Dans l'article précédent, je vous avais rapidement raconté le début de cette première journée du Festival des Belles journées avec Ubikar, Mensch et Grand Blanc.
Une captation vidéo de Grand Blanc que j'ai mise en ligne depuis:
La tête d'affiche de la soirée était donc ROVER.
Quel personnage et surtout quel voix... Notre véritable Elvis (même s'il a surtout des airs de Dutronc bouffi, avec les lunettes). Je l'ai trouvé excellent, et sympa (parlant un peu, ôtant ses lunettes sur la 2e partie).
Voici 9 minutes du concert (Après les Cure, Joy Division des Mensch, et avant les Stooges et MC5 de Dominic Sonic, Rover lui délivre une musique qui m'évoque Bowie):
le multi-instrumentiste Sébastien Collinet à ses côtés (on l'avait découvert avec Florent Marchet (Courchevel)
- La soirée s'est terminée par Dominique Sonic, le rescapé (une bonne interview qui revient sur son parcours).. Du bon rock à l'ancienne (avec une reprise de T Rex - 20th Century boy), mais avec beaucoup d'humour et de joie sur scène.
En:vidéo, la seule chanson à la guitare sèche et en français qui a offert une petite respiration dans le set très rock (Bashung lui aurait demandé des textes à une époque: Barclay insistait sur le fait qu’il voulait vraiment me rencontrer. On a finalement fait un festival ensemble dans le Massif Central, on a pris le train ensemble. On a commencé à parler tous les deux et il y avait une espèce d’évidence absolue. Il m’a invité le soir même à le rejoindre sur scène. On est ensuite restés en contact et il s’est mis à m’appeler tous les jours. Un jour il m’a demandé des textes. Malheureusement, cela n’était pas ma priorité à ce moment là. J’avais de gros soucis personnels. Il insistait tellement que, au final, je lui ai envoyé de la merde, des trucs faits vite fait. C’est un de mes plus grands regrets…Quand il a sorti « Osez Joséphine », j’y ai retrouvé une phrase de moi. Je lui avais envoyé la phrase : « des moments durent plus que des moments doux » qu’il a changé en « et que ne durent que les moments doux »!
Son set aux Vieilles Charrues est visible sur CULTUREBOX.
Quand une paire de baguette ne suffit pas...
Une première soirée des Belles journées qui a donc été très rock et lorgnant un peu vers le passé, mise à part Grand Blanc qui tente ou revendique d'explorer des territoires nouveaux. Un paradoxe pour un festival indé peut-être... même si on a pu entendre une belle diversité, et qui a démontré qu'on pouvait être aussi fort que les ricains (Rover, Dominique Sonic)... Le fait est malgré tout, que la "pop française" m'a un peu manqué par rapport à la première soirée de l'an dernier.
Le Festival les Belles Journées à Bourgoin-Jallieu vit donc sa 2e édition ce week-end. La ville a l'ambition d'implanter ce rendez-vous durablement et ne choisit pas la facilité en l'axant sur "la musique indé française"... et l'affluence était une nouvelle fois décevante. Pour ce samedi, avec la météo favorable (il avait plu l'an dernier), on peut tout de même espérer un meilleur score... d'autant plus que la Grande Sophie (au programme ce jour) lorgne vers un public plus large.
- A 18h30, les Lyonnais d'UBIKAR, qui sortent de la couveuse des Abattoirs - qu'ils ont remercié chaleureusement- ont joué devant une maigre assistance, mais se sont fait plaisir. Le trio livre un rock instrumental, marqué par la techno, presque parfois dub.
"Trio de rock électro originaire de Lyon, Ubikar propose un son à la fois organique et électronique. Leurs influences puisent autant dans le rock que dans la bass music. Un projet hybride donc, donnant lieu à plusieurs collaborations donc Ben Sharpa sur le dernier album « altitude.Zero » sorti en mars 2016.
Ubikar est engagé. Engagé à saisir la peine et à la ramener au sol. Puis marcher dessus d’un pas pesé. L’altitude se mesure au point zero. De là naît la lumière. Du bruit des pas qui foulent le sol. Du sol qui gronde".
Guitariste qui rejoint parfois son clavier, comme le bassiste. Sur quelques titres, un sample de voix intervient, ci-dessous... sur un seul titre, deux phrases criées:
Ce n'est pas trop mon truc...
- Deuxième groupe: Mensch, toujours des lyonnais... en l’occurrence des lyonnaises. Un duo guitare/basse avec boite à rythme, qui livre un rock puissant et eighties. "le duo mélange rock, kraut, pop, afrobeat et new wave et crée le son de Mensch… quelque part entre Lcd Soundsystem et Blondie… let’s dance and die !" . Du post punk quoi, Cure première période. Dire que c'est dansant un peu exagéré à mon avis, à moins d'être enfermé dans une cave bien sombre du côté de la Croix Rousse... mais il y a une belle énergie, malgré un côté un peu froid tant dans la musique que la présentation (certes, on ne peut pas faire du joy division en faisant tourner les serviettes). En tout cas, La presse a salué leur disque et j'ai apprécié le petit voyage dans le temps.
Grand Blanc apprécie (si, si... ça ne se voit pas sur cette photo, mais je vous l'assure).
- Grand Blanc semble avoir attiré quelques personnes. Les Inrocks les adorent... et je suis troublé par leur jeunesse... leur jeunesse qui les fait contester une éventuelle étiquette rock, et qui a assimilé et apprécié la techno et le rap. Sous des allures d'ado et les cheveux oxygénés, une musique simple, ils cachent des années de conservatoire ou des hautes études littéraires... Et qui plus est, ils ne sont pas si jeunes: autour de 25 ans! Ils connaissent même Jean-Louis Murat:
Est-ce que c'est ce décor qui vous inspire des idées noires, comme dans votre single sombre Samedi la nuit ?
Non, pas forcément. Notre chanson Samedi la nuit ne raconte pas seulement la débauche mais aussi le paradoxe de la jeunesse, qui éprouve une grande pulsion de vie en voulant se défouler et en même temps une grande pulsion de mort en prenant plaisir à se mettre en danger. Mais nous aurions pu avoir ces idées ailleurs. Jean-Louis Murat, qui vit depuis trente-cinq ans dans un village en Auvergne, a par exemple un problème avec la mort. Ce n'est donc pas un bout de gazon qui protège de la mélancolie. Ce qui est difficile dans une tentative artistique, c'est de trouver les moyens de l'exprimer. On peut la transmettre de manière très pure ou abstraite avec de la poésie. Mais il faut être un orfèvre. Comme nous n'avons pas vraiment ce talent et que ce n'est pas notre culture, nous préférons le faire avec ce que nous ramassons au passage, dans la ville et les environs.
Dans un texte descriptif pour introduire le groupe, vous mentionnez Alain Bashung. Vous inspire-t-il beaucoup pour vos écrits?
Je suis passé par plein de phases pour l'écriture, depuis mes 15 ans. Au départ je pastichais Beaudelaire puis j'ai parodié La Rue Kétanou. Ensuite je suis allé en prépa littéraire et j'ai mis beaucoup de temps à oublier qu'on n'a pas forcément besoin de traditions pour écrire. Les autres membres du groupe m'ont beaucoup aidé à perdre ces réflexes. Bashung quant à lui représente pour nous une période faste de la variété française. Nous ne souhaitons pas l'imiter mais nous aimerions que le climat de cette époque revienne. Nous avons d'ailleurs l'impression qu'il est un peu de retour avec des groupes comme Moodoïd, La Femme, Blind Digital Citizen, Granville… Ce sont des groupes que nous aimons bien, ils font une musique très instrumentale avec des textes marquants. Chacun à sa manière, ils font de la pop, dans un style énervé, tout en chantant en français. Nous avons donc des points communs. interview le Figaro
Propos repris ensuite:
Vous aviez dit quelque chose de très intéressant au sujet de Jean-Louis Murat dans une interview : « Ça fait 35 ans qu’il vit dans son village d’Auvergne, il a un problème avec la mort. Ce n’est donc pas un bout de gazon qui protège de la mélancolie. » Qu’est-ce que vous entendez par-là ?
Benoît : Je l’ai découvert il n’y a pas si longtemps, du coup j’ai lu des trucs sur lui. Je suis notamment tombé sur un blog qui parlait du rapport qu’avait Murat avec la mort. C’est quand même un thème assez présent. Il y a de la violence, il y a de la mort chez Murat et pourtant…
Vincent [il coupe] : Je crois que ce qu’on a voulu dire c’est que Jean-Louis Murat parle autant de mort que nous alors qu’il vit à la campagne. Ce n’est pas parce qu’il y a des usines autour de nous qu’on parle plus de la mort. C’est juste que ça travaille un peu tout le monde. Interview sur Buggin
Dans une 3e interview, Murat est même cité comme un souhait ou un rêve de collaboration... après Christophe, Christine and the Queen:
Benoît : Non mais Christophe, Murat, en tout cas dans le côté texte, ça peut être pas mal. Les premiers morceaux de Murat, je les ai réécoutés récemment, ça faisait longtemps, j’avais oublié qu’il avait eu une période avec des prod’ élitistes, trop bizarres avec des saxos complètement foireux… (rires) Interview addict Culture
le Grand blanc:
J'oublie de lâcher mon appareil photo durant le set et j'ai du coup l'impression d'avoir été survolé par la prestation, de ne retenir que l'énergie et l'électricité. Dommage car c'était le seul groupe du soir à chanter en français (un titre pour Mensch, et un titre pour Dominique Sonic).
(vous aurez une petite vidéo demain en plus)
On termine demain avec le reste du programme de la soirée: Rover et Dominique Sonic.
Et pour les autres, on se voit ce soir: avec Armand Mélies, la Grande Sophie, Broken Back... En attendant, je vais me coucher... parce qu'être en festival, avec une petite angine, ce n'est pas top...
Toujours pas d'actu muratienne... alors un peu de pub pour le festival LES BELLES JOURNEES de la semaine prochaine, 2e édition, où je me rendrai comme l'an dernier. La programmation m'interpelle un peu moins que la précédente édition (avec pleins d'artistes appréciant Murat) mais on ne devrait pas pour autant s'ennuyer. Alors, venez prolonger l'été pour ce dernier grand festival en extérieur, dans ce joli environnement.
Comme l'an dernier (on avait parlé de JLM), j'ai posé quelques questions à Laurent TOQUET, le programmateur.
1) Orientations pour 2016?
Pas de grand changement en ce qui concerne la ligne artistique de cette deuxième édition, la couleur majoritaire demeure toujours le "poprock indé français" au sens large du terme avec une ouverture vers la chanson française de qualité, c'est à dire celle pour qui la qualité des textes est primordiale et celle qui ne fait guère de concession pour devenir "bankable" à n'importe quel prix.
2) Les nouveautés sur le festival?
Pas de nouveautés en ce qui concerne l'organisation qui a été une vraie réussite l'année dernière (louée par tous les artistes). Par contre nous avons revu nos tarifs à la baisse, bien qu'ils étaient déjà très bas l'année dernière. Nous sommes donc à 15€ pour une journée (5 groupes), et 25€ le pass pour les deux journées (10 groupes), ce qui fait un festival complet pour le prix d'un concert, on ne peut pas être moins cher. Nous aurons également sur le site de l'événement au Parc des Lilattes plus d'animations, de Foodtrucks, plus de place pour le merchandising des artistes et plus de bénévoles au service du public.
3) Les grands moments du festival cette année?
A mon avis cela sera le final avec Broken Back, beaucoup de gens vont découvrir cet artiste, dont la musique abordable dans le bon sens du terme, c'est à dire populaire et dansante, va ravir un public large, multi-générations. C'est pop et électro à la fois, léger et parfaitement calibré pour terminer de façon optimale, sur une note très optimiste un événement comme Les Belles Journées. En ce qui me concerne personnellement je suis très impatient de découvrir la jeune Pauline Drand sur scène, qui à mon avis est la future grande chanteuse folk française, entre Nick Drake et Karen Dalton, son univers très poétique et assez exigeant, fera bien des accrocs au fil du temps. Sinon je suis ravi de revoir Dominic Sonic, qui après un passage à vide assez long, nous revient avec un album de grande qualité et qui va mettre tout le monde à genoux avec son show très rock n'roll circus.
Et puis ne pas oublier: Arman Méliès, qui est pour moi le seul digne héritier de Bashung, dont le dernier disque "Vertigone" est un chef-d'oeuvre; aussi Harold Martinez qui à lui tout seul fait revivre le fantôme du Gun Club avec une générosité et une sincérité sans égal et les autres: Ubikar, Mensch, Grand Blanc, La Grande Sophie et Rover qui est sans aucun doute la Star de la programmation.
Franchement, j'aime tous les artistes que j'ai programmé (je n'ai pas cédé aux sirènes de la facilité et du "vu à la télé), je ressens pour tous de l'affection voire de la passion, et je sais qu'ils sont des "gens biens" ce qui pour moi est le plus important, l'intégrité est un facteur incontournable pour jouer aux Belles Journées.
4)L'artiste que tu aurais voulu avoir?
Christophe sans hésiter et si je pouvais faire reformer un groupe mythique pour jouer aux Belles Journées: Marquis de Sade, le plus grand groupe de rock français de tous les temps, pour moi y'a pas photo. Cela serait un rêve de les programmer et de les revoir jouer ensemble sur scène à nouveau.
Après une pause sans wifi, je reviens vers vous... pour partager quelques photos de vacances... datées du 14/8. Pas d'imagination pour ce premier jour... alors, direction le col de la croix morand, les roches... et lac de Servières.
Du col, la banne d'ordanche et ses fondus d'aéromodélisme.
... Et bizarrement, il y avait beaucoup plus de monde là-haut que le lendemain du dernier koloko... où on s'est gelé. Sans doute pas loin d'être la plus grosse journée d'affluence de l'année... Le parking des Roches déborde... et que dire du Servières... Voici quelques clichés qui permettront de comprendre en partie les citations suivantes de M. Murat:
Je ne supporte pas le fait touristique, qui, pour moi, est la fin du monde
Je suis originaire d'une région touristique, j'éprouve toujours une certaine honte à faire le touriste. Je connais quand même assez bien le monde.
Moi, de toute façon, je déteste le tourisme et les touristes, et depuis que je suis tout petit. Enfant, j’ai été élevé à la ferme, et chaque fois que mon grand-père voyait un touriste, il sortait son fusil chargé de cartouches de gros sel.
(bon, la majorité des voitures sont du 63 sur le parking...)
Il y a deux ans je vous proposais une série d'été à partir de cartes postales anciennes sur le pays de Murat dont un article sur le Servière. Je me suis rappelé de celle-ci.
La rive côté Puy de Dôme est bondée... Parasols, dragueurs, jeu de raquettes, et maillot brésilien, il ne manque que les marchands de chouchou. Certains s'installent même dans le pré au fond sur les hauteurs, ce qui donne un petit côté surréaliste.
(Pour rappel, la baignade dans le lac est interdite...).
Pour mémoire un article de M. qui évoquait également le lac... et son plus fidèle admirateur.
Malgré tout, en faisant le tour du lac... la magie opère toujours.
Cette ligne d'horizon est vraiment unique.
Et... pour finir la journée rituelle: Passage au camping à la ferme à Orcival pour s'acheter un St-Nectaire de 5 mois... et présenter ses hommages à la Lady...
Et je finis la journée enfin avec des découvertes : les gorges d'Avèze pour voir la Dordogne, et à la limite du pays (passage rapide par le Parc du plateau de millevaches dans le Limousin, à peine passé Bourg-Lastic)... une petite visite au Chavanon (Mujabe ribe)... où il parait que l'orage gronde parfois. C'est une belle petite rivière à truite... (et à loutres!) ... pas évidente à trouver. Par endroits, sur les hauteurs, la vue se prolonge du Sancy jusqu'au Cantal.
Sur le bord du Chavanon
La communauté de communes du secteur s'appelle "Sioulet-Chavanon" (le Sioulet coule à partir d'Orcival mais le Chavanon lui vient de la Creuse... où il s'appelle RAMADE).
M. n'est plus ici, même s'il a toujours été ailleurs... mais il a laissé en réserve du matériel. Dont cette article.. dont nous avons souvent parlé ensemble. Me mettait-il au défi? Je ne sais pas. Je me rappelle soudain que ce blog a failli s'appeler: jenaimepasjeanlouismurat, et que mon premier article s'intitulait ainsi... une façon de célébrer la liberté d'expression, raison d'être de ce blog à ce moment-là. Après, il a grandi... J'ai ménagé il est vrai parfois les susceptibilités, refusé de faire de la publicité à des gens nauséabonds, mais l'actualité a toujours été traitée. Et dans l'actualité et les archives, force est de constater qu'on trouve souvent des gens qui n'aiment pas Murat. Si! M nous propose donc une petite compilation... et l'été, c'est l'époque des marronniers dans les médias... Ils pleuvent ici (des marrons niais?). Ames sensibles, attention...
Dix bonnes raisons de détester Jean-Louis Murat – Crash-test –
Peut-on rire de tout ? Le droit au blasphème inclut-il les chanteurs de variété ? Est-il permis d'être susceptible quand on admire un provocateur ? Jean-Louis Murat a-t-il vraiment toujours été le chouchou des journalistes ? Quid de la liberté de dézinguer un artiste sur un site qui lui est entièrement consacré ? Le rancherisme est-il un humanisme ? Et la muratophobie, un voltairisme ? Hootchie !!!
"La liberté d'expression, c'est d'abord pouvoir dire du mal…"
[Jean-Louis Murat, le 2 mai 2016].
En guise de préambule prise de tête et superfétatoire...
En septembre 2013 paraissait aux éditions Écriture Les Funambules de la ritournelle de Patrice Delbourg, copieux ouvrage regroupant cent portraits de chanteurs francophones, tous genres confondus, depuis (notre) Béranger au début du XIXème siècle jusqu'à (notre) Camille au début du XXIème siècle. Usant délibérément d'un ton subjectif et incisif, l'auteur – déjà connu pour quelques mémorables éreintements – nous offrait, dans cette somme de plus de six cents pages, ce qui reste à ce jour la charge la plus dévastatrice, corrosive et réjouissante contre Jean-Louis Murat. S'il est en effet courant de rencontrer des personnes qui ont une opinion mitigée sur l'artiste (par exemple, des gens qui aiment ses chansons, mais pas sa personnalité – ou l'inverse), la particularité de Delbourg est qu'il n'aime (à peu près) rien de Murat.
Ce texte, qui n'est mentionné nulle part sur les sites de référence dédiés au chanteur, a rapidement suscité en nous l'envie d'aller faire un tour du côté obscur de la force, chez celles et ceux que Murat insupporte. Mais entre 2013 et 2016, deux faits ont infléchi notre démarche. La publication d'un essai biographique sur JLM a provoqué chez certains de ses admirateurs des réactions tièdes, voire hostiles. Indépendamment des lacunes de l'ouvrage et de la personnalité clivante de son auteur, dont la probité n'est pas la qualité première, sa parution a confronté ceux qui suivent Murat de près à cette désagréable impression que l'on peut ressentir lorsqu'un intrus (ou supposé tel) met le nez dans des affaires intimes (ou jugées telles). Voir sa vie raconter sans son consentement par un étranger, que ce soit dans un dossier d'instruction judiciaire, un rapport médical ou un ouvrage biographique, a toujours quelque chose de traumatisant ("Il est incroyable que la perspective d'avoir un biographe n'ait fait renoncer personne à avoir une vie", écrivait Cioran) et l'on peut estimer, avec du recul, que certains muratiens ont vécu (à un degré moindre) une expérience voisine.
Autre événement, d'une ampleur sans comparaison, les attentats meurtriers contre Charlie Hebdo ont réactivé l'éternel débat sur la liberté d'expression et ses limites, marqué dans ce cas par une injonction lancée à une partie de la population à davantage d'autodérision (sur le thème : ces gens-là devraient apprendre à accepter qu'on se moque de leur Dieu...). Or, il faut bien reconnaître que chez les fans en général, quel que soit le domaine (et cela vaut aussi bien sûr pour l'auteur de ces lignes), le manque d'humour et de recul est parfois spectaculaire, sitôt qu'on égratigne l'être adoré – y compris lorsqu'il ne s'agit que d'un humain. La susceptibilité est donc un travers largement partagé, dont aucune communauté ne détient le monopole – même si, et c'est heureux, elle ne débouche pas à chaque fois sur la violence armée.
C'est pourquoi, le texte qui suit se voudrait tout à la fois un pot-pourri de critiques négatives émises au fil du temps sur JLM, un joyeux divertissement rancheromasochiste, mais aussi, en creux, un éloge de l'autodérision et de ce "penser contre soi-même" si souvent prêché, si rarement pratiqué. Voici donc dix – excellentes ! – raisons de détester Jean-Louis Murat...
AVERTISSEMENT : Toutes les citations utilisées ci-dessous sont authentifiées et sourcées (cf. infra). Leur sélection, leur agencement, leur mise en scène et les commentaires qui les entourent sont en revanche inspirés par une mauvaise foi flagrante et revendiquée. Bête et méchant, qu'on vous dit...
RAISON N° 1 : SES TEXTES. Tombé dès l'enfance dans "l'étang limoneux de la poésie logorrhéique", Jean-Louis Murat a produit depuis "des dizaines de ballades hypnotiques, souvent brumeuses, au verbe pompeux, sans âme ni ligne mélodique, [qui] peinent à retenir l'attention du badaud. Dans ce bric-à-brac sonore, le démiurge cueilleur de myrtilles fourre au chausse-pied les termes suivants : cormoran, rhubarbe, gastéropode, Poulidor, gentiane, réséda, testostérone, jaguar… Ce n'est plus de la chanson, c'est du Scrabble en duplicate. Avec 'fanfaron' sur un mot triple…" Cette analyse philologique de Patrice Delbourg pourrait au premier abord paraître sévère, mais ils sont en réalité plusieurs à émettre des réserves sur les textes de JLM. Le professeur de musique Christophe Sibille, par exemple, n'hésite pas à se gausser des "paroles insanes de tes merdes, que je ne pourrais nommer 'chansons' sans éclater de rire". Affinant sa description des étrons sus-mentionnés, il précise : "Ce seraient des chansons sans texte dont on aurait enlevé la musique, et d'où toute voix et sentiments musical serait absents". Déjà en 1992, Thierry Séchan ironisait à propos "des audaces de style qui ravissent midinettes et gogos" de celui qu'il surnommerait plus tard "le Cioran de la chansonnette". Il est vrai que les textes de Murat ont de quoi déconcerter : "Ce que Murat raconte, c'est vraiment pour moi devenu un vrai mystère […] J'ai l'impression d’entendre Frédéric Nihous qui a avalé de travers Les Nourritures terrestres", jugeait ainsi Christophe Conte lors de la sortie de Grand Lièvre. Jérôme Pintoux le suit dans son analyse en relevant "un goût prononcé pour le décousu, l'ellipse [qui] rendent ses textes souvent énigmatiques." Au point que même les meilleures volontés s'y épuisent, telle celle de la journaliste Guillemette Odicino : "Cheyenne Autumn, c'est un album que j'ai écouté et sur-écouté, pour vraiment le pénétrer, mais celui-là [Grand Lièvre], j'ai pas envie de passer outre cet hermétisme de départ. [...] Les paroles hermétiques, cette poésie un peu chamanique et tout [...] moi ça me fatigue, vraiment, là définitivement, Murat, ça me fatigue." Une telle lassitude se comprend d'autant mieux que, non content d'écrire des textes plus obscurs les uns que les autres, le parolier auvergnat souffre d'une tare bien repérée par Sophie Delassein : "Son problème, c'est qu'il lâche le thème du début, en général, à la fin. C'est-à-dire qu'il peut commencer une chanson d'amour et finir sur le saucisson, c'est assez bizarre quoi, il devrait se relire peut-être." Se relire... ou travailler davantage. Pintoux regrette ainsi "une certaine désinvolture dans l'écriture, un peu par-dessous [sic] la jambe". Ce que reconnaît Murat lui-même : "Je n'ai jamais été un fanatique du travail sur les textes". Il n'y a donc aucune raison sérieuse de faire passer pour poète un simple rimailleur, suffisamment lucide pour déclarer : "Moi, j'ai un niveau de seconde/première en français, c'est tout ! C'est pas plus compliqué que ça ce que je fais…" Tout est dit. (Et encore, on ne vous parle pas des paroles de Golden Couillas...).
RAISON N° 2 : SA MUSIQUE. Il arrive qu'un parolier médiocre se sauve par des compositions particulièrement inspirées. Las, Murat n'a pas ce talent non plus. Delbourg : "Longtemps, il n'a paru accorder à la musique qu'une fonction accessoire de support balistique, décor plus ou moins escamoté devant lequel sa voix, ses textes occupaient sans partage les premiers rôles. Il aimait à composer dans sa grange, du foin dans les amplis, et enregistrer dans des studios de fortune au cœur des monts d'Auvergne de grandes tartines sonores à la petite semaine, où il se regardait le nombril à la loupe…" La situation a-t-elle évolué favorablement depuis ? Rien n'est moins sûr. S'il fut un temps où Benoît Sabatier considérait Murat comme une possible "alternative à la variété avariée", il estime désormais que "Jean-Louis incarne la chanson française de qualichié." Et force est de constater, avec Delbourg, que "sa musique de caddie pour intellos ramollos continue à défiler comme les cartons ajourés d'un limonaire." En fait, le principal défaut des compositions de JLM réside dans leur platitude, dans ce côté déjà-mille-fois-entendu qui provoque immédiatement l'ennui. Olivier Lamm sait trouver les termes adéquats pour décrire ce phénomène : "Cette musique est tellement atrocement banale et continue qu'elle en devient pour moi [...] absolument impénétrable, je peux pas entrer, y a pas une seule mélodie qui m’accroche, c'est comme des blocs d'emmerdement". Murat admet d'ailleurs n'avoir jamais été un avant-gardiste : "Je pense que musicalement je me suis jamais amusé à faire des trucs d'acrobate..." Quant à ceux qui espéreraient que des ornementations subtiles et inventives puissent doper ces compositions indigentes, ils peuvent toujours attendre. Jean-Bernard Hébey, son premier producteur, est revenu depuis longtemps de ses illusions, lui qui déplore l'absence d'efforts dans ce domaine de son ancien protégé, aujourd'hui comme hier : "Il a encore sorti un album de maquettes, ça n'a toujours pas le son des productions des chanteurs de variété (au sens noble du terme). [...] De toute façon, même si vous lui donnez le London Symphony Orchestra, il fera une démo enregistrée dans sa cave." Delbourg a donc tout lieu de regretter que dans le répertoire de Murat, "tout baigne dans un rata frugal, souvent coupé d'eau chaude." Triste. (Et encore, on ne vous parle pas des BO pour Lætitia Masson...).
RAISON N° 3 : SON CHANT. Il se murmure que la voix de Murat déclencherait chez certaines auditrices des réactions physiologiques inattendues… Patrice Delbourg, chromosomes XY, ne connaît pas ce genre de plaisir et se fait le porte-parole de tous les autres : "Sa voix reste pour le plus grand nombre un puissant antalgique à action lente. Beaucoup de dégoût stagne au fond du palais. Il chante comme on s'exonère." Dominique A ne peut que renchérir en regrettant cette manière de "parfois chanter comme il parle : comme si ça le dégoûtait, que ça ne valait pas la peine de faire travailler ses maxillaires." Mais le fond du problème vient-il de la voix elle-même, de son timbre ou de la façon de chanter ? À lire attentivement Delbourg, le mal se situerait au niveau de l'articulation… ou plutôt de l'absence d'articulation : "Il chante un peu comme un épicier-bougnat, gardant les gros morceaux entre les dents et oubliant de rendre la monnaie. Tout ceci reste crispé et chiche, manquant nettement de générosité aux entournures." Résultat ? "Nombre de séquences psalmodiées sont expédiées d'un timbre ébréché en dégueulando." De son côté, Thomas Sinaeve insiste sur la "voix de crooner bourré" du musicien, tandis que Bruno Lesprit trouve celle-ci d'"d'une nonchalance endémique, complaisante dans la complainte." Mais au final, c'est peut-être Valérie Lehoux qui réussit le mieux à ordonner ce mini-débat entre l'organe et son usage : "On se retrouve avec ce garçon qui a une voix évidemment très particulière, mais qui parfois marmonne, avec une voix qui est traitée d'une façon très lointaine, donc qu'on capte pas [...] Je trouve ça regrettable, je trouve que c'est une des limites de ce disque-ci [Le cours ordinaire des choses] et de Murat en général d'ailleurs." Résumons : JLM a une voix singulière qui aurait tendance à endormir l’auditoire et il prend en plus un malin plaisir à la triturer et à ne pas articuler. Ajoutons à cela que ses chansons expriment pour la plupart un sentiment de frustration et l'on comprendra qu'Arnaud Viviant ait pu synthétiser autrefois "la discussion esthétique autour de Jean-Louis Murat [...] en ces termes : peut-on chanter l'ennui sans finir par être soi-même calamiteusement ennuyeux ?" On ne s'étonnera pas non plus que l'humoriste Wally ait avoué avoir piqué du nez en écoutant une Black session du chouchou de Bernard Lenoir. Que celui qui n'a jamais été gagné par le sommeil en entendant chanter Murat lui jette la première pierre ! (Et encore, on ne vous parle pas de 1451...).
"Le prince charmant", chanson parodique inspirée à Wally par Murat. À retrouver sur "À vendre" (cd ou DVD).
RAISON N° 4 : SA PRODUCTION DISCOGRAPHIQUE. Aux yeux de Patrice Delbourg, elle est marquée par la surabondance et l'uniformité. "Une flopée d'albums s'agglutine dans les rayonnages des soldeurs à un rythme plus que soutenu, plus d'un par Noël ouvrable. Beaucoup trop pour la bourse d'un fan moyen. Quelle chanson retenir dans tout ce capharnaüm ? Aucune, à première oreille." Certains attribuent ce rythme de travail au-dessus de la moyenne à la formidable créativité de l'artiste. D'autres se permettent d'avoir quelques doutes à ce sujet. Ainsi Jean-Vic Chapus émettait-il à propos de Lilith le jugement suivant : "Murat est aussi une grosse fainéasse (plus de la moitié de ces 23 morceaux semble à peine peaufinée) qui n'aime rien tant que se voir chanter, écrire et jouer de la guitare." Le chanteur serait-il parfois gagné par une forme d'onanisme ? Pour Christophe Goffette, c'est évident : "Jean-Louis Murat est un branleur, on pourrait même dire que tout son travail est établi sur une stratégie de la branlette assez sophistiquée." Beaucoup de chansons, pas assez travaillées... Au moins peut-on prédire que sur la quantité, certaines marqueront les esprits. À moins que... Hébey : "Il n'a pas du tout fait carrière, il a fait des disques les uns derrière les autres dont tout le monde se fout". Dans le même esprit, l'humour en plus, Laurent Gerra dépeint JLM en "poète dépressif autoproclamé dont personne ne peut citer la moindre chanson". Le blogueur Damie Chad se montre plus indulgent en sauvant tout de même un fragment de l’œuvre : "il existe un passage d'un morceau de Murat que j'adore, je ne sais pas le titre, c'est celui où vers la fin l'on entend un canidé aboyer. [...] Évidemment, avec le goût déplorable qui le caractérise, Murat l'a mixé en sourdine, faut tendre l'oreille pour l'entendre, mais tout de même ces quinze secondes canines sont le seul moment de sa discographie digne d'être retenu." Murat ne laissera-t-il alors d'autre trace dans l'histoire de la chanson française que celle d'un Stakhanoviste sans tubes ? Conscient du danger, Renaud Paulik avait eu la sagesse de lui conseiller dès 2005 de "lever le pied, voire de passer aux trente-cinq heures pour éviter le pire". Mais pour Delbourg, on y revient, le pire est déjà atteint et la cause devenue sans espoir : "Les albums s'accumulent, avec cette impeccable lucidité de savoir que chaque nouvelle livraison sera une défaite. Préférer l'abondance de cataplasmes musicaux à la compétence de l'expertise, n'est-ce pas un aveu d'impuissance ?" La réponse est dans la question. (Et encore, on ne vous parle pas de la malle à inédits planquée au grenier...)
RAISON N° 5 : SES CONCERTS. Avez-vous déjà vu JLM sur scène ? Non ? Quelle chance ! Vous n'imaginez pas à quoi vous avez échappé. Patrice Delbourg dresse un portrait précis de l'artiste en live : "Peu bavard sur les rares scènes qu'il consent à ses affidés, à la limite du coup du mépris pour les premiers rangs, il affirme chanter 'comme on fait un strip-tease'. Sorte de culbuto introverti, Zavatta narcissique, hésitant entre l'amour de soi, la rumination de soi et la délectation de soi". De fait, si les disques de Murat vous endorment (cf. point 3), ce ne sont pas ses concerts qui vous réveilleront. Dès 1993, Josée Barnérias rebaptisait JLM "le mou chantant" et confiait ses impressions de spectatrice en ces termes : "Lorsque le chanteur gratifie son public d'un 'merci beaucoup' languide en réprimant un baîllement, on se dit que la prochaine fois on apportera le café et les croissants." Et qu'en disait à l'époque le principal intéressé ? "J'ai répété sept semaines avec les musiciens, assis sur un tabouret. Puis je me suis emmerdé six mois, sur le même tabouret, à me répéter, moi". Vu ainsi… À la décharge de l'auteur de "Rouge est mon sommeil", il faut préciser que cette tournée était sa première véritable. Depuis, il a forcément progressé. Ou pas. Témoignage de Michel Kemper, docteur ès chanson française : "Un concert de Murat est-il préférable quand on connaît son Murat par cœur, sur le bout des lèvres ou faudrait-il, comme un opéra italien, donner la traduction du livret à l'entrée ? [...] On aimerait comprendre le texte pour moitié bouffé par la voix du chanteur, pour l'autre absorbé par le son. Au final nous n'avons qu'une monotonie irritante, agressive car forte, et hypnotique.""Languide", "hypnotique", on n'en sort pas… Patrick Ehme puisait dans le même champ lexical en 2015, dans son compte rendu pour La Montagne, lorsqu'il décrivait "cette voix lancinante proche de la léthargie" et regrettait que "chez Murat, les révoltes comme les douleurs semblent devoir rester monocordes à défaut de ne pouvoir rester muettes." Alors bien sûr, parmi les milliers de spectateurs qui ont assisté aux prestations de JLM depuis ses débuts, vous en trouverez inévitablement trois ou quatre qui auront eu droit à une performance honorable, un soir de fortune, aussi rare qu'un bon match de Paul-Henry Mathieu. Mais même un fan comme Yann Giraud devait reconnaître en 2009 que l'artiste qu'il admirait était sur le déclin : "Jouant soir après soir les mêmes morceaux usés et abusés, vestiges d'une gloire pas si lointaine ou d'un présent moins glorieux, accumulant les plans de guitare les plus éculés, chantant avec peu de conviction, il n'est plus que l'ombre du show-man qu'il était". Les vestiges du KO, en somme. (Et encore, on ne vous parle pas du Tristan Tour...).
RAISON N° 6 : SES DUOS. C'est bien connu, le talent consiste aussi à savoir bien s'entourer. Tout naturellement, au long d'une carrière de plus de trente années, JLM aura eu l'occasion de chanter avec des collègues et d'enregistrer plusieurs duos. Malheureusement, dans ce secteur non plus, le résultat n'est pas à la hauteur des espoirs. À l'origine de tout, il y a d'abord ce que Delbourg nomme "un duo risible avec Mylène Farmer – 'vilaine fermière' pour les intimes." Collaboration matrice que Thierry Séchan décrivait alors de la façon suivante : "Mylène égrène sa mélancolie. Récemment, elle a rencontré Jean-Louis Murat, son pendant masculin. Ensemble, ils ont enregistré Regrets. Pour le tournage du clip, Boutonnat leur a trouvé un beau cimetière. Mylène Murat, Jean-Louis Farmer. Ils s'aiment. Ils ne se quittent plus. Pendant que Jean-Louis enregistre du silence, Mylène apprend des grimaces à ses vieux singes. Ils s'emmerdent un peu, mais c'est la vie, hein ? Vivement la mort, qu'on se couche." Après un aussi piteux démarrage, il était sans doute inévitable que Murat s'enlisât. On eut donc droit à "une merde prétentieuse où il duettise avec Isabelle Huppert sur des poèmes signés Madame Deshoulières" [dixit Jean-Vic Chapus], au "chant sans saveur aucune de Morgane" sur Charles et Léo [Yann Giraud], à "des duos atones avec la femme en cour du moment, la murmurante Carla Bruni" [Patrice Delbourg], laquelle usait et abusait de ses "minauderies de voix proprement insupportable[s]" [Giraud encore], à des prestations répétées en compagnie de Camille et de ses "tics vocaux et autres feulements qui ne le sont pas moins" [Giraud toujours], enfin, tout récemment, à "un assez médiocre dialogue vocal avec la (jamais négligée, mais assez négligeable) chanteuse Rose" [Rocky Brokenbrain]. De là à en déduire que la médiocrité de Murat serait contagieuse... Si tel était le cas, ne lui resterait plus alors qu'à s'en tenir à des duos… avec lui-même, comme sur "Amour n'est pas querelle". (Et encore, on ne vous parle pas de la choriste de Taormina...).
RAISON N° 7 : SES INTERVIEWS (AUTREFOIS). Il y eut une époque où les entretiens que Murat accordait à la presse n'étaient pas particulièrement drôles – ou alors, ce n'était pas fait exprès. En ce temps-là, Thierry Séchan pouvait écrire ces mots qui surprendraient aujourd'hui : "Inquiétant en diable, ce Murat-Bergheaud, car d'un sérieux papal. Jamais l'on ne trouvera chez lui la plus infime touche d'humour, trace d'ironie." L'ironie, l'auteur de Nos amis les chanteurs pouvait donc en user avec délectation contre un personnage aussi maussade : "La dernière fois qu'on l'a vu sourire, Jean-Louis, c'était à l'âge de 3 ans, le jour où il apprit que les hommes étaient mortels." Le surnom dont il l'avait affublé de "Zavatta auvergnat" faisait donc moins référence à son sens de l'humour (inexistant) qu'à ses "déclarations débilo-mégalo dans les médias", comme l'expliquera plus tard un autre Séchan, Renaud. En ce début des années 90, Delbourg décrivait JLM en "prince de l'autocomplaisance", image qui inspirera bien après au chroniqueur Guy Carlier la définition suivante : "Murat Jean-Louis : Comment réussir dans la vie quand on est con et pleurnichard." Mais déjà, la perspicace Josée Barnérias sentait poindre sur scène un (petit) début de (minuscule) quelque chose : "c'est vrai qu'il est drôle, même s'il a encore besoin de quelques cours du soir pour devenir un vrai boute-en-train professionnel." Et justement, JLM prit des cours du soir et acquit une telle puissance comique que certains devinrent des inconditionnels... de ses interviews. Arnaud Viviant, par exemple, confessait en 2002 dans Les Inrockuptibles : "Avec le temps, on a fini par préférer ses interviews à ses albums". Un autre Arnaud, Laporte, exprimera un goût similaire dix ans plus tard, sur France Culture : "Je préfère effectivement le Murat interviewé que le Murat chantant." Comme le note Delbourg, "à défaut du sens du riff, il a celui de la formule désagréable qui fait mouche. [...] À se demander s'il n'a pas loupé sa vocation : bonimenteur de champ de foire." Murat aurait-il enfin trouvé son domaine d'excellence ? Hélas, les choses sont plus compliquées : si la situation a effectivement évolué, c'est pour... se dégrader ! (Et encore, on ne vous parle pas de la vaisselle avec Bayon...).
RAISON N° 8 : SES INTERVIEWS (MAINTENANT). Bien sûr, n'est pas Devos ou Desproges qui veut et pour le commun des mortels, Patrick Sébastien paraît plus accessible. Christophe Conte ose la comparaison : "Le lichen rare qui nourrissait autrefois ta prose terreuse et boisée t'aurait donc peu à peu transformé en petit bonhomme en mousse ?" Mais chez Murat, le sourire se change vite en grimace et l'on ne fait pas longtemps tourner les serviettes. Michel Kemper s'en offusque : "Chaque interview de Murat, depuis toujours, nous amène son lot de relatives ignominies : Murat n'aime personne si ce n'est lui, et encore. [...] Certes c'est pas Sartre, mais ça tient quand même parfois de la nausée, formules assassines et méchantes d'un qui se la pète plus haut que les volcans de son Auvergne." Même le doux Vincent Josse en vient à prendre en grippe "ce personnage éructant" qui déverse "un vomi médiatique au vernis libertaire", au point de suggérer un "boycott de la vulgarité et de l'aigreur" ! Alors certes, JLM ne donne pas dans la langue de bois, c'est une qualité qu'on peut lui reconnaître, mais comme le dit Renaud : "Si ta sincérité se résume aux conneries que tu balances, je me demande si je ne préfère pas l'hypocrisie." D'autant que, comme le fait fort justement remarquer Vincent Delerm, "tirer sur tout ce qui bouge, c'est un truc que l'on peut se permettre quand on fait des choses parfaites, ce qui n'est pas son cas." Et Delbourg de se ranger plutôt du côté d'une autre forte personnalité : "Dans le domaine de la déréliction crépusculaire, on est libre de lui préférer l'univers de Bashung. Plus de classe. Moins frelaté et tellement plus élégant dans le déjantage." Si bien qu'on est tenté d'en revenir à Patrick Sébastien pour lancer à Murat : "Ah... Si tu pouvais fermer ta gueule...". (Et encore, on ne vous parle du resto avec Olivier Malnuit...).
RAISON N° 9 : SON CARACTÈRE. Il est inévitable d'en arriver à évoquer le tempérament d'un artiste qui suscite autant d'irritation. Et l'on comprendra sans mal qu'une grande partie des problèmes vienne de là. Delbourg réussit le mieux à cerner ce mélange explosif de narcissisme et de misanthropie. Le narcissisme, d'abord : "Le chanteur se fait une montagne (plutôt un puy) de sa petite personne et veut montrer à qui en douterait qu'il en a. Quoi, au fait ? De la morgue, de l'indélicatesse ou de la balourdise à revendre ?". Un sentiment auquel vient se mêler la détestation des autres : "Allergique à la planète, à ses contemporains, mais toujours très inquiet du retour de sa propre image. Dans son miroir, le matin, l'ermite hirsute se veut prédateur, revêche et irréconciliable avec ses pairs. Le pari est gagné." Cette attitude n'est pas nouvelle et Jean-Bernard Hébey se rappelle son ancien ami, tel qu'il était déjà à trente ans : "Il avait un caractère de cochon : il savait tout, il connaissait tout, on ne pouvait rien lui dire, rien lui apprendre…" Il n'a dès lors pas assez de qualificatifs élogieux pour louer ce caractère délicat : "Il est insupportable", "le mec est ingérable", "chieur !", "c'est un beauf", "il est cinglé, de toute façon"... La réputation de Murat est ainsi devenue quasiment proverbiale du côté de la capitale de sa région natale : "Tu sais que t'es de Clermont quand tu croises Jean Louis Murat complètement pété en terrasse du Café des Beaux Arts et que tu crains soudainement pour ta vie". Michel Kemper n'est pas clermontois, mais en fin psychologue, il a bien cerné lui aussi le personnage, dont il dessine un portrait tout en nuances, quelque part entre Marc Dutroux et Mohammed Merah : "Murat est un loup solitaire qui haït le genre humain et le lui fait bien sentir, un asocial qui n'a pas assez de formules assassines pour ses congénères (à plus forte raison s'ils sont chanteurs et qu'ils ont réussi), d'une prétention, d'une suffisance sans bornes." Et ce sont précisément ses collègues chanteurs qui parlent le mieux du cas Murat. Benjamin Biolay s'interroge : "Pourquoi tant d’aigreur ? Le syndrome de l’artiste à la campagne, c’est un truc terrible à la longue… Un destin à la Shining assuré." Dominique A, lui, établit un constat attristé : "Personne ne fait plus de tort à son travail que lui, à force de la ramener, de jugements à l'emporte-pièce." Quant à Renaud, l'une de ses cibles favorites, il n'y va pas par quatre chemins et s'adresse directement à son confrère : "Essayer de plaire à tout le monde en n'adhérant surtout pas à des causes qui divisent, fuir celles qui rassemblent afin de se la jouer 'vrai rebelle' et distribuer de temps à autre, du haut de ta suffisance, les bons ou mauvais points à tel ou tel artiste. Quand cesseras-tu de les jalouser tous, les juger tous, les cataloguer tous ?" Au final, Murat ne réussit qu'à faire le vide autour de lui. Et Delbourg de commenter : "Le dandy agreste et arrogant subjugue les nouveaux venus, puis bassine tous ceux qui s'attardent en sa compagnie." (Et encore, on ne vous parle pas des cochons qu'il tuait à l'Opinel quand il était enfant...).
"La méthode charcutière a du bon" chante Murat. On retrouve donc ici
le "Boucher d'Orcival" dans son élément : un abattoir.
RAISON N° 10 : SES SOUTIENS. À survoler ainsi les mille et une tares de JLM, une question émerge pourtant : comment se peut-il qu'une personne aussi dépourvue de qualités (tant artistiques qu'humaines) ait pu accomplir ce qui ressemble, bon an mal an, à une carrière ? La réponse est simple : l'homme a ses inconditionnels. Malheureusement, s'ils lui permettent de vendre encore quelques disques et de se produire ici ou là, ils ne valent guère mieux que lui. "Jean-Louis Murat a pour fidèle attachée de presse l'espace culturel du journal Libération. À la moindre rage de dents, la moindre note d'électricité, un article pointe dans les pages 'musique'." Delbourg mentionne ici Libé, mais il aurait tout aussi bien pu citer Les Inrocks ou Télérama, "ces médias crétins-sectaires prétendument arbitres du bon goût musical", selon Renaud. Il est exact que JLM paraît bénéficier auprès de certains organes de presse d'une quasi-immunité. Chapus s'en amuse : "Tant qu'il y aura des sérieux pour prendre pour parole divine ses élucubrations, notre clown du Massif Central pourra toujours se serrer de la meuf." Sur un ton comparable, Goffette remarque que Murat se trouve "immédiatement adulé par la presse à tics qu'est toc (Inrocks et Magic), presse qui s'empresse de placer haut dans les cieux la pop floutée et truqueuse de ce beau parleur manipulateur". D'ailleurs, Hébey n'en revient toujours pas : "C'est la plus grosse bulle qui ait jamais existé sur un mec qui n'a jamais plu au public. Jamais, jamais, jamais."
Pourtant, il se trompe sur un point : Murat dispose bien d'un (petit) public. Mais alors quel public… Olivier Lamm affiche à son endroit une méfiance de bon aloi : "J'ai toujours un peu peur des fans de Murat, pour moi c'est comme les fans de Thiéfaine en fait, c'est des gens, on a l'impression qu'ils ont trouvé leur héros ultime et on a envie de les prendre par la main comme ça, de les faire voyager un peu plus loin". De tels jugements peuvent d'ailleurs s'entendre dans la bouche de proches du chanteur, lesquels semblent parfois penser qu'il est "dur d'être aimé par des cons". Il faut dire qu'entre celle qui passe son temps à faire de la psychanalyse sauvage avec les textes de l'artiste, cet autre qui pond des articles de trente mille signes où il projette sur son idole ses propres obsessions à coups de phrases interminables ou encore celui qui lui cire les pompes à longueur de site tout en se prétendant totalement objectif, Murat n'est pas gâté. Quant au fanzine en ligne de celui qu'un musicien clermontois appelait un jour "l'autre con de Pierrot", il mériterait à lui seul un onzième point... Mais n'en jetons plus, la coupe est pleine – et l'on sait qu'elle est loin des lèvres. (Et encore, on ne vous a pas parlé des bêtises de Cambrai...).
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SOURCES : Les citations de Patrice Delbourg (dont le texte nous a inspiré l'idée de cet article) sont extraites de son livre Les Funambules de la ritournelle. Cent fous chantants sur le fil, paru en 2013, aux Éditions Écriture. Entre exercices d'admiration et caricatures vitriolées, tout amateur de chanson française devrait éprouver du plaisir à parcourir cet ouvrage. Les citations de Thierry Séchan proviennent de sa série d'essais satiriques Nos amis les chanteurs, Nos amis les chanteurs 2. Le retour et Nos amis les chanteurs 3. La totale, tous parus aux éditions Les Belles Lettres, respectivement en 1992, 1994 et 1995. Les citations de Dominique A et de Jean-Bernard Hébey sont tirées du livre de Sébastien Bataille, Jean-Louis Murat. Coups de tête, publié aux Éditions Carpentier, en 2015. Les sources des autres citations utilisées dans l'article sont indiquées ci-dessous, par ordre d'apparition et précédées des initiales du locuteur (l'origine des dessins est signalée en mauve) :
Nota Bene : Si certaines des personnes citées ci-dessus ne pensent effectivement pas beaucoup de bien de Jean-Louis Murat (Delbourg, Séchan, Sibille, etc.), d'autres ont à son sujet une opinion nettement plus favorable, dont nous n'avons volontairement retenu ici que le versant négatif – l'idée étant de faire feu de tout bois. Cette compilation ne prétend en aucun cas fournir un aperçu représentatif de la pensée de tel ou tel sur JLM. Précisons enfin que certaines citations sont tirées de textes écrits et publiés, tandis que d'autres le sont d'interventions orales, souvent en direct, ce qui explique les différences de niveau de langue pouvant exister entre les propos des uns et des autres.
Dans la livraison d'A DECOUVRIR ABSOLUMENT (40e compilation cette fois-ci constituée de reprises), et après le Tribute to MUSTANGO (qu'il faut aller écouter si vous ne l'avez pas fait, et même acheter si vous voulez avoir une belle pochette avec mon nom dessus!), nous trouvons une reprise de Murat par Gu's Musics (Rouge est mon sommeil de Vénus). Il nous livre une version très réussie, un peu plus énergique que l'originale, avec une jolie guitare.
La compilation est téléchargeable sur le bandcamp gratuitement, meme si un petit coup de pouce au webzine est recommandé. Le prochain tribute portera sur Morrissey.
Après un parcours de musicien au sein de deux groupes de 1990 à 2004, Gérald (alias Gu’s Musics) reprend la musique à la fin de l’année 2012.
Yan Kouton, poète et romancier brestois découvre alors ces premières chansons…
Quelques échanges de mails suffisent à nouer un début de complicité entre ces deux âmes sensibles.Une relation d’amitié forte se créé de sorte que ces deux talents décident de collaborer ensemble.Sur une proposition du site A découvrir absolument, Yan Kouton écrit six poèmes.
Six textes rédigés sur-mesure qui composeront le corps de la chanson « Silence ». La plume et le verbe du brestois se marient à merveille avec l’univers fort et impressionniste de Gérald.
Gu’s Musics : « Nous nous nourrissons l’un de l’autre pour créer, lui écrire les mots de musique et moi composer la musique de ses mots ». « Depuis ce titre, nous travaillons ensemble, je compose mes chansons à partir de ses textes qu’il écrit pour moi, sur-mesure. ». Ces collaborations fructueuses aboutissent à l’écriture d’un premier album : Aquaplaning [nom déjà utilisé par Rogojine les copains de Murat]. Huit titres réalisés entièrement à la maison, d’un rock sombre, mélodique et puissant. Sur des lignes d’accords épurées, Gérald bâti de véritables cathédrales sonores. Huit chansons à la tonalité intime et forte avec lesquelles Gu’s Musics s’adresse directement à son auditeur.
Début novembre 2014, le disque voit le jour d’abord en ligne puis en vente sous sa forme physique (cd digipack). Face à son succès, Gu’s Musics décide de chercher des musiciens afin de donner vie sur scène à ses chansons.
A l’écoute d’Aquaplaning j’ai ressenti des inspirations du coté de Jean-Louis Murat ou Rodolphe Burger. Des artistes qui te touchent ? Oui j’aime bien leur travail et ces deux-là reviennent souvent quand on cherche à me rapprocher de quelques références. Mais la meilleure description, je l’ai eue il y a une semaine on m’a présenté comme le « Joe Dassin indé », ça m’a beaucoup plu …
Gu's écrit actuellement son 2e album. Il recherche des partenaires (label/éditeur/tourneur) pour l''accompagner et l'aider au développement. Un des nouveaux titres en écoute:
En écoute sur soundcloud, d'autres reprises (Jean Bart) et des extraits du premier album.
LE LIEN EN PLUS PAS INDISPENSABLE (MAIS C'EST CE QUI FAIT LE PRINCIPE DU LIEN EN PLUS)
Je parlais à Séverin de la reprise de Murat d'une chanson de Jobim il y a quelques jours (bon il faut que je retranscrive maintenant)... et je suis tombé sur cette vidéo un peu étonnante. Il parait que Murat fait cet effet-là à certaines personnes:
C'est le calme plat du côté de Murat... mais voilà quand même quelques informations:
1) Bilan des ventes MORITURI : ventes en sortie de caisse (classement gfk officiel) pour la FRANCE.
Bon, j'aurais dû faire un tableau récapitulatif avec tous les disques depuis le temps que je me fais chier pour retrouver les infos... mais je ne l'ai pas fait... Donc, ça sera encore de bric et de broc au niveau présentation:
MORITURI est donc resté 10 semaines dans le classement, ce qui me permet de connaitre les ventes sur cette période: 7300 seulement. Par comparaison, on avait compté sur le même classement : plus de 17 500 ventes pour Babel (sans la Belgique et la Suisse donc, ni les ventes de Jocelyne).
2455 la première semaine (18e)/955/707/488/341/ 340 (10 téléchargement cette semaine là en sus)/235/214/261 (semaine du 17 au 23 juin). Sur les téléchargements, sur 5 semaines de présence dans les meilleures ventes dans cette catégorie, j'ai un chiffre de 487 ventes.
On constate que les albums de Murat se maintiennent toujours dans le classement entre 7 et 10 semaines (c'est peu quand on voit ce qui l'y traine depuis des mois et des mois).
Tout cela est bien sûr bien décevant... et on pouvait s'attendre à un nouveau single pour relancer un peu de promo, mais on ne le voit pas venir.... Dommage pour un si bel album... qui pouvait de plus "raisonner" de manière particulière...
"Impossible, si l'on veut être sérieux, d'échapper au nouveau Murat quand le gars sort un disque. JLM fait partie des rares artistes qui survolent, d'un simple bond, le poulailler de la chanson française. La force de Murat, c'est que, même sans l'adorer, on ne peut qu'admirer son parcours, son opiniâtre détresse, et tomber sous le charme de sa voix. La plus belle du pays. Pensante. Et voluptueuse. Alors bien sûr certaines chansons de MORITURI s'égouttent, comme d'autres, quelque peu malmenées par un batteur tchouc tchouc tchouc qui semble tourner la mayonnaise. Mais écoutez La pharmacienne d'Yvetot ! «Sont-ce bien là raison ma mie… / Pour chialer dans la cuisine?» Partez en balade avec Le chant du coucou : «Je marchais vers les bruyères / Au loin guettait le taureau / Cornes prises dans la lumière...» C'est du Murat! Hors série. Plongez en France profonde maintenant, ouvrez les yeux, vous y verrez Tous mourus". la suite à lire ici
3) Un petit clin d'oeil à Murat dans le 24 Heures suisse (on connait ses classiques là-bas) dans un article sur Arkangelk:
"L’ambiance est marrante à défaut d’être très chaude. «Vous parlerez des spectacles et pas des trous dans les routes!» intime Victor Panov. Promis… Sans aller jusqu’à entonner avec Jean-Louis Murat: «Si tu retournes à Arkhangelsk, moi je me casse sous Périclès», on ne va peut-être pas y revenir tout de suite en vacances. Mais dans quelques années? (24 heures)"
4) Sur un blog à vocation littéraire sous forme de journal, JL Bitton nous parle d'une petite anecdote qui me ravit, moi qui compile les petites infos concernant Murat et Manset.
"ACTE 1
Depuis quelques années, Guillaume D. organise des dîners dans la grande tradition dix-neuviémiste du salon littéraire et artistique. On y croise musiciens, écrivains, connus ou méconnus, mais également des lecteurs, collectionneurs et passionnés. Je ne suis pas très friand de ce qu'on appelle les dîners en ville, qui sont la plupart du temps ennuyeux et prétentieux, mais chez Guillaume D., la simplicité est de rigueur, ses dîners sont sans chichi ni falbala. Il y a quelques invités récurrents comme le voyageur solitaire Gérard Manset : "- Que pensez-vous de Jean-Louis Murat, Gérard? - Nos univers sont proches, mais lui est vraiment triste."
Gégé se prendrait-il pour un guignol? Cela me rappelle quand il parlait dans Paris-Match de Murat : Le seul qui m'ait donné une sensation d'auteur-compositeur ces trentes dernières années, c'est Renaud. Lui au moins apportait quelque chose, il était neuf. Tous les matins, il avait une idée, une chanson, un truc. Dans le même genre, il y a Jean-Louis Murat, mais qui peut le suivre dans son repli problématique et volontaire".
Quand Manset parle de Murat, il a peut-être tendance à parler de lui-même?
Avant de revenir à du Murat, je vous parle de mon 3e concert de la semaine.... et finalement dernier (je renonce à John Mac Laughlin mercredi... peu inspiré par le jazz fusion, et à du Earth Wind and Fire ce vendredi, pour cause de pluie et d'orage).
J'ai de toute évidence cherché à prolonger ce bon moment en rédigeant l'article et en cherchant à en savoir plus sur le net.
Il s'agissait de Christopher Cross dans le cadre des Estivales en Savoie à Chambéry mardi 19 juillet. J'ai hésité un moment avec Dick Annegarn en Chartreuse... mais j'avais envie d'aller écouter "ride like the wind", un titre que j'ai toujours beaucoup aimé, un tube de mon enfance, comme Hotel california. C'est à peu près la seule chose que je connaissais du chanteur... qui traine une image pas glorieuse en France et aux Etats-Unis. Rolling stone le classe dans sa "short history of the Grammys' most bizarre honor". Même Jon Bon Jovi (ah, c'est l’hôpital qui se moque de la charité!) a dit:
Souffrez-vous de ne pas être reconnu par la critique ?
" Plus maintenant, j’ai dépassé ce stade. J’ai un Grammy, un Golden Globe, une nomination aux Oscars. On ne vend pas un seul billet avec ces symboles de la reconnaissance. Vous vous souvenez de Christopher Cross ? Il a raflé tous les Grammys en 1980. Le temps de prendre la photo et le type avait disparu pour toujours". (moi, je me rappelle que Springsteen avait invité Bon Jovi à chanter un titre avec lui un soir à Lyon... et à peu près personne ne l'a reconnu.)
On trouve vraiment peu d'interview sur le net en français de Cross, mais j'ai trouvé ceci:
Le pire souvenir de musicien a été quand je parlais à un journaliste pour un magazine de variété à Los Angeles qui m’a dit que la presse pensait que les deux pires récompenses des Grammy étaient Milly Vanilly et… moi ![...] Je respecte beaucoup la presse et en particulier la presse écrite comme je te l’ai dit ! Et le fait que cette affirmation vienne d’un journaliste de presse écrite m’a beaucoup touché ! J’ai écrit et chanté toutes ces chansons et même si je n’ai pas gagné face à un album comme "Sergent Pepper’s", j’ai quand même gagné une récompense cette année-là en face des plus gros albums jamais enregistrés par des artistes comme Pink Floyd ou Sinatra… Mais c’est surtout que je pense que c’est injuste parce que au-delà du succès que j’ai pu avoir par la suite, j’ai quand même ces chansons, ce n’est pas le cas de Milly Vanilly !
C’est vraiment le moment le plus sombre parce que je disais : "Mince, les gens de la presse pensent ça !". C’était déprimant ! " interview complète (à noter: Murat apprécie certains groupes qui peuvent parfois faire l'objet de la détestation snob: JethroTull, Eagles, ZZ top ou Family).
L'homme Cross donne ainsi une image assez sympathique, simple, notamment en allant jouer avec des français dans une tournée en bus ("autour de la guitare" avec Félix Lalanne en 2015)... alors qu'il devrait pouvoir rester sur le bord de sa piscine (même s'il a connu un divorce après plus de 15 ans de mariage... et qu'il a perdu la moitié de son argent). A lire aussi du côté de RTL, "la saga Christopher Cross".
Bon, on ne parlera pas des oeuvres complètes de Cross, une variété américaine souvent si mal exportable, mais je voulais signaler que ses goûts et ses influences correspondent à une partie de ce que Murat a écouté, Joni Mitchell en tête (on peut parler de passion).
J'ai commencé à jouer de la batterie à l'âge de dix ans. Au départ, j'aimais beaucoup le jazz, des gens comme Dave Brubeck, Miles Davies, Art Tatum et Oscar Peterson. Et puis vers quinze ans, je me suis mis à la guitare. Mes premières influences ont été Buddy Holly, les Everly Brothers et puis bien sûr, les groupes anglais, John Lennon et Paul McCartney. J'ai aussi été influencé par Brian Wilson pour l'écriture et par Carl Wilson pour le chant. Mais je crois que ma plus grande influence, c'est Joni Mitchell. J'ai toujours suivi sa carrière. J'aime aussi Randy Newman, Leonard Cohen, Bob Dylan, Tom Waits, tous les grands auteurs compositeurs, ceux dont tout le monde s'inspire."
D'ailleurs, il a chanté à Chambéry une nouvelle chanson inspirée de la vie de Joni (un titre extrait d'un projet plus large d'après ce que j'ai compris - un américain que j'arrive à comprendre - bon... à 60%- quand il parle, c'est énorme). Un autre rapprochement: il a commencé sa carrière à 30 ans... Il a mis des années à convaincre Warner de le signer, alors qu'il jouait dans les bars 6 soirs par semaine durant des années.
Mais revenons en arrière: mardi soir, bonne chaleur, idée d'écouter "ride like the wind"...j'en étais là... Les estivales en Savoie sont organisés par le Département dans l'enceinte du château des Ducs... qui regroupe aujourd'hui, la Préfecture et le Conseil départemental. Autant vous dire que ce n'est pas la fête à Neuneu, même si c'est gratuit.... Pas de buvette et gros filtrage à l'année. Les places assises (un tout petit millier) sont toutes occupées 45 minutes avant le concert, mais les gens restent debout sur les côtés ou vont s'assoir sur une petite bande de pelouse sur le côté). La jauge montera à 2 000 si j'en crois le Dauphiné Lib.
Étant arrivé dans les premiers, je prends une chaise au premier rang, juste devant le micro. Pour pouvoir venir avec un appareil photo, j'ai tenté de me faire accréditer ... mais seule la presse professionnelle peut l'être (aucune retombée internet du coup sur cette soirée!).
En fond de scène, la sainte chapelle (gothique flamboyant, qui va flamboyer de lumière durant le set).
Cross n'a pas fait le voyage avec ses musiciens américains, mais seulement avec ses deux choristes from Nashville: Marcia Ramirez (dont le sourire fait plaisir à voir, site officiel) et Kim Parent. Elles ne me convainquent pas tout à fait bien que Cross les emploient beaucoup (notamment pour chanter certaines de ses parties). Le clavier-saxophoniste est un habitué des tournées européennes: Andy Suzuki, et je prends un kiff sévère sur ses solos. Au premier rang, j'ai même un moment qu'il me regarde et joue pour moi. Il a jouée avec Coréa, Brubeck, Al Jarreau ou Marcus Miller.
Le reste de la bande est française... Le clavier me dit quelque chose (le batteur aussi)... Je lui demande son nom que je n'ai pas compris, à son retour sur scène après le concert : Vincent Bidal. En fait, c'était le clavier de la nouvelle star mais il fait également du jazz (groupe Sayé) et a accompagné Ayo par exemple. Le batteur s'appelle lui Francis ARNAUD, et accompagne Aznavour, Aufray et des jazzmen réputés: Eddy Louisss, Jimmy Drouillard ou encore Dany Brillant et Papillon Paravel. La basse est tenue par Kevin REVEREND. Chaque musicien a sa tablette et c'est beaucoup plus pratique que les feuilles scotchées (si vous voyez ce que je veux dire)... On voit Christopher Cross jeter quelques coups d'oeil au texte sur quelques chansons.
C'est sûr qu'il ne paye de pas mine, avec son poids d'américain moyen, sa casquette cachant une calvitie et sa tête de sosie de Sergent Garcia.... mais quand il pose ses gros doigts sur la guitare qui parait du coup toute petite, c'est impressionnant. Seul guitariste sur scène, il n'en fait pas des tonnes, mais livrent quelques solos bien maitrisés. Very good.
"Sailing" arrive rapidement et j'en ai des frissons, d'autant qu'elle est précédée par un long morceau - très beau- de piano par Vincent Bidal (plus long à Chambéry que ci-dessous). Apparemment, c'est aussi une vraie Madeleine de Proust de mon enfance. Quelle tube.
Je me rends compte que je connais d'autres chansons: "arthur's theme", pour lequel il a eu un oscar.
D'autres titres joués: "rendez-vous", pour débuter... "say you'll be mine", "I Will (Take You Forever)" il me semble (une chanson devenue un classique des mariages américains), walking in avalon, "The light is on" (avec son piano et un beau solo de guitare, puis de sax, et encore le piano) (live 2016 ) et puis"thinks of Laura": dans une partie plus acoustique (où il doit chanter un titre seul, puis rejoint petit à petit par différents membres du groupe sur d'autres titres):
"Ma petite amie à l'époque s'appelait Page. Je lui avais dédié mon deuxième album : 'Another Page'. Sa meilleure amie s'appelait Laura Carter ; elles fréquentaient la même école. Laura est morte tragiquement. Elle était en voiture avec ses parents ; ils allaient dîner. Des hommes se battaient devant un café. L'un d'entre eux a sorti une arme et a tiré. Il a manqué sa cible et quand la voiture est passée, la balle a atteint Laura et l'a tuée. Ça a été un accident horrible, d'autant qu'elle était fille unique. Ça a été terrible pour Page, une grande perte. J'ai écrit cette chanson, assis sur mon lit, en trente minutes, à Los Angeles, un hommage à la vie et à la mémoire de Laura. Parce que je ne pouvais pas me libérer et que je me sentais loin de Page. J'ai demandé aux parents de Laura si je pouvais mettre la chanson sur l'album. Ils ont accepté en disant que ça pourrait apporter du réconfort à d'autres personnes qui ont perdu quelqu'un."
Émotion particulière ce soir-là: il explique que le 19 juillet était le jour de son anniversaire...
Quand arrive le refrain d'"all right", je me dis: "mince! mais c'est de lui aussi ça!... mais la version est un peu molle du genou (comme l'an dernier à Vienne) alors que la version studio est idéale pour rouler sur les highway cheveux au vent (enfin pour les autres). On a quand même une jolie succession de solos sur le titre: piano, batterie, sax puis de guitare). Il fait chanter une partie des titres aux choristes, et c'est dommage, même si on ressent que la voix n'est pas toujours aussi juste que sur disque... et manque un peu de punch et de variation... Je suis un peu dure: en réécoutant "thinks of Laura"... je la trouve vraiment belle...
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Et puis voilà "ride like the wind"... la chanson si pratique pour servir de bande-son aux reportages télé... et là, encore, je surkiffe d'entendre en vrai cette chanson... Overdose de sucrerie. Ah, c'est bon de ne pas jouer le snob de temps en temps, une bonne dose de soft rock:
un peu plus d'ambiance à Chambéry?
Christopher joue deux titres en rappel dont... Imagine pour rendre hommage aux victimes de Nice. Ce n'est pas une chanson que j'aime beaucoup, mais il nous fait chanter... et c'est jeuuuli.... (apparemment, il a néanmoins l'habitude de la chanter: vidéo de juin dernier:
Enfin voilà, j'ai passé une excellente soirée... à écouter des excellents musiciens, une voix d'exception, et en me connectant à tant de vieilles émotions.... C'est bizarre mais Emile et Images, l'autre soir, c'était un peu moins fort comme sentiment... (même si, j'y repense, JJ. Goldman cite "un plus près des étoiles" dans son top ten de ses chansons françaises préférées.).
Quelques images animées de Chambéry pour finir... Beau succès et une partie du public continue d'applaudir un long moment pour obtenir un 2e rappel.
Encore et encore des concerts pour moi! (mais on parle un peu de Murat tout de même!)
Je vous avais annoncé la sortie du nouvel album de Silvain Vanot "Ithaque", et son écoute m'a décidé de venir le voir hier dans le cadre des "Nuits de Fourvière"... Une scène in-off dans un autre lieu appartenant au Département du Rhône : le parc de Lacroix-Laval, à la limite des Monts du Lyonnais.
Je ne savais pas que le périf nord était fermé pour travaux... et résultat: 2 heures de trajet pour y arriver... Le gratuit se mérite parfois. J'arrive donc en retard, d'autant que je dois parcourir les 600 mètres restant à faire à pied dans le parc, en boitant et en souffrant (certaines parties de mon corps n'ont pas aimé les 150 km de vtt du week-end).
J'arrive transpirant au petit chapiteau ouvert sur le côté sur une miniplace de village, et je me glisse au 2e rang.
Je n'ai pas vraiment les chansons d'Ithaque dans les oreilles, ni les plus anciennes... mais je passe un excellent moment. Vanot est accompagné de Christian Quermalet (qui figurait avec les Married Monk sur le disque "comme un seul homme" avec Murat (1998 disque pour le don d'organe). Celui-ci alterne à la batterie, à la seconde guitare, et aussi à l'hammond. On voit que le duo a bien profité de sa résidence à l'Épicerie Moderne pour peaufiner un spectacle bien construit, avec une alternance des orchestrations, des instruments... C'est parfois rugueux et épuré car avec deux musiciens sur scène... mais une succession de petites surprises éloigne toute monotonie : une petite mise en scène autour d'une sorte de théremine dont Silvain joue avec une lampe de poche, des effets électro et de guitare, une petite boucle réalisée live par Silvain avec sa guitare-bidon (une boite de biscuits en fait) au son presque banjo ou sitar, avant qu'il aille jouer du clavier, puis revienne sur la fin à la guitare pour une partie que j'ai vraiment adorée ... Sur ce titre, il me semble "Ithaque" -, on a même droit à la participation au violoncelle de Marguerite Martin, proche de Richard Robert (L'oreille absolue, ex-inrock et collaborateur des nuits de fourvière)... Elle reste également pour le suivant. D'autres instants frisent parfois l'expérimental et le noisy, m'évoquant parfois les ambiances du Mustangotour avec le son de guitare enrobé dans de l'électro. Sur un des titres de rappel ("de faute"), c'est le son de la guitare qui m'interpelle et me subjugue.
Voici pour l'enrobage... Reste le coeur, et les chansons d'Ithaque sont vraiment belles : notamment "le nom d'un autre". En écoutant le disque au retour, je suis saisi par la beauté et la justesse de la voix sur certains titres. Sur le concert, c'est plutôt la sensibilité et la fragilité qui m'ont touché, même si comme Murat parfois, les entames de phrases sont un peu lâches. On peut en tout cas profiter des textes et du sens des chansons... et de ce côté-là, c'est quand même du haut-niveau. Au retour dans la voiture, certains textes me refont penser à Gilles Vigneault qui pensait que les plus beaux vers étaient fait de monosyllabes (" le plus beau vers de la langue française. Jean Racine, dans Phèdre, écrit : « Le jour n'est pas plus pur que le fond de mon cœur. » Tout est dit en douze pieds"). On retrouve je pense une recherche d'épure et de simplicité, notamment sur Ithaque, et c'est superbe.
Enfin soit, conquis je suis.
La set-liste ci-dessous.
Tee-shirt rock and roll pour Christian, un petit style "papa d'Angus Young"
"j'ignore comment le tri s'opère mais voyez
Je suis toujours là
Loin du wagon de tête avec les indécis, ça me va"
"Je ne t'entends pas quand tu m'annonces la fin du monde, j'entends le brouhaha qui monte et gronde" ("Ma siamoise"... encore un titre à pleurer, avec un son de guitare façon sitar)
PS: Un feu fatigué, je m'éclipse après m'être fait dédicacé le disque, et ne vais pas poser LA question à Richard Robert (est-ce qu'il est possible de voir Murat un jour aux Nuits de Fourvière? peut-être via une soirée "Clermont rugit la nuit", pour fêter l'unification dans la nouvelle région? ;.) ), et ne vais pas me présenter à l'ami facebook Christiane Quermalet....
"le jour où le bateau vint, la lumière d'août brûlait ma peau
mais elle tenait ma main, le matin j'avais glissé un anneau à son doigt le plus fin
face au blanc des voiles,sur le bleu de l'eau, je sentais venir la fin"
notre photographe lyonnais culte est là. Richard Bellia
LA PRESCRIPTION EN PLUS DE RICHARD ROBERT : La nuit du blues 16 juillet
Richard Robert journaliste des Inrocks a interviewé, chroniqué Murat à plusieurs occasions. Vous trouverez ci-dessous sa chronique pour Mustango.
Il s'est rangé des voitures pour rentrer dans la banlieue dorée lyonnaise il y a quelques années, créant son webzine l'oreille absolue (il y avait partagé sa rencontre intégrale avec Manset notamment). Il collabore donc aux Nuits de Fourvière désormais. Une de ses grandes réalisations de l'année était la soirée MOONDOG à l'odéon, les amateurs d'Eicher connaissent bien ce musicien new-yorkais (le chanteur suisse était d'ailleurs des invités de cette grande soirée). Je n'y étais pas... mais je suis allé à la soirée "nuit du blues" dont il était aussi partie prenante (16 juillet). J'en dis quelques mots vite fait:
L'occasion fait le larron (et le marron; j'avais un oeil au beurre noir)... et le nom de TAJ MAHAL m'avait attiré... Prescription de Richard Robert... et de Jean-Louis Murat! C'est lui qui a inspiré à Murat le "corrina corrina" de "l'âme qu'on nous arrache" de Lilith. Et L'un des premiers disques que Murat a acheté est celui de Taj :
Oui, ça a fait un scandale dans la famille. J'avais une cousine qui se mariait. Ma mère avait donné du pognon à mon père pour me descendre le samedi après-midi à Clermont-Ferrand acheter une veste et un pantalon. J'ai fait une embrouille je suis allé dans un magasin de disques, et avec l'argent du pantalon ou de la veste, j'ai acheté Tupelo Blues de John Lee Hooker, un Janis Joplin et le premier Taj Mahal.
Autant vous dire que cette histoire remonte un peu... et qu'il est temps d'aller le voir sur scène. Il joue désormais assis et le petit déplacement vers le piano est délicat... mais la voix étonnante reste.Du pur blues, avec son Taj Mahal trio. J'espérais qu'il joue "corinna"... mais ce ne fût pas au programme. Quelques titres à la guitare métallique, puis à l'acoustique, banjo, son "petit bébé" (une mini), puis guitare électrique et aussi piano, on a droit à toute la panoplie. Ce n'est pas vraiment mon truc... mais il y a des jolis moments: notamment quand l'artiste précédant Habib Koitié vient danser avec la compagne de Taj sur Zanzibar, un titre lorgnant vers l'afrique, avec une longue mélopée tant de guitare que de voix.
Taj nous parle un peu expliquant que s'il parle un vieux français c'est qu'il l'apprend avec des québecois. Petite fausse note: l'irrespect du public qui pour une partie s'en va petit à petit (des changements de plateau un poil plus rapide auraient été biens)... même si le rappel permet enfin de se mettre debout, et d'aller se coller à la scène et d'avoir un peu de "communion".
Avant Taj Mahal, la soirée avait commencée par un hommage aux victimes des attentats et une ovation qui a duré et duré. Le saxophoniste Raphaël Imbert a poursuivi ce moment par un bel instrumental. Il a ensuite livré un set plein de groove autour de Paul Robeson, un chanteur au parcours étonnant. Des petites interventions entre les chansons nous ont permis d'en apprendre plus sur lui. J'ai vraiment adoré la prestation, avec le saxo que j'apprécie de plus en plus mais aussi des parties de guitare impressionnantes et la jolie voix de la chanteuse Marion Rampal. Prestation trop Courte. Raphaël Imbert New Quintet Flowers For Paul Robeson"
Eric Bibb (filleul de Robeson!) & Habib Koité sont arrivés ensuite pour une rencontre New-York - Mali, à la recherche des sources du blues. Pour moi, c'est l'occasion de repenser à l'album "africain" que Murat aurait pu faire (projet avorté). Jolie rencontre, très édifiante. Plus d'infos.
La bonne humeur d'Habit Koitié faisait plaisir à voir, notamment quand il a raconté qu'à Bamako, on ne le croira jamais s'il raconte qu'il était à Lyon hier (il fait l'aller-retour pour le concert). .
Ou comment Murat, tout au long de sa discographie, a peu à peu sorti sa musique de sa simple condition de décor, pour en faire finalement sur Mustango un espace vivant, cultivable : son Amérique à lui.
Par Richard Robert
Le parcours discographique de Jean-Louis Murat ? Celui d'un trouvère. Des allées et venues de chanteur itinérant, pas franchement fixé - ni sur son art ni sur son sort. D'album en album, Murat donne l'impression de flotter : son ancre chasse. Des disques comme Le Manteau de pluie et Dolorès, où certains l'ont cru sédentarisé, n'ont été finalement que des étapes. Des passages plus sûrs, des gués où il a eu un peu plus pied. Plus tard, on l'a croisé ailleurs, un peu plus avancé, mais toujours pas arrivé. Car la vocation du trouvère n'est pas de trouver - un point d'attache, un toit à soi - mais bien de chercher sans fin, de quêter une étoile inaccessible, de battre infatigablement le pays, jusqu'à s'égarer parfois.
Dans l'arbre généalogique de la chanson française, Murat appartient à une sorte de rameau brisé, ou à une souche séparée dont les rejets disparates pourraient s'appeler Alain Bashung, Dick Annegarn, Gérard Manset, Rodolphe Burger ou Silvain Vanot. Autant de cousins lointains, trop occupés à se dégager des voies personnelles pour s'enclore dans un lieu commun et qui forment comme une diaspora musicale au sein même de l'Hexagone.
S'il est une exception française dans le domaine de la chanson populaire, c'est sans doute à cette cohorte d'exilés de l'intérieur qu'on la doit. Et à cet inconfort particulier que tous ont pu éprouver, dans un pays où les ressources poétiques sont intactes mais où le sous-sol musical s'est irrévocablement appauvri : un pays même pas fichu de sauver son blues à lui, de maintenir ses traditions autrement que dans la gangue sèche et puante du folklore.
Nomades forcés, ces chercheurs d'or sonore, de souffle et d'espace ont, un jour ou l'autre, fatalement lorgné du côté de l'Amérique. Une Amérique non littérale, recomposée, dont ils se sont abstenus de singer les codes. Une Amérique intérieure, même, ralliée en creusant des tunnels imaginaires, dont ils ont voulu atteindre les grandes prairies par des trajets clandestins et les hautes plaines par des défilés tordus. "Comme des exilés s'en vont d'un pas traînard / Cherchant le soleil rare et remuant les lèvres ", écrivait Baudelaire dans Réversibilité. Des phrases que Murat reprendra à son compte dans son album Dolorès.
La conquête de son Far West personnel, le Français l'a ainsi engagée bien avant d'enregistrer Mustango entre New York et Tucson. Mais il l'a souvent entreprise de manière plus ambiguë et désordonnée. Pendant longtemps, Murat n'a paru accorder à la musique qu'un simple rôle de support, décor plus ou moins chiadé devant lequel sa voix, ses textes et ses innombrables états d'âme occupaient sans partage les premiers rôles. Dans Cheyenne autumn (89) et Le Manteau de pluie (91), les climats sonores sont ainsi calqués sur la météo intime du bonhomme, les chansons habillées en fonction de sa température interne - basse, en général.
Certaines parties de Cheyenne autumn, avec leurs arrangements synthétiques sous-vitaminés, ont aujourd'hui l'air de vieilles barquettes oubliées au fond du congel new-wave. Plus léché, l'impressionniste Manteau de pluie propose une collection de chansons fumigènes, devant lesquelles se découpe mieux que jamais la gueule d'atmosphère de Murat. Voix déposée au creux de l'oreille, usage lancinant du mid-tempo, songwriting simplissime et à la limite du chichiteux, arsenic mélancolique : le genre de disque à l'écoute duquel on se laisse volontiers engourdir et envoûter, en sachant pertinemment qu'il soulève peu d'enjeux esthétiques.
C'est par la suite que Murat semble réellement placer son identité musicale au premier rang de ses préoccupations. Son problème, alors, est simple : que faire lorsqu'on est chanteur et français, qu'on s'est toujours senti proche de Neil Young, Leonard Cohen, John Lee Hooker ou Bob Dylan et qu'on ne peut plus le cacher ? Se sommant de répondre vite fait à cette question, l'Auvergnat enregistre Vénus (93) en huit jours : traduction française plutôt convaincante du country-rock, l'album entraîne la musique hier frigide de Murat dans les sous-bois et la dénude sans ménagement, esquisse des parallèles entre les chants de la terre américaine et ses complaintes frustes de bougnat boudeur.
A la suite d'une tournée où l'on entend beaucoup couiner la pedal-steel, Murat envisage de chevaucher le Crazy Horse de Neil Young, puis recule, pris par la pétoche : trop tôt, trop évident peut-être.
Revenu à ses machines et à sa solitude, il monte Dolorès (96). Plus qu'une simple parenthèse dictée par le dépit amoureux, c'est un joli chantier désenchanté où il agrège mieux que jamais la forme musicale et le fond de son âme. Au meilleur de son écriture fille de joie et sœur de chagrin, Murat signe un album qui grogne de plaisir et de douleur, sanguinaire et mielleux comme une saison des amours. La musique, extirpée de l'arrière-plan, est devenue chez lui terreau porteur, cultivable : un enjeu territorial, aiguisant ses appétits de pionnier, son désir de trouver un paradis qui lui ressemble. Mustango n'a donc pas surgi par hasard, mais à un moment où Murat a pu enfin faire son baluchon, traverser l'Atlantique, se mesurer à ses obsessions de façon moins naïve et rassembler tout ce qu'il avait exprimé jusqu'alors sous forme de pièces détachées. L'Amérique n'est plus là pour lui tendre un miroir fidèle, mais pour lui amener des analogies, des complicités, des outils. Ici, la présence de Calexico, Marc Ribot ou Elysian Fields n'est pas innocente : avec ces voyageurs qui aiment à arpenter et habiter chaque recoin de musique, Murat est parvenu à faire de Mustango un champ sonore bien concret autant qu'un espace mental et affectif. C'est un disque à la fois enrichi et aéré où les mots, moins en vedette et moins lourds de sens, se consacrent davantage à une sorte de phrasé ornemental, traits de couleur accordés à la pâte musicale.
Mustango n'est pas forcément l'album définitif de Jean-Louis Murat. Mais c'est certainement celui où il a su le mieux faire le point, où il a semblé enfin y voir plus clair et plus loin : c'est un premier vrai surplomb, d'où il peut enfin mesurer le chemin accompli, embrasser du regard les plaines déjà traversées et entrevoir sans doute quelques-unes de ses prochaines destinations.
Allez, je suis vanné de trois jours de vélo... et je bâcle - encore plus que les autres- mon dernier article sur le Vercors Music Festival: j'ai encore quelques photos à partager...
Crédit: J.Brunet- un grand merci!
On est détendu là-haut... et en bas:
Crédit: J.Brunet
Crédit: J.Brunet - les hauts-savoyards de Jack and the Giant been.
Joli blues folk d'un groupe localisé sur Annecy, tout prêt de décrocher l'intermittence...
Raphaèle L., ci-dessous, on en a déjà parlé un peu.
Crédits: J.Brunet
Et voilà Thiéfaine.... Et grande claque rock. Le groupe déchire. Le guitariste Alice Botté déjà croisé avec Higelin est d'enfer, comme le fiston d'Hubert. On ne capte pas vraiment les paroles... mais soit. Et quel ambiance sur "la fille du coupeur de joints"....
un prompteur... mais HFT ne le regarde pas vraiment du concert semble-t-il.
Le lendemain, après Séverin: Taimane (from Hawaï) met l'ambiance en mixant quelques airs connus à des compositions plus cosmiques (une chanson pour chaque planète)... avec son yukulélé. Gentil.
Crédit: J.Brunet
Et on reviendra bientôt sur le porteur d'espadrille:
SEVERIN.... Je l'ai interviewé ensuite.
En formation réduite (avec un batteur) et assurant l'ouverture de l'après-midi... il a livré un joli set, et les compositions pop bossa passent bien la barre sous cette forme épurée.
Je suis resté deux jours, la moitié du festival. L'affluence a été très bonne les jours suivants, malgré la météo plus décevante le dernier jour.
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Coup de gueule post -14 juillet, sans volonté polémique mais je me sens obligé de le dire :
J'ai interrogé le programmateur pour faire suite à mon étonnement de ne pas trouver d' "espaces partenaires" (privés), type village, montrant le peu de soutien privé sur le festival et le discours sur la recherche de financements publics (avec un festival qui a pris un jour de plus cette année). Il m'a indiqué que c'était lié à la jeunesse du festival et que ça serait étudié à l'avenir. Le fait est que mise à part l'appui important de la SPEDIDAM (60 000 euros je crois), les subventions de la Région et du Département ont été primordiales... Dans le même temps, dans un contexte de restrictions budgétaires, celles-ci ont notamment fait des choix limitant l'action en faveur de l'insertion des jeunes et des bénéficiaires du RSA... ce qui n'aide pas à promouvoir la cohésiion sociale... et prévenir la radicalisation.
Du côté de la Région, on peut parler de la suppression des Bilans de compétences, de la mesure Stage d'Expérience professionnelle et des Contrats territoriaux emploi formation (CTEF). La question est naturellement plus complexe et large que ce que j'évoque.