www.deezer.com/album/721220
En achat physique : chez Gibert-Joseph à Lyon, ou par correspondance à mathis.officiel@yahoo.fr

   
Je fais la 1ere partie des BB Brunes le 9 janvier au Ninkasi Kao.
Sinon, 4 dates à l'agenda:
 

18 janvier : émission Chansomania sur Déclic radio 101.1 FM  

19 janvier : live radio au Ninkasi Tarare (Oxygène Radio - web radio)
25 janvier : showcase-dédicace chez Gibert-Joseph Carré de soie (Vaulx en Velin)
12 février  : concert au Sirius (Lyon)

et d'autres choses plus tard....    

 

 

Antonin:  Pour se procurer mon album, on peut maintenant le commander et le payer via paypal sur ce site https://antoninlasseur.bandcamp.com/    Version digitale ou version physique. Vous pouvez retrouver des vidéos de mon concert ici sur ma chaine: http://www.youtube.com/channel/UCtfiBbpYiRu_aRbXUpzdjeg . On peut également me retrouver sur FB: https://www.facebook.com/antoninchanteur
 




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Merci à vous Messieurs! Bonne continuation dans le monde de la musique! Merci d'avoir joué le jeu des photos originales et du partage des covers!

Inter-ViOUS ET MURAT réalisé par mails du 8 au 21/12/2013. Il n'y était pas question de quenelles et ça repose. On se quitte avec le cadeau d'ANTONIN :

   

           

 

LES LIENS EN PLUS:

Vu que je n'arrive plus à insérer des liens hypertextes actuellement, voici ceux que vous auriez pu retrouver dans le texte:

Retrouvez l'intégralité des inter-ViOUS ET MURAT: http://www.surjeanlouismurat.com/categorie-11422242.html

Notamment l'avant-dernière avec Bertrand Louis: un des disques de l'année:

http://www.surjeanlouismurat.com/article-inter-vious-et-murat-n-13-bertrand-louis-121088096.html

Et celles des autres petits "jeunes":

http://www.surjeanlouismurat.com/article-inter-vious-et-murat-voyage-de-noz-karl-alex-steffen-porco-rosso-61125576.html

J'évoque dans mes questions Alain Klinger:

http://alainklingler.net/

Voici le site de MATHIS: http://www.mathisweb.fr/    

Vous trouverez bien sûr d'autres éléments sur internet pour poursuivre votre découverte de ces deux artistes... avant de passer commande de leur disque.

 

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Rédigé par Pierrot

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT

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Publié le 20 Novembre 2013





BERTRAND LOUIS

    louis thibaut
                                                                                                                     Photo: Thibaut Derien



         Un  moment, j’ai cru pouvoir maintenir une  fréquence  régulière des Inter-ViOUS ET MURAT- mais l’énergie et la motivation ont un peu fléchi devant  l’insuccès de démarches auprès de, par exemple,  Olivier Adam, Arnaud Cathrine, Florent Marchet,  Bernard Lenoir, Paul Mac Cartney (l’ancien des Beatles là, vous voyez), le Dalaï Lama et Ginette (la caissière du Shopi)...  Et puis,  après Françoise HardyJeanne Cherhal, entre autres, et ceux qui nous ont livré tant d’histoires sur leur travail avec Jean-Louis Murat (Stéphane Prin, Cristophe Pie, Michel Zacha, et Alain Artaud),  difficile de ne pas prendre des  « goûts de luxe »…  et de renoncer au caractère exceptionnel de ces rencontres…
 
         Et c’est donc la promesse d’une Inter-ViOUS ET MURAT très riche, ainsi que le coup de main décisif de Matthieu dans la préparation, et mon souhait de vous offrir un beau cadeau pour les 4 ans du blog (né le 2/12/2009),  qui me fait sortir de ma retraite d'intervieweur.   En effet, BERTRAND LOUIS,  auteur-compositeur-interprète, sort un nouveau disque salué (encore une fois)  par la critique (« Un coup de maitre » pour Rock and Folk « qui se hisse au niveau des réussites d’un  Bashung et d’un Jean-Louis Murat », « le disque le plus jubilatoire et exaltant de cette année » selon Mandor).
 
         L’album « SANS MOI » est une mise en musique de textes de PHILIPPE MURAY…  l’auteur dont Murat  a si souvent parlé, recommandant sa lecture par exemple dans des rencontres publics à la FNAC. On sait également qu'ils avaient eu une courte correspondance.
 
         A la sortie d’un concert cette année, Murat m’a indiqué qu’il lui a été proposé de faire  cette mise en musique il y'a quelques années...  et qu'il avait ainsi écrit une musique pour « 10 septembre 2001 », poème également présent sur le disque de Bertrand Louis.  Murat a renoncé au projet…  peut-être par crainte du caractère un peu polémique de Muray : «  c’était avant qu’il soit à la mode*, avant Lucchini»  m’a-t-il dit.   Il garde en mémoire par contre d’avoir fait diffuser une des interprétations de Muray par lui-même, un soir chez LENOIR…  allant jusqu’à m’en citer  un court passage, ravi de ce mauvais coup joué aux oreilles chastes d’Inter…  Muray lui en avait été reconnaissant.
 
        Alors, alors, Bertrand Louis était-il informé de tout cela ?     Y avait-il l’ombre de Murat derrière ce projet ?     Examinons cela, entre autres choses,  avec celui qui pourrait devenir l’autre « ours » de la chanson française, ce qui  ne l'a pas empêché d'avoir été d'une grande gentillesse avec moi.  Bonne lecture... et écoute qui suivra j'espère, et j'exige, de "SANS MOI".


* "L'ironie féroce de l'écrivain, mort en 2006, le classa un temps du côté des « nouveaux réacs », avant qu'il ne bénéficie d'une reconnaissance quasi unanime". Valérie LEHOUX dans la chronique du disque de Bertrand LOUIS.

     

SAM 0709

   

Bonjour Bertrand Louis! 
-  Quand j'ai appris que vous réalisiez un album autour des poèmes de Muray, je me suis demandé si c'était par Murat que vous aviez connu Muray (ce qui est le cas de beaucoup de muratiens, puisqu'il en a beaucoup parlé ou l'a proposé dans diverses sélections -rencontres fnac-).  Quelle est la genèse du projet?
 
Bertrand LOUIS : J’ai découvert Philippe Muray dans une interview que Michel Houellebecq avait donnée sur le site « Le Ring », dans laquelle il parlait un peu de mon dernier disque et aussi de Muray.  

Cela m’a intrigué et je me suis tout de suite procuré « Minimum Respect ». Cela a été un vrai coup de foudre et j’ai lu tout le reste dans la foulée. Parallèlement, je cherchais à écrire des textes pour mon nouvel album, car j’avais pas mal de musiques en attente et un jour, cela s’est imposé comme une évidence puisque certains textes s’adaptaient parfaitement à mes musiques. J’ai envoyé quelques démos à sa veuve qui les a aimé et m’a donné son feu vert.  Ensuite, le gros du travail a commencé puisqu’il fallait trouver le moyen de mettre en valeur ces textes incroyables, les seconder en quelque sorte, sans pour autant perdre sa personnalité. La question des arrangements s’est posée également, notamment celle de l’utilisation de l’électro dont je pourrai reparler plus tard si ça vous intéresse. Le nerf de la guerre de tout ça était vraiment de trouver un style qui puisse rendre compte de ‘l’anti-poésie’ de Muray (j’utilise ce terme à défaut d’en trouver un meilleur).  

Et donc, non, je ne savais pas du tout que Murat s’intéressait à Muray et c’est aussi bien. Je me souviens quand même m’être dit qu’il pourrait très bien le mettre en musique également. Après tout Murat Muray, ils n’ont qu’une seule lettre de différence.
 

- Dans une Inter-ViOUS ET  MURAT-, et devant votre projet, je me dois d’aborder le travail de Murat  avec ses mises en musique de  Deshoulières, Béranger ou Baudelaire (que Muray admirait beaucoup). Est-ce que ce travail  vous a influencé  d’une manière ou d’une autre?
 
 
Bertrand LOUIS:   Oui, nous sommes là aussi pour parler de Murat, alors parlons-en. Je me souviens avoir beaucoup écouté Madame Deshoulières à sa sortie et j’en garde un très bon souvenir, le souvenir de cette liberté que l’on peut prendre par rapport au format chanson pour épouser un poème et aussi, de ces correspondances qu’il y a entre ces deux modes d’expression que sont la poésie et la chanson.
Pour le disque sur Baudelaire (qui est chanté sur des mélodies inédites de Léo Ferré), je me souviens m’être senti plus proche de l’idée que je me fais de ce poète, comparé aux interprétations de Ferré que je trouve un peu trop « lyriques ». Muray admirait beaucoup Baudelaire évidemment (qui ne l’admire pas ?), il en surtout parlé dans son livre « Le XIXe siècle à travers les âges », faisant de lui le premier homme à s’être opposé aux « valeurs » modernes, si je me souviens bien. Et puisque nous parlons de cela, j’avoue que j’ai le secret désir de mettre moi aussi Baudelaire en musique un jour si j’en ai la force, d’arriver à exprimer ce que je vois en lui, la concision, le diamant et le terrible.
 


- Ah, tiens donc !  Plus largement concernant Murat, quelle est votre « histoire » avec lui ?         
 
 
 Bertrand LOUIS:    Parler de mon « histoire » avec Murat, c’est un peu (déjà) replonger dans mes souvenirs.
Je me rappelle avoir entendu parler de lui pas mal de fois sans trop y prêter attention (mais il faut dire que je n’étais pas encore dans le milieu de la chanson) et puis un jour j’ai entendu Polly Jean à la radio et j’ai tout de suite acheté Mustango, cela a été un vrai coup de foudre et ce disque est resté un disque de chevet pendant un moment.
Il y a eu ensuite Madame Deshoulières dont on a parlé juste avant. J’ai aussi pas mal écouté A Bird on a Poire (le titre est marrant) où il y a un côté plus léger et plus ludique. J’ai la mauvaise habitude d’être assez passionné et j’ai le sentiment d’avoir tout brûlé en écoutant trop souvent ces trois disques, donc j’avoue que peu à peu, j’ai pris un peu mes distances même si je me tiens au courant de tout ce qu’il fait (Cette interview est d’ailleurs pour moi l’occasion de me replonger dans son univers).
Murat est aussi rentré dans une frénésie créatrice (que je comprends très bien) mais qui est difficile à suivre, cela serait presque un travail à plein temps !
 
Parler d’influence est délicat puisqu’on ne sait jamais vraiment comment cela se passe et d’où ça vient, mais il y a chez lui une grande exigence au niveau des textes, un style musical plutôt emprunté aux anglo-saxons qu’à notre bonne vieille chanson française, une élégance, un côté ours teigneux…etc…Tout cela me parle vraiment et je m’en sens très proche. Après je suis quelqu’un de beaucoup plus urbain, un Murat des villes si vous voulez. Sa place dans la chanson est en tout cas très enviable puisqu’il a un large public tout en étant en marge et sans concessions, je pense que c’est la chose la plus difficile à atteindre pour un artiste.
 
 
- Vous n’êtes pas le premier à exprimer une difficulté pour le suivre dans son rythme… Alors, questions rituelles de l’INTER-ViOUS ET MURAT-,  je ne vais pas vous poser la question de l’album préféré…Vous êtes Mustanguiste de toute évidence ! Mais à moi qui suis Lilithiste, il vous faudra nous expliquer : pas accroché plus que cela par Lilith ?
 
Bertrand LOUIS:   Et il faudrait penser aussi aux Lemoudjiketsafemmistes ou aux Birdonapoiristes ? Je viens de réécouter Lilith et non, je préfère vraiment Mustango, je préfère le son de Mustango pour tenter d’expliquer. Le tour de force qu’il a fait de mélanger Marc Ribot, le groupe Calexico et d’autres pour finalement faire du Murat est admirable.
 SAM 0708
             10 chansons que l'on devrait tous connaitre par coeur par Bertrand Louis (Baptiste Vignol, éd. carpentier)
                                                                                                                                                                 ©surjeanlouismurat.com
 
 


- Sinon, pouvez-vous nous donner vos 3 chansons préférées de Murat ? Et pourquoi ?
 
Bertrand LOUIS:   Question complexe car Murat est comme une coulée de lave et qu’il est difficile de choisir là-dedans. Alors je dirais Polly Jean évidemment (parce que c’est la première qui m’a touché et aussi peut-être que le tempo est plus rapide que la plupart de ses autres titres). Ensuite…ah c’est dur…allez allons-y pour L’au-delà parce que c’est un tube, enfin un tube, c’est un peu comme un jet de lave, et pour finir……………..euh……..un peu évident aussi mais je dirais Au mont Sans-Souci parce que je suis Mustanguiste et parce que c’est la plus simple et la plus belle. Et je dis ça très vite car dans 10 minutes j’aurai changé d’avis.
 

- L’avez-vous vu en concert ? Gardez-vous en mémoire un concert particulier ? Un souvenir, une anecdote ?
 
Bertrand LOUIS:     Je ne l’ai vu qu’une seule fois en concert au Café de la Danse à Paris je ne me souviens plus de la date mais cela devait être il y a au moins 5 ans, voire 10. Je me souviens avoir adoré cette attitude du mec qui chante ses chansons et n’a pas besoin d’en faire des tonnes à côté. C’était une époque où il y avait pleins de connards autour de moi qui pensaient que si j’étais plus sympa sur scène ou que si je me faisais « coacher », cela marcherait mieux pour moi ; son état d’esprit m’avait rassuré.
 

- Est-ce que dans votre œuvre, vous avez une chanson qui vous fait penser à Murat, ou dont Jean-Louis Murat aurait participé à l’inspiration ?
 
 
Bertrand LOUIS:       Il y a une chanson dans mon deuxième album qui s’appelle Disparaître et qui parle de la dépression ou du suicide selon comment on le sent. Le « champ lexical » comme on dit est plus axé sur la nature, la neige, l’avalanche…et aussi dans mon troisième une autre qui s’appelle  Au bord de l’eau  sur un poème de Sully-Prud’homme. Dès que je parle de nature j’ai l’impression d’être dans ses terres.
 





- Ah, oui, c’est une évidence pour Disparaître… aussi d’un point de vue musical, jusqu’au vent sur le final… Quant à Sully-Prud’homme, cela nous permet de faire la transition sur le thème de la poésie… Sully Prud’homme que Murat n’aurait pas choisi de mettre en musique : à propos de Manset : « Tu crois avoir rendez-vous avec Henri DE MONFREID et c’est ANTOINE qui t’accueille, tu t’attends à Rimbaud, et c’est Sully Prud’homme »… (J'en profite pour ajouter que Manset a souvent cité Muray...) 
 
Et justement, ce qui m’a un peu étonné, c’est le romantisme de certains textes (L’Existence de Dieu), assez loin de ce qu’on peut imaginer a priori du polémiste Muray… Que pouvez-vous nous dire de ces textes (dont Muray a souhaité faire précéder la lecture d’un très dense avant-propos dans le recueil « Minimum Respect »)?  Il semble qu’il veuille s’attacher au réel, et il pourfend ainsi « l’ivresse divine, l’incendie des cœurs, et autres âneries »,  ce qui le met  très en opposition avec la plume de Murat me semble-t-il. Murat s’attache à défendre la langue mais s’appuie sur les symboles et les images  que Muray semble refuser (Ce dernier cite même - p.2 de l'avant-propos -  l’image du « Pont Mirabeau » que Murat utilise dans un nouveau titre paru dans la réédition de Toboggan*).
   
 
 
Bertrand LOUIS:   C’est bien on rentre dans le vif du sujet. Juste un détail « Disparaître » est inspiré d’un prélude de Debussy musicalement. Sinon moi non plus je ne suis pas très friand de Sully Prud’homme globalement mais ce texte-là sur l’immobilité de l’amour m’avait touché il y a très longtemps et d’ailleurs « Mais n’apportant de passion profonde/ Qu’à s’adorer/ Sans nul souci des querelles du monde/ Les ignorer » cela pourrait être du Murat.
 
Pour ce qui est de L’existence de Dieu, c’est clair qu’il y a une très grande ambiguïté avec la préface de Minimum Respect  mais je ne pense pas qu’on puisse parler de « romantisme ». D’ailleurs il y a plein d’ambiguïtés chez Muray, cela me rappelle l’article que Baudelaire voulait rajouter aux Droits de l’Homme « le droit de se contredire ». Poétiquement si l’on peut dire, Muray se rapprocherait plus de Rabelais, chez qui il y a aussi de grands moments « mystiques ». Enfin tous ces termes ne sont pas évidents à employer car ils collent tout de suite une étiquette. Il est clair que dans cette fameuse préface que j’invite tout le monde à lire, il met à mal la poésie des poètes « La poésie, enfin, m’a toujours semblé proche des promesses électorales, cette autre rhétorique aux alouettes ; sauf qu’elle n’est jamais exposée à la résistance ou à la sanction du réel, ce qui lui permet de demeurer éternellement une forme de démagogie parmi d’autres.» et en cela il s’oppose à Murat, mais aussi à pas mal de monde. Mais cette préface est aussi une manière de déblayer le terrain, tel un bulldozer, pour se faire de la place. « Mais cette éternité elle-même finit avec mon commencement. » conclut-il. C’est énorme de prétention!
 
Quant à moi, qui suis plein de respect pour Murat et Bashung, et qui ai l’impression d’en être à mes balbutiements si je me compare à eux, je commence aussi à être fatigué - surtout par tous ces suiveurs et suiveuses qui pensent représenter leur héritage - de cette poésie qui suggère plutôt qu’elle ne dit. Quand j’ai lu ces alexandrins « Le moral des ménages qui a encore baissé » ou encore par exemple  « J’aime bien les routiers quand ils bloquent les routes / Et font de ce pays une longue déroute » dans Minimum Respect, j’ai  tout de suite adhéré.
 

- Oui, c’est vrai qu’on ne peut pas mieux rêver comme entame pour un album : c’est les premiers vers de la première chanson…
Muray indique donc qu’il veut rester dans le réel, parle de prose, mais tout en souhaitant rester dans les contraintes de la rime, et pour le coup, il y va à fond… presque dans l’assonance, et on est presque dans le rap ? (Titre 3) impression renforcée par les orchestrations peut-être ?
 
 
Bertrand LOUIS:       C’est là toute l’originalité de ces textes, dans le sens où ils décrivent le monde moderne mais sous une forme rimée et rythmée. Certains peuvent effectivement se rapprocher du rap (en mieux écrit quand même) et même si j’ai au maximum essayé de chanter sur cet album pour rendre au mieux la musicalité des textes, il y a quelques moments déclamés entre rap et slam, comme Lâche-moi tout dont vous me parlez et aussi le dernier titre La comédie humaine. Mais l’un des intérêts (l’un des « pourquoi ») de la chanson aujourd’hui ne serait-il pas de créer des liens entre le rap (ou ses dérivés) qui s’accapare le réel, le parler vrai en quelque sorte d’une manière pas toujours très heureuse et la chanson « cultivée » qui devient de plus en plus évanescente ?
 


- Oui, mais comme sur le thème très présent de l’amour, c’est également ce qui pourra surprendre l’auditeur porteur d’a priori sur Muray… Mais qui ne surprendra pas ceux qui vous connaissent.  C’est aussi la poursuite de votre propre travail, j’ai pensé à Slogan par exemple…  une forme de détournement pour avoir un discours... on pourrait dire « révolutionnaire » (il était marxiste au départ, je crois) ?
 
Bertrand LOUIS:      Philippe Muray était quelqu’un d’extrêmement vivant d’après ce que j’en sais, ce qui inclut évidemment l’amour, le sexe et aussi la déconnade si je peux m’exprimer ainsi.

Quand j’ai commencé à le lire, c’est surtout cela qui m’a marqué en premier, cette grande santé mentale (qui peut rappeler celle de Nietzsche parfois). « Minimum Respect » est une mine d’or dans laquelle j’ai creusé pour en extraire certains thèmes et il est évident que j’en propose ma propre lecture, c’est-à-dire une alternance entre la détestation et l’amour. Je trouve même qu’il y a une certaine bienveillance dans le dernier titre « La comédie humaine » et je ne sais pas si c’est moi qui l’interprète de cette manière ou si elle était déjà présente. Il est évident aussi que cet album s’inscrit dans la continuité de mon travail, ce n’est pas pour rien que j’ai choisi Muray. Un esprit critique, une forme de détournement mais dans un sens créatif, pas forcément « révolutionnaire », terme à prendre avec des pincettes. D’ailleurs la révolution est le mouvement d’un astre autour d’un autre. Et je ne pense pas que Muray était révolutionnaire puisqu’il ne propose rien pour remplacer. Sinon oui effectivement il me semble qu’il était un peu à l’extrême gauche au départ je ne sais pas très bien je ne voudrais pas raconter de bêtises. Ce qui est sûr, c’est que la démarche de Muray est plus axée sur l’étude des mœurs et de leurs changements (il était très admirateur de Balzac), plutôt que sur la politique proprement dite.
 
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- Passé les surprises éventuelles, on a quand même les thèmes que l’on attend  chez Muray comme le refus de l’hygiénisme (Murat a eu parfois ce discours)  comme dans "lâche-moi tout" (vidéo ci-dessous), et la critique de la modernité… Dans une auto-interview parue sur votre site, vous choisissez un peu la provoc sur une question concernant le caractère « réac » de Muray. Pouvez-vous détailler un peu plus ? (je précise que j’ai dû qualifier Murat plusieurs fois de ce terme dans ce blog).
 
Bertrand LOUIS:  Oui c’est un peu provoc parce que ces termes réac, bien-pensant, bobo…sont utilisés à tout bout de champ et qu’ils veulent dire tout et n’importe quoi.

Aujourd’hui, l’on voudrait nous faire croire qu’il y aurait les gentils progressistes et leurs lendemains qui chantent d’un côté, et les méchants réacs ringards FN de l’autre. Bon cela j’ai l’impression que tout le monde le sait, mais le pire, c’est que les gens qui veulent réfléchir là-dessus, ou tout simplement mener leur existence librement sans rentrer dans ces deux clichés sont d’emblée catalogués comme des réacs. Il y a eu, et il y a en France de vrais mouvements de droite réactionnaire qui sont effectivement dangereux, mais être à l’affût du moindre dérapage pour traiter quelqu’un de réac, de facho, d’homophobe ou de je-ne-sais-quoi, c’est très dangereux également. Ça banalise et c’est un peu comme l’histoire de ce petit garçon qui criait « Au loup ! » alors qu’il n’y en avait pas, le jour où le loup a été vraiment là, plus personne ne l’a cru. « Dans ce monde moderne/ Je ne suis pas chez moi….Moi le fumier du monde/ Où tu veux te planter » (encore Mustango désolé). C’est clair qu’avec des phrases comme ça on peut vite se faire épingler (je plaisante évidemment). Pourtant il y a aussi la chanson « Les gonzesses et les pédés » sur cet album qui pourrait être un hymne moderne, mais qui n’a pas empêché Murat de se faire épingler sur le mur des homophobes d’Act Up. Pauvre de nous ! 
Finalement puisque nous parlons beaucoup des différences et des ressemblances entre Murat et Muray, on pourrait dire que Murat a plus de points communs avec Muray dans ce qu’il dit en interview que dans ses chansons.

 
 
 - … dans ses chansons aussi… puisque « vendre les près », le Cours ordinaire des choses, « terre de France »  ont été l’objet de lecture orientée… dans une récupération dont Murat est victime depuis deux ans (notamment par rapport à une interview du Point).  Pour vous, est-ce qu’on peut parler d’une récupération fallacieuse de Muray par disons « l’extrême-droite » ou  par une mouvance rouge-brune ?  Et si oui,  est-ce qu'il y a à vos yeux des frontières nettes qui le séparent de cette mouvance et, si oui, à quels niveaux se situent-elles ? Au niveau politique ? économique ? moral ? esthétique?
 
     
 
Bertrand LOUIS:       Il va falloir que j’écoute ou que je réécoute ces chansons-là alors. Je viens de lire l’interview de Murat dont vous parlez et je la trouve vraiment juste, dure mais juste. Alors parlons de récupération, sujet délicat s’il en est. Déjà, je ne vois pas trop ce qu’il y a de récupérable dans l’interview de Murat, il tape sur la bonne conscience de gauche des chanteurs, d’accord, il dit qu’il aime Bloy et Bernanos, d’accord. Mais taper sur la gauche ne veut pas dire qu’on est de droite ou d’extrême droite. Personnellement j’utilise un joker pour régler ce problème qui s’appelle Pierre Desproges : « à part la droite, il n’y a rien que je méprise autant que la gauche ! » Muray a lui aussi tapé sur la gauche et il est normal qu’il soit récupéré par la droite, surtout en ce moment. Mais bon je ne sais pas trop quoi dire sur ces histoires de récupération à part que ça me débecte. Je revendique la liberté de lire Léon Bloy, Philippe Muray et d’autres parce que leurs qualités littéraires sont énormes, un point c’est tout ! Vous allez voir qu’un jour,  aimer la littérature française, écrire (bien) en français, cela va être considéré comme réactionnaire, si ce n’est déjà le cas. En tout cas ce qui sépare Muray de certains de ses récupérateurs, c’est que lui est dans le littéraire, je ne suis pas persuadé que les dirigeants ou les militants de ces partis extrêmes seraient capable d’en lire deux lignes et de les comprendre.
 
louis blondi photo
                                                                                 Photo: Blondie Photographe


- Pour en finir sur ce chapitre, je voulais vous interroger sur un paradoxe que Murat peut incarner, mais auquel vous êtes confronté également : s’il y a d’un côté quelques tentatives de  récupération, on a de l’autre côté un soutien assez constant d’une certaine gauche culturelle bien-pensante, sur laquelle Murat a tapé, et que Muray exècre, et qui pourrait paraitre tout aussi étonnant    Je pense bien-sûr à Libé, aux Inrocks, Télérama, et Inter et leur public… Vous-même, vous avez été invité sur Inter… Est-ce que cela vous inspire quelques réflexions ? Et comment ces médias accueillent votre album (si vous le savez) ?

 
Bertrand LOUIS:     Oui c’est effectivement un paradoxe car cet héritage de la culture française est évidemment très présent chez Murat, chez Muray et chez beaucoup d’autres mais qu’il n’est pas très bien vu de le revendiquer aujourd’hui. Je pense vraiment qu’un artiste n’a pas à se préoccuper de ces choses-là. Arriver à chanter Philippe Muray sur Inter relève de l’exploit et j’en suis très fier. Il est un peu tôt pour moi de parler de l’accueil de mon album, je crois savoir que les médias dont vous parlez n’y sont pas insensibles, mais s’ils vont s’engager, je ne le sais pas encore. Peut-être que Muray pose problème, mais je m’en fiche car, je le répète, la qualité littéraire est énorme.
 

- Je viens de prendre connaissance de la dernière polémique (la polémique du jour) à propos de l’appel des 343 salauds, lancés par CAUSEUR (qui publie du Muray). Bruno Roger-Petit cite Muray dans un article à propos de cet appel.  
(Le lien que donne B. Roger-Petit  vers une interview de Muray permettra de comprendre d’où proviennent quelques propos de Murat)
Une réaction particulière à cette actualité ?
 
 
Bertrand LOUIS:        Encore une fois on veut nous faire croire qu’il y a les gentils d’un côté et les méchants de l’autre. Personnellement j’aime beaucoup les prostitués, je pense qu’elles sont les gardiennes du Temple de l’Amour. Nous vivons dans un monde absurde et schizophrène, d’un côté tout est fait pour provoquer le désir du Mâle et de l’autre tout est fait pour le châtier. Mais concrètement, dans la « réalité » encore une fois, comment cela va-t-il se passer ? Ils vont laisser les filles exploitées tapiner et d’un autre côté guetter les clients pour les verbaliser. Vont-ils le faire avant ou après ? Ou pendant tant qu’ils y sont ? Bref, c’est ridicule et cela va donner des situations très cocasses ! Finalement, leurs lois sont tellement débiles que j’ai bien envie d’être le 344ème salaud. Et puis tenez, puisque c’est malheureusement aussi d’actualité, « Let’s take a walk on the wild side ».  


- Alors, pour en revenir à l’album et à la musique,  Muray a lui-même chanté certains des titres que vous chantez. Est-ce que vous vous êtes servi de cette première mise en  musique ou avez cherché justement à  partir de zéro ? 
 
 
Bertrand LOUIS:      Muray a fait un disque de son vivant mais il avait lu les textes d’abord et ensuite, des musiciens ont fait la musique. J’ai essayé dans ma version, comme je l’ai dit plus haut de « chanter » les textes et cela impliquait de repartir de zéro. Qu’il l’ait fait lui-même m’a tout de même conforté dans ma démarche en me disant qu’il n’allait pas se retourner dans sa tombe.

 
- Vous avez évoqué dans votre première réponse la question des arrangements, en parlant d’électro. Ce n’est absolument pas une image que je garde de cet album… peut-être du fait de l’utilisation du piano que j’ai vraiment apprécié. Parlez-nous de ces arrangements ?
 
 
Bertrand LOUIS:      Effectivement c’est l’utilisation du piano qui était primordiale pour moi puisque c’est mon instrument de départ, que j’en joue depuis mon plus jeune âge et que je l’avais un peu délaissé pour le moment. Dans ce disque particulièrement, il représente pour moi le classicisme qu’il y a chez Muray. Le côté rock basse batterie guitares met en valeur l’énergie, la « santé mentale » des textes et enfin « l’électro » et les synthés, même si ça ne date pas d’hier, mettent l’accent sur le moderne mais aussi sur l’ironie. En même temps, toutes ces considérations n’appartiennent qu’à moi et chacun peut le ressentir à sa façon.
 
    bertrand louis 11 09 blondie                                                                                                       Photo: Blondie Photographe


 - Si votre voix et votre interprétation collent parfaitement à Muray,  j’ai un coup de cœur terrible pour la voix qui arrive dans deux chansons… celle de Lisa Portelli*. Quelle est l’histoire de cette collaboration ?                                                              
                                            *la rencontre Lisa/Jean-Louis chez D. Varrod ici, où elle dit ceci :"j'aime ne pas me 
                                               sentir en sécurité avec les gens avec lesquels je travaille".   


Bertrand LOUIS:      Oui moi aussi je l’aime bien c’est pour ça que je l’ai choisie… Mais c’est vrai que sa voix est d’autant plus mise en valeur que le reste est vraiment très masculin. 
 
   
-  Vous chantez donc avec Lisa une chanson autour du 11/09... Un thème qui a inspiré de nombreux auteurs compositeurs, aux Etats-Unis, comme en France, dont Murat…  Est-ce que vous y pensiez en la réalisant ? Pouvez-vous nous parler plus en détail de cette chanson ?
 
 
Bertrand LOUIS:      Le 11 septembre 2001, c’était franchement difficile de passer à côté. Je me souviens m’être demandé qui allait faire une chanson dessus en premier. J’aime bien celle de Katerine. La musique m’est venue assez naturellement quand j’ai lu le texte, l’idée du duo également. Lisa et moi étions d’accord pour dire que sa voix est un peu jeune pour chanter cette histoire de vieux couple. Mais j’aime bien dans les duos, que cela ne soit pas trop cinématographique, sa voix est un comme prolongement féminin de la mienne.
     
     bertrand-louis-live.jpg                                                                            


 - Vous chantez bientôt à PARIS,  est-ce que vous avez un tourneur pour d’autres dates en France ?
 
Bertrand LOUIS:       Oui, je monte un spectacle piano voix et avec un guitariste électrique, Jérôme Castel. Le but étant de proposer une version plus intime du disque tout en gardant un esprit rock, afin de rendre au mieux la puissance des textes de Muray. Je me suis un peu inspiré de l’album Songs For Drella de Lou Reed et John Cale, album que je trouve admirable. Il y aura aussi sûrement quelques lectures qui vont s’insérer par la suite. J’aimerais « installer » ce spectacle musical dans un lieu parisien pendant longtemps et évidemment pouvoir « tourner » avec, cela démarre d’ailleurs plutôt bien, vu les trois premières dates que l’on vient de faire.


Un grand merci Bertrand Louis pour votre disponibilité et votre bienveillance!

Interview réalisée par mails du 6/10/2013 au 15/11/2013.
Cette inter-ViOUS ET MURAT- ne contenait toujours pas de questions sur la crise du marché du disque (ne mangez pas au mac-do, achetez un disque).   
 

LE LIEN EN PLUS :

- Le site officiel:
http://www.bertrandlouis.com/


- Pour que "Sans moi" ne soit pas sans vous:



 
- Concerts à l'espace Christian Dente, Paris:
les lundi 13 et mardi 14 janvier 2014

- Vidéos:
Les diverses ambiances du disque "sans moi" dans ces deux vidéos:
          * Avertissement: Ecouter de la musique ne provoque pas de cancer.

 


- Et pour finir, une émission en écoute: LA BANDE PASSANTE sur RFI
http://www.rfi.fr/emission/20131104-2-bertrand-louis
et une interview par Baptiste ViGNOL:
http://delafenetredenhaut.blogspot.fr/2010/11/bertrand-louis.html

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RETROUVEZ LES PRECEDENTES Inter-ViOUS ET MURAT-  :

http://www.surjeanlouismurat.com/categorie-11422242.html


Merci encore à Baptiste Vignol (inter-ViOUS n°2)  qui m'a permis d'entrer en contact avec Bertrand Louis.  
Ecoutez "l'armure" d'Erik Arnaud.    

 Avec également (ceux que je n'ai pas cité en introduction) : le journaliste Olivier NUC, Armelle PIOLINE d'HOLDEN, Eric Quenard (homme politique), Les groupes Le Voyage de NOZ , Karl-Alex Steffen, Porco-Rosso

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Rédigé par Pierrot

Publié dans #inter-ViOUS et MURAT

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